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CHAPITRE 3. LA RÉVÉLATION DE LA VALEUR PERSONNELLE D’AUTRUI:

3.2.2. Formes de l’amour

3.2.2.3. L’amour spirituel : sommet de l’amour humain

La troisième forme d’amour est l’amour spirituel, lequel est rattaché à la personne ainsi qu’aux valeurs spirituelles religieuses, à savoir le sacré et le profane.497 À ce sujet,

remarquons que le fait que l’amour spirituel s’oriente vers les valeurs du sacré de l’objet aimé n’entraîne pas nécessairement que ce dernier doive être un objet religieux au sens strict du terme. Il suffit que l’on soit vis-à-vis d’une personne pour être en mesure de pressentir –à l’aide de l’amour spirituel, précisément- la valeur du sacré d’autrui, puisque tout être personnel porte cette valeur de manière intrinsèque. En effet, Dieu -en tant que personne infinie- est le porteur original des valeurs spirituelles religieuses, mais toute personne finie, tout être humain -en tant qu’« icône de Dieu »498- porte également ces

valeurs, en ce sens que toute personne humaine possède une dignité inhérente, inviolable ou, dit autrement, une sacralité qui exige d’être respectée.499

Cependant, outre les raisons théologiques, il existe des raisons anthropologiques qui justifient la conception de la personne comme un être digne de respect et de révérence. À cet égard, rappelons que, d’après l’anthropologie schelerienne, la personne renvoie à la

496 Max Scheler, Nature, p. 272-273. Souligné dans l’original.

497 Dans ce dernier cas, c’est l’acte contraire à l’amour spirituel, à savoir la haine spirituelle, qui porte sur la

valeur du profane.

498 Leonardo Rodríguez Duplá, « La esencia », p. 92. Ma traduction. 499 Ibid., p. 92.

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couche la plus élevée de l’être humain, c’est-à-dire au « spiritual center of man »,500 se

trouvant donc au-dessus de la couche autant corporelle que vitale-psychique. La présence de cette dimension spirituelle-personnelle dans l’ontologie de l’homme entraîne d’ailleurs que la seule réponse, la seule attitude moralement correcte envers celui-ci est l’amour, l’attitude utilitaire étant par contre une véritable profanation501 de la personne humaine.502

En ce sens, l’amour spirituel représente la véritable perfection de l’amour pour une personne, car seule cette forme d’amour se dirige vers la dimension spirituelle ou personnelle d’autrui, étant donc supérieure à l’amour vital (sexuel) et psychique (de l’âme) ainsi qu’à d’autres variétés d’amour non-personnelles telles que l’amour de la nature, de la connaissance, etc. L’amour spirituel ou personnel possède donc une valeur morale plus haute que celle liée aux autres formes amoureuses. En effet, Scheler affirme qu’

il est certain [...] que si n’importe quel amour est un acte ayant une valeur positive, tout amour est loin d’être un acte d’une valeur morale. Citons, à titre d’exemples, l’amour de l’art, de la nature, de valeurs concrètes, etc. Tous ces actes ne sont certainement pas, d’une façon directe, du moins, des valeurs morales, bien que les valeurs qui leur sont inhérentes soient d’ordre spirituel et qu’à mesure qu’elles s’élèvent de degrés inférieurs à des degrés supérieurs, la personne dont émanent les actes en question devienne elle-même plus parfaite.

500 Wilfried Hartmann, op.cit., p. 256. Rappelons que la dimension personnelle, au sens strict, n’est pas

exclusive de l’être humain, car dans la métaphysique schelerienne la sphère de l’Absolu est également rattachée à l’idée de personne, mais il s’agit de la personne infinie, parfaite. Comme l’affirme M. Dupuy, « l’absolu est le fondement de toutes les valeurs, il est la valeur suprême, la sainteté infinie, il est essentiellement amour : impossible dès lors de ne pas le concevoir comme une personne ». Maurice Dupuy,

op.cit., p. 438-439. En ce sens, la religion, qui découle de cette sphère, n’est qu’un dialogue intime entre

