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Les dernières théories de l’éther

L’expérience de Michelson et Morley

En 1881, le physicien Albert Michelson cherche à mettre un terme à la question de l’en-traînement de l’éther. Sur ce point, deux théories en particulier se disputent. La théorie de Fresnel avance qu’un corps en mouvement entraîne avec lui l’éther à l’intérieur du corps, mais laisse parfaitement au repos l’éther à l’extérieur. La théorie de Stokes, pour sa part, considère que l’éther autour d’un corps en mouvement est lui-même mis en mouvement, et qu’il y a donc une certaine couche d’éther qui est entraînée avec le corps. Pour résoudre cette question, Michelson utilise un appareil se basant sur le principe des interférences lumineuses qu’il a lui-même mis au point. L’interféromètre de Michelson (voir figure 4.2) est un inter-féromètre à division d’amplitude, se composant de deux bras dont la longueur relative est ajustable pour faire varier la différence de marche. Sur le schéma, la source lumineuse est en S. Le rayon lumineux est séparé par une lame semi-séparatrice, envoyant une moitié de l’énergie lumineuse vers le miroir M1 et l’autre moitié vers M2. Chaque partie du rayon fait un aller-retour avant de se réfléchir sur la lame semi-séparatrice et d’aller vers le détecteur T . À égales distances (configuration de « contact optique »), la différence de marche est nulle.26

Si l’on considère que la lumière se propage à une vitesse c dans un référentiel absolu, qui est celui de l’éther, on peut calculer le temps nécessaire à faire un aller-retour le long des bras de l’interféromètre, qui est lui-même en mouvement dans ce référentiel. Pour le bras qui est parallèle au mouvement de la Terre sur son orbite (supposons ici M1), le miroir va se déplacer en même temps que la lumière. En notant v la vitesse de la Terre (30 km/s), le temps pour faire un aller-retour est : t1 = c−vl + c+vl , soit t1 = c22lc

−v2. Sur le bras transversal, on montre de la même façon que le temps d’aller-retour est : t2 = 2lc

c2

−v2. La différence de marche correspondante est (dans le vide au second ordre en v/c) δ = lv2

c2. Si l’on tourne l’interféromètre de 90°, le décalage doit se produire dans l’autre sens, soit un décalage total entre les deux configurations de δtot = 2lvc22.

Michelson tente de réaliser cette expérience en 1881 à Postdam. Son interféromètre a une distance « l = 2.106longueurs d’onde de jaune »,27

qui aurait dû suffire selon ses calculs. Mais

26. En pratique, la semi-séparatrice est une lame de verre dont un côté est légèrement métallisé pour devenir réfléchissant. Comme les deux rayons ne traversent pas cette lame un même nombre de fois (une et trois fois respectivement), une lame compensatrice est ajoutée sur le trajet d’un des rayons. Lorsque les miroirs sont parallèles mais à des distances différentes, la figure d’interférence représente les anneaux de Newton. La source utilisée pour les mesures est une source en lumière blanche, avec une longueur de cohérence très faible.

Figure4.2 – Schéma de l’interféromètre de Michelson (tiré de Darrigol 2000 p. 317) le physicien américain a surtout omis le terme dû au bras transverse, ce qui lui donne une différence de marche attendue deux fois trop grande. L’erreur est corrigée par Alfred Potier l’année suivante, mais les incertitudes expérimentales ne permettent plus de conclure. Avec un rapport v/c = 10−4, on attend dans ces conditions un décalage de 0,04 franges, résultat deux fois plus faible que ce que Michelson pensait détecter. Cette correction est d’ailleurs apportée par Potier lors du séjour d’Albert Michelson en France entre l’automne 1881 et juin 1882, séjour pendant lequel il établit de bonnes relations avec les professeurs de physique à Polytechnique Jules Jamin, Alfred Cornu et Alfred Potier, ainsi qu’avec Éleuthère Mascart, professeur au Collège de France (voir chap. 5 et 6).28

Lors de l’expérience de 1887, Michelson travaille avec le physicien et chimiste américain

28. En 1881, Jamin vient tout juste de laisser son poste de professeur à l’X à Alfred Potier. D’après Robert Shankland, la prise en compte du terme supplémentaire d’après Potier aurait dû donner un décalage nul, et non de 0,04 franges. Pendant son séjour en France, Michelson côtoie également Gabriel Lippmann, enseignant à la Faculté des sciences de Paris. Voir Shankland 1963, p. 22-23.

