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Intersubjectivité et relationnalité : la communauté artistique à Battambang 162 

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4.5.  Intersubjectivité et relationnalité : la communauté artistique à Battambang 162 

J’ai initié précédemment une réflexion sur la communauté artistique de Battambang en décrivant les méthodes d’enseignement des professeurs à PPS ainsi que le climat propice à l’échange qu’ils ont contribué à instaurer dans cette ville. Je désire maintenant m’intéresser à la manière dont se construit cette communauté artistique au-delà de PPS par les liens d’amitié et de solidarité qui unissent les artistes rencontrés. En rapport avec ma question de recherche, ces liens méritent d’être explicités, car ils participent à la construction de la subjectivité de l’artiste, celle-ci étant façonnée dans la relation, comme nous l’avons vu plus haut. Le portrait de la communauté artistique de Battambang que je m’applique à dresser brièvement ici permet de replacer la subjectivité des artistes dans leur contexte actuel en s’attardant aux relations que ceux-ci entretiennent entre eux, mais aussi avec d’autres acteurs du milieu artistique que sont les commissaires, les galeristes, les critiques, les collectionneurs et les donateurs.

George explique au sujet des « art worlds » — qu’ils soient internationaux ou locaux — que ceux-ci émergent toujours « from the interplay of heterogeneous forces and circumstances », et donc, qu’ils ne sont pas « a self-constituting and self-authorizing field » (2008 : 177). La communauté artistique de Battambang ne fait pas exception. Tout comme ses artistes, elle se transforme au rythme des enjeux auxquels elle est confrontée. Parmi ces enjeux, on s’interroge sur la place d’un public cambodgien encore néophyte en matière d’arts contemporains et l’impact du tourisme dans le développement de la scène artistique de Battambang. L’inscription de la communauté artistique de Battambang au sein de la scène artistique mondiale s’ajoute à ceux-ci, considérant les possibles implications de cette inclusion au « global art world » pour la signification de la subjectivité des artistes rencontrés. Avant de m’attarder sur ces enjeux, je

163 désire développer quelques-unes des relations entretenues par les artistes de Battambang, pierre angulaire de cette communauté artistique.

4.5.1. Une communauté d’artistes soudée

Les artistes rencontrés partagent une fierté pour leur ville d’origine. Soviet me dit : « I was born here, I studied here, I graduated here and I create arts here : my destiny is in Battambang ». Sophorn renchérit : « my feelings are in Battambang » (Entrevue avec Soviet et Sophorn, août 2012). Dans un futur proche, ces artistes aspirent à faire de la ville de Battambang « an art city », car en plus de son histoire artistique et culturelle, elle est située au carrefour entre Bangkok et Phnom Penh. Par exemple, deux personnes me parlent d’acheter un grand terrain pour accueillir des artistes en résidence (Entrevues avec Touch et Soviet, août 2012). Touch et Darren proposent d’animer les rues près du pont piétonnier. Sothea et Bandaul suggèrent qu’on ajoute des sculptures contemporaines dans les parcs et qu’on fasse des murales sur quelques édifices pour que les gens puissent côtoyer l’art dans les espaces publics (Entrevues, août 2012).

Comme je l’ai déjà expliqué précédement, à travers les rapports qu’entretiennent les professeurs et leurs élèves, la communauté artistique emprunte largement au modèle familial, lequel constitue au Cambodge le principal réseau social d’entraide et de solidarité (Népote 1992 : 12). Au Vietnam, Taylor suggère également la pertinence de ce modèle pour les artistes avec qui elle a collaboré : « as in the Vietnamese society, with its strong emphasis on kinship, genealogies, and ancestral lines, the art community expects loyalty to its founders, filial piety, and friendship bonds » (2004 : 20). Cette comparaison entre la famille et la communauté artistique mérite d’être succinctement discutée à travers les notions de filiation et d’alliance. D’emblée, rappelons que dans le cas de Battambang, les professeurs de Phare Ponleu Selpak sont aussi par extension les fondateurs de la communauté en arts visuels contemporains, bien qu’ils ne soient pas explicitement présentés comme tels. En ce sens, l’estime profonde que leur vouent leurs anciens élèves se veut une manifestation de l’importance toujours actuelle du respect de la filiation et des « anciens », c’est-à-dire des artistes qui les ont précédés. À mon sens, cette filiation s’appréhende aussi à travers l’idée « d’originalité » dans la création artistique, notion sur laquelle j’ai questionné les artistes.