personne finie et personne infinie; pour cette raison, Scheler nous dit que « the religious act [...] demands an answer, an act of reciprocity on the part of that very object to which its intention is directed. And this implies that one may only speak of ‘religion’ where the object bears a divine personal form and where revelation (in the widest sense) on the part of this personal object is what fulfils the religious act and its intention ». Max Scheler, On the eternal in man, trad. Bernard Noble, Hamden, Archon Books, 1972, p. 253. Souligné dans l’original. Nous renvoyons le lecteur à cet ouvrage pour une plus ample discussion de l’idée schelerienne de Dieu, étant donné l’approche de notre mémoire est fondamentalement anthropologique.

501 En effet, si l’amour spirituel nous permet de viser la valeur du sacré de la personne, la haine spirituelle

nous amène à la concevoir et à la traiter de manière contraire, c’est-à-dire comme un objet profane. Pour cette raison, Scheler appelle cette haine « diabolique ». Max Scheler, Nature, p. 253.

502 « Une attitude purement ‘sensible’ [ou utilitaire] à l’égard d’un homme est une attitude froide et sans

amour. C’est une attitude par laquelle nous mettons les autres hommes au service de nos perceptions sensibles, de nos besoins et, dans les cas les plus favorables, de nos jouissances. Or, il est évident qu’une pareille attitude est incompatible avec la moindre intention amoureuse à l’égard d’autrui, en tant qu’autrui », Max Scheler, Nature, p. 252.

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[...] l’amour vraiment moral, le seul amour moral, est l’amour de personne à personne.503

Bref, ce qui fait de l’amour personnel la modalité amoureuse la plus élevée possible –ontologiquement et moralement- est le fait que cet amour est le seul capable de viser la dimension la plus individuelle d’autrui, son essence la plus intime. En effet, l’amour vraiment moral n’est pas celui qui porte sur les traits non-essentiels d’une personne tels que ses qualités, œuvres, activités, etc., mais celui qui porte sur la personne elle-même, en tant qu’être spirituel, quels que soient ses attributs. Scheler fait donc la distinction entre les valeurs qui appartiennent à la personne –par exemple, telles ou telles vertus- et la valeur de

la personne comme telle.504 Il s’ensuit que l’acte d’aimer une personne pour les vertus ou qualités qu’elle porte est en fin de compte un amour relatif, voire conditionné, étant donné qu’il est dépendant d’éléments qui peuvent varier, changer ou même disparaître à un moment donné (la beauté, la bienveillance, etc.). Ainsi, seul l’amour personnel -c’est-à-dire l’amour de la personne en tant que personne- est un amour absolu, « parce qu’il ne dépend pas des changements possibles de particularités, activités et dons en question ».505

Cependant, est-ce que cela veut dire que l’amour sexuel et l’amour conjugal –en tant que prototypes de l’amour vital et psychique respectivement- ne sont pas des véritables formes d’amour ou qu’elles sont au mieux des variétés moins élevées moralement? Nous répondrions que, bien que ces deux formes d’amour puissent être considérées comme expressions vraies, authentiques de l’amour, leur qualité morale dépend de la mesure dans

503 Ibid., p. 246. Remarquons d’ailleurs que Scheler va à l’encontre de l’idée antique d’après laquelle le seul

amour véritablement moral serait l’amour du « Bien » ou, ce qui revient au même, le fait de « ‘vouloir le bien pour le bien’» (Ibid., p. 244). Effectivement, Scheler conteste cette vision en disant que l’amour du « Bien » est en fait mauvais, puisqu’il entraîne que nous aimons les hommes pour autant qu’ils soient bons et que nous les secourons seulement pour paraître bons à nos propres yeux et à ceux des autres, ce qui n’est qu’une attitude pharisaïque. Comme l’affirme Scheler, « celui qui vient en aide à un autre, non [...] parce qu’il tient au bien et au salut de la personne qu’il secourt, mais uniquement pour ‘être bon’ ; celui qui voit dans une autre personne un prétexte et une occasion d’ ‘être bon’, de ‘bien agir’, etc., - celui-là se ‘comporte’, non comme un homme vraiment bon, mais de façon à pouvoir [...] formuler sur lui-même le jugement : ‘je suis bon’ » (Ibid.). D’après la citation précédente, lorsque nous cherchons activement le bien pour le bien, celui-ci est dépourvu de toute noblesse et grandeur morale ; ainsi, le véritable bien ne se manifeste que dans le cadre d’un acte amoureux et désintéressé, dirigé vers l’objet concret porteur de valeurs et non pas vers le « Bien » en abstrait.

