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PREMIERE PARTIE – ASPECTS HISTORIOGRAPHIQUES

4. L’âge d’or des antiquaires

« Même s’il n’a pas lui-même écrit l’histoire, l’antiquaire l’a sauvée de l’assaut des sceptiques. La préférence pour les documents originaux, l’ingéniosité dans le dépistage des faux, l’habileté à réunir et à classer les témoignages et, par-dessus-tout, un amour sans bornes du savoir, voilà quels sont les apports de l’antiquaire à l’« éthique » de l’historien209. »

On laissera momentanément de côté les antiquaires autunois – c’est-à-dire ceux qui parmi les natifs ou les habitants d’Autun ont contribué à l’étude des portes romaines par leur curiosité intellectuelle, leur passion pour l’antiquité et leurs recherches – afin précisément de se concentrer sur leur cas plus loin. Camille Jullian rend un bel hommage accompagné d’une jolie formule aux Peiresc, Montfaucon et autres Caylus dans la préface qu’il donne au premier volume du Manuel d’Archéologie gallo-romaine d’A. Grenier : ils sont « les grands Argonautes du XVIIe et du XVIIIe siècle, ceux qui ont fondé notre science et l’ont acheminée dans les voies où ma génération, puis la vôtre, l’ont rencontrée »210.

4.1.La « société » des antiquaires

L’origine de l’intérêt pour Autun est fondée sur un malentendu : longtemps, les antiquaires ont en effet cru retrouver l’antique Bibracte dans les vestiges romains visibles à Autun. Quelques uns avaient bien soutenu que l’ancienne capitale éduenne se trouvait plutôt sur le mont Beuvray, à moins de 30 km d’Autun mais on leur objectait facilement qu’aucun vestige n’y était visible211

209 A. Momigliano, L’histoire ancienne et l’Antiquaire, dans Problèmes d’historiographie ancienne et moderne, Paris, 1983, p. 285 (édition originale en anglais, 1950). Cité dans Krings – Valenti 2010, p. 9.

tandis qu’à Autun les témoins de la splendeur passée dominaient toujours le paysage urbain. Les antiquaires se répartissent alors en plusieurs chapelles : la plus importante étant celle des tenants d’Autun, mais d’autres hypothèses pour localiser Bibracte ont leurs défenseurs, le Beuvray, on l’a dit, mais aussi la ville de Beaune. On se retrouve donc dans une situation absurde qui fait que les tenants de l’hypothèse majoritaire (Autun) sont contraints de soutenir avec confiance une thèse en réalité fausse tandis que, chez les tenants de thèses minoritaires, les objections décisives côtoient les allégations les plus fantaisistes et

210 Grenier 1931, p. III.

211 Par exemple, Ladone 1640, p. 46 : Nec audiendi sunt qui montem illum desertum vulgo dictum Beuvray Bibractis appellatione dignatur, cum nulla urbis illic appareant vestigia, nullae ruinae, nulla rudera, nulla murorum fundamenta reperiantur – ce que contredit l’étude de la documentation ancienne relative au mont Beuvray menée par J.-P. Guillaumet (1996, p. 70-72). Le tournant majeur dans l’histoire de la recherche éduenne se situe en 1856 lorsque J.-G. Bulliot expose et démontre sa conviction que Bibracte se situe au Beuvray, et non pas à Autun, dans son Essai sur le système défensif des Romains dans le pays éduen entre la Saône et la Loire. La Société Eduenne n’était alors pas du tout acquise à cette nouvelle idée et J.-G. Bulliot est progressivement parvenu à convaincre ses collègues puis les autorités de la légitimité de ses thèses. Même après la publication des résultats des fouilles décisives du Beuvray, l’idée du transfert de la capitale des Eduens n’a pas fait immédiatement l’unanimité, malgré la faiblesse des éléments en faveur d’une Bibracte autunoise.

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les moins fondées. Ce contexte explique pourquoi la description des antiquités d’Autun tend à passer après la querelle sur l’emplacement de Bibracte : ce sont les considérations historiques qui priment alors sur les vestiges archéologiques, les antiquaires argumentant à grand renfort de citations des auteurs antiques. La tenue de ce débat historique, en soi légitime, est perturbée par des questions de suprématie régionale et par le chauvinisme dont font preuve Autunois et Beaunois pour s’arroger le deuxième rang derrière Dijon. C’est l’une des causes du retard qu’Autun accuse par rapport à d’autres villes (Lyon, Nîmes, Bordeaux, Saintes) en termes d’étude des vestiges architecturaux.

