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Les traducteurs du changement : de l’intégration des jeunes ruraux à la gestion de la nature : les formes de l’Education à l’Environnement au sein de l’ULAMIR-CPIE du Pays de Morlaix (1974 – 2017)

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Les traducteurs du changement : de l’intégration des

jeunes ruraux à la gestion de la nature : les formes de

l’Education à l’Environnement au sein de

l’ULAMIR-CPIE du Pays de Morlaix (1974 – 2017)

Joy Toupet

To cite this version:

Joy Toupet. Les traducteurs du changement : de l’intégration des jeunes ruraux à la gestion de la nature : les formes de l’Education à l’Environnement au sein de l’ULAMIR-CPIE du Pays de Morlaix (1974 – 2017). Histoire. Université Rennes 2, 2018. Français. �NNT : 2018REN20003�. �tel-01710164�

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UNIVERSITÉ RENNES 2 – HAUTE BRETAGNE Laboratoire ESO-Rennes UMR 6590 CNRS ESO

Ecole Doctorale Sciences humaines et sociales (ED 507 SHS) Sous le sceau de l’Université Bretagne Loire

Les traducteurs du changement : de l’intégration des

jeunes ruraux à la gestion de la nature

Les formes de l’Education à l’Environnement au sein de l’ULAMIR-CPIE du Pays de Morlaix (1974 – 2017)

Thèse de Doctorat Discipline : Géographie Présentée par Joy TOUPET

Directrices de thèse : Nadia Dupont et Véronique Van Tilbeurgh Soutenue le 11 janvier 2018

Jury :

Dominique Royoux

Professeur de Géographie à l’Université de Poitiers / Rapporteur Chantal Aspe

Maître de Conférences HDR en Sociologie à l’Université Aix-Marseille / Rapporteure Olivier David

Professeur de Géographie à l’Université Rennes 2 Angela Barthes

Professeure en Sciences de l’Education à l’Université Aix-Marseille Nadia Dupont

Maître de Conférences en Géographie à l’Université de Rennes 2/ Directrice de thèse

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REMERCIEMENTS

Voici que ce travail de thèse s’achève à l’issue de cinq intenses années, sous la co-direction de Nadia Dupont et Véronique Van Tilbeurgh. Ce sont à elles que je souhaite exprimer ma plus vive reconnaissance pour m’avoir accompagnée tout au long de ce travail. Je les remercie de m’avoir accordée leur confiance, dans ce qui n’était au début qu’une réflexion balbutiante à partir de ce que je « vivais » au même moment dans une association de développement local et d’Education à l’Environnement. Je les remercie plus particulièrement pour la solidité de leur encadrement, leurs multiples relectures et leurs conseils avisés, tant sur le plan d'ensemble que dans le détail de chaque chapitre. Et au-delà, je les remercie pour ce que leurs points de vue de géographe ou de sociologue ont respectivement pu apporter à mon analyse mais aussi plus généralement, à ma façon de « voir le monde ».

Je tiens à remercier Olivier David, Chantal Aspe, Angela Barthes et Dominique Royoux d’avoir accepté de participer à ce jury de thèse et de me faire ainsi l’honneur de consacrer du temps et de l'attention à mon travail.

Je voudrais évidemment dire ma gratitude à l’ensemble des personnes ayant œuvré et œuvrant toujours au bon fonctionnement de l’Union Locale d’Animation en Milieu Rural (ULAMIR) de Lanmeur depuis maintenant plus de 40 ans. Sans elles, ce travail n’aurait tout simplement pas pu exister. Je pense en particulier à Michel Clech qui a accueilli et défendu, il y a quelques années maintenant, ce projet de recherche avec enthousiasme, et au bureau de l’association de m’avoir fait confiance pour engager, avec toutes les incertitudes que cela pouvait comporter, un travail inédit. Je remercie ainsi Michel Simon, Eric Tristan, Christine Prigent, Guillaume Castel et Catherine Baron d’avoir incarné, simultanément ou successivement, cette confiance à mon égard pendant les trois années de mon contrat CIFRE.

Grâce à ce travail de thèse mais aussi au-delà de lui, j’ai eu la chance de découvrir et d’intégrer tout un réseau de personnes aux qualités humaines et professionnelles remarquables. Ce sont finalement ces gens, ce qui les animent, ce qu’ils pensent et ce qu’ils font qui constituent le cœur de cette thèse.

Je remercie plus particulièrement les collègues de l’ULAMIR dont j’ai pu apprécier la sincérité, l’authenticité et l’engagement au quotidien. Les moments d’échanges, de débats mais aussi de fêtes parfois restent pour moi des souvenirs impérissables. Michel, Bénédicte, Orélie, Géraldine, Bob, Jean-Luc, Camille, Marie-France, Océane, Morgane, soyez ici très sincèrement remerciés pour tout ce que vous m’avez apporté sur les plans professionnels et personnels. Je n’oublie pas Régine, Julie, Coralie, Michel Tanguy et tous les autres, qu’ils soient permanents ou « de passage », sans qui l’ULAMIR ne serait pas ce qu’elle est.

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J’exprime aussi toute ma reconnaissance à l’ensemble des personnes que j'ai rencontrées sur le terrain et avec lesquelles j'ai tissé des liens qui, quoique maintenant défaits pour certains, ne m'en ont pas moins marquée. Je pense à l’ensemble des acteurs de l’éducation à l’environnement, éducateurs, chargé-e-s de mission des associations, des collectivités territoriales ou des institutions publiques rencontré-e-s lors de mes missions professionnelles mais aussi aux personnes enquêtées, en Bretagne, en Vendée ou à Paris, « anciens » des réseaux comme jeunes responsables.

Ce travail n’aurait pas été possible sans le soutien de l’ANRT. Qu’elle s’en trouve ici vivement remerciée.

A Rennes, j'ai eu la chance de faire partie du laboratoire ESO durant cinq années. Je voudrais ici remercier Raymonde Séchet pour son accueil, Olivier David, Emmanuelle Hellier et Florent Demoraes pour leur accompagnement, leur disponibilité et leur constant soutien dans mes démarches de recherche et de valorisation. Je n’oublie pas les représentants des doctorants, grâce auxquels j'ai pu trouver ma place et prendre part, autant que faire se peut, à la dynamique collective du laboratoire. Que soient plus particulièrement remerciés ici Mathilde Bigot et Brieuc Bisson, pour le site rennais.

Je suis reconnaissante à l'Université de Rennes 2 de m'avoir embauchée en tant qu'ATER durant ma dernière année de doctorat, ce qui m'a permis de mener plus sereinement à terme ma recherche. J'ai trouvé au sein de l'UFR de Géographie un cadre de travail particulièrement chaleureux. J'exprime toute ma gratitude à l'ensemble des collègues que j'y ai côtoyés et en particulier à Laurence Le Du pour sa bienveillance, à Simon Dufour, Yvon Le Caro et Hélène Bailleul pour leurs encouragements et leur présence amicale.

Malgré ma présence sporadique à Rennes, j’ai eu la chance d’y faire la rencontre d’une sympathique bande de doctorant-e-s qui m’a non seulement chaleureusement intégrée dans ses rangs mais aussi hébergée à de nombreuses reprises lors de mes allers-retours. Je remercie ainsi très sincèrement Mathilde, Morgan, Flavie, Annie, Caroline L.C., Brieuc mais aussi Ali, Guillaume, Alexandra, Elena, Sophie ou encore Caroline G. pour leur amitié et leur solidarité.

