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1.L

E FONCTIONNEMENT DU RESEAU

1.1 L’organisation du réseau au niveau départemental

L’évolution des structures d’animation de la vie locale

Le rôle de l’administration de Jeunesse et Sport

La Direction Départementale Jeunesse et Sport du Finistère (DDJS 29) Le rôle des enseignants

1.2. Les caractéristiques des ULAMIR

Les principes de fonctionnement des ULAMIR

Le rôle des réseaux nationaux d’éducation populaire dans le développement du réseau

1.2. Les formes d’engagement dans le réseau

L’engagement de l’inspecteur départemental L’engagement des animateurs

Les réflexions sur la déontologie ou les prémisses d’une identité professionnelle

2.L

ES ACTIVITES DU RESEAU

2.1. Les actions d’animation

Les activités socioculturelles et de loisirs Les activités de plein-air

Les formations des responsables associatifs Les services mis à disposition du tissu associatif

2.2. Un réseau pionnier et charismatique de développement local

L’accumulation et le partage des ressources dans le réseau

La légitimité du réseau

Charisme et innovation : la production d’activités inédites dans le milieu rural finistérien La construction d’une relation émotionnelle à la nature et d’un attachement au territoire

A partir du milieu des années 1970, le milieu rural breton, et plus particulièrement finistérien, est en pleine reconfiguration socio-économique et démographique. A cette période, la croissance démographique de l’espace rural breton reprend puis s’accélère - alors même que la population urbaine se stabilise -, d’abord sous l'effet de la natalité, puis à partir de 1975, sous l’effet des migrations. Cette évolution s’explique par le regain d’attractivité généré par la satisfaction des besoins sociaux essentiels (accès généralisé à un réseau routier, au téléphone, à l’eau courante, à la protection sociale), elle-même permise par l’action redistributive de l’Etat lors de la précédente décennie. Dans le même temps, la demande de loisirs des nouvelles populations s’accentue et le tourisme se développe. Dans ce contexte, les modèles de régulation interventionnistes, pourvoyeurs de programmes correctifs et standardisés, légués par l’Etat-Providence demeurent prégnants mais les logiques de développement endogène, reposant le plus souvent sur des expériences préfiguratrices venant du local (cf. chapitre 3) sont également supportées par l’action publique dans des décisions administratives (Chosson, 1990 ; Ion, 2005).

Dans le milieu rural breton, « rester et vivre au Pays » ne devient durablement possible que dans le cadre d’un projet de développement qui prend davantage appui sur les ressources locales avec pour double objectif de créer des conditions favorables à la maîtrise collective des enjeux et de permettre l’émancipation individuelle au sein de ce contexte. A cette période, la création, dans le Finistère, d’un réseau départemental d’animation rurale (les ULAMIR) présenté comme une innovation institutionnelle par les fonctionnaires de Jeunesse et Sports incarne la volonté plus générale de la puissance publique de participer à la revitalisation de communes rurales sur le déclin par le développement d’un projet d’animation sociale et culturelle.

L’objectif de ce chapitre et de décrire les étapes successives par lesquelles la mobilisation et l’évolution du réseau d’animation rurale se réalisent. Plus précisément, il s’agit de dégager les facteurs qui sont à l’origine de l’émergence du réseau et qui participent ensuite à son élargissement. Dans un premier temps, c’est le fonctionnement général du réseau qui sera décrit. Son organisation au niveau départemental et le rôle singulier de l’administration Jeunesse et Sports dans l’émergence d’une communauté d’acteurs seront analysés. Les missions des animateurs locaux seront plus particulièrement décrites, en tenant compte des objectifs énoncés par le réseau, des modes d’actions mis en œuvre et des échelles d’intervention. Deuxièmement, c’est la nature de la relation à l’environnement que le réseau construit à travers ces actions qui sera étudiée. Plus précisément, les activités du réseau mettent en évidence son action pionnière dans l’émergence d’une dynamique de développement local et environnemental.

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E FONCTIONNEMENT DU RESEAU

Dans le Finistère, les politiques de développement socioculturelles sont en mesure, selon l’administration, de répondre aux problèmes émergents de désœuvrement de la

jeunesse (ennui, comportements à risques, etc.) et plus largement de déstructuration du tissu économique local (exode, augmentation du chômage, etc.) par la valorisation des ressources locales (humaines, naturelles, paysagères, récréatives, etc.). La titularisation des premiers animateurs ruraux permanents du Finistère, en particulier au sein des premières Unions Locales d’Animation en Milieu Rural (ULAMIR) est considérée comme une solution, par l’administration centrale, pour accompagner la globalité des changements auprès de la population et pour développer l’emploi non-agricole. Plus précisément, le projet des ULAMIR développé au cours des années 1970 s’inscrit dans un contexte national de planification censé répondre aux déséquilibres territoriaux, qu’ils soient économiques ou culturels, entre les zones urbaines et les zones rurales. Ce projet participe ainsi la récréation d’un monde commun et à la formalisation d’un réseau d’acteurs.