504« Il est des valeurs inhérentes à l’essence même de la ‘personne’ qui en est porteur et n’appartenant qu’à

une seule personne : les ‘vertus’, par exemple. Mais il y a en outre la valeur de la personne comme telle, c’est- à-dire de la personne possédant les vertus en question. L’amour ayant pour objet la valeur de la personne et, à la faveur de cette valeur, la personne réelle, est l’amour moral par excellence ». Ibid., p. 247.

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laquelle elles s’intègrent à l’amour spirituel. En effet, l’amour sexuel peut se donner conjointement avec les formes supérieures d’amour, c’est-à-dire qu’il est capable de s’engager à long terme et de manière exclusive avec la personne aimée, mais seulement lorsqu’il vise –en plus des valeurs sexuelles- les valeurs spirituelles, l’unicité de la personne d’autrui, puisque, comme l’affirme Scheler, « sans l’intuition du moi d’un individu étranger, à la faveur d’un acte d’amour spirituel, indépendant de la sphère sexuelle, l’individualisation absolue de l’amour sexuel, dans le sens de l’orientation vers un seul être, comme seule source de satisfaction, est impossible ».506 L’intégration des trois formes d’amour dans un seul objet est donc une possibilité, voire une exigence pour la perfection morale de plusieurs types de relations interpersonnelles, comme dans l’amour entre époux. Il existe par contre d’autres relations qui ne demandent pas cette intégration et dont la valeur morale est directement liée à la présence de l’amour de la personne. C’est le cas, par exemple, de l’amour entre parents et enfants : malgré les actions mauvaises ou les traits négatifs de la personnalité de ces derniers, les parents doivent être capables – comme ils le sont généralement- de voir au-delà de ces faits accidentels, tout en visant la dimension personnelle, irremplaçable de leur enfant.507 L’amour le plus élevé est donc celui capable de découvrir et d’apprécier la valeur de la personne unique d’autrui, de sorte que seul l’amour personnel « se rapproche, plein de respect et de vénération, du moi intime et absolu d’autrui ».508

En résumé, dans Nature Scheler revendique un sujet qui -notamment depuis l’émergence des sciences empiriques modernes- avait été de plus en plus négligé par la philosophie, à savoir le domaine émotionnel de l’homme. Néanmoins, notre philosophe ne

506 Ibid., p. 299; Leonardo Rodríguez Duplá, « El amor », p. 176-177. Scheler admet néanmoins que « même

sans cette intuition [de la dimension psychique et spirituelle d’autrui], l’amour sexuel est déjà un ‘amour’ » (Max Scheler, Nature, p. 299), ce qui nous met en garde contre l’interprétation d’après laquelle l’amour sexuel et psychique ne seraient pas des formes authentiques d’amour.

507 Leonardo Rodríguez Duplá, « La esencia », p. 95-96. Cela preuve que, bien que les trois formes d’amour

puissent fusionner dans certains cas, il ne faut pas perdre de vue l’indépendance entre elles. Comme le réaffirme Scheler, cette indépendance est perceptible dans le fait qu’« une seule et même personne peut être à la fois un objet de haine et d’amour, chacun de ces sentiments se rapportant à une valeur différente de cette personne. Nous pouvons, par exemple, aimer profondément un homme, sans éprouver pour lui un ‘attachement passionné’ ; plus que cela : nous pouvons l’aimer profondément, alors que toute son apparence et toutes ses manifestations vitales nous inspirent la plus profonde répugnance. Il peut arriver également qu’on éprouve pour quelqu’un un fort amour-passion (qui est plus qu’une ‘affection sensible’), sans pour cela éprouver le moindre amour pour son existence psychique, pour sa manière de sentir, pour sa personne spirituelle, avec ses intérêts, sa structure, sa culture ». Max Scheler, Nature, p. 253.

