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L’électricité industrielle : une dynamique globale, des vitesses variées

Si l’exposition d’électricité de 1881 est la locomotive de cette dynamique de création et de mise en place, elle n’est pas un évènement unique. Plusieurs structures sont créées ou mo-difiées à partir des années 1870 pour répondre à la demande de formation pour les ingénieurs en électricité. À la fin du XIXe siècle, les canaux de formation sont bien plus diversifiés : que ces structures soient centenaires comme le Conservatoire National des Arts et Métiers, ou totalement nouvelles comme l’Institut électrotechnique de Nancy, le panel d’établissements s’est ainsi considérablement élargi.

Les établissements spécialisés

Outre l’École Supérieure d’Électricité, plusieurs écoles centrées sur l’électricité ou sur ses applications industrielles, voient le jour. Peu avant la tenue de l’exposition d’électricité à Paris, on note ainsi la création d’une des premières écoles spécifiques en lien avec une application de l’électricité : la télégraphie. Ce domaine de l’électricité est sans conteste celui qui est le plus développé à l’époque. Les applications sont largement répandues, avec la communication par câble, y compris les câbles transatlantiques avec des premiers essais en 1857 et 1858 (le câble posé à l’été 1858 fut fonctionnel mais rompit au bout de trois semaines, probablement à cause d’une surtension).54

Les réseaux de diffusion sont déjà établis, avec notamment le groupe des Annales de télégraphie évoqué plus haut (voir page 135). Enfin, au niveau institutionnel, l’existence du ministère des Postes et Télégraphes offre un soutien de poids à cette classe d’ingénieurs. La nouvelle école est à la fois la dernière pierre dans l’achèvement d’un cadre institutionnel pour les télégraphes, mais également la première école dédiée à une application de l’électricité. Bien que sa création soit antérieure à la tenue de l’Exposition, une approche non-chronologique permet de mettre en avant l’importance de cette école, par exemple à travers le devenir d’un de ses anciens élèves, Éric Gérard.

Réclamé depuis plusieurs années par la direction des Télégraphes — une première tenta-tive de création d’école avait échoué en 1858 — le projet d’école va être monté par Adolphe Cochery, récemment nommé sous-secrétaire d’État, qui regroupe sous son autorité les Postes et Télégraphes. Le premier directeur de l’École Supérieure de Télégraphie (abrév. EST) est

l’électricité, et non à une arrivée dans le système de l’École Polytechnique. 54. Bart D et J. 2008.

Édouard Blavier, et les cours y sont donnés par des inspecteurs des Télégraphes.55

Ces cours sont d’ailleurs d’un niveau élevé, l’objectif étant à terme de faire de l’EST une école d’appli-cation de Polytechnique. Les élèves sont ainsi recrutés à l’issue d’une formation supérieure (diplôme d’ingénieur ou licence de physique). La formation qui y est donnée va largement au-delà du cadre purement technique, avec des enseignements poussés sur les lois de l’élec-tromagnétisme, un laboratoire de mesures électriques, des cours de langues étrangères, etc. Au sein de la première promotion de l’EST, on trouve notamment Éric Gérard, sortant de l’École des Mines de Liège, et qui sera nommé commissaire belge à l’exposition d’électricité deux ans plus tard. En 1883, Gérard sera à l’origine de la création de l’institut Montefiore de Liège, un des premiers instituts électrotechniques d’Europe, grâce au mécénat de Georges Montefiore-Lévi. Les cours donnés par Gérard à Montefiore feront référence au sein de la communauté des enseignants, particulièrement en France.56

L’EST n’a pas pour but de former des ingénieurs spécialisés en électricité, mais plutôt des membres d’un corps de l’État. À l’inverse, une autre école voit le jour en France à cette période, cette fois peu après l’exposition, avec pour objectif de former des ingénieurs pour l’industrie : l’École Municipale de Physique et Chimie Industrielles (abrév. EMPCI).57

