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Être artiste à Battambang : expression d’un soi relationnel 145 

Chapitre 4  | Résultats de la recherche 113 

4.4.  Être artiste à Battambang : expression d’un soi relationnel 145 

Ratanakul précise que la subjectivité bouddhiste ne peut être appréhendée sans la prise en compte des relations sociales dans lesquelles elle s’inscrit (2007 : 235). De plus, le soi n’est pas moral uniquement pour lui-même, il l’est surtout envers les autres : « the classic acts of both puñña (merits) and pāpa (sin) almost always are social affairs. Dāna (giving) is always a gift to someone else (or to a group of others), and like other acts of merit […], is regularly performed in groups […] » (Walters 2003 : 10).

Par ailleurs, même si le kamma dépend d’un pouvoir d’agir personnel sur sa propre renaissance, il comporte inévitablement une dimension sociale, ce que Walters (2003) s’applique à décliner à travers le concept général de « sociokarma ». Réduit à sa conception première, le sociokarma renvoie à l’idée que les actes méritoires se déroulent inévitablement dans des situations sociales. Également comprise dans cette idée est le fait que « within such a [social] situation one person’s karma directly affects that of others » (Walters 2003 : 19). Par exemple, le kamma est aussi national, ce qui permet d’expliquer la souffrance collective d’une communauté entière (Walter 2003 : 25), comme le mentionne une dame se rappelant l’époque khmère rouge : « « I do not hate the Pol Pot regime. Such was our karma » (Ponchaud, 1989 :175 dans Mortland, 1994 : 80). Ainsi, cette période est vécue comme le résultat d’une chaîne de mauvaises actions (pāpa) commises par toute une génération qui a engendré durant les Khmers rouges les conséquences dévastatrices aujourd’hui connues (Zucker 2008 : 11). L’accent mis sur l’aspect relationnel du processus de transformation morale bouddhiste permet un détachement de « one’s own individual and its results » (Walters 2003 : 29). Kosal abonde dans ce sens en m’expliquant que le personnage au centre de ses créations pour le projet Life Journey114 ne le représente pas lui-même explicitement : « quand on parle de moi, c’est comme si l'on parlait de tout le monde » (Entretien, août 2012).

Plusieurs projets des artistes rencontrés insistent sur la prise en compte des relations familiales et de l’importance des parents dans la signification du soi. Ces projets rappellent l’importance du principe de piété filiale au Cambodge, comme dans plusieurs pays asiatiques, c’est-à-dire la reconnaissance et le respect inconditionnel voués à ses aînés et à ses ancêtres, ce qui se poursuit une fois ces derniers décédés (Clark Lewis 2005; Zucker 2008; High 2011). Par

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exemple, pour le projet 9 Faces115, Sou Sophy compose un smot en l’honneur de ses parents, qui

est placé en trame sonore d’un court vidéo racontant les grandes lignes de son histoire depuis

sa naissance116. Le smot de Sophy se résume ainsi : « je remercie mes parents de m’avoir donné

la vie et l’éducation, les bonnes valeurs et les bons conseils. Dans la vie, il faut être persévérant. Si tu as des problèmes, il faut que tu passes à travers, il faut persévérer. Maintenant, je dois me débrouiller pour aller plus loin. « Continue à apprendre, même s’il y a des obstacles, il faut passer à travers ça, c’est ça la vie » ». Sophy ajoute concernant son vidéo : « par exemple, moi, je suis Sophy. Mais qui est Sophy? D’où vient-elle? Il y a une partie de la réponse, qui est : « je suis née du ventre de ma mère » » (Entrevue avec Sophy, août 2012).

De plus, Tor Vutha me raconte qu’un jour alors qu’il était en séjour à Bordeaux, il a rencontré un vieux monsieur cambodgien qui vivait maintenant en France et dont les enfants avaient décidé de le placer dans un centre pour personnes âgées. Vutha exprime avoir été très touché par cette rencontre, car au Cambodge, les parents continuent habituellement d’habiter avec leurs enfants toute leur vie. Aujourd’hui, Vutha voit que la situation au Cambodge commence à changer vers un modèle plus individualiste (Entrevue avec Vutha, août 2012). Lui-même ne voit plus souvent sa mère qui habite une région éloignée. Par son projet de peinture et de sculpture inspiré de cette rencontre avec le vieil homme, Vutha désire rendre hommage à sa mère et lui exprimer sa profonde reconnaissance pour tout ce qu’elle a fait et lui a donné au courant de sa vie (Entrevue avec Vutha, août 2012).