Chers Annie, Ali, Mathilde, Mamadou et Elodie soyez plus particulièrement remerciés pour votre aide dans la dernière ligne droite de la rédaction…elle me fût plus que précieuse, je dirais même vitale !

Au terme de ce parcours, je remercie enfin celles et ceux qui me sont chers et que j’ai quelque peu délaissés ces derniers mois pour achever cette thèse. Leurs attentions et encouragements m’ont accompagnée tout au long de ces années. Je remercie ainsi mes parents, mes amis et bien sûr mon compagnon et mes enfants pour leur soutien, leur confiance…et leur infinie patience !

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SOMMAIRE

Liste des sigles ... 9

Introduction générale ... 11

1

ère

partie. De la naissance d’une recherche aux origines d’un réseau d’acteurs ... 35

Chapitre 1. « Eduquer à l’environnement » : relier un champ d’action à des réseaux d’acteurs ... 39

Chapitre 2. Etudier les pratiques d’un réseau d’acteurs en Education à l’Environnement : la mobilisation comme enjeu de l’action ... 83

Chapitre 3. Les contextes d’élaboration d’un réseau local d’Education à l’Environnement (1950-1970) ... 125

Conclusion : Pour une analyse des étapes de transformation du réseau local ... 183

2

ème

partie. La trajectoire du réseau finistérien des ULAMIR (1974- 2017) ... 187

Chapitre 4. L’émergence d’un réseau d’animation rurale (1970-1980) ... 191

Chapitre 5. La professionnalisation du réseau vers la pédagogie environnementale (1980-2000) .... 243

Chapitre 6. La gestion de dispositifs publics éco-orientés (2000 – 2017) ... 285

Conclusion : De l’émancipation des ruraux à celle des milieux naturels ... 327

3ème partie. « Opération traduction » : de la biodiversité à une grenouille en résine sur un rond-point ...333

Chapitre 7. La mobilisation de l’ULAMIR-CPIE dans le dispositif « Trame Verte et Bleue » ... 337

Chapitre 8. La traduction locale de la « Trame Verte et Bleue » ... 403

Conclusion : La médiation pour construire les dynamiques collectives locales autour de l’environnement ... 451

Conclusion générale ... 455

Annexes ... 467

Bibliographie ... 491

Table des documents ... 525

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LISTE DES SIGLES

ANRT : Association Nationale de la Recherche Technologique APPSB: Association Pour la Protection du Saumon en Bretagne BAFA : Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateur

BEATEP : Brevet d'État d'Animateur Technicien de l'Éducation Populaire et de la jeunesse CCPA: Camps Chantiers de Plein-Air

CDB: Convention sur la Diversité Biologique

CELIB: Comité d'Etude et de Liaison des Intérêts Bretons CIFRE : Convention Industrielle de Formation par la Recherche COMOP : COMité OPérationnel

CPIE : Centre Permanent d’Initiative pour l’Environnement

DATAR : Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité

régionale

DDJS : Direction Départementale de Jeunesse et Sports

DREAL: Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement de

Bretagne

EDD : Education au Développement Durable EE : Education à l’Environnement

EEDD : Education à l’Environnement et au Développement Durable FNE: France Nature Environnement

FNFR : Fédération Nationale des Foyers Ruraux

FONJEP: Fonds de Coopération de la Jeunesse et de l'Education Populaire

GRAINE : Groupe Régional d'Animation et d'Initiation à la Nature et à l'Environnement. INRA : Institut National de la Recherche Agronomique

IUCN: International Union for Conservation of Nature IUT: Institut Universitaire de Technologie

JAC: Jeunesse Agricole Catholique LOA: Loi d’Orientation Agricole

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MNHN : Muséum National d’Histoire Naturelle MRJC : Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne PLU : Plan Local d’Urbanisme

PLUi : Plan Local d’Urbanisme Intercommunal PNR : Parc Naturel Régional

PNRA: Parc Naturel Régional d’Armorique

REEB : Réseau d’Education à l’Environnement en Bretagne REN : Réseau Ecole et Nature

SAGE: Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux SCOT: Schéma de Cohérence Territoriale

SEMENF: Société d'Economie Mixte d'Etudes du Nord-Finistère SEPNB: Société pour l'Etude et la Protection de la Nature en Bretagne SNB: Stratégie Nationale pour la Biodiversité

SRCE : Schéma Régional de Cohérence Ecologique TVB : Trame Verte et Bleue

UBAPAR : Union Bretonne pour l’Animation des Pays Ruraux UDAMIR : Union Départementale pour l’Animation en Milieu Rural ULAMIR : Union Locale pour l’Animation en Milieu Rural

UNCPIE : Union Nationale des Centres Permanents d’Initiative pour l’Environnement URCPIE : Union Régionale des Centres Permanents d’Initiative pour l’Environnement ZSAR : Zone Spéciale d’Aménagement Régional

(12)

Introduction générale

P

REAMBULE

:

DU TERRAIN A LA THESE

Parcours de formation

Saisir le changement : la mise en tension des échelles S’ancrer dans le proche : le choix du développement local

D’un stage professionnel à un sujet de recherche

La découverte d’un « monde » et d’un « milieu » Les constats de départ

Q

UESTIONNER LA MOBILISATION SOCIALE DANS LE CONTEXTE DE L

ACTION

D

UN RESEAU D

ACTEURS EN

E

DUCATION A L

’E

NVIRONNEMENT EN

BRETAGNE

Axes de questionnement et orientations d’ensemble

La situation générale du changement socio-environnemental

La traduction pour comprendre l’inscription locale des dispositifs publics

Positionnement de recherche

Une approche située des mobilisations sociales autour de l’environnement Une approche socio-historique d’un réseau d’acteurs

Les conditions de réalisation de la thèse : une recherche en convention CIFRE

Apports et limites de la thèse

Plan de la thèse

Partie 1 : de la naissance d’une recherche aux origines d’un réseau d’acteurs

Partie 2 : de l’animation rurale à l’éducation environnementale, la trajectoire du réseau finistérien des ULAMIR (1974-2017)

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Il faisait un temps superbe, le lundi 08 juin 2015 quand j’arrivais au « Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE) Sèvre et Bocage », anciennement appelée « Maison de la vie rurale », situé comme son nom le mentionne, au cœur du bocage vendéen, pour assister à une formation professionnelle de trois jours organisée par l’Union Nationale des CPIE. Cette formation, qui s’intitulait « co-construire et faire vivre un projet de

biodiversité partagé sur son territoire » consistait, par l’acquisition d’un certain nombre de

connaissances et de méthodes, à permettre aux équipes des quelques 80 CPIE nationaux de mettre en œuvre le dispositif environnemental de la Trame Verte et Bleue (TVB). Je me dirigeais vers l’entrée du site, balisée par une barrière sur laquelle était écrit « Bienvenue dans

votre jardin associatif ». Un premier bâtiment de pierres et plusieurs massifs de graminées et

autres vivaces fleuries s’offraient alors à ma vue. A mesure que je m’avançais sur le site, je pus distinguer trois autres bâtiments anciens, dont une grange relativement imposante. A ma droite, un petit panneau signalétique expliquait que les deux caves se trouvant en contrebas d’un garde-corps, avaient été formées lors de l’extraction de la roche ayant servi à la construction du bâti alentour. J’aurais aimé m’attarder sur la vue qui s’était désormais dégagée sur un vaste jardin potager boisé et étagé, mais je m’employai à trouver la salle de travail dans laquelle je devais rejoindre le groupe de participants.