Edward Morley, à Cleveland. Il améliore son interféromètre pour que la longueur parcourue par la lumière dans un bras de l’interféromètre soit de l = 2.107λjaune.29 Il a également fixé l’ensemble sur une lourde pierre, elle-même posée sur un bain de mercure, afin d’éviter les perturbations extérieures d’une part, et de faciliter la rotation de l’appareil d’autre part (voir figure 4.3).

Malgré toutes ces précautions, Michelson et Morley ne détectent aucun décalage sensible en fonction de l’orientation de l’interféromètre par rapport à la Terre. Ils concluent en faveur de la théorie de Stokes, avec un éther qui est entraîné par la Terre dans son mouvement, et donc stationnaire par rapport à cette dernière :30

Il apparaît, d’après tout ce qui précède, raisonnablement certain que s’il y a un quel-conque mouvement relatif entre la Terre et l’éther luminifère, il doit être faible ; suffisamment faible pour réfuter entièrement l’explication des aberrations par Fres-nel. Stokes a donné une théorie des aberrations qui suppose l’éther à la surface de la Terre au repos par rapport à celle-ci, et nécessite seulement que la vitesse relative dérive d’un potentiel [...]

Néanmoins, la théorie de Stokes pose un problème théorique : un an auparavant, en 1886, Hendrik Lorentz a mis en évidence une incompatibilité entre les hypothèses de Stokes, en l’occurrence que la vitesse d’un fluide incompressible à la surface d’une sphère ne peut pas dériver d’un potentiel et adhérer à la surface en tout point. Lorentz a également pris parti en faveur de la théorie de Fresnel, tout en conservant une certaine couche limite respectant l’entraînement partiel de Fresnel, proposant ainsi une hypothèse mixte. La même année, Mi-chelson et Morley avaient d’ailleurs repris l’expérience de Fizeau de 1851 sur la propagation dans un fluide en mouvement, et retrouvé ce coefficient d’entraînement partiel. Mais après l’expérience de 1887, ils préfèrent conserver la théorie de Stokes :31

29. En prenant pour λjaune une valeur de 570 nm, on en déduit que les bras de l’interféromètre doivent être d’une longueur d’environ 10 m. En pratique, Michelson a disposé des miroirs de renvoie pour que la lumière parcoure plusieurs fois le bras.

30. Michelson et Morley 1887, p. 341. 31. Ibid.

[...] mais Lorentz montre que ces conditions [énoncées dans la citation ci-dessus] sont incompatibles. Lorentz propose donc une modification qui combine certaines idées de Stokes et de Fresnel, supposant l’existence d’un potentiel, et conservant en même temps le coefficient de Fresnel. Si désormais il était légitime de conclure à partir du présent travail que l’éther est au repos par rapport à la surface terrestre, selon Lorentz il ne pourrait y avoir de potentiel des vitesses, et sa propre théorie sera erronée.

Figure 4.3 – Dessin du dispositif de l’expérience de 1887 (Michelson et Morley 1887). La théorie de Lorentz

En 1892, Lorentz publie dans les Archives Néerlandaises un mémoire en français inti-tulé « La théorie électromagnétique de Maxwell et son application aux corps mouvants ».32

Rappelant dans un premier temps les hypothèses de la théorie de Maxwell, il décrit ensuite sa propre théorie mettant en jeu des particules de matière électrisées libres de se déplacer dans l’éther. Cette hypothèse, qui ouvre la voie aux futurs électrons, peut se voir comme une innovation majeure autant que comme un amalgame des théories électromagnétiques, de Weber à Hertz. Elle permet également à Lorentz d’expliquer les phénomènes optiques,

comme le coefficient de Fresnel, mais pose certaines difficultés, notamment par rapport au principe de réaction.

Lorsqu’il écrit ce mémoire, Lorentz n’en est pas à son premier travail sur l’électromagné-tisme, bien au contraire. Dès 1875, il a travaillé sur le problème des conditions à l’interface entre deux milieux, et retrouvé les lois de la réflexion et réfraction, en utilisant les équations de Helmholtz. Lorentz aborde ensuite le problème de la dispersion, en traitant le phénomène de manière microscopique, et considérant la polarisation comme résultant à la fois du milieu diélectrique emplissant l’espace (éther ou vide) et d’un terme de polarisabilité des molécules. Cette approche est, nous l’avons vu, plus en accord avec la vision helmholtzienne que maxwe-lienne, cette dernière ne prenant en compte que des quantités macroscopiques. Pour Lorentz, les molécules ne servent pas uniquement à modifier localement les propriétés de l’éther, mais sont des entités à part entière.

