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L’évolution de la couverture médiatique : les tonalités selon les séquences observées

Chapitre 5 : les analyses

5.1 L’étude de cas : Sigmundur David Gunnlaugsson l’Islande

5.1.1 L’évolution de la couverture médiatique : les tonalités selon les séquences observées

Les premières révélations entourant la possession d’un compte offshore par M. David Gunnlaugsson datent du 3 avril 2016, soit dès la publication des ‘Panama papers’. En termes de valeurs quantitatives, 51 documents sur un total de 84 textes partagés par les références islandaises soulignent de façon non négligeable l’implication de l’ancien premier ministre à des conduites associées à la finance offshore. Cela représente 60,7 % de la couverture médiatique des presses écrites consultées en Islande. Les parts restantes du pourcentage abordent la mise en cause d’autres figures politiques islandaises, dont le président de l’Islande ainsi que sa conjointe (Olafur Ragnar Grímsson; Dorrit Moussaieff) et le ministre des Finances de l’Islande (Benedikt Johannesson)111. Tous se sont fait reprocher de ne pas avoir déclaré publiquement les comptes

et compagnies offshores.

Le tableau suivant (8) affiche les informations quantitatives reliées à M. David Gunnlaugsson, celles-ci ont été extraites du corpus de l’Islande (84) dans le but d’appuyer les écrits entourant la représentation médiatique de l’élu.

110 Chittum, R. et Kristjansson, J. et Obermayer, B. et Obermaier, F., ICIJ. (4 avril 2016). 111 Iceland Review. (8 avril 2016).

Tableau VIII. Retour sur l’attention médiatique des comportements de M. David Gunnlaugsson (Islande)

L’Islande

Périodes de temps observées (2016) L’attention médiatique

Avril (semaine) Mai Juin Juillet Août Septembre Total

1 2 3 4 Total

% de la couverture axée sur

l’élu 49,0 7,8 2 0 58,8 9,8 5,9 2 9,8 13,7 100

Les documents publiés par séquences (6.1)/le total de documents codés 6.1

25/

51 51 4/ 51 1/ 51 0/ 30/51 51 5/ 51 3/ 51 1/ 51 5/ 51 7/ 51/51 % de la couverture axée sur

l’élu 75,7 80 20 0 N/A 38,5 100 50 83,3 77,7 60,7

Les articles codés 6.1/les articles du corpus islandais (séquences)

25

/33 4/5 1/5 0/8 30/51 5/13 3/3 1/2 5/6 7/9 51/84

La couverture médiatique (les données quantitatives) : les premières semaines (avril 2016)

Reprenant sur le cas de M. David Gunnlaugsson, les jours suivant la divulgation des informations, du 3 au 9 avril 2016 (semaine 1 ; tableau 8), 25 textes sur une possibilité de 33 (75,7 %) parutions dans la séquence portent sur les comportements reprochés de l’ancien élu politique.

Bien que le nombre de publications décroit dès la deuxième semaine (semaine 2 ; tableau 8) suite aux révélations, l’attention médiatique entourant M. David Gunnlaugsson semble toutefois majoritairement maintenue dans les écrits. À vrai dire, des cinq textes publiés lors de la deuxième semaine, quatre de ceux-ci abordent les conduites fiscales et les démêlés publics de l’ancien premier ministre. Pour la troisième et quatrième semaine (3 et 4 ; dans le tableau 8), les valeurs renvoient respectivement à un texte sur cinq ; et aucun texte sur huit.

S’appuyant sur les différents textes islandais ciblant l’élu, c’est-à-dire codés 6.1, il semble pertinent de souligner que sur ces 51 textes, près de la moitié ont été partagés entre le 3 et le 9 avril 2016 (semaine 1 ; tableau 8). Sous ces constats, il est possible de défendre que sur papier, la presse islandaise se soit montrée particulièrement réactive à ce moment-là. En somme, le mois d’avril 2016 correspond à la publication d’environ 59 % (30 documents codés 6.1 sur un total de 51 ; tableau 8) des parutions.

La couverture médiatique (les données quantitatives) : les mois suivants (2016)

Regroupés, les mois de mai, juin, juillet, août et septembre 2016 correspondent à 41,2 %, soit 21 articles (5 +3 +1 +5 +7 = 21/51 ; tableau 8) sur une possibilité de 51, de la couverture médiatique entourant spécifiquement l’ancien premier ministre sur la période (sous le code 6.1). Dans le corpus total de l’Islande, ces mois correspondent à 39,3 % des parutions écrites, c’est- à-dire 33 (13 +3 +2 +6 +9 = 33/84 ; tableau 8) textes sur 84. Il est possible d’affirmer que ces valeurs quantitatives sont moins imposantes que les données extraites à la semaine ‘une’ des ‘Panama papers’.