Ensuite, comme le soulignent Phin Sophorn et Mao Soviet, le but de l’artiste n’est pas de mettre en valeur sa propre personne à travers ses créations, ce qui serait contradictoire aux valeurs d’humilité et de simplicité préconisées dans le bouddhisme, mais de mettre en valeur un message édifiant pour sa société (Entrevue avec Soviet et Sophorn, août 2012). Comme l’explique Walters à travers la notion de sociokarma :

In practice, to express friendship or kinship in such religious terms deepens social bonds, providing society and the relationships that constitute it a transcendent foundation intimately bound up with Theravada conceptualizations of the Path and soteriology. Moreover, as with all Buddhist teachings on karma, so sociokarma carries with it profound ethical implications, inculcating a sense of responsibility, obligation, and/or gratitude to other actors whom one encounters in life (Walters 2003: 28).

115 Une exposition collective à Meta House regroupant 9 artistes de Battambang et coordonnée par Darren Swallow en 2010. 116 Un smot est une forme de chant traditionnel cambodgien qui se veut narratif en louange à quelqu’un tel que le Bouddha, les maîtres (kru), les parents, etc. (Discussion avec Nadda S. Chhem, automne 2013).

147 Les valeurs cultivées par l’artiste à travers ses expériences lui servent pour mieux entrer en relation avec sa société et pour être le véhicule crédible d’un message. Ces valeurs se pensent donc en dialogue avec certains rôles qui doivent être examinés pour bien comprendre les responsabilités sociales qui découlent de l’expression du soi artiste.

4.4.1. Le rôle de l’artiste, c’est de partager avec les autres

L’artiste doit partager ses connaissances avec ses pairs. Comme le souligne Sokvibol, il ne faut pas être « avare » de ses techniques sans quoi « lorsque tu vas mourir, ta technique va disparaître pour rien » (Entrevue, juillet 2012). En fait, pour une majorité des personnes rencontrées, la notion de partage est au cœur du processus permettant « de grandir » en tant qu’artiste. Ce partage s’effectue d’abord au quotidien et s’observe dans les façons dont certains artistes investissent certains lieux, notamment Sammaki et Make Maek. Ces espaces artistiques se veulent à la fois un lieu officiel de diffusion des arts à Battambang et, particulièrement pour Sammaki, un lieu de rencontres entre artistes. Pour illustrer l’importance accordée à l’échange au quotidien, je distingue trois grandes catégories d’événements qui ont eu lieu à Sammaki et Make Maek durant mon terrain, catégories qui en réalité sont poreuses, se présentent sous forme de continuum et insistent tantôt sur le caractère formel, tantôt sur le caractère informel d’un événement.

La première catégorie rassemble les vernissages et autres événements culturels comme les premières de films. En 2012, j’ai observé les préparatifs pour le vernissage de l’exposition Srae Ngei de Sou Sophy (Sammaki), j’ai assisté à la projection du court documentaire de Pry Nehru Some Thoughts About Freedom (Sammaki), au vernissage de l’exposition The Blackwood par Mao Soviet et Tim Robertson (Make Maek) ainsi qu’à un Art Week-end durant lequel une installation collective a été réalisée à Sammaki et une performance à Make Maek.

