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Le bouddhisme est une tradition de plus de 2500 ans qui a émergé en Inde postérieurement à d’autres courants religieux, soient principalement le brahmanisme (pré- hindouisme) et secondairement le jaïnisme, qui encourageait notamment un ascétisme strict (Love 1965 et Gombrich 2006 : 44, 62). À l’époque, le bouddhisme s’impose éthiquement comme « a middle path between the two extremes of the ordinary man’s enjoyment of (sense-) pleasure, and the intense self-mortification practised by many ascetics at the time » (Collins 1982 : 34).

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Pour cette recherche, je m’attarde uniquement au bouddhisme theravāda10, aussi appelé le

bouddhisme hinayana, « du petit-véhicule » ou « la voie des ancêtres » (Gombrich 2006 : 3 et Ratanakul 2007 : 233). Cette dénomination est présente surtout au Sri Lanka, en Birmanie, au Laos, en Thaïlande et au Cambodge (Gombrich 2006 : 3). De manière générale, les textes du bouddhisme theravāda sont en pali et sont enseignés soit dans cette langue ou dans les langues locales (Collins 1982 : 23-24). Ce courant reconnait uniquement Gotama ainsi que ses vingt- quatre autres prédécesseurs comme bouddhas, lesquels sont toujours d'origine humaine et non divine Pattana (2005 : 469). Par ailleurs, dans le bouddhisme theravāda, l’atteinte du nibbāna à la fin de la présente vie est uniquement accessible à la communauté de moines, la sangha. Les pratiquants laïcs, soit ceux qui ne sont pas membres de la sangha, s’appliquent quant à eux à atteindre un niveau de renaissance égal ou supérieur à celui de leur vie actuelle (Gombrich 2006 : 18-22).

Au Cambodge, le bouddhisme a progressivement supplanté le brahmanisme pour s’implanter

clairement sous sa forme theravadine autour de la première moitié du XIVe siècle (Harris

2005 : 25). Si le bouddhisme a été beaucoup étudié pour sa dimension philosophique, il est aussi pertinent de le considérer d’un point de vue historique et anthropologique pour mieux rendre compte de son ancrage social (Collins 1982). En réalité, le bouddhisme entretient de riches liens syncrétiques avec des pratiques magico-religieuses et animistes issues de la diversité et du particularisme local où cette religion s’est implantée. Les études de Gombrich (2006), Formoso (2000) et Pattana (2005), réalisées au Sri Lanka et en Thaïlande, puis celles sur le Cambodge de Harris (2005), Hansen (2007), Edwards (2007) et Thompson (2006) illustrent cette diversité absente de la doctrine theravāda, mais présente dans la réalité empirique.

1.3.1. Regard sur quelques concepts clés du bouddhisme theravāda

Pour cette recherche, mon intérêt, se pose particulièrement sur la définition du concept bouddhiste d’anattā, la doctrine du non-soi, une notion traduite parfois à tort comme

« l’élimination du soi »11, mais dont le sens est plus justement saisi sous l’appellation

10 Les deux autres dénominations sont le bouddhisme mahayana présent en Chine, en Corée et au Japon, puis le vajrayana que nous retrouvons par exemple au Tibet et au Népal (Gombrich 2006 : 11).

11 Collins suggère deux biais fréquents dans la compréhension du concept d’anattā.D’abord, le fait de l’envisager en termes « d’élimination du soi » sous-entend qu’il existerait un vrai Soi (caché) derrière le soi-ego décrié par le bouddhisme, ce qui est fondamentalement contradictoire avec ce que signifie l’anattā pour le bouddhisme (Collins 1982 : 9). Également présente en

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« d'impermanence du soi » (Collins 1982 : 9). En fait, considérant l’importance historique et toujours actuelle du bouddhisme au Cambodge, l’examen de cette notion est justifié, car je la suppose influente dans la conception de la subjectivité et du soi, qu’il s’agisse d’un artiste ou non. Mais le concept de l’anattā, n’est pas un concept isolé et doit être resitué dans une constellation conceptuelle (Mekki-Berrada 2013). Dans cette section, je m’efforce d’en dresser un portrait synthétique sans trop en aplanir les détails.

