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Heaviside : de la télégraphie aux équations

Oliver Heaviside (1850-1925) est surement l’un des protagonistes les plus fascinants de tout le paysage de la physique britannique du XIXe siècle, tant par sa personnalité que par ce qu’il a apporté aux théories qu’il a étudiées. De par sa formation d’ingénieur, il joue également un rôle central dans la diffusion de la théorie de Maxwell dans le domaine des applications, notamment en publiant dans des journaux dédiés à l’électricité.

Un personnage hors du commun

Le parcours atypique de Heaviside pendant sa jeunesse, bien différent de celui de ses confrères Lodge ou FitzGerald, a eu des répercussions sur son attitude pour aborder les pro-blèmes qu’il traite, ainsi que sur ses capacités à communiquer avec les autres. Oliver Heaviside est né en 1850 à Londres, dans une famille peu aisée. Quatrième fils de la fratrie, il mène une enfance qu’il qualifie lui-même de « dickensienne ».23 Après avoir hérité, la famille Heaviside a pu emménager dans un quartier plus aisé de Londres, où Oliver suit des cours à l’école pendant quelques temps, avant que ses parents ne se retrouvent de nouveau avec des moyens limités. Si son enseignement scientifique scolaire est tout de même honorable, c’est surtout en tant qu’autodidacte qu’Oliver développe son goût pour la physique. Dans l’une de ses métaphores autobiographiques, il explique :24

23. « I used to live with Dickens, with his characters, that is to say », Heaviside (Hunt 1991, p. 51). 24. Hunt 1991, p. 51. Cite Heaviside. Son oncle, Charles Wheastone, a peut-être joué un rôle dans l’ap-prentissage du jeune Oliver en lui donnant accès à des ouvrages scientifiques.

Il y a plus d’un tiers de siècle, dans la bibliothèque d’une ancienne ville, un jeune a pu tester les douceurs du savoir pour voir à quel point il les aimait... Dans la maison de son père il n’y avait pas beaucoup de livres, c’était ainsi comme un voyage au cœur de terres étranges d’aller goûter à d’autres livres. Certains livres étaient empoisonnés, en particulier la théologie et la métaphysique, ils étaient refermés avec fracas. Mais les travaux scientifiques étaient bien mieux, on trouvait quelque sens à chercher les lois de Dieu par l’observation et l’expérience, ainsi que par les raisonnements qui se fondaient dessus. Certains énormes ouvrages portant des noms prodigieux, tels Newton, Laplace, etc. attirèrent son attention. Après réflexion, il conclut qu’il pourrait les comprendre s’il essayait.

Outre les ouvrages canoniques de la physique, Heaviside étudie aussi des livres mathéma-tiques, notamment les « Quaternions » de Hamilton. Et Hunt d’ajouter :25

Mais il est clair qu’à seize ou dix-sept ans, Heaviside avait, essentiellement par une étude personnelle, posé les fondations d’une extraordinaire éducation scientifique. Ses débuts comme télégraphiste

Sans ressources financières pour poursuivre des études à l’université, Heaviside commence à travailler en tant que télégraphiste. Ce choix n’est pas totalement le fruit du hasard, l’un de ses oncles par alliance étant Sir Charles Wheastone, inventeur du télégraphe. Oliver Heaviside est ainsi envoyé à Newcastle pour travailler sur le câble sous-marin anglo-danois, d’abord en tant qu’opérateur, puis en tant qu’ « électricien », i.e. comme expert en théorie électrique. En plus de son emploi pour la compagnie du télégraphe, Heaviside continue d’étoffer son éducation en physique, en consultant les ouvrages les plus récents. Le premier article qu’il publie date de juillet 1872, dans le English Mechanic.26

En février 1873, il fait ses débuts dans le Philosophical Magazine, alors le journal majeur en physique. Dans cet article, « On the Best Arrangement of Wheastone’s Bridge for Measu-ring a Given Resistance with a Given Galvanometer and Battery »,27 il affiche une maîtrise mathématique qui attire sur lui l’attention de physiciens reconnus parmi lesquels Maxwell et Thomson. Ce dernier aidera notamment Heaviside à publier ses articles suivants. Si les ca-pacités mathématiques de Heaviside sont indiscutables, il n’en est pas de même de sa faculté

25. Hunt 1991, p. 52.

26. L’article en question s’intitule « Comparing electromotive forces », publié dans le English Mechanic en juillet 1872. Voir Heaviside 1892, vol. 1, p. 1.