Bien que l’ambiance soit décontractée, ces événements se veulent formels. Nous le constatons par le public qui est rejoint, les moyens utilisés pour annoncer la tenue de ces activités et par leur déroulement qui est toujours sensiblement le même. Effectivement, ces événements rassemblent une bonne partie des artistes de Battambang, mais aussi des étudiants et parfois des professeurs de Phare Ponleu Selpak. Ils constituent également un temps fort dans le quotidien des expatriés, composés surtout par les travailleurs et les bénévoles d’ONG

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internationales actives dans la région, qui fréquentent assez assidûment ces occasions de socialisation117. Ils sont les principaux événements à caractère artistique à être diffusés sur

Battambang Connect et par le réseau Facebook118. Leur déroulement prend habituellement la

forme suivante : après un bref mot de l’organisateur de la soirée ou de(s) artiste(s) à l’honneur, en anglais et/ou en cambodgien, les visiteurs parcourent l’exposition, visionnent la performance ou le film et discutent entre eux; un moment où l’artiste répond aussi aux questions de ces derniers. Afin de rejoindre un large public, ces événements ont toujours lieu le soir, commençant idéalement aux alentours de 17-18h lorsque les gens terminent de travailler, et se concluant environ deux heures plus tard. Parfois, un nombre restreint de personnes allonge un peu la soirée dans un bar, un restaurant du coin ou sur le bord de la rivière Sangker. Je ne considère pas ces événements comme une occasion de partager ses connaissances, car il s’agit surtout d’une occasion de souligner les efforts d’un pair ou encore de faire connaître son travail au grand public.

La deuxième catégorie d’événements, plus favorable au partage, consiste en des ateliers de formation et de discussion. Ces ateliers sont généralement organisés par des artistes

cambodgiens de passage ou par ceux habitant à Battambang119. Durant mon terrain, j’ai pu en

observer deux à Sammaki, mais à ma connaissance, il arrive que Make Maek en organise aussi quoique moins régulièrement. En 2012, j’ai assisté au Artist Talk donné par Kim Hout, un ancien de PPS, qui parlait de son expérience de travail en Chine. Puis en 2013, j’ai participé à l’atelier sur le portrait et le dessin modèle organisé par Chov Theanly. Ces activités regroupent essentiellement une majorité d’étudiants de PPS et quelques artistes indépendants, ce qui porte le nombre total de participants à une quinzaine, tout au plus.

Ces ateliers se déroulent en khmer120. Étant donné mon incapacité à saisir en détail la

conversation, mes observations se sont limitées au déroulement et aux interactions générales. Lors des ateliers observés, les participants sont assis en cercle par terre et un goûter léger est

117 Il y avait au moins une quarantaine de personnes qui participait à chacun de ces événements.

118 Le site Battambang Connect est un groupe Google géré par un groupe d’expatriés vivant à Battambang. Son objectif est de faciliter la communication en diffusant les principaux événements qui ont lieu dans la ville, mais aussi de permettre aux utilisateurs de se renseigner sur divers services, de poser des questions, de vendre ou d’acheter du matériel, etc. Ce site en anglais rejoint beaucoup d’expatriés, mais aussi des Cambodgiens parlant l’anglais et le français.

119 Il arrive également que des ateliers soient organisés par des ONG ou des artistes internationaux, mais je ne m’attarderai pas sur ce type d’activité.

120 Ma présence a suscité une certaine hésitation à savoir s’il fallait ou non traduire la discussion en anglais, ce que j’ai cordialement refusé étant la seule personne présente à ne pas maîtriser le khmer. 

149 servi. Parce que l’atelier organisé par Theanly traite de techniques particulières, ce dernier est debout devant les autres et, avec l’aide d’un papier placé sur un chevalet, il illustre au fur à mesure ce qu’il désire montrer aux autres. Le Artist Talk de Kim Hout est plus de l’ordre de la conversation, ce dernier étant assis parmi les autres participants. Dans les deux cas, le déroulement de l’activité est peu codifié. Les deux artistes ajustent le contenu de l’atelier en fonction des interventions et questions des personnes présentes. Ces deux événements n’ont jamais préalablement été annoncés sur la page Facebook de Sammaki ou sur le groupe Battambang Connect, contrairement aux événements plus officiels, ce qui suppose qu’ils s’adressent surtout aux artistes et non au grand public. J’ai été mise au courant de leur tenue en croisant un artiste dans la rue, à Make Maek ou à Sammaki. Il faut aussi noter que ces ateliers se déroulent le jour, un moment qui est peu propice pour la participation de personnes autres que les artistes et étudiants. Ainsi, ces deux activités sont davantage d’ordre informel, les artistes désirant d’abord discuter entre eux.

