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Intégrales avec une borne variable

Terminons ce chapitre en précisant que, à priori, rien ne nous oblige à utiliser aux bornes d’une intégrale I =Rx2

x1 f(x)dx des valeurs initiale et finale qui soient constantes.

Par exemple, pour indiquer que la valeur finale peut varier, il serait tentant de l’appeler x au lieu de x2. Il faut toutefois faire extrêmement attention aux notations car on ne peut pas appeler xdeux choses totalement différentes :

— D’un côté, la quantité qui varie par petits pas et qu’on utilise pour faire une somme de très nombreux petits éléments.

— De l’autre, la valeur finale pour laquelle on arrête de sommer les petits éléments.

La notation souvent utilisée pour résoudre ce dilemme est la suivante : I(x) =

Z x x0

f(x0)dx0 (7.10)

Cette notation a le mérite de bien distinguer la quantité notéex, qui est la borne supérieure de l’intégrale, et la quantitéx0 qui varie par petits pas dx0, et qui sert à faire une somme de petits éléments f(x0)dx0. La quantité x0 est dénommée le véhicule d’intégration; lors de la somme, cette quantité x0 varie entre une valeur initiale fixe (notéex0), et une valeur finale notée x. Notons que dans l’équation (7.10) la notation x0 utilisée pour le véhicule d’intégration n’a aucune importance ; nous aurions pu l’appeler autrement (mais pas x!) sans que cela influence le résultat final.

Le résultat de l’intégration dépend maintenant de la valeur de la borne supérieure x : c’est pourquoi nous le notonsI(x). Il s’agit bel et bien d’une fonction dex, et si l’on reprend l’équation (7.1) on peut même calculer cette fonction. En effet, soit F une primitive de f,

alors l’intégrale I(x) =Rx

x0f(x0)dx0 dépend deF(x) etF(x0) selon : I(x) =

Z x x0

f(x0)dx0 =F(x)−F(x0) (7.11)

Or, comme nous l’avons dit précédemment, en ajoutant ou soustrayant une constante à une primitive de f, on obtient une autre primitive de f. Donc notre intégrale I(x) n’est rien d’autre qu’une des primitives de cette fonctionf : celle qui s’annule lorsque x=x0.

En conclusion de cette section, on peut donc retenir le lien fort entre primitive et intégrale à borne variable :l’intégraleRx

x0f(x0)dx0 est la primitive def qui s’annule lorsque x = x0. Mais on peut alors aussi, à l’inverse, utiliser la notation intégrale pour désigner l’ensemble des primitives de la fonction f. En effet, on pourra par exemple écrire que toute primitive F(x) est de la forme F(x) = Rx

x0f(x0)dx0+K, avec Kune constante quelconque. On dit alors que F(x) est mise sous la forme d’une intégrale indéfinie : elle serait en effet strictement définie s’il n’y avait pas la constante quelconque K.8

Exemple 7.5 - Distance parcourue par un bateau

On rencontre souvent des intégrales à borne variable en physique, et dans cet exemple on s’intéresse en particulier à la distancel(t) parcourue par un bateau entre les instants 0ett. Cette distance ne dépend pas seulement de la vitesse du bateau à l’instantt, mais de la vitesse qu’a eue le bateau depuis son départ, c’est-à-dire pendant tout l’intervalle de temps entre 0 et t. Pour exprimer cela sans confondre les concepts, nous sommes obligés d’introduire une nouvelle notation,t0, pour décrire un temps quelconque compris entre0ett. La loi décrivant la vitesse du bateau à l’instantt0 est alors notéev(t0), et la toute petite distance parcourue entre les instantst0 ett0+ dt0 est donnée parv(t0)dt0. La distance totalel(t)est alors la somme de toutes les petites distances accumulées lorsque t0 a augmenté, par petits pas dt0, entre0ett. On écrit cela sous la forme suivante :

l(t) = Z t

0

v(t0)dt0

Comme expliqué dans le paragraphe précédent, cette distancel(t)correspond à la primi-tive dev qui s’annule ent= 0. Nous serions bien sûr parvenus à la même conclusion en résolvant l’équation différentielle dldt = v(t); les équations différentielles font justement l’objet du chapitre suivant.