Anicca, anattā et dukkha

Les concepts d’anicca, d’anattā et de dukkha sont intrinsèquement interreliés et constituent les trois éléments fondamentaux de la doctrine bouddhiste, toutes dénominations confondues (Gombrich, 2006 : 64). L’anicca ou « impermanence » est le principe qui pose que « everything physical or mental is by nature transitory and cannot be static and stable » (Ratanakul, 2007: 234). L’existence est donc un flux; « momentary arising and disappearing » (Collins 1982 : 252). L’anicca envisage l’existence non pas comme un phénomène changeant, mais plutôt comme un bref moment d’une durée temporelle limitée. Cette brièveté est celle de l’instant; elle est imperceptible puisque d’une étendue temporelle infinitésimale (Collins 1982 : 254).

L’idée d’impermanence se transpose à travers la notion d’anattā puisque le soi ne peut pas, à l’instar de tout autre phénomène de l’existence, être fixé ou compris comme une entité indépendante de ce flux. Le soi est une composition momentanée et éphémère de cinq agrégats ou khandha : « the body, feelings (of pleasure and pain), perception, volitions (including unconscious and inherited drives) and consciousness » (Gombrich 2006 : 64; Ratanakul 2007 : 234). Ces cinq éléments « are not self because they have no “leader”, “no guide”, no “inner controller” […] » qui leur serait supérieur, ces derniers étant perceptibles uniquement phénoménologiquement (Collins 1982 : 97). C’est l’attachement à ces agrégats comme faisant partie d’une unité d’existence, supérieure ou indépendante, qui est la cause de la dukkha. La notion de dukkha est souvent traduite par celle de souffrance, quoiqu’elle aille au-delà de cette idée. En fait, il est plus juste de la considérer davantage comme une « insatisfaction » ou quelque chose de « opposite to well-being » (Ratanakul 2007 : 235 et Gombrich 2006 : 63). La

Occident l’idée qu’en fin de compte, l’anattā souligne une incapacité chez les bouddhistes de « concevoir » le soi, ce qui est fondamentalement ethnocentrique (Collins 1982 : 10).

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dukkha « includes the experience of all beings, as a characterisation of samsaric12 life as a whole

[…] » (Collins 1982 : 191).

Expérience performative du soi et du monde

Le bouddhisme implique un mode d’être au monde qui déplace notre préoccupation d’une connaissance du soi et du monde en tant qu’essence vers une préoccupation phénoménologique du soi et du monde en tant qu’expérience. « What should concern us is not [the question] « what exists? » but our experience, namely dukkha; since we can never experience such a thing as the [self], we had better to forget about it » (Gombrich 2006 : 65). Dans cette perspective, les termes de soi (pali : atta) et de personne (pali : purisa/puggala) sont des conventions, et conséquemment, ces termes ne font pas référence à une essence, c'est-à- dire à une entité indépendante dont on peut circonscrire les limites (Gombrich 2006 : 64 et Collins 1982 : 71).

Ce que propose le bouddhisme, c’est « a praxis towards freedom », soit la libération de la dukkha et du cycle des renaissances (samsāra) (Krummel 2005 : 535). Dans cette perspective, l’enseignement du Bouddha se veut davantage une méthode pour arriver à la libération ou le partage d’une expérience déclinée dans les Quatre Noble Vérités (Love 1965 : 308) plutôt qu’une doctrine théorique. La première de ces Quatre Nobles Vérités est constituée de la prise de conscience que le monde est source d’insatisfaction (dukkha). La deuxième situe la source de cette dukkha dans le désir : « in other words, frustration arises only when you want something. Accordingly, suffering can be abolished by eradication of desire […] » (Gombrich 2006 : 63). La troisième insiste sur le fait que l’éradication de la dukkha est possible. C’est un objectif souhaitable en tant qu’aptitude à cultiver (Gombrich 2006 : 63). La quatrième des Nobles Vérités explicite le parcours pour arriver à cette libération, soit le Noble Chemin octuple :

Originally, this path was supposed to be trodden by monks alone […] in the course of time, however, as hand, this simple dichotomy became blurred so that on the one hand, all “Buddhists” whether laymen or monks were said to be on the Path, in the sense of progressing slowly through many rebirths toward nibbāna. On the other hand, when the Path was restricted to the sense of having nibbāna as one’s immediate aim, either in this life or very soon thereafter, it came to be thought the concern only of an elite group even among monks (Collins 1982: 89).

