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Description des données recueillies, des méthodes de collectes et d’analyse 81 

Chapitre 3  | Cadre méthodologique 79 

3.2.  Description des données recueillies, des méthodes de collectes et d’analyse 81 

Après un pré-terrain en 2011, j’ai réalisé mon terrain en 2012 sur une période de près de quatre mois entre la fin mai et la mi-septembre. La majorité du temps, j’étais basée dans la ville de Battambang où je louais un petit appartement à Phum Chen dans une maison où vivaient la propriétaire âgée, un conducteur de moto-taxi et sa femme ainsi que deux étudiants à l’Université de Battambang dans la mi-vingtaine. Le reste de mon temps a été partagé entre des séjours à Siem Reap et à Phnom Penh où je vivais chez la tante et l’oncle de mon copain. En 2013, je me suis rendue une troisième fois au Cambodge pour visiter mon copain qui y effectuait alors son terrain de maîtrise, pour partager mes résultats préliminaires avec mes interlocuteurs ainsi que pour faire des recherches en archives et rencontrer des artistes plus âgés ayant vécu à Battambang avant les années 70. Ces recherches étaient nécessaires afin de mieux contextualiser la situation des arts à Battambang; les informations sur cette époque étant très parcellaires. Ce séjour fut nettement plus court. Je disposais de seulement trois semaines et demie à Battambang et d’une dizaine de jours à Phnom Penh pour poursuivre mes travaux. Dans la section suivante, lorsque l’année n’est pas explicitement précisée, les informations que je partage concernent mon séjour principal en 2012.

3.2.1. Stratégies d’échantillonnage et présentation de l’échantillon

Considérant que ma problématique nécessite des connaissances spécifiques qui touchent une population particulière composée d’artistes et de personnes impliquées dans la communauté artistique, mon échantillonnage se veut non probabiliste (Bernard 2006 : 146). Pour cette recherche, trois stratégies d’échantillonnage ont été préconisées. D’abord, j’ai tenté de faire en sorte que les participants soient répartis dans différents intervalles d’âge, présentés plus bas. Ensuite, les personnes étaient sélectionnées parce qu’elles correspondaient à certains critères : il fallait que la personne soit majeure, souhaite me parler, soit impliquée dans une pratique en arts visuels et qu’elle habite à Battambang. Enfin, j’ai aussi eu recours à la méthode « boule de neige ». Effectivement, étant donné qu’une recherche itérative implique de s’adapter « aux divers circuits sociaux et locaux, à leur complexité, à leurs imbrications, à leurs distorsions »

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(De Sardan 2008 : 83), l’échantillon a été aussi constitué selon les recommandations de personnes précédemment rencontrées. En ce sens, lorsqu’on me parlait d’un artiste ou me présentais à un ami, je m’informais auprès de la personne si elle serait intéressée à participer également à ma recherche. Par ailleurs, une part de ces rencontres est le fruit du hasard. La ville étant petite, il est relativement aisé d’y croiser un artiste lors de ses activités quotidiennes ou d’événements artistiques.

3.2.2. Profil sociodémographique des personnes rencontrées

Notons, que je ne dispose pas d’un recensement du nombre précis d’artistes à Battambang ni au Cambodge, mais que j’estime qu’au moins 30 artistes en arts visuels y étaient actifs en

201267. Au total, 32 personnes vivant à Battambang, Siem Reap et Phnom Penh ont été

rencontrées pour cette recherche entre mai 2012 et juin 201368. De ce nombre, l’accent a été

mis sur les témoignages de 15 artistes en arts visuels contemporains qui sont originaires de Battambang, qui y travaillaient et y vivaient lors de mon passage en 2012. Ces 15 personnes peuvent être catégorisées en quatre groupes d’âge : les 19-24 ans (n=5); les 25-30 ans (n=5); les 31-36 ans (n=2) et les 37-42 ans (n=2). Notons que je ne connais pas l’âge d’une des personnes rencontrées, mais j’estime qu’elle appartient à la catégorie des 37-42 ans. Parmi ces 15 personnes, sept sont graduées de PPS, quatre y étudiaient encore en 2012 et cinq y étaient professeurs69. Ces désignations ne sont pas mutuellement exclusives, car il est possible d’avoir

gradué à cette école par le passé et d’y enseigner aujourd’hui (n=2). Une seule personne n’avait jamais étudié ou enseigné dans cet établissement. Sur ces 15 artistes, cinq sont des femmes. Il est important de préciser que sur ces 15 artistes rencontrés, 10 ont été socialisés

officiellement70 dans le bouddhisme. Je dis « socialisés », car plusieurs se définissent comme

étant des pratiquants occasionnels et même comme des non pratiquants, principalement par manque de temps et parce qu’ils accordent plus d’importance aux valeurs associées au bouddhisme qu’à la pratique rituelle. Dans cette perspective, une personne refuse même de se

67 Voir le chapitre 2 pour l’explication concernant mon estimation de près de 30 artistes actifs à Battambang. 68 Voir le tableau 2 qui résume les données sociodémographiques de mes interlocuteurs.