La salle, de plain-pied, était spacieuse et lumineuse, et visiblement issue d’une rénovation récente. A une de ses extrémités se trouvait un local technique et des toilettes conçues selon les normes actuelles pour les personnes à mobilité réduite (PMR). De l’autre côté, je devinais une cuisine professionnelle d’où sortaient café et croissants. Une liste de recommandations sanitaires y était soigneusement affichée. Au centre de la pièce principale étaient matérialisés deux espaces distincts : la « salle à manger », composé de deux rangées de tables successives, et l’espace de travail, organisé par quatre grandes tables disposées en carré. Dans un coin de la salle, un aquarium rempli d’eau verdâtre, semblait délaissé depuis plusieurs semaines. La personne qui terminait le ménage quotidien de la salle me salua.

Peu de temps après mon arrivée, le groupe, composé d’une quinzaine de personnes prit place autour de l’espace de travail. Une cafetière chaude passait encore de main en main tandis que les deux formateurs débutaient leurs présentations respectives et rappelaient les objectifs du programme de formation. Leur intervention, insistait sur l’importance « de poser

les bases théoriques de la Trame Verte et Bleue, de maîtriser de nouvelles connaissances pour se mettre en mouvement et d’identifier les voies par lesquelles les CPIE pouvaient répondre aux enjeux territoriaux autour de cette politique publique ». Parce que l’opérationnalisation de ce dispositif

de préservation de la biodiversité était d’usage plutôt adressé aux urbanistes et autres aménageurs, il s’agissait de construire une compréhension mutuelle entre urbanistes et « environnementalistes ». La question n’était pas de « devenir des experts comme eux mais que

[ces derniers] ne rigolent pas de nous ». Les formateurs rappelaient en effet que le CPIE Loire

Anjou et le CPIE Sèvre et Bocage, dont ils étaient les directeurs respectifs, « n’étaient pas du

tout, à l’origine, des experts» mais que « si [ils] ne s’étaient pas emparé de la TVB, [ils] n’auraient pas été identifiés pour ça. Maintenant ils pouvaient dire qu’ils étaient devenus « incontournables

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sur le sujet ». Et de conclure sur toutes les bonnes raisons qu’avaient les CPIE de ne

pas « rester étrangers à cette thématique Trame Verte et Bleue ». Ils s’étonnaient toutefois que ce dispositif, jugé innovant sur le plan réglementaire, ne « parle pas davantage aux gens ». Ils trouvaient ça joli pourtant eux, cette évocation, à travers la terminologie de « trame », d’un lien, d’un tissage dans le paysage mais se désolaient de « perdre des gens quand même » quand la participation au dispositif était évoquée lors du tour de table. Ils soulignaient néanmoins le fait « qu’on a jamais autant parlé de biodiversité en milieu rural que depuis la TVB » et que la

« grande vertu » de ce dispositif était bien « d’amorcer le dialogue ».

Pendant que le groupe continuait d’échanger sur des considérations techniques et réglementaires du dispositif environnemental, j’observais derrière les baies vitrées, deux groupes de jeunes enfants, tous entre 6 et 8 ans, gourde en main et casquette sur la tête, se diriger avec leurs accompagnateurs et animateurs vers le jardin. Ce n’est qu’en soirée, dans l’ancienne soue à cochons transformée en bar associatif que j’en apprendrais davantage sur les activités liées au potager, autour duquel un groupe de bénévoles s’était constitué pour proposer des ateliers de cuisine: l’occasion, me confia-t-on, de faire re-découvrir au grand public des produits et des recettes « oubliées » à base de tétragone, de topinambour, de panais ou encore de physalis.Un des formateurs expliqua alors que l’ambition de ce jardin, entretenu par une équipe d’une quarantaine de bénévoles tous les jeudis matins et coordonné par un salarié, était d’en faire faire un jardin non seulement « naturel » mais aussi

« paysager » et « beau » car il était question de faire quelque chose de « sérieux » pour « faire une bonne pub du jardinage naturel ». A l’évocation de la ressource bénévole caractérisant

l’association, les blagues faisant référence au bar associatif fusèrent : « on comprend mieux

maintenant votre stratégie de recrutement ! » lança une participante en désignant la rangée de

verres de vin blanc toujours alignés sur le bar et remplis à ras-bord. Les éclats de rire généralisés me laissèrent alors pensive sur cette journée émaillée de découvertes aussi riches qu’inattendues.

En effet, que fallait-il retenir d’une association rurale - et par extension du réseau professionnel autour duquel elle était structurée (celui des CPIE) - dotée d’une telle dynamique et impliquée dans des projets aussi diversifiés que l’accueil de groupes, la pédagogie environnementale, la formation technique autour de dispositifs publics environnementaux, l’entretien d’un jardin géré collectivement et bénévolement, des ateliers culinaires, et plus largement encore, impliquée dans l’animation d’une vie associative centrée sur le territoire ? Comment une association rurale était-elle arrivée à développer aujourd’hui une telle diversité d’action, notamment sur les questions environnementales, jusqu’à devenir une institution locale reconnue ? Quelle était son histoire? Quelles ressources mobilisait-elle aujourd’hui et que produisait-elle en retour ?

Cette anecdote, à défaut d’être à l’origine de ce travail de thèse, en illustre néanmoins son objectif : celui d’analyser tout au long de sa trajectoire, les caractéristiques de fonctionnement et le rôle d’un réseau local d’Education à l’Environnement dans la transition écologique d’un territoire et plus particulièrement dans le processus, à l’œuvre aujourd’hui,

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d’ancrage des dispositifs environnementaux dans des opérations concrètes censées réorienter les pratiques humaines.

P

REAMBULE

:

DU TERRAIN A LA THESE

En 2015, j’assistais1 à la formation professionnelle sur la Trame Verte et Bleue en tant que chargée de mission salariée d’un autre CPIE, celui de Morlaix, dans le Finistère (29). J’y avais été embauchée trois ans auparavant, à l’issue d’un stage de fin de Master, dans le cadre d’une Convention Industrielle de Formation par la Recherche (CIFRE).

Parcours de formation

A priori, ni mon parcours de formation ni mon expérience personnelle ne me destinait à intervenir dans une telle structure professionnelle. En effet, mon parcours de géographe et plus largement de sciences sociales ne m’avait à aucun moment amené à explorer les réseaux professionnels liés à la pédagogie environnementale ou les réseaux associatifs locaux participant, d’une manière ou d’une autre, à la mise en œuvre des politiques publiques de développement local.

Saisir le changement : la mise en tension des échelles

Titulaire d’une Licence de Géographie, obtenue à l’Université de Nantes en 2005, je choisis initialement d’orienter mon début de Master vers la recherche, à l’EHESS de Paris, à partir d’un terrain exploratoire dans une vallée du nord du Pakistan. A cette période, je m’intéressais à des phénomènes de transition et plus particulièrement à la transformation du processus de régulation des ressources territoriales dans un contexte de désenclavement et de développement d’une vallée de haute-montagne frontalière avec la Chine2. Toutefois, mes conditions matérielles ne me permirent pas de poursuivre ces recherches et quelques années plus tard, je me réorientais vers un Master 2 professionnel pluridisciplinaire (aménagement, urbanisme, développement, environnement) à l’Institut de Géoarchitecture à Brest. La réorientation de ma formation m’amena à questionner les paramètres du développement et

1 L‘emploi du « je » permet de mettre en évidence les implications de l’intervention d’un sujet agissant

qui effectue, à certains moments, des choix théoriques et pratiques décisifs pour l’orientation du processus de recherche et donc pour les interprétations qui en découlent. Le reste du temps, le « je » s’effacera derrière la forme impersonnelle pour mieux mettre en avant les interprétations elles-mêmes.