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Au Cambodge, le phénomène de la copie prend une ampleur importante en raison des peintures commerciales copiées, recopiées, puis vendues aux touristes. Ce phénomène a été dénoncé dans le milieu artistique contemporain et n’est pas considéré comme de « l’art » par les artistes rencontrés (Entrevues avec Phin Sophorn, Mao Soviet, Tor Vutha, Sou Sophy, Srey Bandaul, été 2012). Pour se distinguer du travail commercial, il est important pour les artistes rencontrés de développer leur propre style, c’est-à-dire leur originalité, ce qui m’a été décrit en entrevue à la fois comme les techniques privilégiées par chacun et comme les idées défendues dans leur travail (Entrevues, été 2012).

Si ces artistes recherchent une originalité, ils soulignent également que celle-ci n’est pas envisageable isolément du contexte dans lequel ils se trouvent, et plus particulièrement, de leur filiation avec leurs prédécesseurs. De ce point de vue, Tor Vutha m’explique que si un artiste s’inspire librement de Van Gogh, son travail ne sera pas pour autant une copie de ce grand peintre puisque l’artiste n’utilise pas le même matériel, n’arrive pas à la « même chaleur », au « même cœur » dans sa propre création (Entrevue, août 2012). Ainsi, la combinaison d’un contexte, de techniques, d’idées et de réflexions particulières font en sorte que chaque œuvre est unique. Autrement dit, l’originalité est davantage envisagée ici au sens d’une singularité que d’une origine, c’est-à-dire « le fait d’être premier ». S’inspirer du travail d’autres artistes est souhaitable, car cela permet d’entrer en relation avec ces prédécesseurs. Comme l’élève qui apprend d’un maître s’inscrit dans une relation de filiation avec celui-ci d’une manière significative, l’artiste en prenant appui sur le travail des autres se voit aussi intégrer une famille artistique. Pheary, qui est l’élève de Vutha, propose une réflexion intéressante sur le fait qu’un artiste n’est jamais vraiment différent des autres puisqu’il s’inscrit toujours dans une continuité :

all the famous artists, not only the artists in Battambang, no matter how they try, they still cannot leave from the origin. […] The result of our artworks is not really new because we are not the one who comes up with the idea first. However, we are in their family. […] We are not really different from others, but we are part of them (Entrevue Pheary, août 2012).

Ainsi, plusieurs artistes rencontrés insistent dans leur conception de l’originalité sur cette continuité plutôt que sur une rupture. La singularité de l’artiste ne vient pas du fait qu’il est isolé des autres ou qu’il est à l’origine d’une création nouvelle. Tout comme la subjectivité, la singularité de l’artiste découle d’une combinaison momentanée de différents facteurs reliés à la personnalité de l’artiste, au contexte dans lequel il se trouve, aux techniques utilisées et aux

165 idées défendues dans sa création. Cette singularité est soumise au principe bouddhiste d’impermanence et doit être envisagée en termes de processus plutôt qu’en termes d’essence. Ensuite, malgré ce respect de la filiation chez les artistes rencontrés, je considère que les relations qu’ils entretiennent entre eux sont davantage de l’ordre de l’alliance, c’est-à-dire des liens d’amitié. Effectivement, nous observons cette amitié par les liens quotidiens de proximité qu’ils cultivent entre eux en visitant leur studio respectif, en collaborant à des projets communs, en allant manger ensemble de temps en temps et en se soutenant dans leur démarche artistique et lors de leurs expositions. Par ailleurs, j’ai pu constater que la communauté était très solidaire lors du décès tragique suite à un accident de moto de Sarik Kemsan, un étudiant de PPS en juin 2013 (Notes de terrain, juin 2013). Cette nouvelle fut un choc pour tous et était particulièrement triste du fait que la semaine suivante était prévu le vernissage à Sammaki de sa première exposition, Life and Hope, avec son ami Chhoeurn Vandy (Knox 2013c : Internet). Le matin même de l’annonce de la nouvelle avait lieu le début des rituels funéraires et j’arrivai au moment où la classe de neak kru Sophy se préparait pour aller rendre hommage au défunt. Durant les moments passés auprès de la famille, je constatai la présence de plusieurs professeurs, étudiants et artistes indépendants venus faire leurs adieux à Kemsan. Dans les semaines qui suivirent, certains d’entre eux se réunirent et organisèrent malgré le décès de leur ami le vernissage de l’exposition comme il était initialement prévu (notes de terrain, juin 2013).

