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L’amour de la gloire : une éthique et un récit de la distinction personnelle

Chapitre 1. Les normes de la reconnaissance publique au XVIII e siècle : une économie des

1.2. La théorie de la gloire : une économie socioaffective

1.2.3. L’amour de la gloire : une éthique et un récit de la distinction personnelle

Le maître-mot de la gloire des Lumières est sans doute l’utilité, son nouveau critère

axiologique, le bonheur de tous. Intégrée à une « vision ‘structurelle’ de la collectivité en tant

que finalité

118

», la gloire reste toutefois attachée à une morale d’intention, par opposition à une

morale de l’intérêt. Sacy ne peut être plus clair sur cette question :

Les motifs de la vertu doivent être indépendants du bien ou du mal qui en revient, parce qu’elle merite par elle-même tout notre amour, & qu’elle en est également digne, & quand elle nous fait heureux, & quand elle nous rend malheureux. […] Autrement, & si nous ne la suivions, qu’autant qu’elle nous seroit utile, nous la quitterions dès qu’elle nous seroit préjudiciable, & cette règle une fois reçûe, l’intérêt deviendroit notre seul mobile119.

Embrassant une visée utilitariste pour l’ensemble de la société, l’idéologie de la gloire récuse

cependant le paradigme de l’intérêt égoïste en imposant une éthique personnelle qui préserve

la pureté de l’intention vertueuse. L’accent placé sur le désintéressement met cependant

117Ibid., p. 103-104.

118 R. Morrissey, Napoléon et l’héritage de la gloire, p. 63.

l’amant de la gloire dans une position des plus délicates, puisqu’il doit se montrer sensible à la

gloire, sans pour autant la rechercher activement :

Aussi un grand homme qui sçait que [la gloire] est inséparable de la vertu connue, acquiert la gloire sans la chercher, & la possede sans la mépriser. Il fait tout ce qu’il peut pour la mériter, & rien pour l’obtenir. L’ambitieux court sans cesse après la gloire qui le fuit ; le Heros & le Sage ne courent qu’après la vertu seule, & sans inquietude sur les évenemens de leur course, sans regarder derriere eux, s’ils sçavent que la gloire se met de la compagnie, ils souffrent qu’elle les suive ; & si la cabale, l’ignorance, ou l’envie la détournent, ou la forcent de les abandonner, on ne les voit point fournir leur carriere avec moins de courage & d’ardeur120.

C’est ainsi qu’au sein de l’économie socioaffective de la gloire, circulaire, persiste un autre

point de vue, le parcours linéaire de la distinction individuelle. Par quels chemins peut-on

atteindre une gloire légitime ?

La toute première injonction formulée à l’endroit de l’amant de la gloire stipule,

paradoxalement, de ne pas la désirer. Seule la vertu, affirme Sacy, doit être le motif des

actions dignes de gloire :

Apprenons à ne pas faire consister [la gloire] dans les vains discours d’une multitude qui juge sans examen, & qui parle sans connoissance, mais dans un attachement inviolable à nos devoirs. […] En un mot n’oublions jamais que la gloire est la récompense la plus honnête de la vertu ; mais qu’elle n’en doit pas être le motif121.

Passons outre le fait que Sacy se contredit franchement quant à son appréciation de la

multitude, qu’il met par ailleurs tant d’efforts à réhabiliter. Il rappelle ici que la vertu n’est pas

une opinion, mais un devoir qui prévaut sur toute convention sociale. Cela correspond à la

conception objective du mérite qu’il mobilise tout au long de son traité, un mérite qui réside

non pas dans la reconnaissance, mais qui naît des actions ou des accomplissements et,

par-delà, de l’intention généreuse et désintéressée qui les motive : « Ce n’est pas à nos actions à

courir après la gloire, c’est à la gloire à les suivre

122

». Comment alors ne pas condamner

120Ibid., p. 9-10.

121Ibid., p. 12-13.

l’amour de la gloire (sur lequel, nous l’avons vu, Sacy échafaude son système normatif)

comme un désir centré sur la récompense, qui ternit la pureté de l’intention vertueuse

lorsqu’elle ne a subvertit pas complètement ?