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Ce chemin se divise en trois étapes; l’atteinte de la première étant nécessaire à la deuxième et ainsi de suite, comme l’illustre le tableau 1. L’engagement sur la voie est donc processuel et il suppose une transformation progressive du soi et, par extension, de sa société. L'acquisition d’une capacité à « voir les choses telles qu’elles sont », c’est-à-dire à réaliser l’impermanence des choses, des êtres et du monde doit sans cesse être réactualisée (Fuller 2005 : 1). Ce processus est cyclique et non unidirectionnel, la transformation de soi étant toujours plus subtile et perfectionnée à mesure que l’on progresse dans cette voie jusqu’à l’atteinte du nibbāna (Fuller 2005 : 51).

Tableau 1 Les 8 étapes du Noble Chemin Octuple

  P  R  O  G  R  E  S  S  I  O  N   

  Right speech sīla

Right action sīla

Right livehood sīla

Right effort samādhi

Right mindfulness samādhi

Right concentration samādhi

Right understanding (view) pañña

   Right thought (resolve or intention) pañña

Source : Inspiré de Collins 1982 : 90 et Gombrich 2006 : 63.

La première étape est celle de la moralité (sīla) et consiste à un engagement à respecter les préceptes bouddhistes, au nombre de cinq pour les pratiquants non membres de la sangha : ne pas tuer, voler, commettre l’adultère, mentir et consommer de substances « intoxicantes » telles que l’alcool13 (Ratanakul 2007 : 241). Ces cinq préceptes sont la base d’une conduite facilitant le

vivre ensemble et sont présentés sous forme prohibitive. Toutefois, l’engagement sur le Noble Chemin Octuple nécessite également un travail sur soi permettant l’acquisition de valeurs, ou

13 Le nombre de préceptes varie en fonction du degré d’implication des pratiquants dans la sphère religieuse. Lors des thngay sèl, soit les jours d’observance Uposatha associés aux quartiers lunaires où les activités religieuses sont intensifiées au Cambodge, les pratiquants non membres de l’ordre monastique, sont invités à respecter trois principes supplémentaires : 1) l’obligation de rester chaste, 2) de ne pas manger après midi et 3) de se vêtir modestement et de ne pas se divertir (Satoru 2005 : 513; Gombrich 2006 : 78). À noter que ces trois préceptes supplémentaires sont généralement embrassés en permanence par les femmes pieuses âgées, les daun chy (Népote 1992 : 106). Pour les membres de la sangha, soit les novices et les moines, il y a respectivement 10 et 227 préceptes à suivre. Ces préceptes monastiques sont davantage liés à un serment religieux plutôt qu’aux principes moraux bouddhistes de base à respecter pour les pratiquants non membres de la sangha (Ratanakul, 2007 : 241).

27 vertus positives (Love 1965 : 310). Ces valeurs sont entre autres la sagesse, l’amour et la générosité. Love décrit la valeur la plus estimée comme un « impersonal mother-love », qui regroupe les notions de pitié, de sympathie, d’altruisme, de charité, de sincérité, de bonté et de bienveillance (1965 : 310). Cette valeur est aussi souvent synthétisée par la notion de compassion envers tous les êtres vivants (Ratanakul 2007; Gombrich 2006). La progression sur le chemin de la sīla nécessite une discipline du corps, de la parole et de l’esprit. Cette dernière n’est pas imposée par le Bouddha (Ratanakul 2007 : 240-241). Elle constitue un enseignement dont la mise en action est « self-imposed », puisqu’elle repose sur le désir de l’individu de s’engager dans cette voie. Cette discipline suppose une prise en considération de la loi de la causalité (kamma) et donc, des conséquences de nos actions sur nous-mêmes et sur le monde. J’y reviendrais plus tard, mais pour l’instant, considérons la deuxième grande étape soit celle de la « concentration of mind [or meditation] (samādhi) ».