Ces exemples mettent de l’avant le caractère égalitaire plutôt que hiérarchique des relations qui unissent les artistes de Battambang. Ils suggèrent que la communauté artistique de Battambang doit être davantage envisagée en tant qu’un « système [de relations] dont la complexité est « latérale » [et] réfractaire à la hiérarchie ou à toute autre forme d’unification transcendante- une complexité d’alliance […] » (Viveiros de Castro 2009 : 81). Tout comme plusieurs témoignages d’artistes présentés dans ce mémoire, ces exemples mettent l’accent sur la nécessité de préserver une proximité avec ses pairs en restant humble et simple, puis un désir d’entretenir une relation de proximité et de partage avec d’autres artistes et avec sa société. Sur le plan de la construction de la subjectivité de l’artiste, ces alliances de solidarité et d’entraide

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prennent davantage la forme d’échanges entre frères et sœurs134. Ceci est peut-être renforcé du

fait que plusieurs artistes se connaissent depuis longtemps et sont passés par PPS, ce qui aide à la cohésion de la communauté et à la création de solidarité de « cohorte ».

L’importance accordée à ce type de relations latérales m’apparait assez récente du fait qu’autrefois la relation maître-apprenti dominait dans le milieu artistique. En effet, bien que dans les années 60-70, certaines associations d’artistes aient commencé à émerger à Phnom Penh, celles-ci n’ont pas perduré dans le temps en raison des tensions sociopolitiques de l’époque (Muan 2006a). Ainsi, la création d’une communauté artistique surtout soudée par des relations d’amitié et d’alliances horizontales plutôt que par une filiation, relève d’un changement dans la conception de la relationnalité de l’artiste.

Toutefois, cette solidarité entre les artistes n’est pas infaillible ou inconditionnelle. Il existe certaines tensions au sein de la communauté de Battambang bien qu’elles m’aient été peu précisées durant mon terrain par les artistes eux-mêmes, lesquels me disaient « d’observer par moi-même pour savoir » (Entrevues, été 2012). La question de l’engagement variable des artistes dans la création d’une communauté artistique à Battambang me semble être l’une d’entre elles. Durant mon terrain en 2012, plusieurs critiques ont été effectivement adressées aux artistes comme quoi certains s’impliquent dans des projets collectifs uniquement lorsqu’ils retirent des bénéfices personnels et immédiats du projet : « il y a des artistes qui coopèrent au sein du groupe, mais qui veulent tout le temps avoir des profits. Ceux-là ne resteront pas longtemps avec nous, parce qu’ils ne comprennent pas notre vision [de l’art] », me disait Kosal sans préciser à qui il référait (Entrevue, août 2012). Les fondateurs de Sammaki et Make Maek se sont aussi désolés d’être souvent laissés à eux-mêmes dans l’organisation des vernissages et dans la gestion des galeries, ce qui monopolise beaucoup de leur temps. Leur souhait était de voir un petit groupe assurer en alternance l’administration des lieux, mais ce souhait ne s’était pas encore réalisé en 2012. Cet engagement variable des artistes, combiné au fait que depuis 2012, le nombre de galeries est passé de deux à plus de quatre135, je me suis questionnée sur les

134 On spécifie tout de même lorsque l’on réfère à quelqu’un s’il s’agit d’un(e) petit(e) ou d’un(e) grand(e) frère ou sœur (en khmer : bang/paun pros (grand/petit frère) ou bang/paun srey (grande/petite sœur)), comme on le ferait en famille.

