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L’ACTE MEDICAL, UN ACTE DE VIOLENCE ORDONNEE PAR LA LOI

145. L’abstention du médecin à soigner son patient peut être constitutive de l’infraction d’omission de porter secours320.

Pourtant le délit d’omission de porter secours peut être neutralisé et devient licite par l’effet d’un ordre de la loi qui offre une impunité pénale à l’acte médical.

En matière médicale, l’ordre de la loi comme cause objective d’irresponsabilité pénale recouvre les situations des patients en fin de vie qui vont recevoir des traitements palliatifs.

Le médecin doit alors dispenser à la personne en fin de vie les soins palliatifs que son état requiert, afin de préserver sa dignité et sa qualité de vie.

L’article L. 1110-5 du Code de la santé publique en son alinéa 2 dispose que « toute personne a le droit d'avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur

apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté ».

A l’obligation de soins, se substitue pour le médecin une obligation de soulager la souffrance.

L’acte médical en ce cas ordonné par la loi, s’apparente à dispenser des traitements palliatifs dits « à double effet », destinés à soulager la douleur tout en ayant pour effet secondaire d'accélérer la fin de vie des personnes mourantes.

L’article L. 1110-5- 2321 nouveau du Code de la santé publique prévoit que lorsque le patient est atteint d'une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé

320 Selon l’article 223-6 du code pénal, le délit de non-assistance à personne en danger est :

« - le fait pour quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.

- le fait pour quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire ».

321 L’article L. 1110-5-2 du Code de la santé publique crée par la loi du 02 février 2016 n°2016-87, art.3 dispose que « à la demande du patient d'éviter toute souffrance et de ne pas subir d'obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants : 1° Lorsque le patient atteint d'une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme

présente une souffrance réfractaire aux traitements ;

2° Lorsque la décision du patient atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance insupportable.

Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l'obstination déraisonnable mentionnée à l'article L. 1110-5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie.

à court terme, et présente une souffrance réfractaire aux traitements, ou lorsque la décision du patient atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance insupportable, les praticiens médicaux, au titre du refus de l’obstination déraisonnable et de la souffrance, mettent en œuvre une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès qui est associée à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie. Dans l’hypothèse où le patient ne peut exprimer sa volonté, la décision d’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie et la sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès sont mises en œuvre selon une procédure collégiale définie par voie réglementaire.

Cette procédure permet à l'équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d'application prévues aux alinéas précédents sont remplies.

Au visa de l’article L.1110-5-3322 nouveau du Code de santé publique, la loi organise, sous conditions, l’impunité du médecin si « les traitements analgésiques et

sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale ont pour conséquence d’abréger la vie ».

En ces circonstances morbides et afin de soulager la souffrance, la loi crée à la charge du praticien médical, l’obligation d’un acte médical de sédation profonde et continue en cas d’arrêts des traitements, qui lorsqu’il « abrège la vie », ne peut être poursuivi du chef d’empoisonnement ou d’homicide involontaire.

Au-delà des questions légitimes suscitées par les nouveaux termes de la loi quant aux notions de « court terme » ou de « souffrance réfractaire », et des choix sémantiques de l’expression « abréger la vie », la frontière entre ce droit au « laisser-mourir » et le « faire-mourir » est extrêmement subtile323.

La sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie réglementaire qui permet à l'équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d'application prévues aux alinéas précédents sont remplies ».

L’article L.1110-5-3 du Code de santé publique issu de la loi 2016-87 du 02 février 2016 dispose que « toute personne a le droit de recevoir des traitements et des soins visant à soulager sa souffrance. Celle-ci doit être, en toutes circonstances, prévenue, prise en compte, évaluée et traitée.

Le médecin met en place l'ensemble des traitements analgésiques et sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale, même s'ils peuvent avoir comme effet d'abréger la vie. Il doit en informer le malade, sans préjudice du quatrième alinéa de l'article L. 1111-2, la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches du malade. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical.

Toute personne est informée par les professionnels de santé de la possibilité d'être prise en charge à domicile, dès lors que son état le permet ».

146. La subtilité entre le « laisser-mourir » qui bénéficie d’une autorisation de la loi et le « faire-mourir » tient à l’élément moral et donc à l’intention du praticien médical. La frontière est tenue et la preuve de l’intention est très difficile à rapporter.