Tel que mentionné plus haut, il existe des niveaux différentiés dans le Noble Chemin Octuple et selon que l’on est laïc ou moine, le niveau de réalisation préconisé n’est pas le même. En fait, les laïcs s’en tiennent généralement au sīla, où le niveau d’engagement se résume à une reconnaissance que les principaux enseignements du Bouddha sont justes et à une volonté de s’y conformer : « generosity, keeping the moral undertakings, cultivating one’s mind : these three summarize the Buddhist path for a good rebirth and ultimately to release of all rebirth » (Gombrich 2006 : 66). Toutefois, certains poursuivent leur transformation dans le samādhi, dont les moines, ce qui permet « to internalize morality » (Ratanakul 2007 : 242). Par différentes formes de méditation qui favorisent une « concentration », une « awareness » et un « insight » dans l’expérience, ceux qui s’engagent dans le samādhi arrivent à observer empiriquement les principes fondateurs du bouddhisme que sont l’anicca, l’anattā et la dukkha (Gombrich 2006 : 65-66). Ce stade dans le Noble Chemin Octuple est aussi porteur de valeurs éthiques qui sont associées à l’expérience méditative : « attention », « carefulness », « diligence », « equanimity », « detachment » (Gombrich 2006 : 66 et Love 1965 : 313). Ces valeurs déploient leur pertinence dans le samādhi, mais sont aussi valorisées dans la société tant pour les laïcs que pour les moines (Gombrich 2006 : 66).

Le dernier stade, le pañña, n’est pas la préoccupation immédiate des laïcs. Il est traduit comme la « sagesse » ou le « liberating knowledge » (Ratanakul 2007 : 240 et 242). Ce stade est la porte

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d’entrée vers l’Éveil14. Il consiste à la pleine prise de conscience de l’ultime vérité, c’est-à-dire

qu'en voyant les choses telles qu’elles sont, nous les voyons comme impermanentes et insubstantielles. « By being aware of his own physique, feelings, states of mind and thoughts the Buddhist will cease to identify with them as his “self”, to introject a sense of ego into what are but transient phenomena, constantly coming into being and passing away » (Gombrich 2006: 65). Cet Éveil, conditionnel au kamma de chacun, permet de sortir du cycle des renaissances (samsāra) et d’atteindre le nibbāna. Ces trois notions exigent quelques spécifications.

Kamma, samsāra et nibbāna

Si le « soi » n’est qu’illusion puisqu’impermanent, y a-t-il une possibilité « [to] conceive or explain experience, action, and moral responsability, without a real subject or agent […] » (Collins 1982 : 5)? Le bouddhisme conçoit cette continuité grâce à la notion de kamma soit la loi de la causalité ou la chaîne de cause à effet.

This is interpreted to mean, all that is, is the results of antecedent courses. Each “event” or “happening” acts as the cause or the necessary condition for the arising and following event, which then provokes or causes another event. […] In this sense, the preceding cause transmits its potential force to and is received by the following effect. Life is made possible because each of these factors is both conditioning and conditioned with no beginning and no ending point; the process is an endless cycle (Ratanakul 2007 : 233-234).

Dans cette perspective, ce qui continue dans le présent, c’est l’effet des actions passées. Ce qui continuera dans le futur, c’est l’effet des actions d'aujourd’hui. La continuité du kamma n’est pas celle d’un soi ou d’une personne en tant qu’essence qui renaît au rythme du cycle des renaissances, mais bien la répercussion des actions présentes dans le futur, ces actions étant elles-mêmes conditionnées par les conséquences d’actions passées. La prise de conscience de cette chaîne de causalité et le désir d’agir sous ce principe permet une responsabilité morale chez le bouddhiste sans pour autant postuler l’existence d’un soi permanent.

C’est par la centralité de cette chaîne de causalité dans l’univers de sens bouddhiste que l’on peut envisager cette religion comme une éthique de l’intention (Love 1965 : 312). Comme l’explique Gombrich, « […] the moral quality of an act lies in the intention behind it » (2006 :

14 L’éveil se divise également en quatre étapes graduelles marquées par « un niveau d’éveil » de plus en plus grand ou « conscient » : 1) « The Stream-Entrant » atteindra le nibbanā dans moins de sept vies; 2) « The Once-Returner » est celui qui atteindra le nibbanā dans sa prochaine vie; 3) « The Non-Returner » atteindra le nibbanā sans devoir renaître de nouveau sous une forme humaine et 4) « The arhat » atteindra le nibbanā dans la présente vie (Love 1965 : 313).