La pluralité des sources et des idées doit beaucoup au milieu scientifique dans lequel il évolue. Hollandais, Lorentz maîtrise le français, l’anglais et l’allemand, ce qui lui permet d’avoir accès aux contributions scientifiques de différents courants. D’autre part, il est assez favorable à l’hypothèse atomiste, peut-être influencé en cela par son compatriote Johannes Van der Waals.33

Lorentz publie en 1878 une théorie de la dispersion se basant sur les mêmes hypothèses que pour son premier mémoire, avec des particules contenant de l’électricité. Il retrouve notamment la dispersion anormale.34

Pour Darrigol :35

Ce travail de Lorentz anticipait des traits essentiels de la future théorie de l’élec-tron : la séparation de l’éther et de la matière, l’idée d’un couplage électromagné-tique entre eux, et le rôle central des processus microscopiques. Bien que ce fût la première théorie électromagnétique de la dispersion, elle resta peu connue jusqu’au milieu des années 1890. Une raison plausible de cette négligence est que Lorentz publiait en hollandais et manquait de contacts personnels à l’étranger. Une autre est qu’avant les années 1890, il y ait eu peu d’amateurs potentiels, mis à part Helmholtz.

Lorentz reprend ses travaux en 1890, après les découvertes de Hertz. Concernant l’ap-proche, il reprend la méthode lagrangienne de Maxwell, sans toutefois utiliser les potentiels,

33. Johann Van der Waals (1837-1923). Il introduit l’équation éponyme pour la description des gaz dans sa thèse de doctorat, soutenue en 1873.

34. Par opposition à la dispersion « normale », pour laquelle l’indice optique est décroissant avec la longueur d’onde, et donnée par la loi de Cauchy : n(λ) = A+ B

λ2 où A et B sont des constantes dépendant du matériau. La dispersion « anormale » ne peut s’expliquer qu’en tenant compte des phénomènes microscopiques.

et en accordant plus d’importance aux équations et au champ, à l’image de Hertz. Lorentz reprend l’analogie du fluide incompressible pour imager l’électricité, mais il souligne bien que cette comparaison, si elle permet une interprétation possiblement plus claire, n’apporte rien à la théorie de Maxwell, au contraire des équations qui sont fondamentales.36 En revanche, pour ce qui est de la charge et du courant électrique, Lorentz n’assimile pas les notions de charge et de polarisation au sens de Maxwell, et reprend plutôt des caractéristiques de la théorie de Weber :37

Selon cette manière de voir, une charge électrique est constituée par un excès de particules dont les charges ont un signe déterminé, un courant électrique est un véritable courant de ces corpuscules et dans les isolateurs pondérables il y aura « déplacement diélectrique » dès que les particules électrisées qu’il contient sont éloignées de leurs positions d’équilibre.

De plus, Lorentz considère qu’il n’existe pas de magnétisme autre que celui qui est créé par les mouvements des particules chargées, à l’image des courants particulaires d’Ampère.

Cette vision se justifie, pour Lorentz, par les connaissances portant sur le comporte-ment des électrolytes, qui offraient une analogie poussée avec les hypothèses des théories précédentes sur les conducteurs. D’après lui, « des atomes des fluides électriques aux corpus-cules chargés la distance n’est pas grande ».38

D’ailleurs Lorentz reconnaît volontiers que les formules obtenues sont similaires à celles obtenues par Weber et Clausius dans les théories d’action à distance. Néanmoins, il soulève un point fondamental : dans cette nouvelle théorie, les particules interagissent entre elles via le milieu qui les sépare, et si certains mouvements d’une particule entraînent des réactions sur l’autre, c’est parce que ces mouvements ont fait varier l’état du milieu. Enfin, concernant la nature de ce milieu, toute la description de la propagation en est faite grâce aux équations. De plus, l’électricité, qui était constituée d’éther chez Maxwell, est complètement liée à la matière. Comme le dit Whittaker : « Un tel éther est simplement un espace pourvu de certaines propriétés dynamiques ».39

L’approche calculatoire de Lorentz est, à nouveau, bien éloignée de la doctrine maxwel-lienne. Dans un premier temps, il considère en effet les mouvements d’une particules, et les variations des champs microscopiques e et b autour de celle-ci. En définissant une densité volumique de charge microscopique ρm sur le volume de la particule (et nulle en dehors), on