Si la querelle sur l’emplacement de Bibracte a fait perdre beaucoup de temps et d’énergie, elle a toutefois le mérite de faire prendre conscience qu’il existe bien une société des antiquaires. Il s’agit d’une communauté d’érudits qui échangent entre eux212, connaissent les dissertations de leurs adversaires et s’emploient à se répondre en opposant arguments et contrarguments : ainsi, en 1710, l’érudit dijonnais F. Baudot (1638-1711) publie une réponse à l’opuscule que le médecin H. de Salins (1632-1710) avait écrit en 1708 contre la dissertation du père jésuite J. Lempereur (1656-1724) parue en 1706. Autre débat permettant de voir à l’œuvre le fonctionnement de la société des antiquaires, celui de l’inscription à la déesse Bibracte : y prennent part une dizaine de membres de l’Académie des Inscriptions ainsi que la plupart des érudits bourguignons de la fin du XVIIème siècle et du début du XVIIIème siècle213

Si l’on se concentre sur les érudits bourguignons qui d’une manière ou d’une autre ont contribué aux recherches sur les portes romaines d’Autun, il faut citer le père François Oudin (1673-1752) dont l’on sait qu’il a publié la lettre de F. Baudot sur Autun en lui apportant quelques retouches principalement stylistiques

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214. J.-B. Michault, premier secrétaire de l’Académie de Dijon et avocat au Parlement, nous apprend que le père Oudin avait fait un séjour à Autun, de même que l’abbé P. Papillon215. Ce dernier, dans la relation de sa découverte des portes d’Autun216, en juin 1722, évoque sa rencontre sur place avec l’abbé Germain et L. Thomassin, deux des antiquaires autunois les plus actifs dans les années 1720. Le compte-rendu de la visite de l’abbé Papillon dont J.-B. Michault a publié des extraits fourmille d’informations sur les portes romaines (on dit que la porte Saint-André a souffert des ravages du feu) et surtout sur la manière dont elles étaient interprétées : l’abbé Papillon considère que les deux portes conservées sont d’ordre corinthien, L. Thomassin, quant à lui, voit en elle des produits de l’architecture grecque. L’ingénieur Thomassin date la construction des portes d’Autun non seulement de la période antérieure à la conquête romaine mais il va jusqu’à les considérer antérieures à la fondation de Rome elle-même. Plus ou moins convaincu par cette hypothèse audacieuse, l’abbé Papillon suppose que ce modèle architectural d’inspiration grecque a dû être transmis aux Eduens par l’intermédiaire des Phocéens217

M. Thomassin fait bien de quitter les canaux & les ponts pour se mettre à l’illustration des Antiquités Celtiques ; mais je serois d’avis que, sans épouser aucun système, il traitât sa . Quant au père Oudin, absent lors de cette visite de juin 1722 mais parfaitement au fait de l’actualité de la recherche autunoise, il écrit :

212 On sait que les grands antiquaires du royaume échangent une correspondance considérable (on peut penser notamment à celle que N. Cl. Fabri de Peiresc échange avec Pierre et Jacques Dupuy, les gardes de la Bibliothèque du Roi dans les années 1645-1656), le même phénomène existe au niveau régional au sein des antiquaires bourguignons qui se connaissent les uns les autres et forment une communauté qui partage des informations, qui échange des jugements sur les travaux des uns et des autres et qui se divise parfois sur certains questions qui font débat.

213 Lejeune 1990, p. 80-81.

214 Baudot 1710 ; résumé dans les Mémoires de Trévoux, 1712, avril, p. 680-694. Sur l’édition des lettres de Baudot par le père Oudin, cf Michault 1754, p. 306-307.

