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Chapitre I. Des textes pris dans l’Histoire

II. L’impérialisme, lieu de divergence

1. Kipling et l’impérialisme

Les écrits de l’auteur entretiennent un rapport évident avec la question impériale dès lors qu’ils mettent en scène des personnages d’administrateurs, d’officiers, parfois de civils et que certains discours, tenus par des personnages ou des narrateurs, semblent contenir des éléments doctrinaux. Cela suffit-il à faire de ces textes des écrits colonialistes ? Une simple lecture des nouvelles de Kipling amène à s’interroger sur l’unilatéralisme de la position idéologique de l’auteur censée être mise en avant dans ses textes. Le texte « The Incarnation of Krishna Mulvaney » (1889 ; 1891) est ainsi porteur de clichés impérialistes formulés par l’un des héros de la nouvelle, « I begin to feel like a naygur-man – all fearful an’ timoreous »

Company, premier ministre de la colonie du Cap entre 1890 et 1896 et fondateur de la Rhodésie. Kipling délivre plus tard de nombreux discours politiques afin de promouvoir la suprématie de la nation britannique dans le monde. Il figure aussi au nombre des signataires d’une pétition contre le Home Rule Bill en mars 1914. Enfin, il exprima ostensiblement son soutien au Général Dyer, malgré les événements violents et tragiques d’Amritsar de 1919 pour lesquels le général fut condamné. De manière générale, les critiques de la fin des années 1890 évoquent l’impérialisme de Kipling à la lecture de ses écrits poétiques, notamment « Recessional », écrit en 1897 à l’occasion du Jubilé de la Reine Victoria et « The White Man’s Burden » (1899).

113 Pour rappel, les années 1940-1980 mettent principalement l’accent sur la dimension artistique des écrits de l’auteur. Les ouvrages de J. M. S Tompkins, The Art of Rudyard Kipling (London : Methuen, 1959), d’Andrew Rutherford, Kipling’s Mind and Art (Stanford : Stanford University Press, 1964), de Bonamy Dobrée, Rudyard Kipling (London : Longmans, Green & Co, 1951) illustrent bien cette tendance.

114 Cf HAGIIOANNU Andrew, The Man Who Would Be Kipling: the Colonial Fiction and the Frontiers of Exile, Basingstoke, Hampshire ; New York : Palgrave Macmillan, 2003. Ou plus récemment, NAGAI Kaori, Empire of Analogies: Kipling, India and Ireland, Cork : Cork University Press, 2006.

(LH, 28)115. La mention des adjectifs « fearful » et « timoreous » s’inscrit dans la tendance des discours politiques et des rapports coloniaux de l’époque à discréditer les indigènes en faisant d’eux des êtres timorés, peureux, efféminés. Pour autant, le narrateur indique plus loin : « All a woman prays for in Injia – an’ for matter o’ that in England to – is childher » (LH, 32). En suggérant qu’il existe une proximité de fait entre les femmes indigènes et les femmes anglaises, le discours narratorial nuance la séparation radicale entre Européens et indigènes que le recours initial aux clichés sur les indigènes suggérait. On pourrait citer bien d’autres exemples d’apparentes contradictions internes à la poétique des récits kiplingiens concernant ce qui a trait à l’empire116. Mais selon Émilienne Baneth-Nouailhetas, il n’y a pas là de véritable contradiction :

Les nouvelles indiennes […] portent la marque distinctive de Kipling, qui exploite les clichés du discours colonial pour en faire le lieu d’une réflexion artistique. L’auteur ne fut pas un simple héraut de la vie et des valeurs coloniales : il opère, au sein de son œuvre, des mises à distance de son propre discours, qui indiquent la prépondérance de son projet poétique.117

On note pourtant une évolution dans le corpus kiplingien car si les premiers textes de l’auteur ont pour héros des personnages civils ou des officiers118, la place accordée à la représentation de soldats croît par la suite. Les récits concernant la gestion militaire de l’empire augmentent de manière significative dans le recueil The Day’s Work (1898) avec des textes tels que « The Tomb of His Ancestors », et de manière plus prégnante encore, avec les textes du recueil Traffics and Discoveries (1904), en particulier avec les nouvelles « The Captive », « A Sahib’s War », « The Comprehension of Private Copper » et « The Army of a Dream ».