2 Les dynamiques observées concernaient la recomposition des pratiques agro-pastorales des sociétés

locales sous l’influence d’un certain nombre de facteurs externes (développement des relations commerciales bilatérales sino-pakistanaises, des infrastructures routières et du tourisme intérieur). Je m’intéressais plus particulièrement à la manière dont les sociétés locales tiraient parti des différentes ressources à leur disposition pour s’adapter aux changements, qu’ils soient fonciers, agricoles, politiques ou plus largement culturels.

(17)

du changement dans une plus grande proximité spatiale et culturelle (française, bretonne, finistérienne). Ayant la particularité d’offrir aux étudiants des éclairages autant en sciences de l’environnement qu’en sciences humaines et sociales sur les dynamiques contemporaines d’aménagement du territoire, cette année de fin de cycle m’amena à travailler sur des projets variés et à l’interface directe des « acteurs de terrain », dans le cadre, en particulier, de dispositifs de gestion environnementale3. Les différentes situations de travail proposées m’ont permis d’observer la manière dont les élus, les techniciens ou les gestionnaires d’un territoire introduisaient localement des changements (sur le plan réglementaire, sur le plan technique ou sur le plan des pratiques) dans leur environnement proche (une commune ou un groupe de communes, un espace rural ou littoral).

Ainsi, que ce soit sur le continent asiatique ou en Bretagne, les contextes et les processus de transition et de transformation socio-environnementale ont toujours guidé mes intérêts. Si de multiples raisons m’avaient jusqu’alors éloignée de la possibilité de travailler sur ces enjeux dans les vallées du nord du Pakistan, j’eus l’opportunité d’en explorer d’autres aspects à partir d’un autre contexte social et culturel, certes moins exotique mais tout aussi fécond.

S’ancrer dans le proche : le choix du développement local

Lorsque je dus trouver un stage de 6 mois fin 2010 pour valider mon M2 à la rentrée universitaire suivante, je décidais de centrer mes recherches sur le Pays de Morlaix4, où j’avais entretemps établi ma résidence. Par ce choix de cibler mes recherches à proximité, je refusais de considérer que les contraintes personnelles et matérielles de la distance n’étaient qu’accessoires ; j’avais au contraire eu l’occasion d’en faire l’expérience inverse quelques années auparavant lorsque je partis à Paris et plus encore lorsque ces contraintes m’obligèrent à renoncer à approfondir mes recherches au Pakistan. Suite à mes candidatures, je reçu les réponses positives de deux structures locales. La première émanait d’une entreprise de production de ouate de cellulose5, Cellaouate, implantée à Morlaix

3 J’ai par exemple eu l’opportunité pendant ce Master de réaliser une étude environnementale pour le

SCOT d’une communauté de communes ; d’élaborer un ensemble de préconisations pour le développement durable d’une commune des Pyrénées ou encore d’élaborer un plan de gestion de l’espèce invasive Spartina Alterniflora en Rade de Brest.

4 La politique des Pays (Loi Pasqua en 1995, Loi Voynet en 1999) s’inscrit dans la continuité des

politiques de développement local débutées à la fin des années 1960. Le Pays est un territoire cohérent sur le plan géographique, culturel, économique ou social, à l’échelle d’un bassin de vie ou d’un bassin d’emploi sur lesquels les acteurs définissent eux-mêmes un projet de développement transversal et prospectif. Le Pays de Morlaix est composé de 61 communes sur une superficie de 1330 km² et représentant environ 129 000 habitants.

5 La ouate de cellulose est obtenue à partir de la transformation de papier journal recyclé. Le papier est

défibré, puis sont incorporés des additifs, qui lui confèrent une forte résistance au feu. Ce matériau « écologique » est destiné à être mise en œuvre dans l’isolation thermique et phonique des bâtiments.

(18)

depuis 20096. La seconde proposition de stage provenait du Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE) du secteur, basé à Lanmeur. L’objectif du stage, sur lequel je reviens plus longuement dans les pages suivantes, consistait à renforcer leur « pouvoir d’agir » pour orienter les politiques locales vers une meilleure prise en compte non seulement des enjeux environnementaux eux-mêmes mais aussi de l’importance éducative à leur sujet. Il s’agissait dans un premier temps de réaliser un diagnostic auprès des acteurs locaux de l’Education à l’Education comprenant « ceux qui en font leur métier » et « ceux qui en

font dans leur métier »7, pour mieux connaître les attentes et les besoins de développement.

Dans les deux cas, ces propositions étaient le résultat d’initiatives territorialisées et visaient pour chacune d’entre elles à résoudre des problèmes spécifiques, à partir de ressources existantes localement. De ce point de vue, l’entreprise Cellaouate et le CPIE m’offraient toutes deux la possibilité d’ancrer mes connaissances en travaillant sur des dynamiques de « développement local », entendu comme un processus de diversification et d’enrichissement des activités socio-économiques sur un territoire local à partir de la mobilisation et de la coordination de ses ressources matérielles et immatérielles. L’approche en termes de développement local conduit à considérer que le développement ne découle pas seulement de la valeur économique des activités et qu’il ne relève pas seulement des systèmes organisés de production et des institutions centralisées mais est aussi lié à de petites initiatives localisées, à la mobilisation de la population locale autour de projets utilisant des ressources locales (Campagne & Pecqueur, 2014 ; Pecqueur, 1989). Cette approche s’inscrirait dans une perspective humaniste qui considère que les sociétés humaines doivent être replacées au centre du fonctionnement économique. Le choix de la proximité impliquait donc pour moi de comprendre les spécificités de l’intégration de la question environnementale dans des champs d’action et des métiers peu explorés jusque-là.

Si ces deux propositions suscitaient mon intérêt pour des raisons très différentes, je me questionnais toutefois sur leur pertinence eu égards à la formation que je venais de suivre, davantage centrée sur les enjeux opérationnels de l’aménagement et de la gestion environnementale que sur le développement d’entreprise ou les questions éducatives. Les discussions avec mes enseignants, que je sentais relativement étrangers à ces champs d’action, ne m’aidèrent pas outre mesure8. A cette période, je ne voyais pas vraiment les liens

6 Alors que le gisement principal de matière première provenait à cette période de Belgique au moyen

d’un transport long et coûteux, l’objet du stage consistait à résoudre ce problème par la mise en place une filière d’approvisionnement local en mobilisant tous les lieux de collecte de journaux « usagés » possibles à l’échelle du département du Finistère (écoles, maisons de retraite, entreprises, restaurants, associations, clubs de sport, ESAT, etc.). L’objectif de ce stage était ainsi de développer une filière encore inédite sur le territoire du Pays de Morlaix, à la fois « locale, écologique et solidaire ».

7 Cette expression est régulièrement utilisée par les professionnels pour décrire l’étendue, souvent

insoupçonnée et peu subjectivée, des acteurs concernés par l’Education à l’Environnement.

