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Chapitre IV : Présentation et analyse des données

4.2 Les expériences scolaire et extrascolaire au public et au privé : disparités tous azimuts

4.2.2 L’expérience scolaire des lycéens

4.2.2.2 L’école à travers les amis : un lieu de socialisation par excellence

L‘analyse du discours des lycéens révèle également que l’école demeure un très bon lieu de socialisation. Copinage, vie amoureuse et solidarité amicale sont évoqués comme autant d’éléments marquants de l’expérience scolaire et des souvenirs d’école.

On a de bonnes raisons d’affirmer qu’à leur arrivée au collège, les élèves continuent d’être étroitement surveillés par leurs parents. Mais à la différence du primaire, leur réseau d’amitié s’étoffe et leur fait découvrir la vie extra-familiale. Se retrouver entre amis est cité comme faisant partie des meilleurs souvenirs scolaires. Selon ces jeunes, une belle amitié est utile. Tous les élèves l’ont quasiment mentionné avec des degrés de conviction plus ou moins différents. Kalil (privé; G. 18 ans) était content de son groupe d’amis :

En 10e, il y avait une atmosphère d'une très grande amitié; c'est la promotion, c'est l'année qui m'a beaucoup marqué.

Avec les amis, on « apprend à s’approcher » et à « s’insérer » surtout lorsqu’on vient d’une autre école. C’est le cas de Binette qui, ayant passé le primaire ailleurs, se sent dépaysée dans sa nouvelle école, le LSM. Elle retrouve le moral grâce à la compagnie de nouvelles amitiés qu’elle s’est faite; le résultat est payant :

Ce que j’ai aimé, c’est le fait de m’intégrer parmi les élèves grâce aux d'amis. Je suis du genre timide. J'ai eu des amis; on rigolait tout le temps…. L'essentiel pour moi repose surtout sur les amis. Je veux dire par là si tu es parmi des gens, des amis qui t'acceptent pour ce que tu es, qui se moquent pas de toi, qui t'aiment quoi et toi aussi, tu les acceptes tels qu'ils sont ; tu les aimes vous vous amusez ensemble quoi, vous voyez? Ça été toujours ça» (Binette, privé; F. 17 ans).

La valeur de l’amitié, les moqueries et rigolades entre élèves font également partie des souvenirs :

Mon plus beau souvenir, c'est que je me suis retrouvé pendant 7 ans avec mon meilleur ami de la 4ème année en terminale, même classe, presque on fait tout ensemble. Ça me marque beaucoup parce qu'à la maison je me dis que sortir avec les amis vraiment c'est bon, vous bavardez, vous riez, vous discutez à propos de ce que le prof fait en classe, dire moi le prof là me plaît, il pagaille, bon une fois ces choses pareilles là on s'amuse bien quoi» (Fodé, privé, 17 ans).

L’amitié née à l’école peut valoir pour une très longue période si on s’efforce de consolider les relations amicales :

Ce que j'ai aimé, c’est que entre les camarades y avait de l'entraide, de l'amitié. Y avait de l'amitié forte, sincère encore. J'ai même remarqué, y avait une copine jusqu'à présent, durant le primaire jusqu'à présent, on s'appelle, des fois on communique même, je donne ce qui se passe, on se dit réellement ce qu'il y a. Donc c'est là-bas, au primaire, que j'ai eu l'amitié solide» (Georgette, Privé. F. 19 ans).

A travers l’amitié, il devient possible d’émousser le stress né de la situation familiale parfois confuse. A titre d’exemples, Moussa a perdu tôt son père. Après ce décès, de nombreuses tensions ont éclaté entre sa mère et ses oncles paternels. Le jeune doit d’ailleurs la suite de sa scolarité grâce à cette mère, loin de sa famille paternelle. Il rappelle qu’il lui était difficile d’être insensible à toutes ces crises familiales, aux conditions d’existence de sa mère. Mais le fait de s’être

créé des amitiés à l’école l’a aidé à s’en remettre et à acquérir un soutien socio- émotionnel :

J'aimais toujours rester à côté de mes amis, pour ne pas être isolé et éloigné. Si je suis seul, j'aurai toujours des idées, je peux dire de fausses idées. J'évitais toujours ça, j'aimais rester toujours au milieu de mes amis, c’est ce qui peut me lâcher un peu des problèmes (Moussa, public; G. 24 ans).