La couverture médiatique (les données quantitatives) : l’identification des ‘moments-clés’

En référence aux valeurs quantitatives présentées ci-dessus, soit le nombre de publications selon les périodicités observées, il est possible de défendre que la première semaine du mois d’avril (3 au 9 avril 2016) représente des moments-clés à l’étude du cas islandais. Par appui, un nombre considérable d’articles de la presse écrite ont paru à ce moment (3 au 9 avril 2016), ainsi il pourrait s’agir d’un espace-temps propice à la qualification des conduites dévoilées et mettant en cause l’ancien premier ministre de l’Islande. Comme le soulève Boltanski (1993), ces fortes réactions sociales semblent appuyer l’engagement à une indignation collective qui s’organise dans la société islandaise. Les informations qualitatives exposées ci- dessous peuvent être interprétées de façon concomitante, ces dernières semblent également soutenir cette même proposition.

Les moments-clés (les données qualitatives) : du 3 au 9 avril 2016

À titre de rappel, les premiers écrits ciblant M. David Gunnlaugsson peuvent se lire en date du 3 avril 2016. Au cours de cette première semaine du mois d’avril 2016, il est possible d’identifier des moments-clés liés à la dénonciation publique des comportements reprochés à Sigmundur David Gunnlaugsson. Tout d’abord, en date du 4 avril 2016, l’ancien premier ministre s’exprime publiquement. Il cherche à expliquer les raisons pour lesquelles son nom et celui de sa conjointe apparaissent dans les ‘Panama papers’. Lors d’une entrevue télévisée avec le journaliste Sven Bergman, M. David Gunnlaugsson est interrogé sur la possession du compte offshore. Il s’avère être dans une situation inconfortable avec les informations exposées, au point de se retirer en plein milieu de l’entretien. Un nombre notable d’articles de la presse

problématisent les informations rapportées lors de l’entrevue, c’est-à-dire la possession d’un compte offshore, dont il n’aurait pas déclaré publiquement les intérêts politiques et économiques. Sous le malaise ressenti par l’ancien premier ministre, il tend à y avoir une montée des doutes et des critiques dans la société islandaise. Les propos tenus par l’ancien premier ministre peuvent se résumer à la citation ci-dessous :

« Myself ? No. Well, the Icelandic companies I have worked with had connections with offshore companies… but I can confirm I have never hidden any of my assets. [à propos de Wintris Inc., il énonce] « Well, it’s a company, if I recall correctly, which is associated with one company that I was on the board of… ». (Iceland Review, 4 avril 2016)

Bien que les explications rendues publiques soient brèves, M. David Gunnlaugsson ne laisse jamais sous-entendre qu’il aurait agi de façon non conforme aux lois fiscales islandaises. L’ancien premier ministre se défend en évoquant des technicités fiscales reliées à la création, l’utilisation et la déclaration des comptes à l’offshore - « He nevertheless insists he did not have to declare his shares on the parliamentary register because Wintris was a holding company, not a ‘commercial company’ »112.

La citation suivante de M. David Gunnlaugsson, en faisant écho à la précédente, souligne le raisonnement naviguant entre l’illégalité et l’illégalisme : « asked if he had neverthless breached the spirit of the disclosure rules, the prime minister [M. David Gunnlaugsson, à ce moment] declined to reply. He conceded this might be a case for tightening the rulebook »113.

À l’étude du cas de M. David Gunnlaugsson, le moment rempli d’incertitudes à la problématisation des conduites prenant forme dans la collectivité islandaise114, bien que bref,

s’illustre par la nature et les motivations peu cohérentes et transparentes des finances offshores du couple. Il semble qu’en cette journée du 4 avril 2016, la prise de position dans l’espace public islandais soit statuée et tranchée.