8 Je mesure mieux aujourd’hui combien les considérations pour la diversité des acteurs locaux agissant

pour le développement territorial est absente des formations universitaires générales et professionnelles de géographie. Dans mon cas, je connaissais assez mal le milieu associatif,

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que je pouvais effectuer entre ce que j’avais appris dans la formation et les missions qui m’étaient proposées. Bien qu’apparemment moins concrète sur le plan des résultats attendus, je pensais pouvoir plus facilement remobiliser mes compétences acquises au cours de la formation, notamment en termes de diagnostic territorial ou de relations aux élus locaux, dans le stage proposé par le CPIE, que je décidais finalement d’accepter.

D’un stage professionnel à un sujet de recherche

Le point de départ de la thèse est plus particulièrement lié à ce stage professionnel de fin de Master, effectué au premier semestre 2011 dans les locaux du CPIE de Morlaix, qui se répartissent sur deux communes d’un même canton (Lanmeur et Plouégat-Guérand), dans le Finistère (29) (figure n°1).

Figure n°1 : Le territoire d’action du CPIE de Morlaix

Ce stage était avant tout l’occasion pour moi de découvrir un milieu professionnel, qui est très vite apparu à mes yeux comme un « monde » à part entière, qu’il fallait apprendre à connaître.

notamment les associations de professionnels agissant dans le champ de l’environnement (exception faite des associations de protection de la nature) et celui de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS).

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La découverte d’un « monde » et d’un « milieu »

Je garde un souvenir précis de mes premières « réunions d’équipe » au CPIE, tenues toutes les trois semaines environ, réunissant à chaque fois une douzaine de personnes environ autour d’une grande table disposée en U, où le café circulait de mains en mains et où surtout, chacun prenait la parole pour partager avec les autres les avancées des différentes « missions » en cours (programme d’animations scolaires, conception de nouveaux outils pédagogiques, participation à différents événementiels, etc.) accueillir les nouveaux stagiaires ou caler des dates de rendez-vous. Ces réunions, respectivement conduites et archivées par un animateur et un secrétaire de séance pouvaient durer jusqu’à trois heures et me paraissaient être à cette période non seulement interminables mais d’une complexité folle. En particulier, je ne comprenais que très peu de quoi il était réellement question, les discussions mêlant en permanence des termes techniques sur les projets en cours et dont je ne connaissais pas la teneur, des considérations sur la politique locale, des anecdotes impliquant des personnes rencontrées récemment (et dont je ne savais pas quel était leur lien à l’association), des références à des situations passées et utilisant surtout un « jargon » incompréhensible pour parler, par exemple, des dispositifs pédagogiques ou d’autres structures locales. S’il m’a fallu plusieurs mois pour maîtriser pleinement ce qui se disait et pour « dire » à mon tour, ce que je constatais nettement à cette période c’était une certaine assurance des professionnels dans la manière d’échanger, de faire, de s’organiser et surtout de concevoir l’action éducative et associative.

En acceptant ce qui devait constituer une expérience dans le milieu professionnel de l’Education à l’Environnement, je ne me doutais pas que j’allais progressivement être immergée dans un « monde » construit autour de valeurs et de relations enrichissant considérablement ma vision de l’éducation, ma conception du contexte professionnel du travail, ou encore mes connaissances du Pays de Morlaix. En effet, mon stage me donnait en fait à voir un « monde » militant et affinitaire privilégiant la polyvalence professionnelle, le goût de l’expérimentation, l’aspect collégial et participatif du travail en général et du travail éducatif en particulier, la connaissance du territoire, le partage et la coopération dans la gestion, par exemple, de la vie collective au sein de l’association9.C’est en approfondissant tout au long du stage ma connaissance de l’association, de son histoire et de son fonctionnement qu’émergèrent progressivement des constats et des questionnements, se transformant par la suite en sujet de thèse.

Les constats de départ

En 2011, l’association employait une vingtaine de salariés, lesquels étaient répartis sur cinq secteurs d’interventions : un centre social, un service enfance-jeunesse, un chantier d’insertion, un service PAO/DAO/imprimerie, et un centre d’accueil de classes découvertes.

9 Les repas du midi étaient par exemple préparés sur place et à tour de rôle dans la cuisine du centre

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A l’origine dénommée « Union Locale d’Animation en Milieu Rural » (ULAMIR) de Lanmeur, l’association, créée en 1974, fait d’abord partie d’un réseau formé de cinq autres structures du même type. Trente ans plus tard, en 2004, l’ULAMIR de Lanmeur est labellisée « Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement » (CPIE), label créé en 1972 par les administrations de l’Environnement, de l’Education, de l’Agriculture et de Jeunesse et Sports. Il devient, à cet effet, membre d’un réseau national regroupant, en 2016, 80 CPIE, répartis dans 60 départements et organisées en 16 Unions Régionales (URCPIE) (figure n°2). L’attribution du label est gérée par l’Union Nationale des CPIE (UNCPIE) dont le réseau représente 900 salariés et a en charge un budget de 40 millions d’euros10. Du fait de l’obtention de ce label, l’ULAMIR s’oriente, à travers un ensemble de dispositifs éducatifs, vers la mise en place d’un modèle de développement territorial durable ou éco-orienté. Le réseau intègre dans son action des dispositifs plus spécifiquement liés aux questions environnementales et de développement durable (Agenda 21, programme Eco-écoles, consultation sur l’eau, programme européen LIFE, Trame Verte et Bleue, etc.). Ces dispositifs réunissent un nombre important d’acteurs dans la conception et la réalisation des projets locaux.

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Tel que le mentionne le site internet du réseau national des CPIE11, le label a plus particulièrement pour objectif de promouvoir le « changement environnemental » par le développement du « pouvoir d’agir des citoyens et des acteurs locaux ». Plus précisément, « les CPIE entendent prolonger leurs actions historiques d’éducation à l’environnement et d’accompagnement des territoires vers un développement durable par l’élargissement de l’espace du politique, afin de lutter contre la montée de la défiance et le sentiment d’impuissance devant les problématiques environnementales ; par le retissage des liens sociaux afin de lutter contre l’individualisme, les replis communautaires et les cloisonnements divers; et par le dépassement de la simple participation citoyenne pour aller vers une responsabilisation plusforte »12. Ce projet suggère une évolution dans la façon qu’ont les CPIE de se saisir des questions environnementales 11Le site internet du réseau national des CPIE, http://www.cpie.fr/ a été régulièrement consulté entre

2011 et 2016.

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contemporaines. En effet, les objectifs mentionnés par le réseau national semblent questionner la capacité des structures associatives labellisées, notamment les plus anciennes, à faire valoir un héritage (« prolonger leurs actions historiques ») dans la reformulation de leur action environnementale aujourd’hui. Ce questionnement, qui dans sa formulation, prend davantage la forme d’une incitation, rejoint mes interrogations faites à l’issue de la formation professionnelle sur la Trame Verte et Bleue en 2015 : quel est précisément cet héritage dont il est fait, en filigrane, mention ? A quelles échelles s’exprime-t-il ? Comment s’est-il constitué et à partir de quels contextes ? Comment cet héritage est-il aujourd’hui remobilisé et quels engagements contribue-t-il à servir aujourd’hui ?