1.1. L’organisation du réseau au niveau départemental

L’évolution des structures d’animation de la vie locale

Nous avons montré dans le chapitre 3 les transformations voire le déclin des structures d’encadrement traditionnelles du milieu rural breton. A l’associationnisme conservateur culturel et religieux tenus par les notables et le clergé, parfois dans une logique d’assistance sociale, succède un associationnisme à finalités sociales, sportives ou socioculturelles (foyers de jeunes, associations familiales, club du troisième âge, etc.). Une nouvelle génération encadrante voit le jour autour de la notion d’ « animation globale», reprenant un critère de l’action collective antérieure : l’idée d’une action sur un ou des groupes sociaux spécifiques pouvant être caractérisé par un espace commun d’appartenance (Ion, 2005 : 47). Plus précisément, les nouvelles formes de mobilisations associatives s’opèrent à la fois en rupture et en continuité des mouvements antérieurs, « là où la place est

libre »174, tirant parti de leur déclin mais dans le respect de leur héritage, non pas idéologique mais social. Cette double intention est régulièrement évoquée dans les différents corpus d’archives et dans les témoignages des responsables associatifs vers la fin des années 1970. C’est le cas, par exemple, pour les nouvelles associations de développement local, à l’image des ULAMIR, dont nous détaillerons les caractéristiques plus loin, qui cherchent à clarifier leur action : « il semble que les responsables des ULAMIR aient repris, en la laïcisant, la philosophie

du social qui avait conduit la JAC à assurer la formation du sens civique des responsables actuels (politiques, syndicalistes, dirigeants de coopératives agricoles, associations, etc.)»175. A cet égard, il est intéressant de constater la proximité des leitmotivs et des modes d’action préconisés entres les différents mouvements successifs. Quand la JAC invitait à « voir, juger et agir », les ULAMIR précisent que « l’animation n’est pas une fin en soi, militer en milieu rural ne trouve sa

justification que dans la perspective que vivre au pays est un choix possible et heureux »176.

174 Expression tirée d’un entretien avec Joël, ancien animateur.

175 Extrait d’un article non-daté. Source : ULAMIR de Ploudalmézeau. 176 Ibid

Nombreuses de ces initiatives associatives furent suscitées, encouragées ou soutenues par l’administration. En revanche, cette pénétration de l’institution publique dans les territoires est vivement critiquée par les tenants des organisations traditionnelles, notamment agricoles, comme la JAC (renommée MRJC), qui considèrent, outre leur opposition historique à toute initiative laïque, qu’il ne doit pas y avoir d’intervention étatique dans le domaine des organismes de promotion collective (Chosson, 1990). Cette politique était également contestée à l’intérieur du corps administratif lui-même et les conflits entre fonctionnaires ou entre animateurs socioculturels et enseignants étaient toujours sous-jacents177. Ainsi, l’action publique entendant contribuer à la restructuration des milieux ruraux, par des interventions dans le domaine socioculturel, doit négocier son ancrage territorial avec le tissu social préexistant.

On peut distinguer avec J. Ion (2005) au moins trois grandes catégories d’acteurs impliquées dans ce projet. Il s’agit d’une part, des administrations étatiques (les différents ministères), dans leur double composante : administrations centrales et administrations déconcentrées au niveau régional et surtout départemental, représentées par des fonctionnaires. Dans le Finistère, cette action est en particulier conduite, dès le milieu des années 1960 et jusqu’au milieu des années 1980, par l’administration de Jeunesse et Sport. Plus exactement, ses fonctionnaires y sont chargés de porter et de légitimer des actions nouvelles. Il s’agit d’autre part, des collectivités locales à travers leurs élus. La troisième grande catégorie d’acteurs est celle relevant du secteur privé, et principalement du secteur associatif, au sein duquel il convient de distinguer, d’un côté, les représentants locaux des grandes fédérations associatives ou associations nationales (MJC, Foyer rural, etc.) et d’un autre côté, les associations locales de moindre envergure, souvent créées pour répondre à des problèmes posés localement.

Ce sont les caractéristiques de ces configurations d’acteurs que nous avons pris en compte pour analyser l’émergence d’une dynamique d’animation dans le Finistère. Plus précisément, le projet de refondation de la société rurale s’incarnant dans les ULAMIR devient opérationnel dans une configuration d’influences qui mobilise trois réseaux distincts : l’administration, le réseau institutionnel de l’éducation populaire et le réseau politique local.

177 La création d’un un corps spécifique d’animateurs socioculturels par le Ministère de l’Agriculture

fut largement contesté par le Ministère de l’Education Nationale qui, d’une manière générale, s’opposa à toute tentative de ce type, considérant que la mission éducative au sens large était de son ressort exclusif (Chosson, 1990).

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