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Les antiquaires autunois : l’apport des érudits locaux de la Renaissance à la fin du siècle des Lumières siècle des Lumières

PREMIERE PARTIE – ASPECTS HISTORIOGRAPHIQUES

1. Les antiquaires autunois : l’apport des érudits locaux de la Renaissance à la fin du siècle des Lumières siècle des Lumières

Au sens large, l’antiquaire est celui qui manifeste une si forte curiosité pour les vestiges et les objets antiques qu’il tend à les collectionner, à en rassembler des dessins et à collecter le maximum d’informations à leur sujet. Pour autant, ce collectionneur antiquaire n’écrit pas toujours (Peiresc, le plus célèbre des antiquaires, n’a rien publié de son vivant) et, dans un sens restreint, on entend aussi « antiquaire » au sens de « celui qui écrit en plus de collectionner »280. Il m’arrivera d’évoquer ponctuellement certains Autunois, collectionneurs ou amateurs d’antiquités, qui n’ont rien publié281

J’entends ici l’expression d’érudit « local » au sens étroit du terme, c’est-à-dire au sens d’érudit autunois, la contribution des érudits bourguignons ayant déjà été évoquée plus haut. Le rôle des érudits et des notables autunois est en effet majeur dans l’impulsion donnée aux études et aux travaux historiques comme dans la progressive prise de conscience de la nécessité de protéger leur patrimoine architectural. Par ailleurs, d’un point de vue chronologique, c’est bien parmi les Autunois qu’apparaissent les premières traces d’intérêt pour les portes urbaines de l’antique Augustodunum. Il reste à étudier leur méthode de travail, à comprendre leurs questionnements, à évaluer leur connaissance de l’architecture antique pour cerner avec précision l’apport et surtout la valeur de leur contribution à la connaissance des portes romaines d’Autun.

mais c’est seulement ceux qui ont laissé une trace écrite de leurs recherches qui ont pu faire l’objet d’un examen précis.

1.1.Antiquaires autunois de la Renaissance et du Grand Siècle

Les premières recherches antiquaires proprement autunoises sont ici présentées par ordre chronologique de réalisation : il s’agit du De antiquis Bibracte monimentis libellus attribué au médecin Léauté (vers 1580, publié en 1650), des Véritables recherches de

l’Antiquité de la Cité d’Autun du chanoine Perrin (dans les années 1590-1606, manuscrit inédit), de la contribution de la famille Guijon (fin XVIème siècle – début XVIIème siècle), des

Augustoduni antiquitates de l’avocat E. Ladone (1620 ou avant, publiées en 1640), de La

très-ancienne et très-auguste ville d’Autun couronnée de joye du frère minime L. Bertault (1653), de l’Histoire de l’antique cité d’Autun du chanoine E. Thomas (1660) et enfin de l’Histoire de

l’ancienne Bibracte appresent appellée Autun du juge D. Nault (1688). La valeur scientifique

280 Weil-Cureil 2007, p. 17.

281 On connaît, à différentes époques, un certain nombre d’Autunois effectuant des recherches sur le passé de leur ville ainsi que plusieurs cabinets d’antiquités : l’activité et la collection d’antiques de l’abbé N. Jeannin de Castille dans les années 1640 ; un antiquaire dénommé Morin (mentionné en 1646 par Dubuisson-Aubenay, dans Charmasse 1885, p. 290) ; Courtépée mentionne également deux collectionnaires autunois, Ducret de Chanferi et Moreau de Maligni (Courtépée 1778, p. 525-526 ; sans doute le même homme que le chanoine octogénaire du même nom auquel Millin rend visite en 1804, dans Millin 1807a, p. 338) ; la considérable collection réunie par Claude Jovet (mentionnée dans Maron 1842 ; Mérimée 1835, p. 60-62 ; Thomas 1846, p. 177-178 ; Devoucoux, Fontenay 1848, p. 39, 96, 175).

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de la contribution de chacun de ces antiquaires est très variable, allant de la monographie urbaine illustrée au délire romanesque le plus total.