La description de ma mission de stage, telle qu’elle m’avait été présentée par ses commanditaires, permet de préciser les enjeux de ce questionnement. Au début du stage en 2011, mon travail consistait à aider l’ULAMIR-CPIE à renforcer son action dans la production de dynamiques socio-environnementales locales. A cette période, l’association était plus particulièrement impliquée dans le « pilotage » et l’animation d’un « réseau » d’Education à l’Environnement. Cette coordination d’acteurs, ayant pour ambition d’être actif à l’échelle du Pays de Morlaix, devait à la fois être capable de développer des projets éducatifs propres, unissant les professionnels de la pédagogie environnementale, les élus locaux et les techniciens, et d’« accompagner » l’application des politiques publiques environnementales sur le territoire. En effet, ce projet de mise en relation des acteurs locaux dans un réseau commun constituait une opportunité pour que l’ULAMIR-CPIE puisse valoriser et renforcer son rôle de « facilitateur » dans la mise en œuvre des dispositifs publics environnementaux ou de développement durable. Autrement dit, l’engagement que poursuivait l’ULAMIR-CPIE visait à faire coopérer les acteurs d’un même territoire pour construire plus efficacement des projets collectifs de développement territorial.

Pour l’ULAMIR-CPIE, il s’agissait avant tout, par son action envers les coordinations d’acteurs existantes (réseaux d’élus politiques, réseaux associatifs, réseau de fonctionnaires et de techniciens des collectivités, etc.), de favoriser les échanges entre « des gens qui ne se

connaissent pas ou mal », « d’ouvrir un espace de dialogue», « d’apporter du questionnement » sur

les politiques environnementales locales, pour que « les gens s’en réapproprient les enjeux », mais il ne s’agit pas nécessairement « de prendre les décisions finales »13. Autrement dit,

l’ULAMIR-CPIE participe à la mise en relation et au renforcement de la proximité entre ces différents réseaux. Cette mise en relation pouvait par exemple se traduire par l’animation de groupes de travail sur un sujet défini, la dispensation de formations techniques, la mise à disposition de ressources pédagogiques ou encore la participation à la construction et au suivi des politiques publiques locales. Les compétences développées par l’ULAMIR-CPIE devaient ainsi permettre, par un effet de proximité sociale et territoriale, de résoudre des problèmes ou de susciter des innovations.

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Dans ce contexte, mon rôle de stagiaire consistait à réunir dans un projet commun les différents réseaux d’acteurs du Pays de Morlaix, par des rencontres individuelles et des réunions collectives, dans le but d’établir un état des lieux partagé des besoins en matière d’animation territoriale, éducative et environnementale. Cet état des lieux devait dans un second temps, être présenté à l’ensemble des élus locaux, et argumenté, afin que ces derniers puissent donner une suite à cette dynamique transversale et collective. Cet objectif d’obtenir le soutien politique ou financier des instances politiques locales n’a pourtant pas été pleinement satisfait, bon nombre d’élus étant restés étrangers ou désintéressés à l’existence ou au sens donné par l’ULAMIR-CPIE à la démarche de médiation entre les réseaux d’acteurs locaux. Le déficit de mobilisation ne concernait pas seulement les élus, mais aussi les agents des collectivités ou les autres structures associatives du Pays de Morlaix, de plus en plus régulièrement absents des moments d’échanges collectifs ou des réunions de restitution.

Le travail de l’ULAMIR-CPIE sur la biodiversité en 2011-2012, fut également propice à ce questionnement. Les actions mises en place par l’ULAMIR-CPIE avaient pour principal objectif de « favoriser la biodiversité » sur les communes du canton par la création d’une dynamique d’animation autour de la biodiversité locale. Elles consistaient par exemple à la réalisation d’inventaires, avec les acteurs du territoire (particuliers, chasseurs, pêcheurs, naturalistes, etc.) d’espèces communes (chouette, hirondelle, salamandre, hérisson, rhinolophe, etc.) ; à la conception d’un calendrier illustré avec les enfants scolarisés ; à des démonstrations de « bonnes pratiques » sur les espaces publics (gestion différenciée, gîtes à insectes, fabrication de nichoirs, etc.). Toutefois, l’issue du projet montre que ces dispositifs locaux n’ont été l’objet que d’un engagement relatif. Si les actions scolaires ont pu être menées à leur terme en raison d’un public « captif », les actions nécessitant la participation des acteurs se sont rapidement essoufflées, en raison d’une faible fréquentation aux animations ou au peu de données récoltées, par exemple, lors des inventaires des espèces.

En résumé, à l’issue de ce stage en juin 2011, je faisais le constat d’un décalage entre l’objectif poursuivi par l’ULAMIR-CPIE d’améliorer les conditions de production et d’application des politiques environnementales locales par des actions de médiation et ses capacités réelles à être à l’initiative ou à soutenir des dispositifs publics environnementaux auprès des acteurs locaux. Plus généralement, je m’interrogeais sur le décalage qui existait entre la mobilisation attendue par l’ULAMIR-CPIE autour des projets environnementaux qu’il portait et ce qui se réalisait effectivement.

Ce constat m’a amenée à interroger les pratiques professionnelles engagées dans le champ de l’action socio-environnementale par une grille de lecture propre à la recherche scientifique en sciences humaines et sociales. Autrement dit, il s’agissait de traduire un ensemble de questions socio-techniques posées par mon employeur…:

Comment permettre plus efficacement la participation des différents réseaux d’acteurs dans les dynamiques environnementales locales ?

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Comment faire pour que les acteurs prennent de la place dans tout ce qui touche, à priori, leur intérêt commun, c’est-à-dire le territoire ?

Comment réduire les décalages entre ce qui est attendu et ce qui est obtenu ?

…dans des axes de questionnement scientifiques, qui renvoyaient davantage à la formation et à l’évolution d’un réseau d’acteurs autour d’actions de mobilisation sociale, dans le champ particulier de l’Education sur l’Environnement.

Au départ de ma recherche, ma question se résumait alors ainsi :

Pourquoi et comment un réseau d’Education à l’Environnement du Finistère s’intéresse à la mobilisation sociale autour de dispositifs publics environnementaux et que produit-il à travers ses pratiques ?

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Axes de questionnement et orientations d’ensemble

La situation générale du changement socio-environnemental

Même s’il est toujours difficile d’attribuer une date précise à une évolution générale, on peut considérer que l’on assiste depuis une cinquantaine d’année à une transformation globale des relations entre les sociétés et leur environnement. Cette réforme environnementale (Buttel, 2003) affecte aujourd’hui aussi bien les relations aux animaux, aux végétaux, aux paysages ou bien encore à la biodiversité. Elle contribue à une révision des pratiques humaines visant à réduire leur impact environnemental. Cette réforme environnementale repose sur différents mécanismes dont l’un, la création d’une gouvernance environnementale internationale, s’est traduit par l’émergence d’énoncés environnementaux globaux réorientant la régulation des activités humaines14. Ces énoncés, tels que le développement durable, la lutte contre l’érosion de la biodiversité ou contre le réchauffement climatique, sont pour la plupart institués au cours des années 2000, lors d’une succession de sommets internationaux. Ce sont ces énoncés qui sont ancrés localement afin de transformer les pratiques.

Les énoncés environnementaux globaux concernent aujourd’hui de nombreuses activités humaines. Il suffit par exemple de parcourir la liste des 40 chapitres regroupés en 4 sections (activités sociales, économiques, environnementales et politiques) des agendas 21 pour se convaincre de l’étendue des activités humaines qui sont ciblées aujourd’hui par la notion de développement durable. Un autre critère pour appréhender la prégnance de ces énoncés peut être la superficie couverte par les espaces directement soumis à ces normes de

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protection. En effet, les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux, les aires marines protégées, les réserves Natura 2000, etc. sont autant d’espaces naturalisés dont la gestion, faisant l’objet d’une planification, repose sur l’engagement dans ces énoncés globaux. A cela il faut ajouter les superficies couvertes par les dispositifs visant à promouvoir des pratiques humaines plus respectueuses de l’environnement, dans les espaces urbanisés ou agricoles, pour avoir une idée plus précise de l’importance de ces énoncés et de leurs conséquences sur la réorientation des pratiques.