à discuter avec les autres chercheurs et ses collègues. Atteint d’une surdité partielle pendant l’enfance suite à une scarlatine, et bien qu’il ait récupéré une audition presque complète, Heaviside reste solitaire et suspicieux envers les autres, comme « s’[ils] parlaient dans son dos ».28 D’autre part, une certaine confiance en lui et en ses capacités ont rapidement pour effet d’irriter certains de ses collaborateurs. Dans un article « On Duplex Telegraphy »,29

paru en juin 1873, Heaviside fait pour la première fois montre d’un sarcasme et d’un mépris pour une autorité qui lui attirent de nombreuses critiques. Cette attitude vis-à-vis de phy-siciens ou de responsables de la compagnie du télégraphe, ainsi qu’un refus de se considérer lui-même comme physicien, sont très probablement les principales raisons de l’absence de Heaviside au sein des institutions scientifiques de l’époque.

Un télégraphiste avant tout

Heaviside démissionne de son poste d’ingénieur du télégraphe en 1874, à la fois pour des raisons de santé mais également parce qu’il estime que ses conditions de travail ne lui laissent que trop peu de temps pour ses recherches. Pendant les années qui suivent, son principal objet de recherche est la propagation dans les câbles télégraphiques, en particulier la distorsion des signaux, à l’époque un enjeu majeur pour l’évolution des communications sous-marines. Heaviside reprend les calculs de Thomson sur la propagation de signaux et les applique dans un premier temps à des cas particuliers. Son premier article d’importance ne concerne pas un cas d’application mais une extension de la théorie. Dans son article « On the Extra Current »,30 daté d’août 1876, Heaviside modifie les équations de Thomson en prenant en compte le phénomène d’induction propre. L’équation de propagation qu’il en déduit, connue sous le nom « d’équation du télégraphe » ou « équation de Heaviside », est :31

2u

∂x2 = Γr∂u ∂t + ΛΓ

2u

∂t2 (3.3)

où u est la tension considérée au point x, Γ est la capacité, r la résistance et Λ l’inductance du câble, tous par unité de longueur.

Heaviside corrige de cette façon l’équation trouvée par Thomson, qui avait négligé l’in-ductance propre du câble. Outre le fait d’ajouter un terme, cette correction est fondamentale

28. Hunt 1991, p. 53.

29. Heaviside 1892, vol. 1, pp. 18-33.

30. Article publié dans le Philosophical Magazine. Voir Heaviside 1892, vol. 1, pp. 53-60.

31. Cette équation de propagation avait déjà été formulée par Kirchoff en 1857, mais pas dans un contexte télégraphique.

car la dérivée partielle seconde par rapport au temps transforme ce qui était au départ une équation de diffusion en une équation d’onde avec des oscillations, qui tendent vers un état d’équilibre (avec l’établissement d’ondes stationnaires). Ainsi, Heaviside reprend la théorie de Maxwell en affirmant que le changement d’état d’équilibre pour un système électromagné-tique se fait au moyen d’oscillations, ce que Hunt appelle « le début de la reconceptualisation de la propagation télégraphique en termes d’ondes électromagnétiques par Heaviside ».32

Dans ses premiers travaux, Heaviside utilise principalement les paramètres « pratiques » de l’électricité, comme la résistance et la capacité d’une ligne. Afin de poursuivre ses recherches plus avant dans la théorie il s’oriente, à partir des années 1880, vers le coté fondamental de l’électromagnétisme et utilise des notions comme le champ et les forces associées. Cependant, Heaviside conservera toujours l’objectif de pouvoir appliquer ses découvertes à la pratique, en particulier à la télégraphie. Selon Hunt :33

Mais alors que ses méthodes changeaient, le but d’Heaviside restait le même : il continuait, maintenant à travers l’étude de la théorie électromagnétique fondamen-tale, de chercher des outils qu’il pouvait utiliser pour aider à l’amélioration de la télégraphie.