29 68). Ainsi, une action n’est pas a priori bonne ou mauvaise puisque c’est selon sa finalité, laquelle se doit d’être consciemment déterminée par l’acteur, que l’on juge de sa qualité. Cette éthique de l’intention est donc corollaire à une forte subjectivité chez l’acteur (Love 1965 : 310). Chaque action est modulée par l’intention, ces deux éléments étant interreliés et indissociables : « the way we think affects our actions, and the way we act affects the way we think » (Fuller 2005 :50). C’est pour cette raison qu’en théorie un moine ne peut être puni pour un acte réprimandable qu’il n’admet pas avoir commis ou qu’il a commis par inadvertance (Gombrich 2006 : 69). De la même manière, les cinq principes moraux élaborés pour les laïcs sont exprimés sous forme d’un engagement personnel qui n’a aucune valeur sans la prise de conscience de leur signification et l’acceptation de leur pertinence dans la vie sociale.

C’est à travers cette conscience, cette subjectivité, que le bouddhisme situe pour les gens « ordinaires »15 « the agentive element of rebirth » (Collins 1982 : 214) permettant à chaque être

d’influer sur son kamma en fonction de ses intentions et actions et, conséquemment, d’améliorer sa position future dans le cycle des renaissances. Effectivement, si une personne ne peut échapper aux effets de ses actions, elle peut néanmoins agir sur les causes de ces effets dans le concret du quotidien en cultivant des intentions « virtuous or meritorious » (puñña) (Gombrich 2006 : 68; Fuller 2005 : 44-45, 50-53). En outre, cette prise de conscience se veut progressivement transformatrice et s’exprime sous la forme d’un cycle : « if we act in a certain way there will be an effect on the way we think. […] In turn, if we think a certain way, if our mind reacts calmly, there will be an effect on the way we act. As this process unfolds, there is a movement towards increasingly more subtle forms of thought and action. This process is also indicated as the step-by-step discourse […] » (Fuller 2005 : 50-51).

De plus, l’importance accordée à l’affinement de cette conscience rappelle que pour les bouddhistes theravadins, le Bouddha est un être humain et conséquemment, ces derniers ne doivent pas suivre aveuglément ses enseignements. En fait, le bouddhisme met vivement en garde contre toute forme d’attachement, ce qui inclut l’attachement à la doctrine ou aux « objects of cognition » (Fuller 2005 : 2; Krummel 2005 : 533). La voie proposée par le Bouddha est une invitation à l’expérimentation : « one is not to take a teaching on trust but to test it on the touchstone of one’s own experience » (Gombrich 2006 : 73). Néanmoins, comme

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le précise Collins, la proposition du Bouddha ne sous-tend pas un relativisme absolu pour lequel toute voie s’équivaut. « [The] Buddha is saying not “Make your own truth” but “Make the Truth your own” » (Collins cité dans Gombrich 2006 : 73). Ainsi, une personne qui s’engage dans la voie considère les enseignements du Bouddha ultimement vrais, c’est-à-dire sur la base de l’expérience plutôt que sur la base d’une confiance absolue.

Dans le bouddhisme, la conscience n’a donc pas d’existence autonome et elle ne constitue pas « un agent derrière l’action », selon les termes de Collins (1982 : 110). La conscience et l’intention sont aussi sujettes au principe d’anicca et de la Dependent Origination : « without a condition there is no origination of consciousness [and intention] »16 (Fuller 2005 : 63). En ce

sens, une personne qui s’interroge par rapport à « qui est cette conscience » ou « qui est à l’origine de cette intention » ne formule pas son raisonnement correctement dans une perspective bouddhiste (Collins 1982 : 104). En effet, comme tout ce qui est sujet à existence, la conscience est aussi expliquée dans le bouddhisme par la liste des douze relations causales

marquant le cycle de la « Dependent Origination » ou paṭicca-samuppāda17. La loi de la

« Dependent Origination » explique, en plus de souligner le rapport causal entre les différents éléments de l’existence, la continuité de l’expérience dans le monde sans la nécessité de l’existence d’un « qui », contrairement à ce qui était exprimé dans le raisonnement précédent, c’est-à-dire sans a « reincarnating self or person » (Collins 1982 : 103 et 107).

Le cycle des renaissances est appelé le samsāra et il constitue la réalité dans laquelle nous vivons. Pour le bouddhisme, le samsāra n’a pas de début ni de fin puisqu’il est aussi modulé par la loi de