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s’intéresse pas dans cet ouvrage à tous les affects. C’est la sympathie en particulier qui retient son attention. Pourquoi? Car, d’après Scheler, la sympathie -au sens général (Sympathie)- est le fil invisible qui relie les personnes entre elles, de sorte que lorsque ce sentiment est absent ou lorsqu’une forme trompeuse de sympathie –comme la contagion affective- prend sa place, les rapports entre les hommes sont détruits ou adoptent des traits superficiels, voire pervers. En ce sens, afin de dévoiler l’authenticité de la rencontre interhumaine, toute personne qu’y prend part est appelée à répondre à la question : qu’est- ce que l’on voit lorsque l’on se trouve vis-à-vis l’autre? Celui envahi par la contagion affective demeurera aveugle à la seule présence d’autrui; l’égocentrique par contre le reconnaîtra comme un être effectivement distinct de lui-même, mais également distant, porteur d’une « existence d’ombre »509 moins précieuse que la sienne. Le scientifique et le

psychologue quant à eux ne verront dans l’autre qu’un corps ou une unité psychophysique. Toutes ces réponses ont été ici soigneusement examinées, après quoi nous pouvons conclure avec Scheler qu’ils ne sont que des approches fausses ou au mieux partielles de l’autre. On peut donc terminer ce chapitre en affirmant que la clé qui nous confère un accès authentique à autrui se trouve non pas dans le domaine scientifique-empirique, mais dans le domaine de l’émotionnel apriorique, c’est-à-dire dans les formes de sympathie en tant que sentiments intersubjectifs « purs » qui nous ouvrent les yeux aux qualités eidétiques d’autrui, celles qui constituent son être, son essence la plus profonde et réelle.

509 Ibid., p. 94.

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CONCLUSION

Dans son essai « Ordo amoris » (1914-1916), Scheler déplorait le fait qu’à l’époque moderne, les gens :

take our emotional life to consist in a series of totally blind happenings which run their course in us like any natural processes; happenings which eventually one must have a technique for managing in order to get some use from them and avoid harm. However, they do not think that we have to learn to listen to these happenings when we are considering what they « mean », what they wish to say to us, what they advise against, what their goals are, or to what they point! […] All of this has been lost in the constitution of modern man. He has no trust in, no seriousness for, what he could hear in these areas.510

La citation précédente nous renvoie à la thèse schelerienne qui a guidé notre parcours, à savoir que les sentiments ne sont pas de simples vécus d’origine psychophysique, plus ou moins intenses et variables –comme le voulait la psychologie expérimentale-, mais des actes intentionnels capables de nous révéler des vérités objectives à propos du monde et de l’homme, idée déjà évoquée par penseurs tels qu’Augustin et Pascal511 et que Scheler a repris comme point de départ de sa philosophie affective et

intersubjective. Dans ce cadre, Nature n’est que l’effort de Scheler pour prouver que l’importance de la sympathie et de l’amour en particulier ne réside pas dans leur capacité de susciter en nous telle ou telle réaction émotive, mais dans leur fonction en tant que révélateurs de l’être essentiel et du caractère précieux d’autrui. En ce sens, le but de ce mémoire a été justement de dégager les vérités ontologiques et axiologiques que lesdits sentiments nous révèlent concernant autrui, et cela, en vue de cerner le rôle primordial que jouent ces formes de sympathie dans la création de rapports intersubjectifs authentiques et moralement élevés.