Un maxwellien convaincu

À partir de 1882, Heaviside se décrit lui-même comme un adepte de la théorie de Max-well. La très grande majorité des articles qu’il publie par la suite ont trait à l’élaboration (ou l’application) de la théorie de Maxwell. Dans le même temps, il commence à publier dans un journal spécialisé pour les ingénieurs, The Electrician. Il y paraît ainsi des séries d’articles de Heaviside, presque continuellement jusqu’à 1902. La majeure partie de ces articles a été re-prise dans les Electrical Papers. Outre les idées, Heaviside reprend également dans ses articles les méthodes de Maxwell, en illustrant les équations qu’il fournit par des analogies. Ainsi, dans un article de 1891 publié dans le journal anglais spécialisé The Electrician, Heaviside cherche à établir les équations couplées sur les forces E et H, et à étudier les conséquences de ces équations pour la télégraphie. Il rappelle brièvement les grandes lignes de la théorie de Maxwell, en particulier l’analogie habituelle selon laquelle « la force magnétique H corres-pond à la vitesse du milieu, l’induction B à sa quantité de mouvement etc. ». Pour illustrer ses idées sur le mouvement de l’éther, il prend l’analogie de trois tubes concentriques, qui lui

32. Hunt 1991, p. 67. 33. Hunt 1991 p. 68.

permet de préciser le rôle du conducteur, des diélectriques, ou encore de la tension électrique appliquée au câble.34

De manière générale, Heaviside place la dynamique au centre de son raisonnement : « ’Toutes les sciences physiques’, dit-il, ’sont vouées à devenir des branches de la dynamique au fil du temps, et tout ce qui contredit les principes de dynamique devrait être rejeté sans hésitation’ ».35

Refusant toute spéculation sur la nature de l’électricité, il cherche à exprimer les résultats de Maxwell sous une forme simple — autant que faire se peut — et compréhen-sible, notamment pour le monde des ingénieurs. Il travaille à donner un sens géométrique aux opérateurs « gradient », « divergence » et « rotationnel », et exprime les équations trouvées par Maxwell avec ces opérateurs, sous une forme vectorielle. Indépendamment de Poynting, Heaviside arrive à l’expression du flux d’énergie en fonction du vecteur E ∧ H. Enfin, il conserve la distinction que Maxwell fait entre les forces E et H et les flux associés D et B. Concernant les équations couplées du champ, Heaviside souhaite établir une symétrie entre les deux relations. Considérant l’équation ∇ ∧ H = J, où J est le courant électrique total j + ∂D

∂t , il introduit un « courant magnétique total » G = gH +∂B

∂t, avec le terme de dérivée de B qui est introduit en arguant de cette symétrie, et g une constante de « conduc-tivité magnétique » introduite pour renforcer cette symétrie. Le système résultant :

∇∧ H = J

∇∧ E = G (3.4) est ainsi parfaitement symétrique, et regroupe les équations de Maxwell en n’utilisant que les forces et les flux. En particulier, il met sur la touche les potentiels (scalaire et vectoriel), ce qui constitue une grande fierté pour lui, refusant leur utilisation dans le formalisme lagrangien. Enfin, concernant l’électromagnétisme des corps en mouvement, il s’intéresse aux contribu-tions supplémentaires qui apparaissent : v ∧ B pour la force électrique, conséquence de la loi de Faraday appliquée aux corps en mouvement (terme qu’on retrouvera dans l’expression de la force de Lorentz), et de façon similaire D ∧ v pour la force magnétique. Pour respecter le principe d’action et réaction, Heaviside introduit également une « force magnétoélectrique » D∧∂B

∂t découlant du terme qu’il a ajouté au courant magnétique.36

34. Heaviside 1891.

35. Darrigol 2000 (b), p. 196. Cite Heaviside dans les passages entre apostrophes. 36. Darrigol 2000 (b), p. 199.

Sa conviction de vouloir appliquer les théories qu’il étudie à la pratique, sa position d’in-génieur du télégraphe et ses nombreuses publications dans des revues spécialisées font de Heaviside un maillon indispensable dans la transmission de la théorie de Maxwell vers le monde des ingénieurs. Bien qu’il n’ait pas créé de modèle général, on reconnaît une volonté d’illustrer chacun de ses raisonnements pas des comparaisons avec des systèmes mécaniques. Soulignons que ces comparaisons conservent chez Heaviside le rôle d’analogie, sans pouvoir être vus comme de possibles modèles. L’importance accordée aux forces électrique et magné-tique diminue de fait le rôle mécanique de l’éther, comme milieu soumis à des contraintes. Le milieu intermédiaire, chez Heaviside, représente avant tout le siège de ces forces électrique et magnétique. Ces caractéristiques se retrouveront chez le scientifique allemand Heinrich Hertz.