Sacy est prêt à admettre que l’amour de la gloire constitue une passion inutile, voire

déshonorante, pour une « sorte d’hommes […] dévouez à la vertu, que rien ne peut en

détacher ». Cependant, à côté de ces rares « vertueux parfaits », la majorité des hommes ont

besoin d’un incitatif pour combattre leur « mollesse

123

» :

[Le] degrez de perfection & de desinteressement que nous demandons dans le Héros & dans le Sage, gardons-nous bien de l’exiger du commun des hommes. Souffrons qu’ils aiment dans la vertu les choses qu’elle-même employe pour s’en faire aimer. […] Ce n’est point connoître l’homme tel qu’il est, c’est en créer un nouveau, que d’en supposer un, que l’on conduise sans aucun rapport à son intérêt124.

Le désir de gloire se justifie donc comme un palliatif à l’imperfection humaine, « un remêde

pour ces âmes malades

125

». On retrouve cette idée chez plusieurs auteurs. Pour le moraliste

Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues, autre grand promoteur de la gloire en cette

première moitié du XVIII

e

siècle, le sentiment de l’imperfection est la « cause féconde » des

passions qui poussent l’homme à agir pour se dépasser

126

. De manière similaire,

Antoine-Léonard Thomas suggère que les hommes recherchent l’estime des autres afin d’apaiser les

doutes qu’ils entretiennent quant à leur propre valeur, et de les transcender par l’action :

D’où naît ce sentiment [de la gloire] ? de la nature même de l’homme. Ambitieux et faibles, mélange d’imperfection et de grandeur, une estime étrangère peut seule justifier celle que nous tâchons d’avoir pour nous-même. Elle met un prix à nos travaux, elle nous faire croire à nos vertus, elle nous rassure sur

123Ibid., p. 95-97.

124Ibid., p. 21-22.

125Ibid., p. 95.

126 « Les hommes sont faibles, timides, paresseux, légers, inconstants dans le bien ; les plus vertueux se démentent : si on leur ôte l’espoir de la gloire, ce puissant motif, quelle force les soutiendra contre les exemples du vice, contre les légèretés de la nature, contre les promesses de l’oisiveté ? », Luc de Clapiers de Vauvenargues, « Discours sur la gloire adressés à un ami », Œuvres complètes de Vauvenargues [éd. Henry Bonnier], tome I, Paris, Hachette, 1968, p. 74 ; Ioana Marga Marculescu, « Le rôle de l’imaginaire de la gloire dans la constitution morale de l’individu chez Vauvenargues », ARCHES, no. 5 (2003), disponible en ligne : <http://www.arches.ro/revue/no05/no5art12.htm>.

nos faiblesses. Elle occupe de plus notre activité inquiète qui a besoin de mouvement, et qui cherche à se répandre au dehors. L’amour de la gloire nous pousse et nous précipite hors de nous127.

Germaine de Staël ira quant à elle au bout de la logique de la perfectibilité en faisant de

l’amour de la gloire une passion nécessaire, mais transitoire, pour suppléer à la faiblesse et à

l’ignorance. Le cycle de l’émulation et du perfectionnement doit conduire éventuellement à la

raréfaction de la gloire même, tendant vers un point d’équilibre qui apaise les passions :

Le genre humain hérite du génie, et les véritables grands hommes sont ceux qui ont rendu leurs pareils moins nécessaires aux générations suivantes. Plus on laisse sa pensée aller dans la carrière future de la perfectibilité possible, plus on y voit les avantages de l’esprit dépassés par les connaissances positives, et le mobile de la vertu plus efficace que la passion de la gloire128.

Staël comme Sacy placent le motif de la vertu au-dessus de celui de la gloire. Or, compte tenu

de la faiblesse humaine ou de l’état des mœurs, il faut savoir transiger avec la pureté des

intentions et se montrer indulgent envers ceux dont le désintéressement se mélange avec

l’attrait de la distinction.