Enfin, la troisième catégorie d’événements a été observée uniquement à Sammaki.

Ces événements n’ont a priori rien de marquant puisqu’ils constituent des moments quotidiens partagés entre artistes et étudiants en arts. Sammaki constitue un point de rencontre où ceux-ci vont et viennent, selon leur disponibilité. On y discute, on s’y rejoint pour peindre un peu, faire des tests avec sa caméra vidéo ou photo, ou encore, jouer de la guitare. Durant mon terrain, on me raconte que plusieurs projets sont nés lors de ces rencontres notamment un projet de court-métrage d’animation (Notes de terrain, été 2012).

En ce sens, Sammaki se veut un lieu de partage des connaissances et plus globalement, un lieu d’inscription de l’artiste dans un réseau de relations. En effet, la particularité de Sammaki est surtout d’activer cette socialité nécessaire à la signification du soi artiste du fait d’être investi quotidiennement par plusieurs artistes et étudiants. C’est l’informalité du quotidien qui favorise mieux le partage des connaissances et de l’expérience, ce qui est relié aussi à la valeur d’humilité proposée par les artistes. Le fait de simplement être avec [l’autre], de passer du temps [ensemble], de partager [son expérience, ses connaissances] constitue des qualités essentielles à toute démarche artistique, poursuit Sokvibol, un étudiant fréquentant Sammaki.

Lorsque tu vois un problème [social], tu dois amener ce problème à d’autres personnes. Ensuite, tu dois leur demander comment ils se sentent par rapport à ce problème. Finalement, tu mélanges ton opinion, tes émotions puis celles des autres, et après tu peux [mieux] peindre sur ce problème (Entrevue avec Sokvibol, juillet 2012).

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Pour arriver à transmettre une émotion ou un message à travers son art, l’artiste se doit de consulter les autres, de réfléchir avec eux et non de manière isolée, le soi étant à la fois individuel et relationnel. Discuter permet à l’artiste de se faire une idée, une opinion plus juste et mieux éclairée. En parlant aux artistes, je me suis rendu compte que ce genre d’échanges a donné naissance à des ateliers collectifs moins connus que les espaces Make Maek et Sammaki. Ne pas avoir étudié cette filière constitue une limite certaine de ma recherche. Je parle entre autres du Romcheik 5 Studio qui regroupe Bor Hak, Hour Seyha, Nget Chanpenh et Mil Chankrim, puis du Studio Art Battambang qui est le lieu de création de Bo Rithy et Roeun Sokhom. J’espère que d’autres chercheurs pourront aller à la rencontre de ces artistes pour en connaître davantage sur leur riche contribution à la scène artistique de Battambang.

4.4.2. Le rôle de l’artiste, c’est d’éduquer les autres

Le partage de connaissances sous-tend aussi un rôle d’éducation de la part de l’artiste selon une majorité de personnes rencontrées, ce que j’attribue en partie au rôle prépondérant joué par la génération d’artistes plus âgés dont font partie Tor Vutha, Srey Bandaul, Lon Lao et Svay Sareth, qui ont fondé l’école Phare Ponleu Selpak à Battambang, cette école jouant un rôle « phare » pour la communauté artistique de cette ville.

Il est pertinent de s’attarder aux transformations amenées par cette école dans les façons d’enseigner les arts, car je considère que cela a influencé la façon dont la communauté artistique de Battambang s’est tissée au fil du temps. Effectivement, les professeurs au département des arts visuels que sont actuellement Kou Sothea, Lon Lao, Sou Sophy, Srey Bandaul et Tor Vutha sont dévoués à cette vocation, et pour certains, depuis l’ouverture de l’école en 1994121. Ils ont su développer avec le temps une pédagogie fondée sur l’écoute et le

respect qui a contribué, en formant plusieurs dizaines d’artistes, au développement et au rayonnement des arts visuels contemporains cambodgiens.

