• Aucun résultat trouvé

Établissement des faits stylisés pour l’Espagne

Section 2. L’ère franquiste (1939-1975)

2.2.2. L’Institut national de colonisation et la « colonisation interne »

2.2.2.2. Le contre-exemple du Campo de Dalías 110

Malgré le bilan décrié de l’INC-IRYDA, ses deux principales réalisations concernent l’Estrémadure (le plan de Badajoz pour les rives du Guadiana) et Almeria (le Campo de Níjar et le Campo de Dalías). Pour ce dernier, le bilan de l’INC est tel que certains auteurs le qualifient de « révolution agricole » (Pérez Picazo, 2005). Ces succès relatifs ne sauraient néanmoins faire oublier les échecs retentissants d’autres initiatives telles le plan des Monegros (Aragon) (Pérez Picazo et Lemeunier, 2000).

Suite à la déclaration d’intérêt national pour une zone particulière, trois étapes principales jalonnent la colonisation et la transformation en périmètres irrigués. Tout d’abord, « Le plan général de colonisation » [« Plan general de colonizacíon »] vise à délimiter la zone et préciser sa sous-sectorisation, à énumérer les différents travaux à réaliser ainsi que les différentes installations pour les futurs colons (villages, infrastructures, etc.) et à chiffrer le nombre de colons. Une fois ce plan approuvé par décret, la deuxième étape repose sur l’approbation du « Plan des travaux » [« Plan de

obras »], qui fixe de manière précise les travaux à réaliser (sources, forages, barrages, réseaux,

routes, etc.). Enfin, il reste à réaliser le « Projet de parcellement » [« El proyecto de parcelación »] afin de répartir les différents périmètres en parcelles.

109 [« Es innegable que los campesinos que han logrado agua para sus tierras a un precio inferior al coste, o los que se han convertido en colonos, se han beneficiado considerablemente. Pero el gasto del capital es muy grande y el número de personas directamente beneficiadas es limitado. »]

110 Pour plus de précision, voir la recherche extrêmement bien documentée réalisée par José Rivera

Entre 1940 et 1945, au niveau national, douze zones sont déclarées d’intérêt national mais seulement trois plans généraux de colonisation sont acceptés, parmi lesquels celui du Campo de Dalías. Même si cette zone est connue pour sa vocation agricole depuis la fin du XIXe siècle grâce, notamment, à la culture du raisin de table, l’essor du secteur agricole et le développement d’une agriculture moderne émerge avec la Déclaration de 1941 (B.O.E., n° 188, décret du 07/07/1941)111. La zone comprend les municipalités de Dalías (El Ejido), de Felix, de Vícar et de Roquetas de Mar, soit une superficie totale de 30 347 hectares.

Précisons que la loi du 21/04/1949 présentée plus haut vise aussi à répondre au problème du manque de dynamisme de l’initiative privée, en grande partie lié à l’atomisation des parcelles, au statut de l’eau souterraine et au manque d’engagement des propriétaires. Ainsi, le législateur était plus volontaire vis-à-vis des droits d’usages privés.

Le Campo de Dalías est découpé en six sous secteurs, en fonction des courbes de niveau (Cf.

Figure 13). L’eau pompée (principalement à la main jusque dans les années 1950, puis grâce à des motopompes alimentées en essence puis en électricité à partir des années 1960)112 est distribuée par gravité au moyen de séguias jusqu’aux parcelles à irriguer (en gravitaire). Ensuite, le secteur I a été découpé en parcelles de 5 000 m2 et la consommation en eau était comptabilisée en heures, qui devaient être payées à l’INC-IRYDA, à raison d’environ 0,09 ptas/m3 (courantes) (Caja rural de Almería, 1997). Au départ, les cultures principales sont l’alfa, le coton et l’orge. Entre 1953 et 1978, les périmètres I, II et III sont mis en eau, respectant chacun la procédure en trois étapes décrite plus haut (Cf. Tableau 17). Précisons tout de suite que le sous-secteur V qui devait être alimenté à partir de l’eau du barrage de Beninar reste inachevé. Le secteur I correspond à la zone d’Aguadulce (littéralement « Eau douce »), dont le nom s’explique par la qualité de l’eau souterraine de cette zone : moins de 0,25 g de sel par litre, tandis que dans la zone d’El Ejido la salinité était comprise entre 0,5 et 1 g de sel par litre, pour une profondeur moyenne comprise entre 30 et 50 m.

En 1942, année à partir de laquelle l’INC-IRYDA commence le forage de nouveaux puits, le Campo de Dalías compte 112 puits, dont seulement soixante-dix-neuf sont en fonctionnement. Précisons que quarante-sept puits appartiennent alors à la société « Fuerzas electromotrices del Valle de Lecrín ». Le premier puits réalisé par l’INC-IRYDA est d’une capacité théorique de 150 l/s et alimenté par deux motopompes fonctionnant en alternance. Il voit le jour en 1943. À partir de cette date, l’INC-IRYDA fore un ensemble de puits. Le tableau suivant précise les réalisations de l’INC-IRYDA pour chaque sous-secteur. Au total, 120 puits de grande taille sont réalisés pour les sous-secteurs I, II, III, IV et VI, permettant d’obtenir un débit total de 4 555 l/s.

111 Pour le Campo de Níjar, la déclaration est plus tardive et est publiée une dizaine d’année après, en 1952

(B.O.E., n° 331, du 26/11/1952).

Figure 13 : Découpage territorial du Campo de Dalías

Source : Losada et López-Gálvez (1997 : 35).

Pour le cas du Campo de Dalías, les réalisations de l’INC sont importantes. Elles modifient de manière durable le contexte hydro-géographique local en transformant un quasi désert en région fertile. Ainsi : « l’initiative publique peut être considérée comme déterminante dans la

restructuration du regadío almérien » (Pérez Picazo et Lemeunier, 2000 : 88).

Secteurs : I II III-1 III-2 IV V VI Mer Méditerranée

Tableau 16 : Nombre de puits réalisés par l’INC-IRYDA, débits et superficies mises en

eau pour chaque sous-secteur

Tableau 17 : Chronologie détaillée de la colonisation du Campo de Dalías par secteur

Source : Rivera Menéndez (2000 : 49). Note : * : projet dont le plan de transformation a été

approuvé en 1973 et qui prévoyait la fourniture d’eau à partir d’autres secteurs.

Source : élaboration propre d’après Rivera