Cette sensibilité aux récompenses n’épargne pas même les vertueux parfaits, qui n’en

font peut-être pas une motivation comme le commun des hommes, mais qui tirent de la

satisfaction des distinctions obtenues. Encore là, une sorte d’indulgence est de mise :

C’est bien assez pour faire un vertueux parfait, qu’il se porte à la vertu avec tant de franchise & de desinteressement, que quand il ne lui reviendroit ni utilité ni gloire de son action, il ne la feroit pas moins. N’allons pas plus loin, & ne nous avisons pas encore d’exiger, qu’il ne se trouve dans une action vertueuse ainsi pratiquée aucun mêlange d’utilité ni de gloire, & que l’homme de bien qui les y trouve attachées sans les y avoir cherchées n’y sois point sensible. Autrement on doit craindre, qu’à force de vouloir épurer la vertu, on ne la fasse évaporer129.

Contre une morale des devoirs trop sévère, Sacy juge le plaisir tout à fait compatible avec le

désintéressement, « pourvû-que l’on n’aime pas la vertu à cause des récompenses, mais que

l’on aime ces récompenses, parce qu’elles viennent de la vertu

130

». L’amour de la gloire est

127 A.-L. Thomas, « Essai sur les éloges », p. 2.

128 G. de Staël, De l’influence des passions…, p. 69.

129 L.-S. de Sacy, Traité de la gloire, p. 17-18.

ainsi subtilement séparé de deux autres passions, l’ambition et la vanité, qui ont pour unique

objet les honneurs extérieurs. L’ambition se définit comme « un désir immodéré d’honneur, de

gloire, d’élévation, de distinction

131

», qui fait employer des moyens indifférents au bien ou au

mal pour l’obtenir. Le contentement mérité que ressent l’amant de la gloire face aux honneurs

contraste alors positivement avec l’insatiabilité fiévreuse généralement attribuée à

l’ambitieux

132

. La vanité est quant à elle une exacerbation de l’amour-propre qui rend « avide

d’applaudissemens & d’éloges

133

». De l’aveu de Sacy, la différence avec un amour de la

gloire assumé est parfois plus difficile à discerner :

S’il y a un air de vanité à se montrer trop touché des louanges, du moins il y a de l’ingénuité à se laisser voir tel qu’on est, & c’est une espèce de fausseté de s’y montrer insensible, dans le temps qu’on en est le plus flaté. Le juste milieu est bien difficile à tenir dans cette matière134.

Face aux récompenses, l’amant de la gloire doit modérer son amour-propre, sans toutefois

tomber dans la fausse modestie. De là la seconde injonction à laquelle il doit se conformer,

c’est-à-dire de porter les lauriers avec une certaine grâce. Sacy oppose à la figure du

philosophe ascétique ou celle du héros refusant les honneurs l’image d’un homme sociable.

Cet homme peut certes se montrer embarrassé de l’admiration qu’on lui porte, un inconfort qui

ne fait que dénoter une louable modestie. Il ne convient toutefois pas de rejeter ou de

dédaigner les récompenses, au risque de ne pas passer pour « austère et délicat, mais sauvage

et insensé

135

». Signe d’orgueil, se placer au-dessus de la gloire peut être l’indice d’un désir

ardent de l’acquérir par un moyen détourné et inauthentique

136

.

131 C’est la définition donnée dans la 4e édition du Dictionnaire de l’Académie française (1762).

132 Sacy décrit l’ambition comme une passion funeste qui conduit notamment les chefs militaires aux conquêtes les plus sanglantes. L.-S. de Sacy, Traité de la gloire, p. 122-123.

133Ibid., p. 72.

134Ibid., p. 186.

135Ibid., p. 20.

La tension entre l’exigence de désintéressement et l’amour de la gloire (entre une

morale de l’intention et une morale de l’intérêt) que Sacy tente d’aplanir en cernant des

attitudes acceptables face à la distinction trouvera chez d’autres auteurs une solution

passablement différente. Tout en partageant avec Sacy les grandes lignes l’idéologie de la

gloire, Vauvenargues ne prend pas la peine de considérer les récompenses comme des

manifestations réelles de reconnaissance qui surviennent au cours de la vie. Il suffit à l’amant

de la gloire de les espérer, de s’agrandir par le pouvoir de son imagination :

Je veux que la gloire nous trompe : les talents qu'elle nous fera cultiver, les sentiments dont elle remplira notre âme, répareront bien cette erreur. Qu'importe que si peu de ceux qui courent la même carrière la remplissent, s'ils cueillent de si nobles fleurs sur le chemin, si, jusque dans l'adversité, leur conscience est plus forte et plus assurée que celle des heureux du vice ! Pratiquons la vertu ; c'est tout. La gloire, mon très-cher ami, loin de vous nuire, élèvera si haut vos sentiments, que vous apprendrez d'elle-même à vous en passer, si les hommes vous la refusent137.

