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Établissement des faits stylisés pour l’Espagne

4.2.5. Complexification de la carte d’acteurs

La loi de 1985 — consolidée par la réforme de 1999 et par celle de 2001 (Décret royal 1/2001 ; B.O.E., n° 176 du 24/07/2001) — précise le rôle de chaque acteur et en introduit de nouveaux165 (Cf. Figure 20). Ainsi, le Conseil national de l’eau [Consejo nacional del agua], créé par l’article 17, devient l’organe consultatif supérieur. Il est composé de représentants du gouvernement national et des gouvernements régionaux ; des autorités de bassin (Confédérations hydrographiques et Agences de l’eau) ; des représentants de chaque secteur usager (AEP, production d’énergie, agriculture, industrie, etc.) ; d’environnementalistes et de représentants de la communauté scientifique. Il est obligatoirement consulté sur (art. 18 ; traduction de Barraqué, 1995 : 93-94) :

le PHN, avant son approbation par le gouvernement et sa soumission pour examen à la Chambre des députés [Cortes] ;

les Plans hydrologiques de bassin, avant leur approbation par le gouvernement ;

les projets de disposition à caractère général applicables sur tout le territoire national afférents à l’aménagement du domaine public hydraulique ;

les plans et les projets d’intérêt général d’aménagement agricole, urbain, industriel et d’exploitations énergétiques ou d’aménagement du territoire dans la mesure où ils affectent la planification hydrologique ou les usages de l’eau ;

les questions communes à deux ou plusieurs organismes de bassin portant sur l’exploitation de ressources hydriques et autres biens du domaine public hydraulique.

Varela Ortega et Hernández-Mora (2009) précisent que les représentants des gouvernements régionaux et ceux du gouvernement national possèdent la majorité des sièges. Aussi, les dissensions issues des représentants indépendants ont un impact limité et les amendements du Conseil sont minimes.

Le Ministère de l’environnement, du milieu rural et marin [Ministerio de medio ambiente y medio

rural y marino] est l’autorité supérieure en charge de la planification des usages et de la protection

des ressources en eau par le truchement de la Direction générale de l’eau [Dirección general del agua]. Il vise à :

élaborer et actualiser le PHN et veiller à sa mise en œuvre ;

165 Pour une description détaillée du rôle des différents acteurs, voir Barraqué (1995) et Varela Ortega et

définir des critères homogènes et systématiques pour permettre la compatibilité des plans hydrologiques de bassin ;

coordonner les plans sectoriels qui affectent la planification hydrologique ;

produire et diffuser les données relatives aux usages, aux ressources et aux infrastructures hydrauliques ;

assurer le processus de participation publique ;

coordonner les plans d’urgence (sécheresse, inondations, etc.) ;

assurer la sécurité des ouvrages hydrauliques ;

obtenir des financements européens pour les ouvrages hydrauliques, etc.

Au niveau du bassin hydrographique, des organismes de bassin régulent et planifient les usages. Cette tradition décentralisatrice est très ancienne en Espagne et les actuels organismes de bassin sont issus des Confédérations syndicales hydrographiques qui, comme on l’a vu, datent de 1926 (et elles-mêmes fruits des Divisions hydrologiques, organismes déconcentrés créés en 1865) (Cf.

infra). L’article 20.1 précise que :

« les organismes de bassin, sous l’appellation de Confédérations hydrographiques, sont des organismes de droit public ayant une personnalité juridique propre et distincte de celle de l’État, rattachés administrativement au Ministère des travaux publics et de l’urbanisme et avec une pleine autonomie fonctionnelle, en application des dispositions de la présente loi » (traduction de Barraqué, 1995 : 94).

Leurs attributions sont les suivantes (art. 21) :

l’élaboration du Plan hydrologique de bassin, ainsi que son suivi et sa révision ;

la gestion et le contrôle du domaine public hydraulique ;

la gestion et le contrôle des exploitations d’intérêt général qui concernent plus d’une Communauté autonome ;

le projet, la construction et l’exploitation des ouvrages financés avec les fonds de l’organisme, ainsi que ceux qui lui seraient confiés par l’État ;

ceux qui découlent des conventions avec des communautés autonomes, des collectivités locales et d’autres organismes publics ou privés, ou des accords passés avec les particuliers. Ce sont ces organismes de bassin qui octroient les concessions relatives à l’utilisation du DPH, sauf celles qui sont relatives à des infrastructures d’intérêt général et qui incombent au Ministère. Aussi, elles doivent veiller au respect de ces concessions en mettant en place une police des eaux (art. 22).

Les articles 24 à 34 précisent leur composition. D’une manière simplifiée, les Confédérations hydrographiques sont composées de deux grands ensembles avec, d’une part, les organes participatifs et, d’autre part, des services administratifs et techniques. Le premier ensemble est constitué de trois organes :

le Comité directeur et le président représentent l’organe de direction ;

l’assemblée des usagers, la Commission des lâchers d’eau [Comisión de desembalse], les assemblées d’exploitation et les assemblées de travaux constituent l’organe de gestion ;

la planification est assurée par le Conseil de l’eau du bassin.

