• Aucun résultat trouvé

L‟éthique et la confidentialité

Dans le document Être motard : Hells Angels malgré tout (Page 54-57)

Chapitre 2. Démarches de recherche

2. Les entretiens

2.3 L‟éthique et la confidentialité

La méfiance de la part des interviewés a été omniprésente au cours de l‟étude. Plusieurs détenus et membres du personnel ont refusé de participé. Ceux qui ont accepté posaient, en général, de nombreuses questions quant aux objectifs de recherche et de diffusion. Wright et al. (1992) mentionnent que le fait de répondre à toutes les questions concernant l‟utilisation des données et de faire preuve de confidentialité lorsque des répondants questionnent à propos de leurs comparses a pu aider à obtenir la collaboration des participants. En effet, tous les motards ont d‟abord posé des questions à propos des documents qui seraient produits à la suite des entrevues. Le fait que ce soit une thèse de doctorat se faisait rassurant puisqu‟à leurs yeux, personne ne s‟intéresse à ce type de document. Bien que nous ayons précisé qu‟il s‟agissait d‟un document public, comme il restait du domaine scolaire, il se faisait moins inquiétant. Faisant

régulièrement la manchette des journaux et des bulletins télévisés, d‟emblée, les motards se questionnaient à savoir si nous étions journaliste. Il importait de leur préciser que nous étions étudiante. Les participants ont accepté de s‟impliquer en s‟assurant qu‟aucune information permettant de les identifier ne serait divulguée. La plupart des motards ont refusé de se faire enregistrer et ont refusé de signer le formulaire de consentement. Les détenus non motards se sont montrés moins frileux à cet effet. Le personnel du SCC a accepté, sans hésitations, de signer le document et de se faire enregistrer.

2.3.1 Ne laisser aucune trace de l’entrevue

Tous les interviewés ont été soucieux que leur nom ne figure nulle part, pour plusieurs, pas même sur un formulaire de consentement. Lors de la première entrevue avec un motard, nous étions mal à l‟aise devant l‟hésitation à signer ce document. Nous n‟avions jamais fait face à cette situation, et nous nous questionnions à savoir si éthiquement nous pouvions aller de l‟avant avec l‟entretien. Nous avons donc expliqué que l‟entrevue pourrait difficilement avoir lieu sans cette signature. Si le répondant y a apposé son autographe, nous avons tout de même regretté notre insistance. Nous demandions de l‟information à des personnes qui vivent autrement, qui sont marginales. Nous avons, par la suite, choisi d‟adopté leurs manières. Nous présentions alors le formulaire de consentement. Une fois que le répondant l‟avait lu, s‟il le signait aussitôt, nous le signions aussi. S‟il manifestait une hésitation, on procédait à une entente verbale : il participait sur une base volontaire et nous allions assurer son anonymat et sa confidentialité. L‟accord se scellait par une poignée de mains.

Si les motards exprimaient une réticence face au formulaire de consentement, plusieurs s‟opposaient carrément à l‟enregistrement des entretiens. Claude a expliqué que cette façon de faire « fait trop police ». Tous étaient néanmoins à l‟aise avec une prise de notes systématique, ce qui a permis une reconstitution assez fidèle des entretiens.

2.3.2 Camoufler l’identité

Après chaque entrevue, nous nous sommes inquiétée à savoir comment nous allions tenir notre promesse d‟assurer la confidentialité tout en maximisant l‟utilisation des entrevues. (1) Les motards Hells Angels du Québec sont peu nombreux. (2) Les motards Hells Angels sont connus. Deux caractéristiques suffisantes pour rendre la tâche ardue, d‟autant plus que les participants ne souhaitaient pas nécessairement qu‟à l‟intérieur de l‟organisation on apprenne qu‟ils avaient participé. Notre objectif : que chaque participant se retrouve sans être apte à reconnaître autrui. Il en va de même pour les détenus non motards et le personnel du SCC.

Pour ce faire, certaine mesures ont été prises dans la présente étude. D‟abord, des noms fictifs ont été attribués à chaque interviewé. Certaines parties de leurs discours sont également retranchées de la thèse, soit lorsqu‟ils faisaient allusion à des activités licites ou illicites médiatisées avant leur incarcération ou dans des incidents en milieu carcéral permettant de les identifier (ex : entreprises, meurtres, événements reliés au trafic de drogue, présence lors de fêtes particulières, etc).

L‟organisation des Hells Agels est hiérarchique et un système de promotions permet de gravir les échelons. À l‟annexe 1 se trouve l‟organigramme d‟un chapitre et de son club école. À l‟intérieur du groupe, les motards font une importante distinction entre les divers titres (Leduc, 2006). Le détail sera davantage discuté sous la rubrique concernant l‟échantillon. Toutefois, à titre d‟exemple, les membres de clubs écoles ne sont pas vus comme des Hells Angels à l‟intérieur de l‟organisation, et même les prospects HA affirment ne jamais avoir été réellement membres. Ici, spécifions que pour des raisons de confidentialité, le statut exact du motard au sein de l‟organisation ne sera pas précisé. En procédant de la sorte, il devient plus difficile pour le non initié, mais surtout pour le lecteur qui s‟avérerait expert du milieu des motards, de reconnaître les interviewés. Soulignons que les analyses ne sont pas affectées par ce masquage d‟information. Ces précisions deviennent accessoires lorsque l‟analyse porte sur la réputation. Les Hells Angels sont compris par les forces de l‟ordre et la population comme un tout cohérent. Le titre de chacun dans l‟organisation n‟ajoutait pas de valeur aux analyses.

Parallèlement, le rôle exact des interviewés travaillant au SCC ne sera pas toujours annoncé. Si les ALC et les agents correctionnels (gardiens) sont nombreux, certains emplois sont moins fréquents.

Dans le document Être motard : Hells Angels malgré tout (Page 54-57)