La gloire constitue d’abord et avant tout une idée, qui n’a aucunement besoin d’être

concrétisée pour accomplir son rôle moteur. De la sorte, l’individu puise en lui-même, plutôt

que dans le regard des autres, les ressources de la vertu, et son désir de gloire n’est plus

compromis par la perspective d’y trouver quelque intérêt ou satisfaction personnelle.

Cette conception désincarnée de la gloire trouve une autre formulation chez Diderot,

qui développe l’idée d’un imaginaire de la postérité dans son débat épistolaire avec le

sculpteur Étienne Falconet entre décembre 1765 et avril 1767. Pour Diderot, l’opinion

publique, « ce petit troupeau, cette église invisible qui écoute, qui regarde, qui médite, qui

parle bas et dont la voix prédomine à la longue et forme l’opinion générale », ne peut

triompher que lorsque « tous les petits intérêts particuliers se sont tus », que lorsque la « cohue

137 Vauvenargues, « Discours de la gloire », cité dans I. Marga Marculescu, « Le rôle de l’imaginaire de la gloire… ».

mêlée » de la multitude a laissé place au « concert » de la postérité

138

. En attendant

l’avènement historique de cette opinion, le philosophe a le pouvoir d’imaginer à sa guise sa

postérité, une pensée qui le console des limites, voire de l’oppression de l’opinion

contemporaine :

La considération présente dont je peux jouir est une quantité connue et donnée qu’il n’est presque pas en mon pouvoir d’agrandir et d’étendre, quelque carrière que je veuille donner à mon imagination orgueilleuse. Mais je fais du témoignage de l’avenir tout ce qu’il me plaît. Je multiplie, j’accrois, et je fortifie les voix futures à ma discrétion139.

La douce rêverie de la postérité, infinie, s’avère plus efficace que la reconnaissance publique

immédiate, finie, pour inciter à l’action, à la création et à la grandeur. Falconet objecte qu’une

construction de l’esprit, sans véritable matérialité, n’a pas d’effet émotif. Diderot, cherchant à

éveiller la sensibilité de son correspondant, rétorque que pour sa part, il entend bel et bien les

voix de la postérité. La projection mentale équivaut à une sensation qui active l’amour de la

gloire

140

. À la position plutôt matérialiste de Sacy s’ajoute ainsi une vision davantage idéaliste

de la gloire posthume, qui sera d’ailleurs celle enregistrée dans l’Encyclopédie :

Celui qui borne sa gloire au court espace de sa vie, est esclave de l'opinion & des égards : rebuté, si son siecle est injuste ; découragé, s'il est ingrat : impatient surtout de joüir, il veut recueillir ce qu'il seme ; il préfere une gloire précoce & passagere, à une gloire tardive & durable : il n'entreprendra rien de grand. Celui qui se transporte dans l'avenir & qui joüit de sa mémoire, travaillera pour tous les siecles, comme s'il étoit immortel : que ses contemporains lui refusent la gloire qu'il a méritée, leurs neveux l'en dédommagent ; car son imagination le rend présent à la postérité. C'est un beau songe, dira-t-on. Hé joüit-on jamais de sa gloire autrement qu'en songe ? Ce n'est pas le petit nombre de spectateurs qui vous environnent, qui forment le cri de la renommée. Votre réputation n'est glorieuse qu'autant qu'elle vous multiplie où vous n'êtes pas, où vous ne serez jamais141

.

138 Diderot, « Lettre à Falconet (5 août 1766) », Le Pour et le Contre : Correspondance polémique sur le respect de la postérité [éd. Yves Benot], Paris, Les Éditeurs Français Réunis, 1958, p. 215-216 ; cité dans N. Veysman,

Mise en scène de l’opinion…, p. 530.