135 En 2011, Sammaki et Make Maek ont ouverts leurs portes. L’année suivante, on comptait aussi Battambang Art Studio tout près de Sammaki. Puis en 2013, Chocol’Art et Lotus gallery ont été créés.

167 raisons pour lesquelles les artistes font le choix d’ouvrir de nouveaux espaces plutôt que d’unir leurs efforts autour de quelques lieux.

D’une part, il faut considérer le fait que le développement d’une scène artistique à Battambang est fortement lié à un désir d’y attirer le tourisme. Actuellement, le détour par Battambang ne semble pas être une destination obligée pour les touristes, contrairement aux temples d’Angkor et avec la capitale. Avec son architecture coloniale, sa magnifique campagne à proximité, ses nombreux temples en montagne, son train de bambou, son passé artistique rayonnant puis son cirque, Battambang a le potentiel de devenir une attraction intéressante. La ville l’a par ailleurs compris et planifiait déjà en 2009, de mieux protéger la zone patrimoniale pour faire de Battambang une ville de « patrimoine, de culture et de tourisme » (Master Plan Team, Battambang Municipality 2009 : 147-153). Par ailleurs, une demande du gouvernement provincial et de l’office du tourisme a été faite dernièrement pour étudier la possibilité d’inscrire la ville au « World Heritage Cities Program » (Thik Kaliyann 2014, Internet). Également mentionnée la possibilité d’établir sur la rue 1 son premier « Pub Street » pour animer la ville jusque tard dans la nuit alors que la majorité des restaurants ferme actuellement aux alentours de 22 h 30 (Siv Meng 2014, Internet).

Dans ce contexte, les artistes y voient une opportunité de tirer profit de la venue des touristes. Soviet pense à organiser des Art Tours qui incluraient des visites de studio (Entrevue avec Soviet, août 2012). Sammaki et Make Maek, parmi d’autres lieux publics, organisent déjà périodiquement des Art Walk à travers la ville. Jam propose des ARTchitectural bike tours avec sa compagnie Battambang (Entrevue avec Jam, septembre 2012). Darren envisage de projeter hebdomadairement des films dans son resto-bar Lotus (Entrevue, juillet 2012). Enfin, collectivement, les artistes ont des préoccupations pour la diffusion de l’histoire de la ville et pour la conservation des maisons et pagodes anciennes, « parce que c’est ce que les touristes aiment » (Entrevues avec Kosal, Sophy, Sokvibol, été 2012).

D’autre part, cet engagement variable des artistes est parfois expliqué à la manière de Népote (1992) qui suggère que : « selon la pratique khmère, […] il n’est de solidarité que « conjoncturelle », c’est-à-dire sur une base précise, limitée, volontaire et contractuelle » (1992 : 18). Ear défend aussi une position similaire quant à l’exacerbation d’une « logique utilitariste »

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au Cambodge avec l’implantation des ONG dans de multiples secteurs depuis le début des

années 1990 (2013 : 8). Il est possible que l’implication marquée de certaines ONG136 et

organismes, tels les consulats et les ambassades étrangères, dans la promotion des arts cambodgiens ait eu pour effet négatif d’entretenir un réflèxe de l’ordre du « how much money you're gonna give me to do my show [or to participate to your project]? » chez certains artistes (Entrevue, été 2012).

Néanmoins, la question de la « survie » financière des artistes n’explique pas à elle seule cette multiplication des galeries et cet engagement variable des artistes, qu’il soit réel ou perçu comme tel. S’il est possible qu’une certaine compétition s’instaure du fait que chacun lutte pour gagner sa vie et veuille tenter sa chance en ouvrant son propre espace, à ma connaissance il n’y a pas d’artistes à Battambang qui vit exclusivement de son art, puisque le marché est peu développé à Battambang. Par ailleurs, je ne suis pas prête à réduire les liens qui unissent les artistes uniquement à des « relations d’intérêts »; il y a la plupart du temps une réelle sincérité envers tout un chacun dans ces liens.