Charles Lauth, chimiste réputé et auteur d’un rapport sur la place de la chimie à l’Exposition universelle de 1878, arrive à la conclusion de la nécessité de créer une école supérieure pour la chimie, branche dans laquelle la France accumulait jusqu’ici du retard par rapport à ses voisins européens. La politique de l’État refusant la création d’une école par les pouvoirs publics, Lauth se tourne vers le Conseil municipal de Paris, dont il a été membre de 1871 à 1880, et y a conservé plusieurs relations. En décembre 1880, trois membres du conseil municipal (Germer-Baillère, Bixio et de Lanessans) déposent un rapport proposant la création d’une école municipale de physique et chimie industrielles.58

Une commission est nommée pour évaluer le projet, commission dans laquelle on re-trouve notamment le chimiste Marcellin Berthelot et le physicien Antoine Bréguet, tous deux membres du comité d’organisation de l’exposition d’électricité, ainsi que Charles-Marie

Ga-55. L’EST est devenue depuis l’École supérieure des télécommunications, et porte maintenant le nom de Télécom ParisTech.

56. Grelon 2006, p. 13-4. L’institut technique de Darmstadt, puis l’Institut Fédéral Technologique de Zurich furent créés en 1882. Voir aussi : Fox et Guagnini 1993, p. 204.

57. On conservera l’abréviation EMPCI par la suite (à ne pas confondre avec les EPCI : Écoles Pratiques du Commerce et de l’Industrie qui voient le jour à partir de 1892). C’est aujourd’hui l’École Supérieure de Physique et Chimie Industrielles (ESPCI).

riel, professeur de physique aux Ponts et Chaussées.59

La justification est, pour les membres de la commission, presque évidente : « Nous ne nous étendrons pas sur la nécessité de créer cet enseignement de la chimie et de la physique industrielles au point de vue théorique et surtout pratique. Depuis longtemps, déjà, nos savants les plus autorisés ont signalé le danger qui menace certaines de nos industries nationales, par suite des progrès réalisés à l’étranger dans ces mêmes industries ».60

Cette école est la première à envisager un enseignement adapté à l’industrie, avec des connaissances dans les différents domaines de la physique et de la chimie. Cependant, cette pluralité souhaitée a des inconvénients, qui se voient dès le lancement de l’établissement :61

Les débuts furent indubitablement modestes. Alors que les étudiants pouvaient dé-dier les dix-huit derniers mois de leurs trois années de cours à la physique appliquée (au lieu de l’autre alternative, la chimie industrielle), l’électricité était en concur-rence sur le temps et l’attention portée avec la thermodynamique, la mécanique, et la physique des solides et des gaz.

Le développement de la physique est donc miné par la compétition que se livrent les différents domaines, d’autant plus que le choix des étudiants se porte plus volontiers sur la chimie comme spécialisation : sur les trente élèves recrutés, seul un quart choisit la physique. Et ce en dépit de professeurs renommés, comme l’ingénieur des Arts et Manufactures Édouard Hospitalier, reconnu pour ses qualités de vulgarisation — qu’il avait mises à l’œuvre lors des promenades de l’exposition de 1881 —, secondé par un chef de travaux déjà réputé : Pierre Curie.

De manière générale, l’électricité et ses possibilités industrielles sont perçues par de plus en plus de gens comme un domaine incontournable. C’est le cas de Paul Janet, qui institue à Grenoble le premier cours d’électrotechnique au sein d’une université française. Normalien, Janet part à Grenoble sur les conseils de son mentor Jules Violle en 1886, après une période à Lyon. Bien que réticent à l’idée d’enseigner la science à des fins utilitaires, Janet change rapidement d’avis au contact des entrepreneurs de la région. Il faut souligner ici la situation de Grenoble, alors pionnière dans le développement industriel, avec des usines d’électromé-tallurgie et d’électrochimie déjà bien implantées. On se rappellera également que c’est ici que Deprez avait choisi de faire une démonstration sur le transport de force électrique entre

59. Municipalité de Paris 1882, p. 2. 60. Ibid.

Grenoble et Vizille, utilisant la force génératrice des chutes d’eau — démonstration qui, si elle s’était conclue par un échec pour ce qui est du transport, n’en renforçait pas moins l’idée d’une grande capacité de production. Alors que la faculté des sciences souhaite mettre en place un cours de chimie industrielle, Janet fait une contre-proposition en faveur d’un cours d’électricité industrielle.