215 Michault 1754, p. 396-405.

216 Michault 1754, p. 402 : « Rome n’a peut-être rien de plus parfait en ce genre ». 217 Michault 1754, p. 174-177, 402.

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matière en Historien ; dès qu’une fois on a un système, on ne peut plus voir que ce qui le favorise…218

Ces intenses échanges scientifiques sur les portes monumentales (entre autres vestiges autunois) demeurent vivaces au cours du XVIIIème siècle : on peut notamment signaler le manuscrit (conservé à la Bibliothèque municipale de Dijon) dans lequel l’ingénieur des Etats de Bourgogne Antoine219 fait part de ses remarques à Courtépée, historien bourguignon ayant collaboré à l’Encyclopédie, à propos du mémoire sur les vestiges antiques d’Autun que ce dernier a composé ou encore le mémoire sur le même thème que Crommelin adresse en 1773 à l’Académie de Dijon. Je reviendrai plus en détail ultérieurement sur ces antiquaires, je ne les mentionne ici que pour souligner l’existence d’une communauté d’antiquaires à l’échelle locale, régionale et au-delà.

4.2.Etudier les vestiges matériels pour comprendre le passé : la méthode antiquaire

Ceux qu’on appelle les « antiquaires » n’ont pas la même approche de l’antiquité que les historiens tels que Chasseneuz ou Saint-Julien de Balleure : là où ces derniers privilégient le témoignage des auteurs antiques, les antiquaires partent quant à eux des objets, des monnaies, des inscriptions, des sources iconographiques et des édifices.

Même en laissant momentanément de côté les principaux antiquaires autunois – le médecin J. Léauté à la fin du XVIème siècle, l’avocat E. Ladone en 1640, le chanoine E. Thomas en 1660 ou l’abbé Germain dans les années 1720 –, on constate un intérêt constant pour les portes d’Autun qui se manifeste par la multiplication de descriptions et d’observations de plus en plus détaillées et précises. Là réside la particularité de la démarche de ces antiquaires par rapport aux voyageurs de passage : il ne s’agit pas de mentionner en passant un édifice, ni d’évoquer ce qu’il a de remarquable. Loin d’être des curiosités, les vestiges antiques sont perçus comme des témoins muets du passé qu’il s’agit de faire parler et de comprendre afin de contribuer à la connaissance des périodes anciennes. L’expression des impressions ressenties face aux vestiges de l’antique grandeur d’Augustodunum est donc réduite à la portion congrue chez les antiquaires. Quant à ce qui différencie l’approche des antiquaires d’avec le point de vue technique de ceux que j’ai appelés les hommes de l’art, c’est sans doute leur point de vue généraliste qui favorise la recherche de parallèles avec d’autres vestiges similaires, la mise en série étant le fondement de l’interprétation archéologique. Les antiquaires dont il est question ici s’intéressent entre autres nombreux sujets aux portes romaines d’Autun.

Mais qui sont ces antiquaires qui ont écrit sur les portes urbaines d’Augustodunum ? J’ai déjà eu l’occasion de citer le nom de plusieurs d’entre eux : Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, Scipione Maffei, Claude Courtépée, François Pasumot… Il faut ajouter à la liste les noms de François-Roger de Gaignières, de l’abbé Bernard de Montfaucon, du comte de Caylus, d’Aubin-Louis Millin. On peut aussi distinguer une catégorie de savants qui ne sont plus vraiment des antiquaires sans être encore toutefois des archéologues modernes au plein sens du terme : c’est le cas de Claude-Madeleine Grivaud de la Vincelle, d’Arcisse de Caumont, de Prosper Mérimée, d’Ernest Breton. Les plus grands antiquaires que la France ait comptés se sont donc tous d’une manière ou d’une autre intéressés aux portes romaines d’Autun, de Fabri de Peiresc à Caumont, en passant par Gaignières, Montfaucon et Caylus. Ceci n’est pas anodin et confirme, s’il était besoin, l’importance historique des portes urbaines

218 Michault 1754, p. 372.

219 Cf. tome II, dans le catalogue des sources textuelles anciennes relatives aux portes d’Autun, fiche « Antoine 1777 », « Courtépée 1778 », « Crommelin 1773 ».

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de l’enceinte romaine d’Autun qui ont non seulement toute leur place au sein des antiquités gallo-romaines mais aussi au sein des antiquités romaines.