D’emblée, notons que la relation professeur et élève est originellement calquée sur le modèle parent-enfant : « la fonction de « professeur », en tant que dispensateur d’un savoir, sera assimilée de la façon la plus générale, du point de vue de sa dignité et de son autorité, à celle des parents [selon] l’étiquette morale cambodgienne […] » (Népote 1992 : 107). Ainsi, le

151 professeur, appelé lok kru (homme) ou neak kru (femme), qui signifie « maître », en tant qu’unique dépositaire du savoir, se trouve en position d’autorité sur ses élèves et sa tâche est de transmettre ses connaissances par une démonstration. Les élèves, eux se doivent d’assimiler les connaissances du professeur par l’observation, la répétition et l’assimilation « telle quelle » des leçons enseignées. En art, ce modèle correspond à ce qui m’a été décrit par les chéang kormnour rencontrés qui, n’ayant pas reçu d’éducation artistique dans une école, ont appris au contact avec d’autres chéang kormnour plus âgés. Progressivement, ceux-ci leur confiaient des tâches de

plus en plus complexes122 (Entrevues avec Moeun Chhay, Bech Bunngoun et Ung Meang

Leang, juin 2013).

Puisque ces relations sont basées sur le modèle familial, les élèves restent à jamais redevables envers leurs professeurs, ils ont en quelque sorte une dette envers eux, tout comme l’ont les enfants envers leurs parents. Ainsi, du point de vue de l’étudiant (et vice-versa), son lok kru sera toujours son lok kru, même s’il est devenu avec le temps plus habile que ce dernier, ce qui est, par ailleurs, mal vu d’exposer ouvertement (Entrevue avec Tor Vutha, août 2012).

Aujourd’hui à Phare Ponleu Selpak, le professeur est toujours respecté, ce que j’ai pu constater du fait que l’on continue de l’interpeler dans tout contexte par les termes de lok kru ou neak kru, même si l’étudiant a gradué et même si le professeur n’enseigne plus à l’école (Notes de terrain, été 2012). Cependant, le rapport d’autorité entre professeurs et élèves semble amoindri, les premiers n’étant plus dépositaires d’un savoir absolu. Par exemple, certains professeurs se disent mal à l’aise avec le statut de lok kru/neak kru et ils me confient préférer être appelés par leur nom et être considérés comme des accompagnateurs pour les étudiants : « je veux juste leur apporter quelque chose de façon harmonieuse et amicale, partager mon savoir-faire aux plus jeunes », me dit un professeur (Entrevue, août 2012).

Par ailleurs, plus les étudiants progressent dans le programme, plus les cours sont offerts sous forme participative où les étudiants sont amenés à s’exprimer sur leur travail et celui de leurs

collègues et à développer des projets personnels123. Comme j’ai pu l’observer dans les cours,

122 D’abord, disposer le matériel sur place, laver les pinceaux, puis progressivement, peindre les arrière-plans, l’intérieur des formes, etc.

123 Les professeurs se sont ajustés graduellement dans leurs façons d’enseigner. Il serait intéressant d’étudier les liens entre ces changements et ceux survenus dans la scène artistique contemporaine cambodgienne.

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cette façon de faire, étant différente de ce à quoi les étudiants sont habitués dans d’autres écoles, implique un effort considérable pour certains étudiants. Critiquer le travail de ses pairs, développer une réflexivité par rapport à ses créations et être capable de la communiquer clairement n’est pas encore une chose aisée et plusieurs, lorsqu’ils voient une idée intéressante d’un collègue, n’hésitent pas à s’en inspirer largement124.

Néanmoins, les professeurs poursuivent dans ce modèle plus participatif avec patience et flexibilité. Par exemple, Som Sokvibol, un étudiant en troisième année raconte comment, un jour qu’il avait visité une exposition, il est intrigué par la technique de l’artiste (Entrevue juillet 2012). Il questionne ce dernier qui ne lui dévoile pas le procédé pour y arriver. Son professeur, Vutha, fait par la suite des recherches et enseigne cette technique à ses étudiants depuis que Sokvibol en a manifesté l’intérêt. Ensuite, après une séance de dessin modèle, alors que je visite la classe de deuxième de professeur Lon Lao, ce dernier rassemble son groupe vers la fin de la séance et commence à raconter une histoire puis à chanter un smot. Certains étudiants renchérissent par une anecdote. Professeur Sothea me dit faire sensiblement la même chose