Interroger les effets des énoncés globaux consiste à les saisir à partir des opérations concrètes circonstanciées qui sont menées par des acteurs pour les ancrer localement. Certaines publications ont déjà adopté ce point de vue à propos du développement durable (Villalba, 2009) ou de la conservation de la biodiversité (Guillaud, 2007). Dans les revues de sciences sociales abordant les questions environnementales, de nombreux articles traitent des questions relatives à l’ancrage des prescriptions environnementales globales à des échelles plus ou moins étendues15. Quelles que soient l’échelle et la question soulevée par l’analyse, ces publications montrent que la transformation des énoncés globaux en des opérations concrètes mobilisent, à la fois, des réseaux d’acteurs, des moyens techniques et financiers à travers lesquels ces énoncés sont traduits, un cadre réglementaire et des approches cognitives (scientifiques, morales, empiriques) portées par des institutions, etc. L’ancrage des énoncés dans des opérations concrètes repose sur cette mobilisation grâce à un travail local d’appropriation et de traduction des énoncés en opérations concrètes reposant sur l’emboîtement des échelles globale (les énoncés environnementaux) et locale (celle de l’opérationnalisation de ces énoncés).

Cette mise en relation des échelles s’effectue souvent à travers l’élaboration de dispositifs, éventuellement publics (Van Tilbeurgh, 2014). L’opérationnalisation des énoncés globaux repose sur la mise en œuvre de dispositifs environnementaux dans le sens où ils doivent permettre de mettre en place des assemblages d’éléments hétérogènes permettant l‘ancrage des énoncés globaux dans un territoire. De ce point de vue, les dispositifs peuvent être considérés comme une technique de gouvernement capable d’orienter des pratiques ou des façons de penser (Agamben, 2006). Toutefois, l’analyse des politiques publiques, des mobilisations collectives et des énoncés environnementaux a montré la place prépondérante de la concertation entre les acteurs dans l’élaboration des dispositifs. Les politiques publiques permettent ainsi d’ouvrir des scènes de négociation, de mettre en débat les problèmes environnementaux, mais ce sont des coordinations d’acteurs qui sont chargées d’affecter des contenus à ces dispositifs. La notion de développement durable porte même cette exigence à travers les demandes de « bonne gouvernance », de « transparence de la

décision », de « médiation » ou « d’engagements volontaires ». C’est toute une « novlangue » qui

s’est constituée que ce soit dans la sphère médiatique (Pestre, 2012) mais aussi dans les

15 Depuis 2002, il existe une revue en ligne « Développement Durable et Territoires » qui propose une

approche interdisciplinaire du développement durable à l’échelle du territoire. Elle rassemble des contributions d’économie, de sociologie, de droit, de géographie et de sciences politiques.

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productions scientifiques pour rendre compte de la construction des dispositifs publics (ceux portés par les politiques) ou collectifs (ceux portés par des organismes de droit privé).

L’institutionnalisation des énoncés globaux n’est pas la seule cause de cette transformation des processus de prise de décision collectifs. D’autres facteurs ont également participé à cette transformation de l’action publique. Selon C. Thuderoz et A. Giraud-Héraud (2000), la transformation de l’organisation du pouvoir en France avec la décentralisation (lois Deferre de 1982-1983) et la déconcentration des services de l’Etat a joué un rôle important dans la transformation des processus de prise de décision en disséminant sur le territoire des lieux de prise de décision publique. Dans le même temps, de nouveaux acteurs ont acquis une légitimité pour participer au processus de décision. Les acteurs traditionnels ont été fragilisés dans leur capacité à structurer un processus de prise de décision (l’Etat, les élus locaux, les responsables syndicaux en particulier) alors qu’émergeait un foisonnement d’acteurs nouveaux comme les militants associatifs ou les experts scientifiques habilités à participer au processus de prise de décision, sous l’effet notamment de « l’impératif délibératif » décrit par L. Blondiaux et Y. Sintomer (2002) dès la fin des années 1990. Cette introduction de nouveaux acteurs dans le processus de prise de décision interroge la place de la société civile dans la décision publique.

Au regard de ces différents éléments, notre approche a pour but d’analyser l’ancrage des énoncés environnementaux globaux à partir des opérations concrètes visant à les introduire dans des prescriptions locales négociées. L’hypothèse de cette approche est de considérer que la traduction de politiques publiques environnementales permet l’appropriation des énoncés globaux par des coordinations d’acteurs. Les formes de ces traductions sont alors déterminées par les caractéristiques des coordinations d’acteurs chargées d’élaborer ces nouvelles normes, ainsi que leur trajectoire.

La traduction pour comprendre l’inscription locale des dispositifs publics

La dimension normative des dispositifs publics oblige les acteurs à établir des relations pour trouver des accords prescrivant une réorientation des pratiques. Cette dimension normative est également cognitive, l’élaboration de nouvelles normes nécessite que les acteurs trouvent un accord articulant les différentes manières de connaitre l’environnement naturel. De plus, les acteurs engagent dans ces négociations de stratégies qui conduisent à l’appropriation différenciée voire même au rejet des normes et des éléments cognitifs discutés. Enfin, les processus de prise de décision reposent sur une mise en réseau d’éléments disparates : des techniques de négociation, de communication, de sensibilisation, des énoncés globaux, des théories scientifiques, des valeurs morales, des acteurs, des institutions, etc.

L’analyse des processus d’appropriation-traduction des énoncés globaux porte sur des lieux de négociation qui sont toujours localisés, inscrits dans un territoire. Les négociations de normes environnementales qui sont étudiées ici concernent des dispositifs

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affectant les espaces ruraux et littoraux du Finistère. Les dispositifs permettent de distinguer, d’identifier, de marquer ces espaces et de leur affecter de nouvelles significations découlant de la mobilisation des énoncés globaux. Ces significations ne sont pas portées par les catégories cognitives de la production agricole, comme cela pouvait l’être auparavant dans le Finistère, car les rapports sociaux qui les organisent et qui les génèrent ne sont plus les mêmes. Les modalités de connaissances des espaces sont élaborées à travers la mobilisation de l’écologie scientifique, qui a stabilisé les enjeux environnementaux globaux, de l’écologie politique et militante et de la pédagogie environnementale qui traduisent dans des espaces localisés ces enjeux globaux. Ainsi, ces dispositifs, qui reposent sur la coopération multi-acteurs, ne renvoient pas seulement à l’évolution de la prise de décision publique comme il a été souvent souligné. Ils renvoient également à la façon dont sont diffusées les normes environnementales dans les systèmes sociaux contemporains. Ce processus de diffusion par les dispositifs environnementaux renseigne sur les transformations de l’espace rural et le nouvel équilibre des rapports sociaux au sein duquel l’agriculture, en tant qu’activité génératrice de sens, perd son rôle central. A côté d’espaces mis en forme par l’agriculture, les dispositifs environnementaux génèrent des espaces au sein desquels les significations reposent sur la mobilisation des écologies, hybridées à d’autres connaissances. Dès lors, en focalisant l’analyse sur la phase de traduction, il est possible de comprendre les enjeux cognitifs des dispositifs, d’interroger le processus d’hybridation des connaissances mobilisées dans les prescriptions et le processus d’attribution de nouvelles significations.