Faisant face à de nombreuses oppositions au sein de la faculté, il réalise un coup de maître en organisant, le 2 février 1892, un cours du soir, officiellement dédié à la physique industrielle. Janet aborde en fait uniquement l’électricité et ses applications dans l’industrie, devant un amphithéâtre plein à craquer, l’assistance comprenant notamment les industriels de la région et la presse.62

Janet reçoit même les félicitations du ministre. Ce succès lui permet d’obtenir des subventions des conseils municipal et général. Il met ainsi en place un cours d’électrotechnique à partir de l’année 1892-1893. Dans l’introduction, Janet commence d’ailleurs par y remercier « la Chambre de Commerce, le Conseil Municipal de Grenoble, et le Conseil Général de l’Isère ». D’autre part, dès la préface de son cours, il renvoie à des « traités plus poussés », dont le cours d’Éric Gérard. Après trois années d’enseignement à Grenoble, Janet sera appelé par Mascart pour prendre la tête de l’École Supérieure d’Électricité. Une adaptation difficile dans les écoles plus anciennes

À l’image des réticences de la faculté auxquelles Janet a dû faire face pour introduire son cours d’électricité industrielle, la mise en place de cours au sein de « vieilles » structures est plus poussive que la création d’écoles spécialisées, entraînée par la dynamique autour de l’électricité. Ainsi, les « grandes écoles » presque centenaires, comme Polytechnique, l’École Centrale ou les Mines de Paris, ne vont intégrer des cours d’électricité que tardivement. Il en est de même pour le Conservatoire National des Arts et Métiers, où la première chaire d’électricité ne sera introduite qu’en 1890.

Les grandes écoles françaises, qu’elles aient pour visée de former des ingénieurs des corps de l’État ou des ingénieurs civils, font preuve d’une certaine inertie concernant l’introduction de l’électricité dans leurs cours. Concernant l’École Polytechnique, qui se place comme une école généraliste et théorique, il est peu probable de trouver dans ses cours des aspects portant sur l’application industrielle de l’électricité (qui n’apparaissent effectivement pas). Mais au sein de ses écoles d’application, on s’attend à trouver les notions qui sont fondamentales pour les ingénieurs des corps de l’État, pourtant celles-ci n’apparaissent que tardivement par

rapport à la prise de conscience globale sur l’avenir de l’électricité, autour de l’exposition de 1881 (à l’étranger, plusieurs instituts électrotechniques voient le jour dès 1882-3, voir notes p. 147). Ainsi, à l’École des Mines, elle n’est introduite qu’en 1887. On trouve dans le programme des cours de cette année là des leçons d’électricité, « leçons bien nécessaires à raison du rôle si important que joue l’électricité dans le monde moderne »,63 preuve non seulement du rôle croissant de l’électricité, mais surtout de la prise de conscience autour de cette modification des rapports de force dans l’industrie. Les cours d’électricité industrielle sont donnés à Alfred Potier, qui s’occupe également des cours de physique.

Le constat est le même pour l’École Centrale, pour qui la transition vers l’électricité est mitigée. Malgré la présence de Hospitalier dans le comité d’organisation de l’exposition de 1881, aucun enseignant de l’école ne participe au congrès, à l’inverse de quasiment toutes les autres écoles ou facultés. L’enseignement de l’électricité de façon indépendante de la physique est introduit à partir de 1885 — ce qui en fait la première grande école à le mettre en place —, et confié à un ancien étudiant de l’école, Démétrius Monnier, étudiant de la promotion 1855 et praticien reconnu. Le cours de Monnier, largement diffusé et plusieurs fois réédité, se base en grande partie sur celui d’Éric Gérard. Une chaire d’électricité sera officiellement créée pour lui à partir de 1894, année de création de l’ESE.64

La proximité entre l’École Centrale et l’ESE est d’ailleurs plus qu’une coïncidence : les anciens étudiants centraliens bénéficient de facilités d’accès pour suivre l’année supplémentaire de formation proposée par l’ESE. Par décision du Ministère du Commerce, l’École Centrale peut en effet « subvenir aux frais d’étude d’un certain nombre de ses élèves, ayant satisfaits aux examens de sortie, et désireux de compléter leur instruction, au point de vue électrique, en suivant les cours de l’école supérieure d’électricité ».65Si Mascart — bien qu’il ne soit plus directeur de l’école — reste le président du conseil de perfectionnement, le vice-président de ce conseil est Buquet, directeur de l’école Centrale.66

Il n’est donc pas étonnant qu’après de nombreuses années de partenariat entre l’école Supélec et l’école Centrale, celles-ci aient fusionné en 2017 pour devenir l’école CentraleSupélec.