36. Lorentz 1892, pp. 391-2. 37. Lorentz 1892, pp. 432-3. 38. Lorentz 1892, p. 433. 39. Whittaker 1910, p. 420.

obtient les équations : ∇· e = ρm0 ; ∇ ∧ b = µ0  ρmv+∂e ∂t  ∇· b = 0 ; ∇∧ e = −∂b∂t (4.4) où e et b sont les forces électrique et magnétique prises localement (dans l’éther, Lorentz pose l’égalité de la force magnétique et de l’induction magnétique : µ0 = 1). D’autre part, il introduit un terme supplémentaire dans l’expression de la force électromagnétique exercée par le milieu sur la particule, en ajoutant un terme dépendant de la vitesse. La force totale s’exprime alors (par unité de volume) :

f = ρme+ ρmv∧ b (4.5) Lorentz termine ce mémoire en s’intéressant aux corps en mouvement, notamment la propagation de la lumière dans les diélectriques. La transformation des équations (dans le cas d’une simple translation selon l’axe x à une vitesse u) fait apparaître un changement dans l’opérateur de dérivation : 2

∂x2c12 2 ∂t2 2 ∂x2c12  ∂∂t− u∂x 2 , ce qui le pousse à introduire deux nouvelles variables pour faciliter la résolution des équations d’onde obtenues : x = γx et t = t − γ2 u

c2x, avec γ = q 1 1 − u2

c2

. Si l’on reconnaît aisément un point de départ vers les transformations de Lorentz, il est nécessaire de préciser que dans un premier temps, le but de Lorentz est seulement de résoudre les équations de propagation des potentiels lorsque le diélectrique est en mouvement.

Cette première étape lui permet d’ailleurs de retrouver le coefficient d’entraînement de Fresnel, quelques mois plus tard, lorsque Lorentz passe aux équations macroscopiques en moyennant sur un volume suffisamment large. Il définit alors quatre vecteurs macroscopiques :

E=< e > ; B =< b > ; D = ǫ0E+ P ; H = B/µ0− M

avec P =< ρmr > la polarisation moyenne due aux déplacements microscopiques de charges liées et M l’aimantation moyenne due aux moments magnétiques microscopiques (moments cinétiques ou spins).

               ∇· D = ρlibre ∇∧ H = j + ∂D ∂t ∇· B = 0 ∇∧ E = −∂B ∂t (4.6) où l’on a défini ρlibre = ρm+ ∇ · P = ρ − ρli´ee la densité de charges libres, et j =< ρv > −∂P∂t − ∇ ∧ M le courant de conduction.

Pour retrouver les équations de l’optique, Lorentz considère que la polarisation est pro-portionnelle à la force électrique : P = ǫ0χeE ce qui donne D = ǫ0ǫrE, avec ǫ = 1 + χe. Dans le cas des diélectriques en mouvement, il introduit le vecteur E

= E + v ∧ B qui est la force électrique apparente pour les particules du diélectrique en mouvement.

Lorentz montre que, pour un corps transparent en mouvement, la vitesse des ondes par rapport à ce corps est W = √cǫ

rv ǫr

, avec la relation ǫr = n2où n est l’indice optique (relation de Maxwell). Si le corps a une vitesse nulle, on retrouve bien une propagation à une vitesse W0 = √cǫ

r

. Par rapport à un référentiel au repos, la vitesse est donc W = W0+ 

1 −n12 

v, où l’on reconnaît le coefficient d’entraînement partiel de Fresnel (voir Annexe n° 2).

En 1895, dans un mémoire portant « Sur les phénomènes électriques et optiques pour les corps en mouvement »,40

Lorentz retrouve ces résultats en utilisant directement la théorie du champ. En exprimant les champs E

, H

et D

dans le référentiel du corps en mouvement, et en introduisant sa variable de « temps local » t = t − ux/c2, Lorentz retrouve les mêmes équations que dans le référentiel de l’éther stationnaire. Il se base pour cela sur le « principe des états correspondants » :41

Si, pour un système donné de corps au repos, un état de mouvement est connu dans lequel D, E et H sont certaines fonctions de x, y, z et t, alors dans le même système dérivant avec la vitesse u, il existe un état de mouvement pour lequel D

, E

et H

sont les mêmes fonctions de x, y, z et t.