Conclusion

La théorie de Maxwell se développe dans les années 1880 grâce au travail de certains physiciens, principalement FitzGerald, Lodge et Heaviside, auxquels il est possible d’associer John Poynting, bien que celui-ci soit plus en retrait par rapport au mouvement mécaniste. Reprenant les idées de Maxwell afin de mettre en avant sa vision des phénomènes électroma-gnétiques, ils accordent la prédominance au milieu de propagation et cherchent à le modéli-ser, autant dans un but de recherche que de pédagogie. Ce sont eux qui mettent en place les preuves suffisantes pour dépasser les autres théories de l’éther, en particulier celle du solide élastique soutenue par William Thomson. La théorie de Maxwell est confirmée de manière éclatante par les expériences de Hertz de 1888, avec la détection des ondes électromagnétiques produites électriquement.

restante, aussi improbable qu’elle soit, doit être la bonne.

Arthur C. Doyle

Chapitre 4

Vers un éther conceptuel

La fin du XIXe siècle est marquée par les expériences sur les ondes électromagnétiques de Hertz (1887-88), qui constituent une preuve irréfutable en faveur de la théorie de Maxwell. Le colloque de Bath, qui se tient en septembre 1888, se déroule peu après la publication des résultats de ces expériences. Il offre une tribune aux maxwelliens pour confirmer la théorie qu’ils ont mise en place. En outre, Hertz construit sa propre théorie de l’éther, qui laisse de côté l’éther mécanique pour une description au moyen du système d’équation. Celle-ci, ainsi que les théories de Lorentz puis de Larmor, ôtent peu à peu à l’éther ses propriétés de milieu mécanique pour lui donner un rôle plus conceptuel, et laissent entrevoir le passage à une théorie de l’électron moderne.

4.1 Le triomphe de Maxwell

Les expériences de Hertz

En 1879, Heinrich Hertz (1857-1894) étudie à Berlin avec Hermann von Helmholtz. C’est sous sa direction que Hertz entame le chemin vers la détection des ondes électromagnétiques. C’est également de son mentor qu’il tire ses connaissances sur la théorie de Maxwell, comme nous le précise Hunt :1

1. Hunt 1991, p. 154.

Comme la plupart des physiciens continentaux, Hertz fut initié à la théorie de Maxwell à travers le système généralisé de l’électrodynamique que Hemholtz avait construit en 1870, dans lequel chacune des théories électriques en compétition était traitée comme un cas spécial correspondant à une valeur particulière du paramètre « k » : la théorie de Wilhem Weber pour k = −1 , celle de Franz Neumann pour k = 1, et celle de Maxwell pour k = 0.

Donnons ici les grandes lignes de la théorie de Helmholtz : les travaux du savant allemand sont empreints d’une philosophie assez prononcée. En laissant de côté ces conceptions, on peut résumer son raisonnement ainsi : dans la nature, les actions sont dues à des forces élémentaires qui sont des forces centrales (dépendant uniquement de la distance entre deux corps) et qui dérivent d’un potentiel. De plus, Helmholtz utilise largement le principe de la conservation de l’énergie. Ses travaux sur l’électrodynamique des courants l’amènent à appliquer à des courants non fermés la « loi des potentiels », à savoir qu’ « il existe un potentiel donnant les forces mécaniques par dérivation spatiale et les forces électromotrices par dérivation temporelle », loi déjà utilisée par Franz Neumann, mais uniquement dans le cas des courants fermés. Si le saut est audacieux, Helmholtz n’hésite pas à utiliser les arguments de Thomson et Maxwell selon lesquels un système de courants — fermés ou non — possède une énergie cinétique.2

Helmholtz formule ses potentiels dans le cas le plus général. Il détermine deux potentiels, chacun en lien avec ce qu’il considère comme une action fondamentale : électrostatique et électrodynamique. Il montre que pour des courants, le potentiel électrodynamique général est (en unités SI) :3

A(r) = µ0 4π Z j(r ) |r − r |dr + 1 − k 2 ξ avec : ξ = −µ0 Z ∇· j(r) |r − r|dr terme qui s’annule dans le cas de courants fermés (∇ · j = 0).