Le De antiquis Bibracte monimentis libellus et l’identité de son auteur

Edme Thomas, qui est considéré comme le père de l’histoire autunoise, fit éditer à Lyon en 1650 un ouvrage manuscrit sans nom d’auteur qu’il possédait dans sa bibliothèque282, sous le titre De antiquis Bibracte seu Augustoduni monimentis [sic]

libellus283. Ce manuscrit doit vraisemblablement être attribué au médecin autunois Jacques Léauté (2ème moitié du XVIème siècle), si l’on en croit la tradition locale présentée par E. Thomas et suivie par la majorité des érudits et des bibliophiles des siècles suivants284

282 C’est ainsi qu’il faut comprendre la mention qui figure sur la page de titre : De antiquis Bibracte, seu Augustoduni monimentis libellus, Extractus è Musaeo D. Thomae, Cantoris, & Officialis Ecclesiae Augustodunensis. Le museum renvoie à la collection d’objets culturels, c’est-à-dire au cabinet ou à la bibliothèque. La préface Ad Lectorem confirme cette hypothèse : E. Thomas informe le lecteur qu’il est récemment entré en possession de ce manuscrit qui est un ornement de sa bibliothèque (in manus meas nuper incidisset Bibliothecae meae ornamentum). Etrangement, le rôle d’E. Thomas dans la publication de cet ouvrage n’a pas toujours été compris alors que la préface est parfaitement explicite sur ce point.

. Une préface, Ad Lectorem, rédigée par le propriétaire du manuscrit, Edme Thomas, rappelle la publication récente des Antiquités de Ladone (1640) avant d’évoquer les conditions qui ont

283 Cf. tome II, dans le catalogue des sources textuelles anciennes relatives aux portes d’Autun, fiche « Léauté 1650 ». Les sources les plus anciennes, notamment sur les sources des XVIème et XVIIème siècles, posent parfois un problème capital, celui de l’identification des auteurs. Selon les plus ou moins bonnes conditions de transmission des manuscrits à l’éditeur, et dans une époque où la diffusion des imprimés, le poids de l’autorité auctoriale et le respect des droits d’exclusivité éditoriale est moindre qu’aux siècles suivants, il résulte que certains imprimés n’ont pas de noms d’auteur ou s’en voient attribuer plusieurs. Ceci pose évidemment des problèmes pour qui souhaite étudier de manière précise l’ensemble des sources. Ces confusions et autres erreurs d’identification peuvent s’être propagées jusqu’à notre époque si bien qu’il est difficile de s’y retrouver parfois. Même les grands outils de recherche bibliographique témoignent de ces incertitudes sans être toujours conscients que l’identification de l’auteur de l’ouvrage publié à Lyon en 1650 pose problème. Le système universitaire de documentation SUDOC donne un De antiquis Bibracte seu Augustoduni monimentis (sic) libellus… publié par Edme Thomas chez G. Barbier à Lyon en 1650 (exemplaire conservé à la Bibliothèque Sainte-Geneviève) ainsi qu’un De antiquis Bibracte seu augustoduni monimentis libellus extractus è Musaeo D. Thomae, cantoris, & officialis Ecclesiae augustodunensis publié, quant à lui, par Leante chez G. Barbier à Lyon en 1650 (exemplaire conservé à la bibliothèque Jacques Doucet à l’INHA). Ce Leante s’explique par la présence d’un nom inscrit au crayon de papier sur la troisième de couverture : « Leante » ou « Leaute » (la 3ème lettre est difficile à distinguer)… Quant au catalogue Opale Plus de la BnF, il mentionne deux exemplaires, tous deux attribués à Jacques Léauté : De antiquis Bibracte, seu Augustoduni monimentis libellus, e Musaeo venerabilis magistri Emundi Thomas, cantoris, canonici, & officialis ecclesiae Augustodunensis et De antiquis Bibracte, seu Augustoduni monimentis libellus, extractus è Musaeo D. Thomae, cantoris, & officialis ecclesiae Augustodunensis. Toutefois, les notices précisent : « Par Edme Thomas ou Jacques Léauté » en raison de la présence dans certaines éditions d’une épître dédicatoire signée E. Thomas (ou plus exactement « D. E. » pour Dom Edme ?) juste avant l’avis au lecteur qui mentionne le nom du médecin J. Léauté sous la forme « Leantio … medico ».

284 L’ouvrage qu’E. Thomas lui-même attribue à Léauté a par la suite été parfois attribué à E. Thomas (Papillon 1742, p. 338 ; Caylus 1759, p. 369 ; Baudot 1811, p. 361) ! Cette hypothèse repose sur la mention du nom d’E. Thomas sur la page de titre en tant que propriétaire du manuscrit mais, à la seule lecture de la préface, elle doit être écartée : E. Thomas indique ne pas connaître avec certitude l’auteur de cet opuscule que la tradition locale attribue à Léauté. Si l’on compare le contenu de l’ouvrage publié en 1650 avec l’Histoire de l’antique cité d’Autun qu’E. Thomas publie dix ans plus tard, on constate des divergences qui prouvent que les auteurs de ces deux ouvrages sont deux personnes distinctes. L’Histoire de l’antique cité d’Autun publiée en 1660 n’est pas la traduction augmentée de l’ouvrage publié en 1650, comme l’avancent A. Rebourg (1993c, p. 55, note 10) ou F. Lemerle (2005, p. 116, note 223). Une édition annotée de l’ouvrage de 1650 ayant appartenu à l’antiquaire dijonnais Philibert de La Mare indique : hujus libri author jac[obus] Leotius medicus Aeduensis m[ortuus] circa an[no] 1582 (Moreau 819, fol. 79).