À ce propos, et compte tenu du fait que Nature et formes de la sympathie est une étude axée sur la rencontre intersubjective, nous avons consacré notre premier chapitre au dégagement des bases de la conception schelerienne d’autrui. Ainsi, nous avons vu que l’altérité renvoie d’abord à la sphère métaphysique du monde interhumain (Mitwelt), sphère dont tout homme possède une conscience immédiate grâce au sentiment de la sympathie,

510 Max Scheler, « Ordo amoris », p. 120.

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compris initialement dans ce chapitre comme le désir de partager nos vécus avec autrui. Ainsi, l’intuition de l’altérité n’est pas accidentelle512, mais consubstantielle à l’être, à

l’ontologie de l’homme, thèse que le philosophe justifie en faisant appel à l’hypothèse dite de « Robinson Crusoe ». Comme nous l’avons également expliqué, cette hypothèse affirme qu’un homme n’ayant jamais connu d’autres hommes aurait toutefois la conscience de son appartenance à une communauté humaine après avoir éprouvé la nécessité non-accomplie du partage affectif. Ainsi, c’est la sympathie, ce vouloir partager sa vie psychique et émotionnelle avec autrui, qui lui donnerait l’intuition de l’existence d’autres hommes comme lui-même, sans besoin d’en avoir effectivement rencontré un.

Cela dit, la rencontre réelle avec autrui dans le cas de l’homme courant, qui naît et vit en société, débute avec la perception. À ce sujet, nous avons dit que, d’après Scheler, c’est la perception –à caractère eidétique- qui nous permet d’avoir la certitude de l’existence d’autrui ainsi qu’un premier contact authentique avec lui. Pourquoi? Parce que la perception entraîne la saisie intuitive de l’autre en tant qu’autre. Précisons : percevoir autrui, c’est reconnaître de manière immédiate que nous sommes vis-à-vis un homme total –ni seulement un « corps », ni seulement une « âme »- distinct de nous-mêmes, porteur d’une existence et d’expériences particulières qui appartiennent à lui, et à lui seul.513 Cette

première approche de l’autre n’exige pas –contrairement à ce que proposaient les théories des jugements par analogie et de l’intropathie- un effort rationnel ni une observation détaillée des gestes corporels; la perception suffit en soi pour devenir sensibles à la présence d’autrui, pour établir un rapport potentiellement fructueux entre deux personnes.

Potentiellement fructueux, nous venons de dire, car le lien avec autrui ne s’épuise pas

évidemment dans la perception. En fait, à la fin de notre premier chapitre nous avons souligné que la perception en tant que telle est un acte dépourvu de pénétration et de profondeur intersubjective, puisque, même si elle entraîne déjà un minimum de réceptivité à la présence d’autrui, elle ne comporte pas un véritable intérêt ni une participation authentique à sa vie psychique. Dans ce cadre, c’est précisément la sympathie en tant que

512 C’est-à-dire que l’on n’acquiert pas la certitude de l’existence d’autrui seulement après avoir eu une

rencontre réelle, factuelle avec autrui et, plus précisément, après avoir réalisé certains actes empiriques tels que faire attention, observer ou analyser –au sens psychologique- tel ou tel trait d’autrui (son corps, ses mouvements et ses gestes, etc.) dans le cadre de cette rencontre.

513 Ainsi, « the existence of another as well as the other’s experience is given directly and immediately in

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participation affective (Mitgefühl) l’affect capable de remédier à ce problème, thèse schelerienne que nous avons cherché à comprendre dans notre deuxième chapitre.

Toutefois, en phase avec la démarche de notre auteur, il a fallu commencer ledit chapitre en nous défaisant de certaines perspectives -autant populaires que philosophiques- qui s’avéreraient incomplètes ou trompeuses du phénomène de la sympathie. Ainsi, nous avons vu que la sympathie n’implique pas un jugement rationnel514 ni une simple contagion

affective extatique et passagère. Elle n’est pas non plus le résultat d’un processus psychophysique ou évolutif quelconque. Comme nous l’avons déjà noté, tous ces arguments comportent des visions simplistes et réductionnistes de la sympathie, auxquelles Scheler répond en élaborant une théorie respective beaucoup plus pénétrante et complexe, à commencer par la signification de la notion de « sympathie ». En effet, Scheler parle de la sympathie d’abord au sens général (Sympathie) pour faire référence aux différentes formes