Un autre indicateur de la capacité des écoles à former des ingénieurs compétents est le taux d’embauche dans les différents domaines de l’industrie. Pour illustrer ce point, prenons l’exemple des Écoles d’arts et métiers, dont les premières furent créées sous Napoléon.67

Ces

63. ENSMP 1889, p. 10. 64. Grelon 2006, p. 12-3. 65. ESE 1899, p. 4.

66. Paul Buquet, ancien élève de l’École Centrale des Arts et Manufactures (promotion 1853), fut directeur de l’école de 1895 à 1910. Source : « Nécrologie », Le génie civil, LXV (1914), n°26, p. 476

écoles avaient une vocation différente de celles évoquées plus haut, en orientant l’enseigne-ment vers la pratique et la formation professionnelle. Le recrutel’enseigne-ment était égalel’enseigne-ment fait depuis les écoles primaires supérieures, contrairement aux grandes écoles « classiques » qui recrutaient depuis le secondaire (voir Annexe n°7 p. 455). Les postes d’ingénieurs au sortir de ces écoles étaient assez diversifiés. Cependant, en 1904, les domaines les plus prisés restent l’ingénierie mécanique (environ 20 %), ou la métallurgie (env. 10 %), alors que la construction électrique représente moins de 1 % des postes. Si ces nombres restent à nuancer au regard des développements relatifs des industries, on peut penser que l’industrie électrique, alors en plein essor, propose une quantité d’emploi non négligeable par rapport aux autres industries mécaniques ou métallurgiques.68

Instituts électrotechniques et écoles privées : une nouvelle approche

En 1897, les universités obtiennent de l’État un décret (en date du 21 juillet 1897) leur permettant de créer leurs propres diplômes scientifiques, différents des grades d’État (baccalauréat-licence-doctorat), dont l’attribution était jusqu’alors l’unique mission des uni-versités. Une année auparavant, la loi du 10 juillet 1896 donnait la possibilité de former une université à partir de la fusion d’au moins deux facultés.69 D’autre part, les structures ainsi créées peuvent gérer leur budget de façon autonome. Ce décret permet aux facultés les plus dynamiques de mettre en place des enseignements spéciaux, en particulier au sein d’instituts spécialisés. Dès 1900, on observe ainsi la création d’instituts électrotechniques, comme ceux déjà existant en Allemagne ou en Belgique : Nancy (1900), Lille (1900), Grenoble (1901) et Toulouse (1908). La création de tels instituts implique cependant des conditions pour que le projet soit mené à bien :70

:

Il faut qu’une discipline soit parvenue à une maturité suffisante pour constituer un corps d’enseignement cohérent mais diversifié ; il faut disposer d’un potentiel de recrutement d’élèves suffisamment important pour parvenir à un flux régulier d’étudiants ; il faut régler la difficile question des modes de financement dont dépend

(1806) et d’Angers (1815) puis Aix-en-provence (1843), Cluny (1891), Lille (1900) et Paris (1912). Source : https://www.arts-et-metiers.asso.fr/index.php/page/article/id/84-l-histoire-des-gadzarts.

68. Valeurs prises depuis : Fox et Guagnini 1993, p. 53, tableau 2.2. La « construction électrique » ne prend pas en compte la distribution d’électricité dans les réseaux urbains, le pourcentage pour cette dernière regroupant aussi eau et gaz.

69. Grelon 2006, p. 8. 70. Grelon 2006, p. 91.

la réalisation matérielle de l’opération [...] mais par dessus-tout peut-être, il est indispensable que se constitue une véritable équipe pédagogique.

On constate que, si la question financière et celle sur l’équipe pédagogique restent propres à chaque facultés, les deux autres contraintes permettent de juger de l’état de l’électrotechnique dans les centres d’enseignements de façon beaucoup plus globale. En effet, la création — avec succès — de quatre instituts d’électrotechnique au tournant des XIXe et XXe siècles témoigne de la vigueur de l’industrie et de l’enseignement afférent, tant sur l’état des connaissances nécessaires à la formation qu’au potentiel de recrutement.