69 Parmi ces cinq professeurs, trois des personnes rencontrées sont également co-fondatrices de l’école.

70 Je dis « officiellement », car la prédominance marquée de cette religion au Cambodge et son institution au titre de religion nationale en font un univers symbolique transversal (Thompson 2006; Formoso 2006 : 98). Effectivement, malgré les différences religieuses, plusieurs Cambodgiens d’autres confessions connaissent, voire pratiquent certains rites associés au bouddhisme, dont le culte des ancêtres (Voir entre autres l’entrevue effectuée par Ry Duong et Paul Tom de M. Sakara Tom,

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Tableau 2

Résumé des données sociodémographiques des interlocuteurs (2012-2013)

No.

Entrevue MM-AAAA entrevues Sexe Occupation Religion rencontre Âge 1re Région/pays d'origine Lieu résidence

1 07-2012 M étudiant à PPS n.d. 21 Battambang Battambang

2 07-2012/06-2013 M étudiant à PPS bouddhisme 19 Battambang Battambang

3 09-2012/06-2013 F étudiant à PPS/manager Sammaki bouddhisme 22 Battambang Battambang

4 07-2012 F étudiant à PPS/manager Sammaki bouddhisme 22 Battambang Battambang

5 09-2012/06-2013 F artiste/professeur à PPS bouddhisme 25 Battambang Battambang

6 08-2012/06-2013 M artiste/professeur à PPS bouddhisme 32 Battambang Battambang

7 08-2012/06-2013 M artiste/professeur à PPS bouddhisme 39 Battambang Battambang

8 08-2012 M artiste/professeur à PPS n.d. 37 Battambang Battambang

9 pas d'entrevue M artiste/professeur à PPS n.d. n.d. Battambang Battambang

10 08-2012/06-2013 M artiste/co-fondateur de Make Maek

et Sammaki bouddhisme 31 Battambang Battambang

11 08-2012/06-2013 F artiste/co-fondateur de Make Maek bouddhisme 28 Battambang Battambang

12 08-2012 M artiste bouddhisme 28 Battambang Battambang

13 08-2012 M artiste n.d. 22 Battambang Battambang

(2012)

14 08-2012/06-2013 F artiste bouddhisme 30 Battambang Battambang

15 08-2012/06-2013 M artiste bouddhisme 28 Battambang Battambang

16 08-2012 M artiste catholique 37 Battambang Siem Reap

17 08-2012 F artiste catholique 30 Battambang Siem Reap

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19 09-2012 M co-fondateur/conseiller Sammaki n.d. n.d. Canada Battambang

(2012)

20 09-2012 F commissaire/manager Romeet n.d. n.d. Australie Phnom Penh

21 07-2012 M documentariste n.d. 24 Phnom Penh Phnom Penh

22 06-2012/06-2013 M photographe n.d. n.d. États-Unis Phnom Penh

23 08-2012 M coordonnateur du volet social de

PPS n.d. 34 n.d. Battambang

24 06-2012/09-2012 M directeur de PPS n.d. n.d. n.d. Battambang

(2012)

25 06-2012/05-2013 M Fondateur Trotchaek Pneik/

organisateur d'évén. cults. n.d. 21 Battambang Phnom Penh

26 06-2013 n.d. journaliste n.d. n.d. n.d. n.d.

27 06-2013 M directeur du département

des Arts et de la Cult., BTB n.d. n.d. n.d. Battambang

28 06-2013 F danseuse classique/

professeure dép. de la Culture, BTB bouddhisme 54 Phnom Penh Battambang

29 06-2013 M artiste/

peintre d'affiches/musicien n.d. début 60 Battambang Battambang

30 06-2013 M artiste/fabricant

de masques/danseur bouddhisme 83 Battambang Battambang

31 06-2013 M artiste/

dessin pagode bouddhisme 60 Battambang Battambang

32 06-2013 M artiste/

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considérer comme bouddhiste71, car elle assimile cette religion à une doctrine plutôt qu’à

l’expérimentation de sa philosophie, qu’il valorise par la pratique méditative. Une des personnes rencontrées est chrétienne. Il m’a été impossible de confirmer pour quatre de ces 15 artistes la religion d’appartenance.