139 Diderot, « Lettre à Falconet (17 mars 1766), Le Pour et le Contre…., p. 142 ; cité dans N. Veysman, Mise en scène de l’opinion…, p. 529.

140 Marc Buffat, « Diderot, Falconet et l’amour de la postérité », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, no. 43 (2008), disponible en ligne : <https://rde.revues.org/3452> (consulté le 18 octobre 2016).

L’aspiration à la postérité, « point fondamental du credo des Lumières

142

», devient une

caractéristique centrale de la gloire qui en garantit le désintéressement.

La félicité de la gloire, qu’elle soit liée aux honneurs reçus de son vivant ou à l’idée

que l’on se fait de la postérité, ne peut être méritée que si l’on s’engage sur « les chemins

pénibles, escarpez, & périlleux

143

» de la vertu. Cette image employée par Sacy constitue un

motif essentiel du discours de la gloire. Par exemple, le livret d’un ballet intitulé Le Temple de

la Gloire, qui devait être dansé au collège Louis le Grand en août 1723, annonce le plan

suivant :

La plûpart des hommes aspirent à la Gloire. Peu en sçavent le vray chemin ; plusieurs s’en écartent par des fausses routes. A peine en est-il d’assez courageux pour vaincre les difficultez d’une si pénible carriere ; encore moins d’assez heureux pour arriver au but. C’est tout le Plan & le Dessin de ce Ballet, dont l’Ouverture représente les Aspirans au Temple de la Gloire ; la première Partie, les routes qui y conduisent ; la seconde, les routes qui en écartent ; la troisiéme, les périls qu’il faut essuyer sur la vraye route ; la quatriéme, le bonheur dont on joüit au terme144.

Ainsi, la gloire s’obtient au terme d’un parcours semé d’embûches. Elle comporte une forme

de sacrifice de soi, un renoncement à la facilité, qui n’est pas sans rappeler les voies

souffrantes de la sainteté. Selon les enseignements du ballet, l’amant de la gloire doit éviter les

pièges de l’« ambition injuste & démesurez » et de l’« amour du repos & des plaisirs » pour

accomplir une « continuité de travaux & d’exploits ». Sur cette route laborieuse qui conduit à

l’« admiration générale » et à l’« immortalité », il doit encore affronter les « outrages de la

Fortune », les « efforts de l’Envie » et les « assauts de la Vanité ». Le Traité de la gloire

développe un récit similaire. Sacy précise que les routes pour parvenir à la gloire ne sont pas

les mêmes pour les simples particuliers, les héros, les princes, les grands et les savants

145

, mais

142 J.-C. Bonnet, « Diderot ou le pari sur la postérité », Naissance du Panthéon…, p. 155.

143 L.-S. de Sacy, Traité de la gloire, p. 96.

144Le Temple de la Gloire, ballet…, Paris, Frères Barbou, 1723,p. 2.

qu’il existe tout de même un chemin principal sur lequel l’amant de la gloire aura à surmonter

des obstacles à la fois internes et externes.

Un premier ordre d’obstacles consiste en effet dans les passions qu’il faut combattre en

soi, telle l’ambition, l’orgueil, la vanité, la paresse. Le danger que représentent ces passions

s’accroît lorsque l’aspirant à la gloire se trouve dans une situation de prospérité et de pouvoir.

Les nobles, qui possèdent plus de moyens et jouissent de plus de visibilité, seraient de la sorte

prédisposés à la gloire s’ils n’étaient pas d’autant plus susceptibles de succomber à diverses

tentations :

[

N]ous avons montré, que la richesse & la puissance donnoient aux Grands encore plus de moyens de satisfaire leurs passions que de multiplier leurs vertus ; que l’attrait de pouvoir ce qu’on veut, permettoit rarement de ne vouloir que ce qu’on doit ; & que les places ne mettoient pas moins en vûe les défauts que le mérite. […] il est plus aisé aux vertus, & au mérite extraordinaire, de percer par leur éclat l’obscurité dont les petits sont environnez, qu’il n’est facile aux Grands d’aller à la vertu, à travers la foule de passions qui leur ferment le passage, & qui ne cessent de les en éloigner146.