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permis la publication du présent ouvrage : Emergit hodierna die è tenebris iamdiu delitescens

alter libellus, qui soluta oratione antiqua Heduorum monumenta describit manuscriptus, sed ignoto authoris nomine285

Le jugement de la postérité n’a pas été favorable à J. Léauté. D’une part, son œuvre a été très rapidement oubliée, si l’on songe qu’E. Ladone, dans le premier quart du XVIIème siècle, n’avait aucune connaissance des travaux (encore inédits) de Léauté et ne gardait que le souvenir de son nom. D’autre part, une fois publiée, sa contribution a été rapidement éclipsée par celle d’Edme Thomas, ce qui a suscité aux XVIIIème et XIXème siècles des jugements d’une sévérité absolue : ridicule mélange d’antiquarisme, de botanique et d’astronomie aux yeux de J.-B. Michault

. Il précise immédiatement, sans s’engager personnellement toutefois, que plusieurs personnes attribuent ce manuscrit au médecin autunois, Leantius.

286, ouvrage non avenu pour l’abbé Devoucoux et J. de Fontenay287. L’ouvrage publié en 1650 est accompagné de onze planches288 alors que le texte en mentionne douze : aucune des éditions que j’ai consultées (départements des Manuscrits de la Bibliothèque nationale (Moreau 819) et bibliothèque de l’INHA) ne comportait cette douzième planche289 qui, comme le précise la légende des planches comprise dans le texte, aurait dû représenter une vue générale de la ville moderne d’Autun avec ses antiquités romaines et le tracé de l’enceinte antique. Ces estampes ont été réalisées au moment de la publication – en 1650 ou dans les années précédentes, à l’extrême fin des années 1640 – à partir des dessins qui devaient figurer au sein du manuscrit de Léauté et qui, à ma connaissance, n’ont pas été conservés290

285 Léauté 1650, Ad Lectorem : « Aujourd’hui sort des ténèbres un second petit ouvrage, resté longtemps caché, qui décrit en prose les monuments antiques des Eduens. On ne connaît pas le nom de l’auteur du manuscrit. » (traduction VB).

.

286 Michault 1754, p. 182.

287 Dans l’introduction de la réédition de l’ouvrage d’Edme Thomas, l’abbé Devoucoux et J. de Fontenay trouvent utile de dénigrer les travaux de J. Léauté qu’Edme Thomas avait fait publier. L’ouvrage de 1650 « ne pouvait servir qu’à faire valoir par comparaison le grand travail dont s’occupait l’éditeur. Ce petit livre, qui n’a pas laissé que d’être un sujet de discussion pour les bibliographes, a été attribué par eux à différentes mains. Il paraît légitimement appartenir à Jacques Leauté, médecin d’Autun, mort vers l’année 1582. Quelques vagues considérations sur la position climatérique d’Autun, sur la salubrité de son atmosphère et de ses eaux, un tableau général de la division de la ville du XVIe siècle mis en parallèle avec la division supposée de la ville antique, de nombreuses et stériles digressions envahissant les deux tiers du volume, enfin des gravures grossières et inexactes de nos monuments, qui ont trompé depuis plusieurs antiquaires, justifiant assez mal le titre de fameux qu’il a plu à l’éditeur de donner à Leauté. L’absence de documents positifs et d’études historiques rendent cet opuscule descriptif comme non avenu dans la série trop courte des travaux que nous ont transmis, sur l’histoire d’Autun, des écrivains compatriotes. » (Thomas 1846, p. VI-VII).

288 Sont représentés dans l’ordre des planches, la pyramide de Couhard, une vue d’ensemble d’Autun de petite taille, le temple de Pluton, le temple de Janus, la porte Saint-André, la porte d’Arroux, la corniche de la porte d’Arroux, les pilastres de la porte d’Arroux, un schéma représentant le principe du chaînage d’angle, un schéma sur la construction du mur d’enceinte et, enfin, la tour Saint-Andoche. J’utilise ici les appellations traditionnelles des édifices, et pas nécessairement celles qu’emploie J. Léauté.