En parallèle de ces structures universitaires de province, des écoles privées se développent à Paris, qui ont pour but de former des « cadres techniques en électricité ». Ces écoles sont en partie la conséquence de la mise en place du concours de l’école supérieure d’électricité, concours qui se place dès ses débuts à un niveau élevé d’exigence, pour que le niveau des entrants sur concours soit similaire à celui des admis sur titre, comme les polytechniciens ou centraliens. En cinq ans, se créent à Paris quatre de ces écoles préparatoires : Bréguet, Charliat, Sudria et Violet.71

Au sein de ces établissements, on retrouve des similarités. Tout d’abord, l’objectif affiché est de former des contremaîtres de niveau satisfaisant dans le domaine de l’électricité, pen-dants des élèves des arts et métiers en mécanique. Les différentes équipes enseignantes sont constituées de professeurs de physique ou d’ingénieurs, et l’enseignement pratique y tient une place prépondérante. Les entrées se font sur simple accord du directeur, et le niveau de re-crutement est le brevet d’études primaires supérieures, ou la première partie du baccalauréat pour les élèves du secondaire (sur cette période il existe un unique baccalauréat classique, divisé en deux parties, voir Annexe n°7). Si l’entrée à l’école est plutôt accessible, le contrôle de connaissances à la fin de la scolarité est sévère : seuls 30% environ des élèves obtiennent le diplôme de sanction des études. L’examen est de plus passé devant un jury composé de professionnels extérieurs à l’école, et dont les titres sont mis en avant dans les brochures des établissements : diplômé de l’ESE, de l’École des arts et métiers, de l’école Centrale, etc.72

Conclusion

L’Exposition de 1881 marque un moment important dans le développement de l’électricité.

71. Grelon 1991, p. 825. 72. Ibid.

Elle ne constitue pas véritablement un point de départ, puisque de nombreux dispositifs de production (comme la dynamo Gramme), de transport ou d’éclairage ont été conçus avant cette date ; autour d’un domaine d’application comme la télégraphie, certains intervenants n’ont pas attendu 1881 pour constituer un véritable corps d’État disposant notamment d’un ministère et d’une école. Mais cette exposition représente indiscutablement un tremplin. Succès populaire considérable, l’exposition est renouvelée de façon annuelle, souvent autour de thèmes précis : expositions de Munich 1882 sur la transmission de force, Vienne 1883 sur le stockage de l’électricité, Turin 1884 qui consacre le transformateur de Gaulard-Gibbs, etc.73

L’électricité, après être passée « de la curiosité de laboratoire » au domaine industriel, entre dans le domaine mondain. La petite nouvelle ne tarde pas à se faire une place aux côtés des grandes avancées du XIXe siècle. L’exposition universelle de 1889, qui célèbre le centenaire de la Révolution, consacre également « le siècle de la vapeur, des chemins de fer et de l’électricité ».74

Pendant l’exposition universelle de 1900, l’électricité devient reine.75

La rencontre de nombreux industriels, et la rivalité pour conquérir un marché promet-teur, favorisent les inventions. L’éclairage électrique, avec ses nombreux types de lampes et bougies, en est l’illustration : il faut tout le talent d’un Edison pour promouvoir victorieu-sement son dispositif. Au niveau théorique, le Congrès a largement discuté sur les unités à utiliser, pour les travaux théoriques comme dans la pratique. Enfin, le monde institutionnel français ne reste pas insensible aux appels de cette nouvelle science. Les écoles, presque toutes représentées à l’exposition (à l’exception de Centrale) ne peuvent raisonnablement ignorer l’importance croissante des applications de l’électricité, ce qui les pousse à créer des ensei-gnements spécifiques. Intéressons-nous maintenant au contenu de ces cours de physique et d’électricité, en commençant par l’enseignement donné à l’École Polytechnique.

73. Sur les expositions d’électricités successives voir : Bracco 2017, pp. 59-89.

74. Cardot 1989. L’auteur cite un journal de l’époque, le Guide Bleu du Figaro et du Petit Journal. 75. Ibid.

tout homme qui base chaque chose sur la raison, et juge des choses le plus raisonnablement possible, peut, avec le temps,