115 Le terme « naygur » est la version personnelle de nigger proposée par Mulvaney. Le terme negro était initialement employé, de manière non péjorative, par les Portugais pour désigner les indigènes indiens. Ce n’est que lorsque les Anglais commencèrent à utiliser ces termes pour désigner indistinctement Indiens et Africains qu’ils leur donnèrent une connotation péjorative. Cf « Explanatory notes » dans Life’s Handicap. 1891. Oxford ; New York : Oxford University Press, 1987, p. 298.

116 C’est d’ailleurs ce qui conduit la chercheuse Maria Elizabeth Lowry à écrire, de manière presque exaspérée :

« For every tale by Kipling of Bengali cowardice there is one of Sikh bravery, for every assertion that the conquered people are childlike there is another, equally strong insistence elsewhere in his work that they are too men; he will warn us against the dangers of miscegenation on one page and celebrate interracial love on another;

he is happy to attack the Irish in verse and the Afrikaners in prose, but will sympathise with each wholeheartedly as soon as he switches from one medium to the other » in LOWRY Maria Elizabeth, Plain Tales and Puzzles:

Narrative Strategies in the Short Stories of Rudyard Kipling, thèse soutenue à l’Université d’Oxford en 1999, p.

7.

117 BANETH-NOUAILHETAS Émilienne, Le Roman anglo-indien, op. cit., p. 70.

118 Cf par exemple « The Arrest of Lieutenant Golightly » ou « His Wedded Wife », publiés respectivement en novembre 1886 et en février 1887. En revanche, la première nouvelle mettant en scène les trois soldats, « The Three Musketeers », est publiée en mars 1887, tandis que le recueil Soldiers Three, qui fait la part belle aux soldats, est, lui, publié en 1888.

La prépondérance accordée, dans les écrits de Kipling, à la dimension militaire de l’empire va de pair avec l’histoire de l’Angleterre et les difficultés que rencontre l’empire au début du XXe siècle. Cette tendance correspond aussi à une période durant laquelle l’auteur radicalise son positionnement idéologique favorable à l’empire. Ce sont donc les premières productions anglo-indiennes de Kipling qui sont les plus pertinentes pour cette étude car elles portent une inquiétude manifestée dans le genre et le format de la nouvelle que ses textes ultérieurs, qui reposent sur une poétique plus romanesque, semblent avoir perdue.

Les récits du recueil Soldiers Three (1888) constituent un point de départ intéressant pour réfléchir au rapport entre idéologie et littérature et pour analyser ce que la poéticité des textes produit par rapport au discours idéologique. Dans ces écrits, la seule langue des soldats confère une force poétique au texte qui empêche d’assimiler ce dernier à un simple manifeste pro-colonialiste. La langue inédite de Soldiers Three suggère que l’enjeu de ces écrits est bien poétique et non strictement idéologique : « “Whin all was in the house again, I niver asked for bukshish but dhruv tremenjus in the opp’site way from the orther carr’ges an’ put out my lights. Presintly I saw a naygur man wallowin’ in the road” » (« The God From the Machine », ST, 13). La lecture de ces textes relève parfois de l’épreuve de force car la langue qui s’y dit est relativement ardue, d’autant plus lorsqu’elle s’étend à l’ensemble d’un recueil.

À ce titre, elle ne manque pas d’évoquer aujourd’hui l’écriture de James Joyce119. La difficulté propre à certains écrits de Kipling ne va pas de pair avec la simplicité que « doit » véhiculer un tract doctrinaire efficace, s’il est censé être compris du plus grand nombre. Au contraire, une forme de liberté est prise ici avec certaines structures discursives qu’on pourrait précisément qualifier d’impériales. Ces structures impliquent une autorité qui prescrit, en particulier au XIXe siècle, la prééminence d’un sens intelligible porté par une syntaxe et une grammaire compréhensibles et non fantaisistes. Or, la langue des soldats de Kipling peut être lue, au contraire, comme la métaphore d’une distanciation opérée par le texte littéraire face aux injonctions prescriptives de l’idéologie, en particulier colonialiste, mais aussi de celle de l’ « Empire des Lettres » à la fin du XIXe siècle.