L’analyse développée ici vise à questionner le processus par lequel une coordination d’acteurs, organisée par et autour du CPIE, parvient à élaborer des prescriptions environnementales par la traduction d’un dispositif public, la « Trame Verte et Bleue ». Plus précisément, un des objectifs de la thèse est de questionner le processus par lequel les dispositifs environnementaux sont appropriés, territorialisés et traduits par un réseau local de pédagogie environnementale. Ainsi, c’est la place de l’Education à l’Environnement dans les processus de changement environnemental qui est questionnée.

Elle peut plus particulièrement être rattachée à deux aspects des actions associatives poursuivant cet objectif :

- son rôle dans la construction d’initiatives de développement local autour des questions environnementales ;

- son rôle de soutien à l’action publique environnementale et en particulier dans son application au niveau local.

Le processus de traduction repose sur la mobilisation (Callon, 1986), c'est-à-dire dans la capacité à faire « rentrer » des acteurs dans le dispositif public de la TVB. Dans le cas de l’ULAMIR-CPIE, cette mobilisation s’effectue à travers des actions spécifiques de sensibilisation et de médiation. Pour comprendre le travail de traduction telle qu’il est pratiqué par l’ULAMIR-CPIE, il est nécessaire de comprendre les origines et le contexte socio-spatial de sa mobilisation sur les questions environnementales. Cela nécessite en fait de

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mieux prendre en compte l’inscription des mobilisations dans le temps, l’espace et l’ordre social.

Positionnement de recherche

Pour considérer l’ensemble des facteurs agissant dans la mobilisation des acteurs du changement socio-environnemental, deux angles d’approches ont été retenus. Il s’agit premièrement d’une approche située des mobilisations sociales autour de l’environnement ; et deuxièmement, d’une approche socio-historique d’un réseau d’acteurs. Ces points de vue sont indissociables dans la construction de la réflexion.

Une approche située des mobilisations sociales autour de l’environnement

Au cours des premiers mois de terrain, je posais l’interrogation suivante : comment s’étaient construites les mobilisations environnementales conduites par le CPIE sur le Pays de Morlaix? Cette question appelait une approche située des pratiques éducatives, attentive aux configurations relationnelles et aux contextes spatiaux dans lesquels s’inscrivait l’action de l’ULAMIR-CPIE. Un truisme sociologique rappelé par H. Becker (2002) veut que toute action se déroule quelque part. L’espace de la mobilisation est un puissant levier d’intelligibilité de l’action : non seulement celui-ci constitue une contrainte et une ressource pour l’action des acteurs en présence, mais il peut également représenter l’enjeu même de la mobilisation (Combes et al., 2011). Dans ce cadre, il importe de caractériser les contextes spatiaux ayant permis de créer les conditions d’émergence d’un lien entre un type d’acteurs et un territoire. C’est la raison pour laquelle les relations entre l’action locale du CPIE - qui s’effectuent à l’échelle du canton de Lanmeur mais aussi des communes du Pays de Morlaix - et les autres arènes décisionnelles (réseaux associatifs, département, région, Etat) seront analysées. La prise en compte du caractère situé des actions de traduction permet d’apporter des éléments à la compréhension des acteurs et des pratiques d’Education à l’Environnement en tant que telles. Mettre l’accent sur la situation revient ainsi à considérer que la valeur de l’approche géographique réside dans l’attention prêtée à l’ancrage spatial des phénomènes. Au sens large, la situation renvoie à l’ensemble des événements, des circonstances, des relations concrètes dans lesquels sont pris une entité ou un acteur. Situer consiste alors à identifier la position d’une entité dans l’espace ou dans le temps, mais aussi celle d’un acteur dans un groupe ou une configuration sociale. Par conséquent, l’usage de la notion est particulièrement pertinent pour croiser les dimensions matérielles et sociales de l’espace. Par l’entrée géographique, l’Education à l’Environnement est donc abordée en situation.

Une approche socio-historique d’un réseau d’acteurs

Ce raisonnement m’a permis de soulever une autre dimension de la question initiale: celle de la trajectoire socio-historique du CPIE. Cet angle d’approche pouvait se résumer par

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une autre question très simple : comment l’ULAMIR-CPIE en était arrivée là ? Cette question appelait cette fois à une approche temporelle de l’action professionnelle, considérant les contextes socio-historiques successifs - mêlant des facteurs sociaux, institutionnels, culturels, politiques ou encore économiques - dans lesquels s’inscrivait le réseau local d’Education à l’Environnement.

D’après C. Traïni (2011), le temps long ne doit pas être envisagé comme une fin en soi mais dans le but de mieux penser ce que les carrières militantes ou professionnelles doivent à leur insertion dans des configurations sociales en partie modelées par les mobilisations du passé. La sociogenèse des expériences antérieures est éclairante pour montrer ensuite comment elles sont activées et finalement mobilisées par les militants dont l’histoire sociale a forgé ce que cet auteur appelle un tempérament, c’est-à-dire un ensemble de sensibilités, que le travail militant s’efforcera de transmuer en cause collective. Cette approche trace ainsi une voie qui permet d’éviter à la fois un psychologisme expliquant le militantisme par des propriétés supposées immuables des psychés individuelles, et un sociologisme le réduisant aux variables structurales des positions productrices ipso facto de dispositions (Combes et al., 2011). Plus généralement, le temps long doit permettre de comprendre autrement les mobilisations.

Dans le cas qui nous intéresse ici, il s‘agit de décrire le processus par lequel un réseau rural finistérien se mobilise et se transforme, en répondant à la montée progressive des enjeux environnementaux dans l’espace public, pour élaborer des actions d’Education à l’Environnement. L’analyse du processus par lequel l’environnement devient un champ d’action possible et opportun pour le réseau, l’amenant in fine à prendre part au processus décisionnel des politiques publiques environnementales (dont le dispositif TVB est un exemple) consiste plus précisément à identifier les facteurs autour desquels cette évolution se réalise et à montrer en quoi cette trajectoire a toujours une influence aujourd’hui sur l’action éducative de l’association. L’étude de la trajectoire d’un réseau d’acteurs permet non seulement de mesurer le rôle de son héritage dans la forme de son action mais aussi d’expliquer sa place dans le contexte territorial et institutionnel breton sur les questions environnementales. Partant de l’analyse de l’évolution du projet professionnel de ce réseau, il s’agit plus précisément de caractériser les moyens qu’il met en place en place aujourd’hui pour encourager et soutenir la mobilisation sociale autour des enjeux environnementaux et ce faisant, de déterminer le rapport à l’environnement qu’il construit.

Les conditions de réalisation de la thèse : une recherche en convention CIFRE

Pour mener à bien ce projet de doctorat, l’enjeu consistait d’abord et là aussi, à mobiliser un réseau d’acteurs, composé au minimum d’un directeur de recherche, d’un laboratoire et d’une école doctorale. Dans mon cas, ce réseau est également composé de l’association ULAMIR-CPIE dans le cadre d’une Convention Industrielle de la Formation par la Recherche (CIFRE) (encadré n°1).

Figure

Figure n°1 : Le territoire d’action du CPIE de Morlaix
Figure  n°2  :  Le réseau  des  CPIE  en  France    Les  po ints  représentent la loca l isat ion  des  CPIE
Figure n°3 : Plan schématique de la thèse
Figure n° 6 : Les grandes étapes de l’institutionnalisation de l’Education à  l’Environnement à l’échelle internationale
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