À ces 15 personnes constituant l’échantillon de base s’ajoutent les témoignages de 11 autres personnes qui gravitaient autour des communautés artistiques de Battambang et de Phnom Penh en 2012. Elles ont été recrutées essentiellement de la même manière que pour les artistes. Deux personnes étaient impliquées dans la fondation de Sammaki. Une personne avait fondé le collectif d’artistes Trotchaek Pneik à Battambang, mais vivait désormais à Phnom Penh. Une autre était la coordonnatrice de la galerie Romeet à Phnom Penh, la galerie affiliée à Phare Ponleu Selpak. Le directeur et le coordonnateur de projet de cette école ont également été rencontrés pour leur connaissance du fonctionnement de l’école. Deux artistes de Battambang qui habitent désormais à Siem Reap, dont un est l’un des cofondateurs de Phare Ponleu Selpak, ont été interviewés par rapport à leurs pratiques respectives ainsi que par rapport au regard qu’ils posent sur les transformations de la scène artistique cambodgienne. Un documentariste de Phnom Penh m’a conseillé quant à l’élaboration de mon questionnaire de recherche et a accepté de partager avec moi ses préoccupations quant à la scène artistique de la capitale. En 2013, une personne du milieu journalistique a été interviewée pour sa connaissance de la scène artistique. Par ailleurs, bien que je n’aie pas effectué d’entrevue formelle avec l’artiste Khiang Hei, j’ai eu l’occasion d’échanger avec lui à plusieurs reprises sur sa compréhension de la scène artistique locale et des enjeux que vivent autant les communautés artistiques de Battambang que de Phnom Penh.

71 Il s’agit de Long Kosal. Son refus de se définir comme tel réside dans l’importance qu’il accorde à l’expérience des valeurs bouddhistes plutôt qu’à l’application de la doctrine. En effet, si Kosal refuse de se définir comme un bouddhiste, il accorde néanmoins beaucoup d’importance à la pratique de la méditation vipassana, issue elle-même de la tradition bouddhiste theravāda. Je considère son refus comme une critique à l’égard du bouddhisme cambodgien actuel puisque Kosal déplore qu’une majorité de ses contemporains suivent la doctrine et pratiquent les rituels sans en comprendre le sens. Kosal dit : « la richesse est en dedans de toi, ce n'est pas juste écouter les prières, la lecture des écritures sacrées, etc. Si tu lis et que tu ne peux pas comprendre le sens […] est-ce que tu as la paix intérieure, oui ou non?! Non. Donc, il faut que tu expérimentes toi-même. […] [Sinon] c’est juste de la surface, ce n’est pas vraiment le sens profond. [Au-dessus] de la religion, il y a la loi de la nature [le

kamma], parce que la loi de la nature contrôle tout l’univers » (Entrevue Kosal, août 2012). Chov Theanly relève également le

même problème « d’application » mécanique de la religion : « ce n’est pas parce que tu te plies à tous les rituels et à toutes les privations que tu es nécessairement une personne pieuse. C’est ta manière de vivre au quotidien qui reflète véritablement si tes actions sont porteuses des valeurs bouddhistes ou non » (Entrevue avec Chov Theanly, juillet 2012).

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Enfin, les six autres personnes qui font partie de mes 32 interlocuteurs ont été rencontrées en 2013 afin de mieux connaître l’histoire des arts visuels à Battambang, de 1960 à aujourd’hui, qui n’est pas substantiellement documentée à l’écrit. Dans cette optique, j’ai d’abord discuté avec le directeur du département des arts plastiques de Battambang, Top Tan Leang, afin d’en connaître davantage sur les arts dans cette ville, sur le rôle de ce département à Battambang ainsi que pour connaître son opinion sur les arts contemporains présents dans la ville. Cet homme m’a suggéré de discuter avec des artistes âgés de plus de 50 ans et j’ai pu rencontrer quatre d’entre eux.

