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L’ACTE MEDICAL EXONERE PAR L’ETAT DE NECESSITE

PARAGRAPHE 1. L’ACTE MEDICAL, UN ACTE DE VIOLENCE AUTORISEE PAR LA LOI

A. L’ACCOMPLISSEMENT DE L’ACTE MEDICAL EXONERE AU TITRE DE L’AUTORISATION DE LA LOI OU DE

2. L’ACTE MEDICAL EXONERE PAR L’ETAT DE NECESSITE

Le non-respect par le praticien médical de l’information à délivrer à son patient, censée garantir le consentement de ce dernier, n’engage pas la responsabilité pénale du professionnel de santé de la même manière, selon que le patient est ou non, en fin de vie.

L’état de nécessité en fonction de l’état du malade permet alors d’exonérer le praticien médical qui n’aurait pas respecté l’information ou le consentement de son patient.

139. Lorsque le patient est conscient mais n’est pas en fin de vie, au plan civil, le médecin est tenu à une obligation d’information dissuasive sur les risques graves encourus305. Mais au plan civil, la volonté du refus de soin exprimée par le patient s’impose au médecin, sans exception possible, et même au titre de l’urgence vitale306.

304 Le Code de la santé publique prévoit une vaccination obligatoire générale contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite et des vaccinations supplémentaires pour certaines personnes ou professions en raison de leur exposition à certains risques.

305 Cass. civ., 15 nov. 2015, JCP G 2006, II, 10045, note P. MISTRETTA. 306 Cette dérogation a été supprimée par la loi du 22 avril 2005 sur la fin de vie.

Au plan pénal, la solution est différente puisque la faute pour défaut de consentement ou d’information est anéantie en cas d’urgence médicale apparentée légalement à un état de nécessité qui devient une cause exonératoire307.

Ainsi, un médecin qui transgresse la volonté d’un patient pour lui sauver la vie, après avoir essayé de le convaincre en vain d’accepter les soins, ne pourra être condamné pour violences volontaires en raison de l’état de nécessité.

L’article 122-7 du Code pénal dispose que:

« N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger

actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».

Un médecin confronté au péril vital imminent de son patient, ne pourra être pénalement responsable même s’il a volontairement sacrifié le consentement libre et éclairé de ce dernier qui s’opposait au traitement.

La nécessité médicale est un fait justificatif primant l’exigence de consentement lorsque le médecin agit pour préserver un intérêt supérieur : celui de la vie humaine. Ainsi l’engagement du pronostic vital légitime le forçage des soins308 alors que l’exposition à un danger de mort ne peut justifier l’intervention du médecin contre le gré de son patient.

En effet et en pratique, le médecin se trouve confronté à deux injonctions a priori contradictoires qui résident, d’une part, dans le recueil du consentement du patient et dans le respect de sa volonté, et, d’autre, part, dans l’obligation d’assistance et de soins à toute personne en péril.

Le médecin ne viole pas la liberté du malade et ne commet pas une infraction pénale, si, après avoir tout mis en œuvre pour le convaincre, il accomplit un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état.

Dans une affaire, une patiente, témoin de Jéhovah avait refusé de recevoir une transfusion sanguine.

Elle est décédée à la suite d’une délivrance hémorragique survenue lors de son accouchement.

307 Cass. crim., 24 nov. 2015, n°14-88.125, RSC 2016, note P.MISTRETTA.

Le refus de transfusion de la patiente avait été respecté par le gynécologue obstétricien jusqu’à ce qu’il obtienne l’autorisation du procureur de la République de pratiquer finalement la transfusion sanguine quelques heures plus tard.

Malgré la transfusion et l’hystérectomie d’hémostase qui s’en est suivie, la patiente est décédée.

Les ayants droit ont poursuivi le praticien en justice lui reprochant de ne pas avoir pratiqué l’hystérectomie plus tôt.

Au plan pénal, la procédure a rapidement abouti sur une ordonnance de non-lieu. Quant aux juges en matière civile, ils ont estimé que le médecin n’avait pas commis de faute dans la pratique de l’accouchement, ni dans la prévention du risque hémorragique, ni dans l’information de la patiente.

Ils ajoutent qu’« il ne saurait être reproché au médecin, qui doit respecter la volonté

du malade, d’avoir éventuellement tardé à pratiquer une intervention vitale, alors qu’il ne pouvait la réaliser sans procéder, contre la volonté du patient à une transfusion sanguine »309.

Lorsque le patient se trouve dans une situation où sa vie est en danger, le respect par le médecin de ce refus de soins n’est-il pas contraire à l’esprit même de l’exercice de la médecine de protéger la santé et la vie ?

140. Ainsi les dispositions du droit civil et du droit pénal apportent à cette question une réponse en forme de hiatus qui fragilise la cohérence du système et qui illustre les différences conceptuelles fondamentales entre l’approche civiliste et pénaliste.

La réponse civiliste érige la volonté du patient comme source exclusive de l’obligation du médecin en énonçant à l’article L. 1111-4 du Code de la santé publique qu’ « aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le

consentement libre et éclairé de la personne ».