L’esprit de collection (qu’il s’agisse de mobilier archéologique, de dessins d’objets ou de vues d’édifices) amène les antiquaires à correspondre parfois avec toute l’Europe. Aussi n’ont-ils pas besoin d’être constamment sur les routes pour avoir une bonne connaissance des vestiges français et étrangers. A la différence des érudits bourguignons qui concentrent souvent leur esprit sur des problématiques régionales, le champ d’intérêt des antiquaires n’hésite pas à franchir les frontières du royaume, et en particulier les Alpes. C’est là une grande qualité du regard que les antiquaires portent sur les vestiges autunois, ce regard est coutumier des vestiges romains du sud de la Gaule et de l’Italie – tendance qui se généralise au XIXème siècle. Dès lors, on ne s’étonne pas de voir Ernest Breton, un spécialiste de Pompéi, rapprocher la porte d’Arroux de la porte d’Herculanum (« l’analogie frappante de son plan »)220 ou Arcisse de Caumont comparer la disposition des ouvertures des portes d’Autun avec la porte d’Auguste à Nîmes221

Une autre des caractéristiques de l’approche antiquaire réside dans l’autopsie, c’est-à-dire dans le souci de constater par soi-même in situ. Ceci ne signifie pas pour autant qu’un antiquaire doive nécessairement être un homme de terrain. Si l’on se fonde sur l’exemple des portes romaines d’Autun, la contribution d’un homme de cabinet comme Caylus qui ne s’est pas rendu sur place est bien meilleure que celle de Beaumesnil : non seulement elle est beaucoup plus pertinente d’un point de vue archéologique mais la représentation qu’il donne des portes est bien moins inexacte que celle du dessinateur. Lorsque l’on dit que l’autopsie fonde la démarche antiquaire, on souhaite insister sur le pyrrhonisme qui la caractérise, sur cette forme de scepticisme envers les textes : comme pour le physicien, c’est l’expérimentation qui prime pour l’antiquaire

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222.

Pour développer un exemple concret de démarche adoptée par un antiquaire, j’ai choisi le cas particulier d’Aubin-Louis Millin (1759-1818) dont la période d’activité correspond à la période révolutionnaire et au début du XIXème siècle. Considéré comme l’inventeur de l’expression d’« antiquités nationales », ce bibliothécaire passionné par l’archéologie comme par les sciences naturelles peut être considéré comme l’héritier des antiquaires du siècle des Lumières223. Convaincu que seule l’observation in situ permet de connaître un édifice, Millin décide d’effectuer un tour de France de Paris à la Provence en passant par la Bourgogne et en remontant par Bordeaux et Orléans224. Ses préoccupations sont bien celles d’un antiquaire225

220 Breton 1840, p. 248.

et, à plusieurs reprises, il insiste sur la nécessité de se rendre sur place, quelques années après

221 Caumont 1838, p. 266.

222 Aghion – Zambon 2007, p. 16 ; Esposito – Pinon – Vène 2007, p. 27.

223 Esposito – Pinon – Vène 2007, p. 28. A.-L. Millin occupa la fonction de garde du Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale, un lieu qui est au cœur des acquisitions de collections archéologiques et qui joue un rôle central dans l’organisation du savoir antiquaire en France au début du XIXème siècle.

224 A.-L. Millin est accompagné de M. Wincler, un jeune collègue du Cabinet des médailles et la liste du matériel qu’ils transportent est digne d’une véritable expédition scientifique : plus d’une dizaine d’ouvrages généraux, les principales cartes particulières des départements et des anciennes provinces, les outils nécessaires pour copier, dessiner, décalquer, prendre une empreinte en cire, effectuer un moulage en plâtre ou prélever un échantillon sans oublier un marteau pour casser les pierres et une presse à copier les lettres (Millin 1807a, p. 7-8).

225 « Mon intention étoit de m’arrêter dans les villes qui peuvent présenter quelque intérêt sous le rapport des arts et lettres, dans les lieux qui rappellent des événemens importans ; d’examiner les monumens antiques et ceux du moyen âge ; de comparer leur état actuel avec leur état ancien ; d’indiquer les altérations qu’ils ont éprouvées ; et les moyens à prendre pour les conserver ; de visiter les bibliothèques, les cabinets publics et particuliers ; enfin de procurer à la Bibliothèque impériale, par des acquisitions et des échanges, des livres, des manuscrits et des médailles. J’avois l’intention de prendre, autant que je pourrois, des notices des éditions rares et des manuscrits intéressants. » (Millin 1807a, p. 3).

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les événements révolutionnaires qui ont bouleversé le paysage urbain de nombreuses villes françaises. Le témoignage du voyageur-antiquaire doit toutefois être pris avec précaution : il lui arrive de faire passer pour des observations in situ des éléments qu’il ne découvre en réalité qu’a posteriori dans son cabinet au moment où il rédige son compte-rendu. C’est notamment le cas à propos de la porte d’Arroux.