Il s’agissait d’un chéang kormnour et musicien impliqué dans la fabrication de billboards de cinéma durant les années 60-70, un chéang kormnour reconnu pour ses peintures dans les pagodes, un danseur et fabricant de masques pour le théâtre lakhaon khaol ayant commencé à danser à la fin des années 1940 et une danseuse et professeure de 54 ans, aujourd’hui affiliée à la troupe du Département des arts et de la Culture khmère de la province de Battambang qui avait étudié à Phnom Penh au début des années 70. Les résultats de ces entrevues sont nettement plus exploratoires que ceux de ma recherche de 2012 vu le peu de temps sur place et en raison de l’absence de mon interprète avec qui j’étais habituée de collaborer. J’ai aussi pu rencontrer le mentor de l’artiste Chov Theanly, qui est en fait son oncle. Ce dernier exerce la profession de chéang kormnour depuis les années 1970 à Battambang et est aujourd’hui designer graphique.

3.2.3. Les sources des données : entrevues, observation participante, documents textuels et visuels Lors de cette recherche, sur les 32 personnes rencontrées au total, 13 ont été interviewées sous forme d’une entrevue ouverte, parce qu’il s’agissait d’interlocuteurs francophones ou anglophones. En général, je préfère cette forme d’entrevue parce qu’elle se rapproche davantage de la discussion, sans pour autant manquer de rigueur, ce qui rend la personne rencontrée plus à l’aise et lui permet d’aborder les sujets qu’elle juge pertinents pour répondre à mes questionnements. Cela permet également d’ajuster mes interrogations au fil d’une meilleure compréhension du contexte à l’étude (Schensul et al., 1999 : 121-122), de découvrir des aspects nouveaux à explorer et d’ajuster la terminologie à employer lors des entrevues semi-dirigées subséquentes (Quivy et Campenhoudt, 2011 : 59-61).

87 Toutefois, ma contrainte majeure étant la langue, il ne m’était pas possible de mener uniquement des entretiens ouverts. Pour les locuteurs khmérophones, j’étais assistée d’une interprète qui se devait de suivre aussi le fil de l’entrevue pour arriver à bien me traduire leurs propos. De plus, je tenais à poser les questions moi-même en cambodgien, ce qui nécessitait un certain apprentissage des formulations de mes interrogations. C’est pourquoi 17 des 32 personnes ont été interrogées sous la forme d’entretiens semi-dirigés. Cette méthode de collecte permet davantage de cibler des questions pour répondre aux objectifs de la recherche tout en laissant de la latitude aux répondants dans leur manière de développer leurs réponses (Schensul et al., 1999 : 149-150). Bien que mes questions soient formulées en khmer, l’ordre selon lequel l’entrevue se déroulait était ajusté en fonction des réponses des personnes rencontrées et d’autres interrogations étaient formulées pour préciser leurs propos. L’aide de mon assistante de recherche était alors essentielle afin de m’assurer de poser correctement ces nouvelles questions ainsi que de comprendre suffisamment les réponses pour pouvoir poursuivre l’entrevue. Les entrevues ouvertes et semi-dirigées ont duré en moyenne de 1 h à 3 h 30. Il est à noter que deux personnes parmi les 32 n’ont pas été interrogées lors d’un entretien formel, mais j’ai abondamment discuté avec elles pour prendre en compte leurs idées.

Ma démarche étant inspirée de la théorisation ancrée, le processus de collecte de données se fait, idéalement, conjointement avec la transcription et une codification préliminaire des entrevues (Charmaz 2008 : 163). Je n’ai pas pu transcrire et traduire les entrevues en alternance avec la collecte comme prévu, étant donné que plusieurs de celles-ci se sont déroulées en khmer, ce qui nécessitait de l’aide pour une compréhension approfondie. Mon assistante Leangsan était étudiante et ne disposait pas suffisamment de temps pour m’aider à temps plein sur le terrain. Par contre, avant et après les entrevues, Leangsan et moi réfléchissions à ce qui avait été dit pour ultérieurement ajuster les questions à poser en entrevue. De cette façon, nous nous assurions de la flexibilité du schéma d’entretien qui changeait au fur et à mesure de la progression de l’entretien, malgré le fait que je devais apprendre les formulations de mes questions principales en cambodgien par cœur. Ensuite, mon retour sur le terrain en 2013 , après la transcription et la traduction des entrevues assistée par la mère de mon copain, m’a permis d’approfondir et de clarifier certains aspects de la recherche et de valider mes résultats préliminaires auprès de mes répondants.