À partir des années 1900, de nombreux lecteurs de Kipling fustigent l’engouement de Kipling pour l’empire et ne lisent ses œuvres qu’à travers le prisme idéologique tandis que l’auteur exprime ouvertement son soutien à l’empire durant la guerre des Boers. Francis

119 Une différence majeure entre la langue irlandaise de Joyce et celle de Kipling s’articule pourtant autour de la question de la modernité. L’irlandicité de Joyce est en effet travaillée par le modernisme là où celle de Kipling rencontre la thématique de la nationalité et du rapport de classes.

Adams (1891), tout en reconnaissant l’artiste en Kipling, émet une critique particulièrement vindicative contre l’auteur lorsqu’il associe ce dernier au « jingoïsme »120. Robert Buchanan, tout en proposant aussi une lecture virulente des textes de Kipling, se distingue des jugements critiques de l’époque car son propos consiste précisément en une critique impérialiste de l’impérialisme de Kipling : « [Kipling is] a writer who in his single person adumbrates, I think, all that is most deplorable, all that is most retrograde and savage, in the restless and uninstructed Hooliganism of the time »121. Buchanan fustige l’impérialisme de Kipling qu’il associe à une forme de cruauté et de brutalité et encense ce qu’il nomme « true Imperialism »122, hérité selon lui de l’humanisme et de l’esprit des Lumières : « Its object is to diffuse light, not to darken the sunshine; to feed the toiling millions, not to immolate them; to free man, not to enslave him; to consecrate, and not to desecrate, the great temple of humanity »123. L’impérialisme, selon Buchanan, doit s’inspirer directement de l’esprit des Lumières, ce que traduit l’opposition dans son discours entre la rhétorique de la lumière des grandes nations et celle évoquant l’obscurité, et donc l’obscurantisme, de certains peuples. Il est aussi, selon lui, censé s’accompagner d’une forme de noblesse que Kipling discréditerait en mettant en scène de simples soldats mûs par des instincts vulgaires. Dans « The God From the Machine » (1888), le ton railleur de Mulvaney s’écriant « by this an’ that, Orth’ris, me son, I wud be the dishgrace av the rig’mint instid av the brightest jool in uts crown » (ST, 4) ne pouvait que susciter l’indignation d’un Buchanan, voyant dans la ré-énonciation sur un mode « irlando-populaire » de l’expression « the Jewel in the Crown », une marque d’irrespect envers le Raj, alors que le terme « jool » ne manque pas de faire émerger, par un effet de paronomase, le signifiant « fool ». Mulvaney assimile le joyau de la Couronne que représente l’Inde britannique à une sorte de pantalonnade ou de pitrerie. La critique de l’impérialisme de Kipling par Buchanan, pour autant qu’elle est elle-même impérialiste, révèle aussi une prise de conscience concernant la menace qui commence à planer sur l’empire à l’aube du XXe siècle, comme l’indique l’historien anglais David Thomson :

120 ADAMS F. W. L., « Rudyard Kipling » (1891) in GREEN Roger L., Rudyard Kipling: The Critical Heritage, op. cit., p. 143 : « smartness and superficiality, Jingoism and aggressive cock-sureness, rococo fictional types, and overloaded pseudo-prose ». Le terme « jingoïsme » est assimilé dans l’Encyclopédie Universalis à une forme de chauvinisme patriotique. Il apparaît en Angleterre en 1878 dans un refrain populaire au moment d’une crise en Orient : « We don’t want to fight but by Jingo if we do/ We’ve got the ships, we’ve got the men, we’ve got the money too/ We’ve fought the Bear before, and while we’re Britons true/ The Russians shall not have Constantinople ». Par la suite, il est utilisé pour qualifier l’état d’esprit belliqueux de certains soldats durant la Guerre des Boers et désigne les partisans d’un effort de réarmement et d’une politique fortement anti-allemande avant 1914.

121 BUCHANAN Robert, « The Voice of the Hooligan » (1900), Kipling: The Critical Heritage, op. cit., p. 236.

122 Ibid., p. 248.

123 Ibid., p. 248.

« Although England during this decade became in many ways aggressive and “jingoistic” in foreign and imperial affairs, it was partly because she felt threatened »124.