L’affaire du docteur BONNEMAISON en fournit une illustration en ce que les magistrats n’ont pu démontrer l’intention homicide tout en reconnaissant que

« Nicolas BONNEMAISON a procédé lui-même à des injections, qu'il n'en a

pas informé l'équipe soignante, qu'il n'a pas renseigné le dossier médical de ses patients et qu'il n'a pas informé les familles à chaque fois », il n'est pas

pour autant établi « qu'en procédant à ces injections il avait l'intention de

donner la mort à ses patients au sens de l'article 221-5 du code pénal »324 .

Selon la motivation de l'arrêt qui a été lue à l'audience, la cour a justifié l’acquittement, pour six cas d’empoisonnement soupçonnés sur sept, du praticien selon les termes suivants :

« Nicolas BONNEMAISON a agi dans le contexte bien spécifique de l'unité

hospitalière de courte durée de Bayonne, où il avait en charge des patients en fin de vie très âgés pour la plupart, atteints d'affections graves et reconnues comme incurables, pour lesquels les traitements avaient été arrêtés préalablement et conformément à la loi ».

L’arrêt poursuit en assimilant l’intention à la bonne foi signant ainsi l’illisibilité juridique du verdict par ces mots :

« Estimant de bonne foi que ses patients souffraient physiquement et

psychiquement, il a procédé à l'injection, dans cinq cas, d'Hypnovel, en

« L’analyse de l'impact de la nouvelle terminologie est loin d'être neutre et traduit incontestablement une avancée supplémentaire, certes savamment mesurée et distillée mais bien réelle, vers le droit à la bonne mort, à savoir, d'un côté, celui de donner la mort, et de l'autre celui de choisir sa mort ».

324 L’article 221-5 du Code pénal dispose que « le fait d'attenter à la vie d'autrui par l'emploi ou l'administration de substances de nature à entraîner la mort constitue un empoisonnement.

L'empoisonnement est puni de trente ans de réclusion criminelle.

Il est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'il est commis dans l'une des circonstances prévues aux articles 221-2,221-3 et 221-4.

Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatifs à la période de sûreté sont applicables à l'infraction prévue par le présent article ».

recherchant une sédation des patients, sans qu'il soit établi par les débats que ces sédations avaient pour but le décès des patients ».

Dans l’affaire de la clinique de SACLAY, début juillet 2010, sur la foi de dénonciations d'une kinésithérapeute, le procureur de la République requiert l’ouverture d’une information judiciaire qui durera 5 années et entrainera 250 auditions, des chefs d’homicides volontaires, violences volontaires sur personnes vulnérables et non-assistance sur personnes en péril.

Le juge d’instruction rendra finalement une ordonnance de non-lieu en faveur du médecin cardiologue mis en cause en précisant dans son communiqué que

« Loin de se livrer à des pratiques euthanasiques criminelles, le docteur de BOURAYNE a inscrit en réalité son action dans une démarche de soins palliatifs pour l'ensemble des malades en phase terminale dont il avait la charge, et ce, avant même que les lois des 9 juin 1999, 17 janvier 2002 et 4 mars 2002 n'en fassent une obligation pour l'ensemble des établissements de santé publics et privés situés sur le territoire ».

Estimant que le médecin s’était « strictement conformé » aux dispositions du Code de santé publique et du Code de déontologie médicale, il souligne que le médecin

« échappe nécessairement à toute responsabilité pénale »325.

Ces affaires laissent soulignent encore davantage les difficultés soulevées par la démonstration en droit pénal de l’intention ou de la non-intention et notamment en matière médicale et l’impact de cette donnée sur la responsabilité pénale du praticien médical.

147. La responsabilité pénale du praticien médical est ainsi fondée sur une imputabilité objectivement paradoxale.

En effet, on impute au praticien médical, qui accomplit un acte médical sur un sujet sacralisé bénéficiant d’une protection légale, un acte par nature violent et illicite mais qui, bénéficiant de causes objectives d’irresponsabilité par autorisation ou ordre de la loi, permet d’organiser son impunité pénale.

Cette paradoxale imputabilité au praticien médical d’une faute pénale médicale non-intentionnelle rend la qualification légale de la faute pénale non-intentionnelle d’autant plus difficile, qu’elle relève d’une imputabilité subjectivement présumée.