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À toutes ces entrevues, s’ajoutent aussi des documents textuels et visuels en lien avec les artistes rencontrés. D’abord, il s’agit de documents d’archives sur la situation des arts à Battambang trouvés lors de mes recherches aux Archives nationales du Cambodge à Phnom Penh qui me servent à ajouter une certaine profondeur historique à cette recherche. En effet, les quelques livres actuellement disponibles en langue étrangère sur cette ville sont très généraux sur ce point. Ces recherches ont été effectuées en 2013 lors de mon retour au Cambodge et ne sont pas exhaustives notamment parce que je ne lis pas le khmer et parce que j’ai pu consacrer à ce volet de ma recherche seulement cinq jours. Néanmoins, j’ai pu éplucher les principaux dossiers du Fonds de la Résidence Supérieure du Cambodge (1863-1954) qui pour moi a l’avantage d’être en français. Muan (2001) appuie sa recherche principalement sur ce fonds, mais elle ne met pas l’accent sur la situation en dehors de la capitale, ce qui rend ma propre recherche pertinente.

En dehors des documents archivistiques, plusieurs documents en lien avec les expositions et le travail des artistes ont été amassés en 2012 et 2013, ce qui m’a permis de compléter les informations recueillies lors des entrevues réalisées avec les artistes. En ce qui concerne le choix des projets artistiques à l’étude, il s’est effectué avec les artistes puisque je leur demandais de sélectionner les projets qui ont été marquants pour eux. Les œuvres ainsi sélectionnées ont

toutes été exposées entre 2011 et 2013 excepté deux72. Ces projets ont donc été réalisés avant,

pendant ou dans l’année suivant mon terrain de maîtrise de 2012. Cela m’a permis de questionner les artistes durant leurs processus de création ou peu après le vernissage de leur exposition, durant mes séjours de 2012 et 2013. Lors de mon terrain, j’ai pris plusieurs photos des artistes et de leurs œuvres, ce qui m’a servi autant dans l’analyse des données que pour rendre visuellement explicite leur travail dans la rédaction de mon mémoire. À ces photos s’ajoutent aussi les descriptions des démarches artistiques écrites par les artistes et diffusées lors des expositions, les comptes-rendus critiques de ces dernières ainsi que des articles de journaux et de revues.

Enfin, une recension complémentaire et non systématique de ce qui a été diffusé (photos, liens vers des sites Internet de revues ou d’articles de journaux, commentaires) par les artistes sur leurs blogues et sur Facebook a été effectuée. Je ne m’attendais pas à utiliser ce média social

89 pour ma recherche, mais il s’est avéré très utile de rester en contact avec les artistes par le biais de celui-ci. Comme l’expose Mathieu Poulin-Lamarre dans son mémoire, « les sphères réelles et virtuelles ne sont pas des vases clos, et ce qu’il y a à explorer dans le virtuel est souvent le prolongement des dynamiques du monde réel, leurs aboutissements ou leurs points de départ » (2012 : 56). Dans cette perspective, je considère qu’Internet, et particulièrement Facebook, comme un outil secondaire de collecte de données.

Ce nouvel outil de collecte de données nous invite à repenser le terrain anthropologique, comme l’explique Dalsgaard (2013). Effectivement, l’auteur suggère qu’avec l’arrivée des médias sociaux, le terrain doit être compris en termes de « multi-temporalités », c’est-à-dire que « time rather than space has become the crucial axis of isolation or seperation [of the fielwork] » (Strathern 1999 cité dans Dalsgaard 2013 : 213). Une des implications méthodologiques de cet outil de collecte pour cette recherche a été de me fixer une limite de temps maximale où j’étais plus attentive à ce qui circulait en ligne, car j’ai rapidement constaté le danger d’être inondée d’informations. Par conséquent, mon attention s’est portée sur la période entre mon retour du terrain en 2012 et mon second départ en juin 2013. Le recours aux réseaux sociaux m'a permis d'approfondir ma réflexion sur la construction de la communauté artistique à Battambang, sur le statut social d’artiste, les valeurs et les rôles qui y sont associés, puis sur les enjeux qui habitent cette communauté. Je reviendrai sur ce dernier point en fin de mémoire en exposant quelques- uns des résultats issus de mes observations collectées en ligne.

Finalement, l’ensemble de la collecte de données s’inscrit dans une démarche d’observation participante, entendue comme « a process of learning through exposure to or involvement in the day-to-day or routine activities of participants in the research setting » (Schensul et al., 1999 : 91). Ayant vécu à Battambang pendant plus de trois mois, j’ai eu le plaisir de fréquenter plusieurs artistes gravitant autour de Sammaki et Make Maek ainsi que des professeurs et étudiants au département des arts plastiques de l’école Phare Ponleu Selpak. Ma journée se divisait entre des visites dans ces lieux pour discuter avec les artistes alors présents, observer la