La réponse pénale privilégie la protection de la vie et de la santé puisqu’elle reconnaît l’état de nécessité comme cause exonératoire à l’article 122-7 du Code pénal310.

Il est heureux et logique qu’en matière pénale une forme d’universalisme transcendantal, dont la représentation matérielle est la protection de la vie, préside au

309 TGI, Aix-en-Provence, 13 mai 2004 ; confirmé par la CA., Aix-en-Provence, 21 déc. 2006.

310 L’article 122-7 du Code pénal dispose que « n'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».

raisonnement car « si les données acquises de la science s’apprécient au jour de

l’acte, tel n’est pas le cas de l’humanisme médical dont les magistrats ont pu établir le caractère atemporel »311.

141. Dans l’hypothèse où le patient en fin de vie est conscient de son état mais refuse les traitements, si le praticien en dépit du refus du malade continue les soins, il ne bénéficie plus d’une cause d’irresponsabilité pénale tirée d’une autorisation de la loi. Son acte médical serait alors assimilé à une obstination déraisonnable.

La loi propose ainsi, sans utiliser les termes d'acharnement thérapeutique, d'interdire que l’obligation de soins qui pèse sur le professionnel de santé ne se traduise par un comportement d'« obstination déraisonnable » dans la dispense de ces soins.

La formule est reprise à l’article R.4127-37 du Code de la santé publique qui prévoit qu'« en toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances

de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations et la thérapeutique ».

L'article 1er de la loi du 22 avril 2005, codifié à l'article L. 1110-5 du Code de la santé publique, posait le principe selon lequel « les actes de prévention, de diagnostic

ou de soins « ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable ».

« L'obstination déraisonnable », note le Comité consultatif national d'éthique312, « ne se réduit pas seulement à des actes techniquement sophistiqués et lourds mais à

l'absence de proportionnalité entre les moyens engagés et les fins visées ».

Selon le rapport du sénat313 relatif à l'article 1er de la loi du 22 avril 2005, codifié à l'article L. 1110-5 du Code de la santé publique, la notion juridique « d’obstination

déraisonnable », « dont les contours restent flous, est assortie de certains critères aidant à identifier l'impasse thérapeutique éventuelle: le texte mentionne les actes « inutiles », ce qui paraît aller de soi, ceux « disproportionnés », dont la définition est particulièrement complexe, et ceux n'ayant « d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie », « ce qui peut être bien vaste ».

L’obstination déraisonnable314 est désormais définie et prévue à l’article L.1110-5-1 du Code de la santé publique créé par la loi n°2016-87 du 02 février 2016 qui dispose

311 CA Aix-en-Provence, 21 déc. 2006, D. 2007, F.VIALLA, note sous, p. 1848.

312 Avis n° 108 du 12 novembre 2009 sur les questions éthiques liées au développement et au financement des soins palliatifs (http://www.ccne-ethique.fr/), consulté le 21 avril 2016.

313 Rapport sénatorial suite à la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie n° 281 (2004-2005) de Mr. G.DERIOT, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 6 avril 2005.

au sujet des actes de prévention, d'investigation ou de traitements et de soins mentionnés à l’article L. 1110-5 :

« Qu’ils ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent

d'une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire ».

L’obstination déraisonnable est constitutive d'une faute médicale pouvant engager la responsabilité du médecin ou de l'établissement de santé.

Au plan pénal, si l’obstination déraisonnable permet d’engager théoriquement la responsabilité du praticien médical puisque la nécessité médicale, cause d’irresponsabilité pénale, a disparu, la reconnaissance en pratique de sa culpabilité semble extrêmement délicate.

La qualification d’homicide involontaire ne pourra être retenue, faute de lien de causalité entre la faute du praticien et le décès du patient.

La qualification pour atteinte involontaire à la vie semble précaire en l’absence de résultat dommageable en lien de causalité avec les soins réalisés sur le patient en fin de vie.

Ainsi au plan pénal, aux antipodes de la solution civiliste, la faute pour défaut de consentement ou d’information est anéantie en cas d’urgence médicale apparentée légalement à un état de nécessité qui devient une cause exonératoire.

En outre, parfois ce n’est pas l’acte médical de commission qui est exonéré mais l’acte d’omission, qui en d’autres temps aurait engagé la responsabilité pénale du praticien mais qui, par l’effet de l’autorisation de la loi, l’exonère.

P. MISTRETTA a fait remarquer que le nouveau texte se montre plus précis et accroît la portée du droit notamment en ce qui concerne la notion d’obstination déraisonnable. « En effet, jusqu'alors, la loi indiquait que les actes de soins ne devaient pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. L'obstination ne pouvait ainsi être constituée que par le maintien des traitements et des soins. C'était occulter par là même le fait que l'obstination déraisonnable résulte surtout et avant tout de la mise en œuvre de moyens et techniques nécessaires au maintien ou à la substitution de fonctions vitales essentielles.

L'article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique indique désormais avec raison que le médecin ne doit ni poursuivre, ni a fortiori, mettre en œuvre des actes constitutifs d'une obstination déraisonnable ».

B. LE DEFAUT D’ACCOMPLISSEMENT DE L’ACTE MEDICAL