Le cas de Mama en est une autre illustration. C’est bien avant même sa naissance que sa mère a divorcé avec son père. Elle n’a jamais connu ce père qui vit aux USA sans aucun contact avec la famille. Sa mère, vendeuse de riz au détail au marché de Madina, a exigé qu’elle fréquente une école primaire privée bien que les conditions minimales (subsistance et scolarité) ne soient pas tout à fait réunies. Tout ne fut pas doux pour Mama dans cette « accommodation » à la réalité du privé surtout qu’elle aimait particulièrement prêter attention à ce qui la différenciait de ses pairs dont les conditions de vie étaient plus enviables. La solidarité qu’elle a partagée avec une de ses amies lui aura été très bénéfique :

Pour surmonter les difficultés que j'ai eues à l'école, j'avais une copine très gentille avec moi du nom de Fatoumata Binta Sow, qui venait toujours en aide avec moi dans les milieux scolaires. On cheminait ensemble parce qu'on logeait ensemble. Sa maman avait un peu fait l'école (Mama, public; F. 18 ans).

Enfin, au privé comme au public, il arrive que l’amitié se convertisse quelque fois en relation amoureuse avec d’éventuelles conséquences sur la vie scolaire de l’élève. (Maciré, privé; F. 18 ans) a fait les frais de ses rapports avec un jeune garçon dont elle s’est dit amoureuse. L’option qu’elle suit au lycée n’est pas le fruit de sa propre réflexion. Elle s’est retrouvée en Sciences maths sur les conseils de son copain à qui elle ne pouvait pas résister. Très sûrement en raison de leur âge avancé, les élèves du public sont plus nombreux à évoquer cette vie amoureuse née à l’école. Dans le cas de Mamady (public; G. 22 ans) par exemple, on retrouve des souvenirs de « drague » à l’école :

J'avais des amis à l'école, nous étions au nombre de trois (3) parce qu'on habitait dans le même quartier et on faisait la même classe. Je les aimais aussi, on s'asseyait sur le même table-banc. Et à 10 heures on sillonnait devant toutes les salles ensemble. Il faut le dire, y avait des Yarie, public; 25 ans) aussi à l'école là-bas que j'ai aimées.

Avec joie, il nous a conté ses premières amours avec une fille qui venait de l’intérieur du pays et qui a grandement contribué à son assiduité scolaire! :

En 7ème année il y avait une fille dans notre classe là-bas. Je l’aimais vraiment, elle était belle et elle venait de Mamouet s'appelait Fatoumata Tounkara. J'ai eu la chance d’être avec elle en ce temps, j'ai aimé ça parce qu'on passait beaucoup de temps ensemble à l'école. Chez eux, son tuteur l'empêchait de sortir, c'est à l'école qu’on se voyait et on passait beaucoup plus de temps. J'ai aimé çà aussi, parce que ça me poussait de ne pas chômer parce que chaque fois elle est à l'école donc j'étais fréquent.

Les stratégies ne manquaient pas pour renforcer ses relations avec son « élue » :

Souvent je retardais à la maison pour ne pas que mes amis me réservent une place pour que je puisse m'asseoir à coté d'elle.

Moussa (public; G. 23 ans) est un garçon qui se dit être « bien aimé des filles » pour son caractère « brillant » en classe et pour son « goût de la danse ». Au rang de ce qu’il a aimé à l’école, il rappelle :

Lorsque j'étais au collège j'étais pas amoureux mais une fois ici j'ai été amoureux mais bon c'est au lycée ici que j'ai eu le temps d'aimer la danse parce que j'ai eu des amis au lycée qui m'amenaient beaucoup à la danse c'est ça. J'ai eu plusieurs copines maintenant à l'école ici. Quand je faisais la 11ème année du fait que je brillais un peu en classe, les filles m'invitaient partout, tu viens dîner avec moi? elles me disent ça.

Il n’a pas résisté à la tentation de « sortir » avec ces filles et d’aller même au- delà car une de ses multiples aventures a abouti à une grossesse.

Bouba (public; G. 20 ans) aussi rappelle qu’un de ses plus beaux souvenirs d’école porte sur la relation amoureuse qu’il a eue avec une fille de sa classe

Dans mon cycle bon, c'est beaucoup plus personnel quoi, l'année passée en terminale ici y avait une fille, la cheftaine de ma classe; en fait, je suis sorti avec elle, et puis la façon dont on était jusqu'à ce qu'elle s'est mariée, la façon dont elle était avec moi franchement, j'étais fier. Je crois que la vie qu'on a passée, c'est mon plus beau souvenir scolaire.

Plus loin dans la discussion, il insiste sur le fait que cette amie le prenait en charge et qu’il s’en souviendra pour toujours :

Quand y a des dépenses, des choses qui se passaient à l'école, ici je sais pas si c'est parce qu'elle m'aimait comme ça elle faisait des dépenses des trucs comme ça, elle faisait des trucs qui me faisaient beaucoup rêver quoi; tu vois à l'école surtout je chôme, je suis malade ou pas, elle, elle est là pour moi, elle fait tout, la façon dont on était quand même, c'est difficile à oublier quoi.