Le potentiel électrostatique est tiré de l’équation de Poisson ∆φ + 4πǫ0ρ = 0 et vaut :

2. Darrigol 2000 (b), p. 215-6 sur les conceptions de Helmholtz, et p. 223-5 sur la loi des potentiels. La philosophie de Helmholtz se place dans la droite ligne de la Naturphilosophie allemande.

3. Ibid.. Voir également Ibid., p. 412. La notation dr′ correspond à une intégration sur toutes les valeurs possibles des r′.

φ = 1 4πǫ0 Z ρ(r) |r − r |dr

La constante k est un paramètre général, et en fonction de sa valeur on retrouve les résultats des différentes théories énoncées plus haut. Notons cependant un point important : le jugement de Hunt apparaît quelque peu schématique lorsqu’il dit que « chacune des théories électriques en compétition était traitée comme un cas spécial correspondant à une valeur particulière du paramètre k ». En attribuant à k la valeur 0, on retrouve bien les résultats de Maxwell, mais les raisonnements par lesquels Helmholtz arrive à ces résultats sont bien différents de ceux de l’Écossais. On peut éventuellement considérer la théorie de Helmholtz comme une « méta-théorie » permettant de retrouver tels ou tels résultats, mais il ne faut pas perdre de vue que les concepts utilisés par Helmholtz sont bien différents de ceux de Maxwell.4

Si, en Grande-Bretagne, la distinction entre ces différentes théories n’est pas un sujet im-portant (les théories d’action à distance de Weber et Neumann étant déjà considérées comme obsolètes), elle l’est en Allemagne. Bien que ces théories présentent de nombreuses simili-tudes au niveau des observables, celle de Maxwell prédit en particulier que les courants de déplacement — liés à la polarisation — dans les diélectriques doivent donner des effets élec-tromagnétiques, et que ce phénomène peut être excité par des forces électromotrices. Cette implication est le point de départ des travaux de Hertz, en 1879. Cette année là, l’Académie de Berlin crée un prix sur la question de la polarisation dans les diélectriques. Le choix de ce sujet est simple : l’action des courants de déplacement est une caractéristique essentielle de la théorie de Maxwell. L’énoncé du prix résume parfaitement la vision de cette théorie sur le continent :5

La théorie électrodynamique qui a été créée par Faraday et développée mathéma-tiquement par M. Cl. Maxwell présuppose que la formation et la disparition de la polarisation diélectrique dans les milieux isolants — aussi bien que dans le vide — est un processus qui a les mêmes effets électrodynamiques qu’un courant électrique et que ce processus, tout comme un courant, peut être excité par des forces élec-trodynamiques induites. Selon cette théorie, l’intensité du dit courant devrait être égale à l’intensité du courant qui charge les surfaces du conducteur.

4. Sur la déduction des résultats de Maxwell à partir de la formule de Helmholtz voir : Ibid., p. 225 et p. 413. Darrigol souligne que Helmholtz a été l’un des premiers à discuter les travaux de Maxwell, avant même les physiciens britanniques.

L’Académie demande qu’une preuve décisive soit fournie :

1. pour ou contre l’existence d’effets électrodynamique de formation ou de dis-parition de la polarisation diélectrique avec l’intensité supposée par Maxwell. 2. pour ou contre l’excitation de la polarisation diélectrique dans les milieux isolants par des forces électromotrices induites par des moyens magnétiques ou électrodynamiques.

Nous ne développerons pas ici le raisonnement que Hertz a adopté durant la décennie qui lui a été nécessaire à prouver ces deux phénomènes, et nous laissons le lecteur se référer à une bibliographie plus poussée pour les détails de cette période, parfois riche en surprises.6

Nous mentionnerons simplement le grand talent de Hertz, que ce soit dans l’approche expérimentale ou dans l’analyse théorique des phénomènes observés.

Le dispositif utilisé par Hertz pour ses expériences de 1887 et 1888 sur la propagation des ondes est constitué d’un circuit primaire générant l’étincelle, et d’un circuit secondaire