La remarque de Népote a pour pertinence de soulever que ces liens d’alliance et de solidarité doivent être dirigés vers des objectifs communs qui répondent aux besoins collectifs de la communauté. Au terme de ce mémoire, il m’apparaît que le rôle joué par des espaces artistiques tels que Sammaki et Make Maek est de rejoindre un public surtout occidental, car habitué à ce genre de lieux afin d’améliorer la visibilité des travaux des artistes. Toutefois, ils ne constituent pas, à mon sens, l’avenue à privilégier pour rejoindre un public cambodgien, ce sur quoi je reviendrai plus loin en explicitant d’autres façons plus prometteuses développées par les artistes de Battambang.

Il est également important de remarquer que ces lieux plus officiels ne constituent pas la communauté artistique comme telle, mais sont uniquement des véhicules du dynamisme et des facilitateurs de rencontres pour les artistes. Dans cette perspective, les artistes les investissent selon leurs intérêts. Par exemple, Sammaki, bien que présentée comme « an artist-run space »,

136 Par exemple, afin de financer l’école et permettre aux étudiants de gagner quelques sous, PPS qui, rappelons est une ONG, a mis en place plusieurs moyens pour vendre les travaux des étudiants aux touristes, aux spectateurs du cirque, mais aussi en France lorsque demandé. Des sommes récoltées, PPS remet au moins 40% au créateur de l’œuvre vendue, ce qui aide financièrement l’étudiant, mais qui a pour conséquence aussi de l’habituer à être rétribuer pour ses créations (Discussion à PPS, août 2012).

169 reste une initiative ayant émergé d’abord d’expatriés, qui a été ensuite rejoints par des artistes locaux. Malgré les efforts des fondateurs, la galerie n’a pas réussi à s’autosuffire comme prévu et les artistes n’ont pas pris la responsabilité de sa gestion, ces derniers ayant investi le lieu essentiellement pour se rencontrer. Depuis 2013, la gestion et le financement de Sammaki ont été repris par le Cambodian Children’s Trust, une ONG australienne active dans le domaine de l’éducation à Battambang137.

L’initiative de la création de Sammaki reste intéressante et louable. Toutefois, plutôt que de suggérer que les artistes s’impliquent uniquement dans les projets qui leur rapportent personnellement, je me questionne si les raisons de ses déficits répétés ne relèvent pas du fait que cette initiative émerge d’une anticipation des besoins des artistes, basée sur une

préconception de ce qu’est un « art world »138, et donc, de ce vers quoi devrait évoluer

« naturellement » Battambang. À mon sens, le fait que les artistes se soient réapproprié l’espace comme un lieu de rencontre où ils peuvent discuter entre eux et concevoir des projets collectifs reflète davantage leurs besoins que l’ouverture d’un espace d’exposition. Ainsi, les relations contractuelles entre artistes qui se manifestent dans ces lieux ne subsistent que lorsqu’elles servent les intérêts et besoins des artistes qui y participent. Les artistes, par un jeu bien ficelé, savent comment tirer profit de ces initiatives, mais, je pense, ne sont pas prêts à y sacrifier leur liberté et leur indépendance, deux conditions nécessaires à leur travail que je désire maintenant expliciter.

4.5.2. Un désir des artistes de rester indépendants par rapport à d’autres acteurs de la scène artistique Les artistes rencontrés accordent une grande importance au fait de se définir comme des artistes indépendants : « being a young artist today, it means [creating] independent work. That’s why I love it. I quit my job in Phnom Penh to be an artist here. [Here], I can learn a lot about life and I can meet people, I can do whatever I want. […] The art community in Battambang is free and open, it’s a good community », m’explique Theanly (Entrevue août 2012).

137 Il est encore trop tôt pour dire si cela impliquera des changements quant aux objectifs de l’espace qui seront peut-être reconfigurés selon les orientations propres à cet organisme. À mon sens, la fréquentation du lieu par les artistes sera maintenue si la liberté et la flexibilité de l’espace sont préservées, ce qui constitue la force de Sammaki.

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Notons que par « indépendance », il n’est pas ici question de nier la filiation et le contexte dans