289 F. Lemerle fait le même constat pour les éditions qu’elle a consultées à la Bibliothèque nationale de France et à la Bibliothèque de Bordeaux (2005, p. 116, note 224). À de nombreuses reprises pourtant, Léauté fait allusion à cette planche à l’intérieur de son développement : p. 26, 27, 33, 39, 44. L’hypothèse la plus vraisemblable est que le dessin figurant sur le manuscrit n’ait pas été gravé en 1650 au moment de la publication.

290 Le manuscrit Français 4031 conserve des dessins qui présentent un état plus détaillé que les estampes gravées en 1650, il s’agit vraisemblablement de copies des dessins originaux figurant sur le manuscrit de Léauté. L’antiquaire indique clairement qu’il a à la fois décrit et dessiné les monuments d’Autun : me stilo accinxi, omniaque saltem quae extant antiquitatis monimenta ac stemmata depinxi ea, ni fallor, diligentia & forsan quanta arte rerum naturam & habitum exprimere possit alter (Léauté 1650, p. 2) : on ne peut donc absolument pas considérer que les vues des monuments soient un ajout réalisé au moment de la publication. Ces planches finales font partie intégrante de l’ouvrage et l’antiquaire y renvoie fréquemment au cours de son développement. C’est d’ailleurs lui qui est responsable de la numérotation des différentes illustrations dont il donne à la fin de son texte, une description planche par planche.

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L’auteur introduit ses recherches sur les monuments antiques d’Autun en rapportant l’anecdote de Nicodore, un maître de lutte qui méprise les applaudissements de la foule comme étant le témoignage de l’approbation d’un public incapable de discerner le talent de la médiocrité. De même, les livres médiocres de l’époque de Léauté sont souvent loués par les ignorants mais cela ne doit pas empêcher les auteurs sérieux de poursuivre leurs projets. Lui-même a écrit poussé par ses proches et par l’autorité des anciens. Une autre motivation, plus essentielle, est avancée par l’érudit :

Hoc forsan addere licet, quod aegrè ferrem Heduos singulis diebus antiqua inclytae civitatis monumenta diruere, alia è visceribus telluris eruere, quae supereminent solo adaequare, nullosque intereà esse qui rerum ipsarum exemplaria aut Icones delinearent, quo antiquorum gloria excideret291

Au fond, sa motivation principale est simple : antiquorum videlicet memoria non pereat292 A l’exception de sa contribution à la querelle sur l’emplacement de Bibracte

. L’antiquaire explique brièvement qu’il n’entend pas traiter des sujets déjà abordés par ses prédécesseurs mais qu’il entend se concentrer exclusivement sur des sujets inédits et neufs.

293, Léauté est fidèle à sa parole, personne avant lui n’avait décrit de manière détaillée l’ensemble des monuments antiques encore visibles, personne n’avait réfléchi sur l’emplacement de la fondation urbaine, sur sa salubrité, sur son climat, sur la répartition de ses sources, sur les vents qui y soufflent, sur le rapport qu’entretiennent les portes urbaines avec les points cardinaux… Il est d’ailleurs très révélateur de constater qu’à aucun moment J. Léauté ne s’appuie sur des recherches antérieures : ses observations sont fréquemment faites à la première personne. L’antiquaire autunois, tout comme Fabri de Peiresc, ne fait pas de l’antiquité une monomanie, plusieurs digressions révèlent que ses intérêts sont multiples : la botanique et l’astronomie294

En ce qui concerne la description des antiquités d’Autun, elle est relativement exhaustive et n’oublie ni l’enceinte, ses tours et ses quatre portes, ni le théâtre, ni la pyramide de Couhard, ni les réseaux hydrauliques et viaires – les autres monuments sont évoqués dans la légende des planches, comme le temple dit de Janus ou le monument voisin de la porte d’Arroux interprété traditionnellement comme un temple dédié à Pluton. A chaque fois, la description s’attache à préciser l’état visible et il n’est pas rare de trouver des observations pertinentes sur les techniques de construction et sur la mise en œuvre des matériaux

sont clairement, pour l’antiquaire autunois, des domaines familiers sur lesquels il est capable de produire des schémas savants et de mentionner les travaux d’autres érudits. J’y reviendrai.

295

291 Léauté 1650, p. 2 : « Il est permis peut-être d’ajouter ceci : je supporte péniblement que les Eduens détruisent chaque jour les monuments antiques de leur glorieuse cité, qu’ils arrachent des entrailles de la terre d’autres monuments et rasent ce qui dépasse et que, pendant ce temps, il n’y ait personne pour dessiner des reproductions ou des vues de ces vestiges mêmes, si bien que la gloire des anciens disparaît de la mémoire. » (traduction VB).