La visite d’A.-L. Millin à Autun en 1804 nous est connue par le récit qu’en fait l’antiquaire lui-même et qu’il publie en 1807. Sur place, une société savante, créée depuis deux ans, la Société libre d’agriculture, sciences et arts d’Autun, envoie à sa rencontre trois de ses membres pour guider le visiteur226. Par ailleurs, le garde du Cabinet des médailles rend compte de ces visites chez deux chanoines, Moreau et Legouz227

A plusieurs reprises, lors de son voyage, Millin plaide pour un contrôle de l’Etat sur les Monuments historiques. Ainsi, constatant que le château de Montfort et celui de Rochepot avaient été détruits peu après son passage en Bourgogne, il s’exclame :

, tous deux collectionneurs et épris d’antiquités. L’antiquaire parisien a le souci de s’entretenir avec les antiquaires locaux.

Je voudrois que le Gouvernement mît un frein à ces dévastations ; que personne ne pût abattre un ancien édifice sans avoir donné ses motifs au préfet de son département, qui veilleroit à le faire conserver s’il le jugeoit convenable. Si l’on ne prend cette mesure, la France n’aura bientôt plus de monumens qui puissent attester son antique existence.

Ce qui le gêne n’est pas que l’on puisse détruire un édifice ancien pour en reconstruire un neuf mais que l’on détruise pour récupérer des matériaux de construction à moindres frais lui paraît une aberration de l’esprit, surtout « dans les lieux où la pierre est aussi abondante que dans la Bourgogne »228. On comprend d’autant mieux la violence de sa colère lorsque, quelques jours après, face au temple de Janus, il constate que le même sort est réservé par les Autunois à leurs monuments. La relation par Millin de son séjour à Autun s’achève avec un violent réquisitoire contre la municipalité229

Le passage consacré au séjour que Millin effectua à Autun se conclut sur un portrait glacial et sans appel de l’arriération provinciale :

, les évêques d’Autun et les Autunois dans leur ensemble. Les descendants des Eduens sont présentés par l’antiquaire comme pris d’une fureur de détruire faisant d’eux de personnages bien pires que les Turcs ou les Musulmans, pourtant accusés de tant de crimes contre l’antiquité par les antiquaires de l’époque. Il en appelle au Gouvernement pour contraindre la municipalité à prendre des mesures susceptibles d’empêcher de nouvelles destructions.

Il y a peu de culture dans cette ville, relativement à l’esprit ; on n’y voit aucun cabinet, aucune bibliothèque d’amateur230. On y accueille aisément les contes ridicules, des ouvrages qui ne méritent aucun crédit ; les monumens y sont négligés. On prétend s’y connoître assez bien en histoire naturelle : et le meilleur naturaliste de l’endroit prend un squelette de cheval pour le tapir d’Amérique231

226 Millin 1807a, p. 306-307, 309, 312 ; Dumay 1881, p. 277-278.

.

227 Il pourrait s’agir du chanoine Hugues Legoux, auteur d’un manuscrit sur les antiquités d’Autun (conservé à la bibliothèque de l’Evêché).

228 Millin 1807a, p. 286.

229 Il estime que la municipalité devrait financer à elle seule plusieurs opérations de fouilles « en expiation de la manière barbare dont elle a jusqu’ici traité ses monumens. » (Millin 1807a, p. 314).

230 Millin fait ici preuve de mauvaise foi, lui qui a visité la bibliothèque et le cabinet d’antiques de M. Chapet qui fut son hôte lors de son séjour au Creusot, un homme dont il loue l’érudition et les compétences mais dont il semble oublier un peu rapidement qu’il est également l’un des membres fondateurs de la Société libre d’agriculture, sciences et arts d’Autun (Millin 1807a, p. 354-355).

231 Millin 1807a, p. 348-349. Pour expliciter l’allusion au tapir, il faut expliquer qu’un érudit local dont Millin tait le nom avait identifié des ossements animaux mis au jour à proximité de l’amphithéâtre comme ceux d’un tapir alors que, d’après plusieurs témoignages concordants, il s’agissait vraisemblablement d’un équidé. Je n’ai pas la correction de Millin en rendant son identité à M. d’Hugon. C’est en effet ce membre de la Société libre