« Social media in Iceland is on fire with angry Icelanders all set to take to Austurvöllur, the small park in front of the parliament building with pots and pans to protest the government ». (IceNews, 4 avril 2016)

112 Iceland Monitor. (4 avril 2016). 113 IceNews. (5 avril 2016).

114 Se rapportant à la sociologie du scandale, ce moment est critique. Il serait révélateur ou un fort indicateur de la

« Anger is mounting in Iceland after yesterday's revelations over Prime Minister Sigmundur David Gunnlaugsson and the Panama Papers. The Prime Minister had become the most ‘famous Icelandic person’ in history overnight for all the wrong reasons. Others said it was ‘the fashion these days to have governments that betray their people’ ». (Iceland Monitor, 4 avril 2016-b)

En cette journée du 4 avril 2016, deux évènements ont occupé de façon significative la couverture médiatique de l’Islande. Dans un premier temps, les partis de l’opposition : The Pirate Party et The Social Democratic Alliance proposent un « vote of no confidence »115 afin

de marquer leur désapprobation des conduites alléguées et remettent en cause la légitimité du gouvernement en place.

«We will declare no confidence in the prime minister and his cabinet », Arni [head of the Social Democratic Alliance] stated. «There is unity in the group and solidarity. We want to do this right, since there are important steps ahead, important for the whole nation ». « The country’s credibility is ruined, and one could say an ethical collapse occurred last night ». - Birgitta Jonsdottir [head of the Pirate Party]. (Iceland Review, 4 avril 2016-c)

Dans un second temps, l’espace public est caractérisé par des manifestations et des demandes de démission motivées sous un sentiment d’indignation des citoyens islandais. En fait, environ 23 000 personnes sont descendues dans les rues afin de protester et des milliers de signataires ont exigé la résignation de M. David Gunnlaugsson. Ces valeurs pourraient être qualifiées de ‘révélatrices’ du climat de tension ressenti à ce moment en Islande - « This was certainly one of the biggest political demonstration in Icelandic history »116.

Bien qu’à ce moment-là M. David Gunnlaugsson n’envisage pas officiellement de démissionner - « Prime minister Sigmundur Davíd Gunnlaugsson maintained today that he has no intention of resigning nor has he contemplated the possibility »117 - les demandes collectives

réclamant de nouvelles élections se font de plus en plus pressantes118. Les ‘unes’ des journaux

115 Une motion de censure en français, il s’agit de l’initiative prise dans un contexte parlementaire qui permet, sous

une majorité, d’illustrer la désapprobation des conduites de la part d’un responsable politique ou économique, cela allant jusqu’à ordonner la démission de ce dernier ou encore défier le gouvernement en place (Encyclopédie du parlementarisme québécois).

116 Iceland Monitor. (4 avril 2016). 117 IceNews. (6 avril 2016)

118 À titre d’exemples de mécontentements, les manifestants ont lancé du yogourt skyr sur le parlement, un produit

typiquement islandais, des œufs ou encore des crémières ont créé une saveur de crème glacée ‘Wintris’ (le nom du compte offshore détenu par l’ancien président) décrite comme étant « sour with a dose of arrogance and we don't particularly recommend it » (Iceland Monitor, 4 avril 2016-d).

se caractérisent par la connotation péjorative unanimement associée aux conduites révélées. Il est possible de lire les titres suivants : « Elections Now - Icelanders fired up and ready to protest »119, « A government betraying its people »120, « This government must go ! »121, etc.

Le 5 avril 2016, M. David Gunnlaugsson annonce sa démission au titre de premier ministre, la nouvelle fait la première page des journaux islandais avec également un écho à une échelle internationale122. Or, n’œuvrant dès lors plus à titre de chef du gouvernement, il choisit toutefois

de conserver son mandat de député et son statut de président du parti. Il n’en reste pas moins que les quelques jours suivants la publication des ‘Panama papers’, se sont d’ores et déjà soldés par la démission du chef du gouvernement.

Il est important de souligner que ces pressions à la démission provenaient des citoyens, des membres de l’opposition, mais également des ministres du Progressive Party, ceux-ci étant inquiets pour la crédibilité de leur mouvement politique.

« The progressive party in Akureyri issued a statement yesterday saying that due to a breach of confidence between him and the party he should resign. Akureyri is known to be a strong hold of the two parties in government, particularly the progressive party. The independent party of Akureyri issued a similar statement, saying the alliance between the independent party and the progressive party can no longer function as a ruling government ». (IceNews, 6 avril 2016)

La tentative de dissolution contre l’association politique en place s’est avérée peu efficace, The Progressive Party survit à la ‘motion de censure’. M. Sigurour Ingi Johannsson, ministre issu de ce même parti, est nommé premier ministre par intérim et pour une durée indéterminée.