Le second ensemble est constitué d’un secrétariat général, d’un office de planification, d’un service technique et d’une Commission de l’eau chargée, en particulier, de l’octroi des concessions.

Précisons que lorsque le bassin hydrographique est circonscrit au territoire d’une communauté autonome, il est possible que toutes ces fonctions soient assurées par une autorité de bassin autonome, dépendant du Ministère de l’environnement de la communauté autonome en question. C’est le cas de l’Agence andalouse de l’eau [Agencia andaluza del agua] créée le 1er janvier 2005 et dépendant du Ministère de l’environnement andalous [Consejeria de medio ambiente] du gouvernement autonome d’Andalousie [Junta de Andalucia] (Cf. Figure 20 ; cas n° 2). Au total, au niveau de la péninsule, on dénombre dix organismes de bassin dont huit Confédérations hydrographiques et deux Agences de l’eau autonomes (Andalousie et Catalogne).

Au niveau local, les communautés d’usagers, dont les plus emblématiques sont les communautés d’irrigants, sont le fruit d’une tradition ancestrale (civilisations romaine et arabe). Si leur rôle est précisé légalement par la loi sur l’eau de 1866-1879, la loi sur l’eau de 1985 renforce leur implication et reconnaît leur autonomie administrative. De plus, avec la redéfinition du DPH et l’inclusion des eaux souterraines, les communautés d’usagers deviennent des acteurs majeurs du système global de gestion de l’eau (Varela Ortega et Hernández-Mora, 2009). Rappelons que les représentants des communautés d’usagers sont parties prenantes de l’autorité de bassin. Aussi, elles représentent les intérêts des usagers. De plus, elles sont chargées d’encadrer les usages de l’eau au niveau local (vente d’eau et recouvrement des charges), de mettre en œuvre et d’entretenir les infrastructures visant à mobiliser l’eau. Bien souvent, elles sont le relais des décisions politiques d’aménagement hydraulique au niveau local (Pérez Picazo, 2001a ; 2001b ; Giménez Casalduero María et Palerm Viqueira, 2007)166.

166 Exemple des communautés Sol y arena et Sol Poniente créées afin de gérer les infrastructures de

Figure 20 : Articulation des principaux acteurs de l’eau

Source : traduit de Varela Ortega et Hernández-Mora (2009 : 118).

Il existe différents types d’associations d’usagers, qui diffèrent par leur mode organisationnel, leur tradition historique, l’origine de l’eau, les membres, etc. L’article 87.2 de la réforme de la loi sur l’eau de 2001 (B.O.E., n° 176 du 24/07/2001) rend obligatoire la formation de communautés d’usagers lorsque celles-ci visent l’exploitation d’un aquifère déclaré surexploité. De plus, malgré la diversité que peuvent prendre ces communautés d’usagers, l’article 84 précise qu’elles doivent toujours être composées, au moins, d’une assemblée générale, d’un comité directeur, d’un ou plusieurs jurés et être pilotées par un Président. À l’échelle nationale, on dénombre aujourd’hui environ 7 000 associations d’usagers et 70 % des terres irriguées sont gérées par des associations d’usagers. Les 30 % restants le sont par des irrigants individuels. Au niveau du bassin du Sud, on recense environ 535 communautés d’irrigants qui gèrent environ 67 % des superficies irriguées (Varela Ortega et Hernández-Mora, 2009). À l’échelle du Campo de Dalías, 86 % des terres irriguées sont gérées par des communautés d’usagers, principalement des usagers agricoles.

4.3. Vers un nouveau mode d’usage de l’eau ?

Deux options s’affrontent pour répondre aux problèmes de raréfaction de l’eau : les transferts entre bassins « excédentaires » et bassins « déficitaires » et le dessalement de l’eau de mer. La tradition des grands transferts est ancrée en Espagne. Néanmoins, l’ouvrage majeur justifié par les Plans

Ni ve a u eu r op ée n Ni v ea u na ti o n a l Ba ss in hy d ro g ra p h iq u e Union européenne Gouvernement central Ministère de l’environnement, du milieu rural et marin Conseil national de l’eau Gouvernement autonome Ministère de l’environnement Agence de l’eau (Agence andalouse de l’eau) Confédérations hydrographiques Municipalités Associations d’usagers Usagers

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Ni ve au au to n om e

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hydrologiques nationaux de 1993 et 2001 à savoir, le projet de transfert de l’Èbre, n’a pas été validé. La tendance actuelle est en faveur du dessalement de l’eau de mer à grande échelle pour l’AEP mais aussi, de manière plus surprenante, pour l’irrigation.