Lorentz utilise notamment ce principe pour expliquer l’invariance de phase et retrouver l’entraînement partiel. L’explication des phénomènes optiques est d’ailleurs la raison pour

40. Voir Lorentz 1895.

41. Darrigol 2000 (b), p. 329. Sur le principe des états correspondants voir aussi Janssen 1995, chap. 3.1. Dans son mémoire de 1895, Lorentz introduit une transformation des champs, en donnant les expressions E′= E + v ∧ B (déjà présent dans son mémoire de 1892 dans l’expression de la force) et B′= B + E ∧cv2.

laquelle Poincaré donnera sa faveur à cette théorie plutôt qu’à celle de Hertz, en dépit du fait que celle de Lorentz ne vérifie pas le principe de réaction (voir 11.3 p. 361). La théorie de Lorentz prédit que le mouvement de la Terre n’influe pas sur les phénomènes optiques, mais uniquement au premier ordre. Pour expliquer l’expérience de Michelson, qui ne détecte aucune influence de ce mouvement à l’ordre 2, FitzGerald, puis Lorentz, supposent une mo-dification des longueurs entre les molécules, une « contraction » dans le sens du déplacement, approche qui suppose une contraction dynamique des distances moléculaires.42

La théorie de Lorentz (que l’on datera de 1895, même si certaines idées sont présentes dès 1892) connaît un succès rapide, notamment grâce à des travaux expérimentaux. À la fin de l’année 1896, son élève Pieter Zeeman observe l’influence d’un fort champ magnétique sur une raie D d’émission du sodium (la raie D est le doublet d’émission à 589,0 et 589,6 nm), entraînant l’apparition de raies supplémentaires.43

Lorentz en déduit que « l’ion » (au sens de particule chargée) émetteur a un ratio charge-masse q/m environ 2000 fois plus grand que celui de l’ion hydrogène. D’autre part, le 30 avril 1897, le physicien britannique Joseph John Thomson annonce avoir identifié dans le phénomène de rayons cathodiques la présence d’un « corpuscule » de masse bien plus faible que celle de l’hydrogène.44En 1898, Lorentz tire des mesures de dispersion la quantité q2/m, et des mesures de son élève Zeeman le ratio q/m. Le rapport des deux lui donne une valeur proche du quantum électrolytique observé dans les électrolyses. Il adopte finalement la dénomination « électron » en 1899.45

Ces preuves en faveur de la théorie de Lorentz sont reconnues en Allemagne en 1898, en particulier par Wilhem Wien, qui la présente lors du Naturforscherversammlung (Congrès des Naturalistes) de Dusseldorf. Pour expliquer les différents résultats expérimentaux, dont l’expérience de Michelson et Morley, Wien compare notamment la théorie de Hemholtz et

42. Sur la contraction de FitzGerald-Lorentz voir Janssen 1995, chap. 3.2. Cette approche sera réfutée par le physicien allemand Emil Cohn, qui construit une théorie de l’électrodynamique du début du XXe siècle. Cohn reprend avant tout les équations de Lorentz, en les considérant comme des équations phénoménologiques. Il propose une modification au deuxième ordre pour expliquer le résultat de Michelson et Morley. Voir Darrigol 2000 (b), p. 365-6.

43. L’ « effet Zeeman » est le dédoublement de raies d’émission lorsque les corps (souvent les gaz) sont soumis à un champ magnétique intense. Il s’explique aujourd’hui par un terme supplémentaire dans l’éner-gie de l’électron (terme dépendant du champ magnétique dans le hamiltonien) qui entraîne une levée de dégénérescence du niveau.

44. Les rayons cathodiques, observés pour la première fois par Johann Hittorf dans les années 1870 (et nommés par Eugen Goldstein en 1876) sont l’apparition de rayons lumineux au niveau du pôle négatif (cathode) dans un tube à décharge rempli de gaz. Thomson montre que ces rayons ont une nature corpusculaire (de même que le physicien allemand Emil Wiechert).

celle de Lorentz :46

Wien favorisa clairement l’éther stationnaire de Lorentz et la théorie ionique. L’as-sistance prestigieuse, Voldemar Voigt, Max Planck, Paul Drude, et Gustav Mie, étaient les champions d’une physique plus phénoménologique, dans la lignée de Franz Neumann. Ils apprécièrent néanmoins la force de l’argumentation de Lorentz. Deux d’entre eux, Drude et Planck, adoptèrent bientôt la théorie de l’électron. La théorie de Larmor

La dernière théorie majeure de l’éther est à mettre au crédit du physicien irlandais Jo-seph Larmor. Ses travaux théoriques sont remarquables, avec un modèle d’éther qui va être construit au fur et à mesure en reprenant des idées de Thomson, Maxwell, Helmholtz, et même Lorentz. Mais plus encore que la pertinence du modèle d’éther, c’est la vision qui est