. Quant aux portes monumentales, elles sont toutes les quatre évoquées, ce qu’il faut souligner tellement il est habituel dans la bibliographie de voir les auteurs ne mentionner que les deux

292 Léauté 1650, p. 2 : « Que le souvenir des anciens ne périsse pas ! » (traduction VB).

293 Entre l’hypothèse de Beaune, du Beuvray et d’Autun, J. Léauté est partisan d’une identification de Bibracte à Augustodunum. S’il se refuse à discuter la première hypothèse qu’il juge ridicule, il s’emploie en revanche à combattre l’hypothèse du mont Beuvray à grand renfort de citations de César, Tite-Live et Ammien Marcellin mais aussi en opposant l’exigüité du mont Beuvray pour une cité de l’ampleur de la capitale des Eduens (Léauté 1650, p. 4-9).

294 Cela lui est d’ailleurs reproché par certains de ses successeurs (Michault 1754, p. 182). La cohabitation au sein d’un même ouvrage censé être consacré aux vestiges antiques d’Autun d’un excursus botanique, d’une énumération des vents, d’un développement sur le positionnement des portes par rapport à telle ou telle constellation ou sur le mouvement des sphères célestres n’a pas non plus été du goût de Devoucoux et Fontenay père (Thomas 1846, p. VII).

295 Il décrit précisément la technique du chaînage des angles (Léauté 1650, p. 44 ; 9ème planche) ainsi que l’homogénéité des moellons quadrangulaires de l’enceinte et la solidité du liant utilisé par les maçons (p. 35).

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portes les mieux conservées. Des portes disparues, l’antiquaire dresse un état des lieux précis de ce qui est encore visible tout en regrettant les irrémédiables pertes d’informations, en particulier en ce qui concerne la porte de Rome : socordiam illius saeculi hominum incusare

non nequeo, qui nullo desumpto tanti urbis ornamenti typo perpetuae oblivioni tradiderint296

L’auteur du De antiquis Bibracte monimentis est donc, à notre connaissance, le premier antiquaire à décrire les portes d’Arroux et de Saint-André selon un schéma qui sera naturellement celui de tous ceux qui s’attachent à décrire les deux portes sans se contenter de juste les mentionner. Les éléments de la description dont les suivants : la répartition des baies et l’organisation du corps central de la porte, l’état de conservation des tours de flanquement, la galerie supérieure, les techniques de construction, le décor, les traces liées au système de fermeture et enfin la beauté de ces monuments (avec déjà cette préférence pour la porte d’Arroux que tant d’autres ont ensuite exprimée) – tous ces éléments sont donc présents dès la description de J. Léauté, première description réalisée dans le cadre d’une étude sur les vestiges romains d’Augustodunum, première description par un antiquaire local (les précédentes descriptions étant dues à des voyageurs qui ne recherchaient pas ce niveau de détail et qui n’avaient pas non plus la préoccupation de restituer l’état originel de l’édifice).

. L’antiquaire avance parfois des hypothèses pour tenter de restituer les parties qui ne sont plus visibles (plan, élévation, décor) mais il fait alors preuve d’une rigueur et d’une prudence tout à fait inhabituelles par rapport à nombre d’autres érudits en distinguant bien ce qui est de l’ordre de l’observation et ce qui relève de l’hypothèse.

Liée à la question de la datation, se pose naturellement la question de l’identité de l’auteur de cet ouvrage. Si c’est bien le médecin Léauté, les observations sont datables de la seconde moitié du XVIème siècle ; en revanche, si c’était E. Thomas, comme certains le prétendent, la date devrait être abaissée autour des années 1645 (pour une publication en 1650). Reste encore la possibilité qu’il s’agisse d’un tiers. Pour trancher cette question, il existe plusieurs méthodes. La première consiste à examiner la validité des hypothèses avancées par les bibliographes (J. Léauté ou E. Thomas), la seconde consiste à exercer une critique interne de l’œuvre afin de déterminer ce que l’auteur nous apprend de lui.

Je commence par évoquer l’hypothèse surannée consistant à attribuer le De antiquis

Bibracte monimentis à Edme Thomas, l’auteur d’une Histoire de l’antique Cité d’Autun

(1660), bien que j’aie déjà exposé plus haut que son rôle s’est limité à faire publier ce manuscrit en possession duquel il était entré. Dans un article paru en février 1811 dans le

Magasin Encyclopédique, P.-L. Baudot aborde des questions de bibliographie autunoise sous la forme d’un Dialogue entre les Bourguignons Edme Thomas, François Pasumot et Charles