« It’s good news he’s resigned, yes. But we need far more drastic change. We’re left with the same gang in charge ». (Iceland Monitor, 5 avril 2016)

« ‘This is just one big scandal’ », says one protester, ‘I want a new government’ ». (Iceland Monitor, 5 avril 2016)

Les jours suivants (le 8 avril 2016), les médias publient les résultats de sondages politiques, ceux-ci exposent une diminution de la confiance envers The Progressive Party ainsi qu’une

119 IceNews. (4 avril 2016).

120 Iceland Monitor. (4 avril 2016-c). 121 Iceland Monitor. (5 avril 2016-b).

montée de la popularité du parti d’opposition The Pirate Party. Un pourcentage d’environ 7,9 % contre 43 %123, même à la suite du retrait politique de l’ancien premier ministre, environ 55 %

des citoyens font ‘très peu’ confiance aux membres du Progressive Party. Sous ces résultats, des élections anticipées sont annoncées en automne 2016124.

Outre les conséquences politiques, la présence de Sigmundur David Gunnlaugsson et ses collègues dans les ‘Panama papers’ ont eu des incidences sociales et économiques, avec des compagnies islandaises ayant perdu près de trois pour cent de leur valeur125.

Les moments-clés (les données qualitatives) : du 10 au 30 avril 2016

Les autorités fiscales de l’Islande énoncent un jugement de non-fondement envers les doutes publics soutenus d’évasion fiscale. Toutefois, le ‘verdict’ ne semble pas avoir empêché les ressentis d’indignation de subsister dans le territoire islandais.

Au cours des autres semaines d’avril 2016, les demandes citoyennes et parlementaires s’accumulent afin que l’ancien premier ministre partage les informations financières de la compagnie offshore126.

Les écrits des semaines trois et quatre abordent de façon édifiante l’implication du président Olafur Ragnar Grímsson et de sa conjointe Dorrit Moussaieff, alors que ceux-ci sont également cités dans les révélations panaméennes. Les données quantitatives permettent d’appuyer la nature de ces révélations, alors qu’au total, un article sur 13 implique M. Davíd Gunnlaugsson.

123 Iceland Monitor. (6 avril 2016). 124 Iceland Review. (8 avril 2016). 125 Iceland Monitor. (6 avril 2016-b).

Les moments-clés (les données qualitatives) : les mois suivants

À titre de rappel, l’ancien premier ministre démissionne en date du 5 avril 2016. Il publie le 11 mai 2016, dans une communication écrite, ses états financiers. Les documents rendus publics exposent le paiement de taxes depuis 2007. Or, suite aux analyses de spécialistes en renseignements financiers, ils ciblent la période entre 2007 et 2009, notamment reliée à l’entrée de M. Davíd Gunnlaugsson dans la vie politique islandaise. Au cours de ces deux années, les vérificateurs remarquent un manque d’informations fiscales. À ce point : « the question [à propos de cette période  : 2007-2009] remains unanswered why the company was registered on Tortola »127.

En date du 5 juin 2016, M. David Gunnlaugsson s’adresse publiquement à ses concitoyens pour la première fois depuis l’annonce de sa démission. Cette prise de parole semble viser la reconstruction de son image publique, mais également la crédibilité du Progressive Party, dont il siège toujours à titre de député et de président. Suite à quoi, l’ancien premier ministre se fait reprocher d’avoir énoncé un discours ‘scripté’, alors que depuis les dernières semaines, ce dernier refuse de répondre aux questions et aux demandes d’entrevues subsistantes en lien avec ses comportements fiscaux128.

Les tensions sociales et gouvernementales marquent, en date du 13 septembre 2016, la révocation de M. Davíd Gunnlaugsson de ses fonctions à titre de président du Progressive Party. Perdant la majorité dans le cabinet, il ne reste qu’à M. Davíd Gunnlaugsson le statut de député. Il est possible de lire ses réactions au moment même du verdict :

« Gunnlaugsson was reportedly disappointed at this ‘unexpected’ outcome but declined to comment further. He also declined to comment on whether he intended to continue working for the Progressive Party. When asked what the future held for him now, Gunnlaugsson replied according to Morgunbladid report: ‘We’ll just have to see’ ». (IceNews, 13 septembre 2016)

L’étude du cas se conclut au moment où les Islandais s’apprêtent à aller aux urnes le 29 octobre 2016. En référence au dernier sondage disponible sous la tendance électorale, les partis Pirates et Independents se partageront une majorité des votes anticipés. Bien que The Progressive Party

127 Iceland Review. (11 mai 2016). 128 IceNews. (5 juin 2016).

ait regagné certains votes, ce nombre n’est pas représentatif du taux partisan ‘avant’ les ‘Panama papers’.