Le commentaire de Buchanan révèle finalement une forme de malaise face à une conception de la modernité qui serait portée par les textes de Kipling et qui viendrait bouleverser sa propre appréhension de la notion. Là où Buchanan associe modernité et Europe d’une part125, et tradition et espaces extra-européens d’autre part, Kipling met en scène des acteurs britanniques censés véhiculer cette modernité, mais dénués de grandeur à ses yeux.

C’est également l’objet de la critique émise par l’écrivain G. K. Chesterton lors de la parution des Just So Stories en 1902 :

Some of us have recently had reason to protest against certain phases of his [Kipling’s]

later development, and we protested because they were pert and cockney and cruel, and full of that precocious old age which is the worst thing in this difficult cosmos, a thing which combines the brutality of youth with the disillusionment of antiquity, which is old age without its charity and youth without its hope. This rapidly aging, rapidly cheapening force of modernity is everywhere and in all things, a veritable spiritual evil:

it looks out of the starved faces of a million gutter-boys, and its name is Ortheris. And just as we are in the afterglow of a certain indignation against this stale, bitter modernity which had begun to appear in Mr. Kipling’s work, we come upon this superb thing, the Just So Stories.126

La mise en scène d’Ortheris et de simples soldats dans les écrits de Kipling « pose problème » aux lecteurs de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle car ils incarnent une conception de la modernité impériale plus populaire que noble, allant à l’encontre de l’image idéalisée que la nation anglaise se fait de son empire. Plus encore, la critique de Chesterton, dans la lignée de celle de Buchanan, s’inscrit dans la peur fin-de-siècle du type hooligan, perçu comme une version dégénérée du « bon » Anglais.

Ce même argument est repris par E. M. Forster au sujet de la représentation kiplingienne de jeunes héros127 dans un contexte impérial. À l’occasion d’une conférence

124 Cf THOMSON David, England in the Nineteenth Country, 1815-1914. 1950. Harmondsworth : Penguin Books, 1966, p. 203. La donne change au début du XXe siècle alors que la Guerre des Boers entre 1899 et 1902 affecte considérablement l’Angleterre. La mort de la reine Victoria en 1901, impératrice des Indes, entame aussi la représentation triomphaliste de l’empire. L’année 1905 est enfin marquée par le retour au pouvoir des Libéraux dont le discours met l’accent sur le coût humain et financier de l’empire pour l’Angleterre. Ceux-ci soulignent également les méthodes contestables dont l’Angleterre fit usage durant la guerre des Boers et rappellent l’existence de la menace allemande qui plane sur le pays.

125 « Modernité » renvoie ici au projet rationaliste européen des Lumières, s’appuyant sur les notions de progrès et de civilisation. L’idée sous-jacente au projet est que l’Europe a le monopole de ces valeurs et doit les transmettre au monde par le biais de la « mission civilisatrice ».

126 CHESTERTON G. K., recension des Just So Stories (1902) in GREEN Roger L., Rudyard Kipling: The Critical Heritage, op. cit., p. 273.

127 Il est vrai que Kipling met souvent en scène, en plus de ses jeunes soldats, des héros adolescents, tant dans les Jungle Books (1894-1895) que dans Stalky & Co (1898) ou Kim (1901).

donnée dans les années 1908-1910128, Forster dit des écrits de Kipling qu’ils incarnent une conception archaïque du politique dominée par des modèles de gouvernement autoritaires.

L’époque, bien que toujours caractérisée par une foi générale en la viabilité de l’empire, est pourtant celle d’une histoire impériale mouvementée. On note une multiplication des mouvements de résistance à l’empire et de révoltes dans les colonies dès 1905 : le Swadeshi movement en Inde, la révolte Magi Magi dans le Tanganyika en 1905 ; la révolte zouloue et la rébellion Bambata dans le Natal en 1906 ; la formation du Congrès Sud-africain (South African Native National Congress) en 1912. À cela s’ajoute le lourd prix que l’Angleterre dut payer pour assurer sa victoire contre l’Allemagne durant la Première Guerre Mondiale. Autant d’événements qui assurent désormais l’opinion anglaise de la réalité de la crise impériale.

