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Pour traiter de la raréfaction de l’eau qui se présente comme un phénomène assez général au tournant du XXIe siècle, notamment dans les zones arides et semi-arides, nous avons pris le parti d’une étude dont la composante empirique repose sur deux terrains d’enquête, le Maroc et l’Espagne, en resserrant la focale sur trois exemples : la province d’Almeria en Espagne, et les régions de Marrakech et d’Agadir au Maroc. Cependant, comme énoncé dans l’introduction générale, notre objectif n’est pas de réaliser une analyse comparative au sens strict — telle que décrite, par exemple, par Amable (2005) et Boyer (2001 ; 2003) — pour laquelle il s’agit de mettre en évidence des similitudes et des différences empiriques et d’expliquer théoriquement les deux. Dans cette thèse, nous nous limitons aux similitudes, ce qui revient à dégager des faits stylisés communs aux terrains d’enquête dans la première partie pour les expliquer dans la seconde. Aussi, l’étude de ces terrains vise moins la comparaison que la multiplicité des preuves.

La première partie de cette thèse a donc pour objectif l’élaboration des faits stylisés communs à l’Espagne et au Maroc. Elle correspond à la première des trois étapes de la méthode de construction du savoir mobilisée, à savoir l’étape d’observation. Ce choix en faveur d’une production de faits stylisés à partir de divers terrains d’observation a été au départ justifié par des caractéristiques physiques assez similaires et certaines proximités sociales. D’une part, en plus de leur proximité géographique, les régions étudiées sont, d’un point de vue climatique, très proches (climat semi-aride dans l’ensemble), et offrent des caractéristiques d’héliotropisme et de balnéotropisme comparables. D’autre part, les phénomènes rencontrés en Espagne et ceux rencontrées au Maroc sont comparables, et parfois même interconnectés : concurrence au niveau des débouchés agricoles, investissements espagnols dans l’agriculture marocaine et dans le secteur touristique, main d’œuvre marocaine en Espagne, etc. Aussi, ce choix s’est avéré judicieux dans la mesure où des correspondances très nettes sont apparues : d’une part, les différentes périodes marquantes de l’histoire de l’usage de l’eau de l’un des deux pays étudiés trouvent un écho dans celle de l’autre pays ; d’autre part, confrontés à des problèmes comparables, les solutions envisagées sur les deux terrains se recoupent, tels les projets de dessalement ou de transferts massifs qui restent ancrées dans un même paradigme. De manière simplifiée, dans les deux cas, on favorise l’augmentation de l’offre d’eau et les solutions visant à maîtriser les usages sont considérées comme secondaires.

Pour élaborer nos faits stylisés, nous adoptons une démarche historique où l’observation débute à la fin du XIXe siècle et se poursuit jusqu’à nos jours. Tout au long de cette période, nous essayons de

situer le local dans le contexte national. Compte tenu des informations disponibles, cette articulation est plus franche pour la période plus contemporaine tandis que pour les périodes antérieures, ce sont surtout des éléments nationaux qui sont présentés.

L’observation porte sur un domaine d’observation particulier correspondant à une version amendée du « mode d’usage de l’eau » élaboré par Arrus (2000a). Notre domaine d’observation met en relation un volet « économique » relatif aux normes-procédures liées à l’ajustement de la production d’eau à partir de ressources primaires et des usages finals de l’eau produite, et un volet « institutionnel » relatif aux normes-règles spécifiant les droits de disposition encadrant la mobilisation des ressources primaires et les usages des ressources produites. Comme indiqué en introduction générale, l’identification de deux catégories de ressources est essentielle pour la description de notre objet. Aussi, nous distinguons les ressources primaires, qui correspondent aux ressources naturelles potentielles en amont de toute mobilisation, et les ressources produites, qui correspondent aux ressources mobilisables et dont la production fait intervenir des infrastructures plus ou moins complexes. Ces deux catégories permettent, entre autres, de préciser les deux niveaux d’observation des droits de disposition relatifs à la mobilisation et l’usage de l’eau ou, autrement dit, des normes-règles.

Cette première partie se compose de quatre chapitres. Le premier chapitre a le statut de chapitre préliminaire. Il présente la méthodologie de la composante empirique, en particulier celle retenue pour la phase d’enquête, et regroupe la présentation des terrains du point de vue des caractéristiques géographiques, climatiques et hydrologiques (ressources primaires données). C’est notamment au cours de ce chapitre que le domaine d’observation ainsi que les deux catégories de ressources sont présentés en détail (Chapitre I).

Les deux chapitres suivants portent respectivement sur l’Espagne (Chapitre II) et le Maroc (Chapitre III). Ils sont relatifs à l’évolution historique du mode d’usage de l’eau et à l’identification des acteurs impliqués. L’observation a principalement porté sur l’impact de l’émergence et du développement de secteurs usagers — en particulier le secteur touristique et le secteur agricole intensif — sur la demande d’eau produite et sur la capacité des ressources primaires à y faire face. Au final, la mise en rapport des volets économique et institutionnel débouche dans les deux cas sur l’élaboration de faits stylisés chronologiques qui traduisent la succession de plusieurs périodes marquées par la genèse, le régime et la crise d’un mode d’usage de l’eau particulier.

Le dernier chapitre (Chapitre IV) a le statut de chapitre conclusif. Il met en parallèle les faits stylisés propres à l’Espagne et au Maroc et a pour objectif d’élaborer, sur la base des similitudes relevées, des faits stylisés d’un niveau de généralité supérieur. Ce sont ces faits stylisés qui sont analysés théoriquement dans la seconde partie. L’élaboration des faits stylisés conditionne la structuration de la première partie de la thèse, que l’on résume par la figure suivante.

Figure 3 : Méthodologie de la construction des faits stylisés et architecture de la partie empirique

Source : d’après Rousselière (2006 : 28).

Mise en rapport (similitudes)

Mise en rapport (généralité)

Établissement desfaits

stylisés de premier niveau issus de l’étude

espagnole 1

ei

FS

Établissement des faits stylisés de premier niveau issus de l’étude

marocaine 1 mi FS Propositions de synthèse Espagne-Maroc i EM

Autres faits stylisés existants

ai

FS

Établissement des faits stylisés de deuxième niveau 2 i FS Chapitre III Chapitre IV Chapitre II

Méthodologie de la composante empirique et présentation