Alors qu’en 1907, Kipling reçoit le prix Nobel de littérature et est encensé pour la soi-disant force virile de ses idées, Forster fustige la vitalité brute de l’empire qu’il perçoit dans la fiction de Kipling129. Dans une recension des Letters of Travel publiée en 1920, il affirme aussi que Kipling serait resté bloqué au stade de l’enfance et n’aurait donc pas réussi à rester en phase avec le mouvement du monde :

Eternal Youth may be beautiful in theory, but it is most depressing in practice. The world, perforce, grows older, and we must grow old with it, or lose touch. Kipling has preferred to lose touch. He has clung to crudity and silliness as if they were the Gifts of God instead of the accidents of boyhood. He has never re-examined the catchwords of school. He continues whooping, and blustering, and tomahawking, and sniggering, and throwing up his cap for the Chosen Race; and in consequence he cuts a curious figure against the shambles of Amritsar.130

Le problème que Kipling pose à Forster concerne de toute évidence une certaine conception de la modernité en littérature et de l’histoire.

L’histoire est perçue par l’auteur comme un mouvement téléologique avec lequel il s’agit de rester synchrone, si l’on veut être « moderne » : « we must grow old with it, or lose touch ». Le fait d’être moderne est donc entendu ici comme un état d’esprit, mais surtout comme une capacité d’adaptation à un monde qui évolue dans le temps et dans l’espace. Cette

128 Il existe une controverse autour de la date de cette conférence : eut-elle lieu en 1908, 1909 ou 1910 ? Celle-ci fut présentée à la Weybridge Literary Society et est intitulée « Kipling’s Poems ». Le manuscrit contient trente-et-une pages et est conservé à la bibliothèque de King’s College, à Cambridge (Royaume-Uni). Il évoque les réussites et les limites de l’écriture poétique de Kipling en un ton très critique. Cf. LACKEY Michael, « E. M.

Forster’s Lecture “Kipling’s Poems”: Negotiating the Modernist Shift from “the authoritarian stock-in-trade” to an aristocratic democracy », Journal of Modern Literature, 22 mars 2007. URL : http://www.accessmylibrary.com/article-1G1-166241552/e-m-forster-lecture.html. Dernière consultation le 20/02/2013.

129 Forster y utilise l’expression « Kipling's big vital empire ». Ibid.

130 La recension est d’ailleurs intitulée « The Boy Who Never Grew Up ». Elle apparaît pour la première fois dans le Daily Herald, daté du 9 juin 1920, p. 7.

critique acerbe qui postule l’infantilisme de Kipling amène Forster à conclure à l’immaturité de l’auteur sur les plans esthétique, intellectuel et politique. Forster oppose ainsi les couples immaturité littéraire/archaïsme politique d’une part, et modernité/maturité d’autre part. À cette époque, Kipling se voit donc exclu d’un certain type de modernité littéraire. Son œuvre tient lieu de « repoussoir » et est utilisée comme faire-valoir d’un autre type de littérature, la littérature moderniste naissante, moins populaire auprès du grand public mais véritablement moderne aux yeux de la critique littéraire dans les années qui suivent sa production. Les textes de Kipling permettent à Forster, à Buchanan et à d’autres de définir ce que, selon eux, ne doit pas être le rapport à l’autre et au monde en ce début de siècle131. Bien que l’angle critique ait changé entre la lecture exotique et la lecture impérialiste des récits de Kipling, la production artistique de l’auteur reste irrémédiablement enfermée dans le paradigme d’une écriture de

critique acerbe qui postule l’infantilisme de Kipling amène Forster à conclure à l’immaturité de l’auteur sur les plans esthétique, intellectuel et politique. Forster oppose ainsi les couples immaturité littéraire/archaïsme politique d’une part, et modernité/maturité d’autre part. À cette époque, Kipling se voit donc exclu d’un certain type de modernité littéraire. Son œuvre tient lieu de « repoussoir » et est utilisée comme faire-valoir d’un autre type de littérature, la littérature moderniste naissante, moins populaire auprès du grand public mais véritablement moderne aux yeux de la critique littéraire dans les années qui suivent sa production. Les textes de Kipling permettent à Forster, à Buchanan et à d’autres de définir ce que, selon eux, ne doit pas être le rapport à l’autre et au monde en ce début de siècle131. Bien que l’angle critique ait changé entre la lecture exotique et la lecture impérialiste des récits de Kipling, la production artistique de l’auteur reste irrémédiablement enfermée dans le paradigme d’une écriture de