Exercice 7.8 - Intégrales avec bornes variables (entraînement) Calculer les intégrales suivantes :

8. On rencontre aussi une autre notation, malheureusement beaucoup moins claire et que nous ne recommandons donc pas : la notation F(x) =R

f(x)dx. Cette dernière notation n’est pas satisfaisante, contrairement à la notation F(x) =Rx

x0f(x0)dx0+K, car elle mélange allègrement le concept de variable intégrée et celui de borne d’intégration : le lecteur est donc invité à la manipuler avec beaucoup de précaution !

a) I(u) =Ru

Exercice 7.9 - Changement de variable ou primitive ? On s’intéresse à la somme S = RR

0 dz

z2+R2, où R désigne une distance, et l’on souhaite montrer que deux techniques différentes permettent d’arriver au même résultat.

a) Avant de calculer cette somme, donner les dimensions de z et dz, puis de z2dz+R2. En déduire la dimension physique de la sommeS.

b) Première méthode de calcul : utiliser un changement de variable afin de faire ap-paraître la quantité adimensionnée 1+x1 2, dont la primitive est supposée connue.

Calculer ensuite la valeur deS à l’aide de cette primitive.

c) Seconde méthode de calcul : réexprimer la somme S à l’aide du changement de variablez=Rtanθ. En déduire la valeur de S, et vérifier la cohérence du résultat par rapport aux questions précédentes.

Exercice 7.10 - Double changement de variable On s’intéresse à la sommeS =Rα1

0 1

(1+αx)2 e(1+αx1 ) dx, où x est une distance.

a) Avant de calculer cette somme, donner les dimensions de α et dx, puis de

1

(1+αx)2 e(1+αx1 ) dx, et enfin la dimension de l’intégrale S.

b) Réexprimer l’intégrale S suite au changement de variable u = 1 +αx. Mettre le résultat sous une forme faisant apparaître clairement, d’une part, la constante donnant la dimension du résultat, et d’autre part un terme multiplicatif faisant intervenir une intégrale adimensionnée (cf exemple 7.4). Vérifier l’homogénéité du résultat.

c) Réexprimer l’intégrale précédente suite au changement de variable v = 1u, et en déduire la valeur deS.

Exercice 7.11 - Intégrale “impropre”

A partir d’une intégrale à borne variable, il est aisé de définir une intégrale dite impropre, dont par exemple une des deux bornes tend vers l’infini. Dans la situation rencontrée à l’occasion de l’exemple 7.5, nous nous sommes intéressés à la distance parcourue par un bateau entre les instants 0 et t : cette distance notée l(t) vaut tout simplement l(t) = Rt

0v(t0)dt0, avec v(t0) la vitesse en un instant quelconque t0, compris entre 0 et t. Mais si on fait maintenant tendre t vers l’infini, on obtient la distance totale ltot

parcourue par le bateau jusqu’à la toute fin de sa trajectoire (on imagine en effet que le bateau finit par s’arrêter). Cette distance totale peut-être notée :

ltot= Z +∞

0

v(t0)dt0

On voit que ltot est donnée par une intégrale impropre, mais qui peut tout simplement être calculée, pour tel ou tel cas particulier, en écrivantltot= limt→+∞ l(t).

a) On considère un bateau freinant depuis la vitesse initialev0 selon la loi de vitesse v(t0) =v0et

0

τ, avecτ une constante caractéristique du temps de freinage. Calculer l(t) =Rt

0v(t0)dt0 et en déduire la distance totaleltot. Pouvait-on prédire l’ordre de grandeur du résultat par analyse dimensionnelle ?

b) On considère maintenant un bateau freinant depuis la vitesse initiale v0 selon la loi de vitesse v(t0) = v0 1

1+tτ0, avec τ une constante caractéristique du temps de freinage. Calculerl(t) =Rt

0v(t0)dt0. Que peut-on en déduire pour la distance totale ltot?

Remarque : on comprend bien pourquoi ce genre d’intégrale est nommée “impropre” : il se peut qu’elles aient une valeur finie mais il se peut également qu’elles divergent, c’est-à-dire qu’elles tendent vers l’infini. Il n’y a bien entendu pas de véritable infini en Physique, et quand on rencontre une intégrale divergente cela veut dire que la loi d’évolution utilisée finit par devenir fausse. La loi d’évolutionv(t0) =v0 1

1+tτ0, par exemple, implique que le bateau peut continuer à avancer indéfiniment : cela n’est pas réaliste aux temps longs car cela serait le signe d’un frottement devenant totalement négligeable.

Equations différentielles du premier ordre

La plupart des lois physiques, à commencer par le principe fondamental de la dyna-mique, s’écrivent sous la forme d’équations différentielles : la maîtrise de cet outil est donc totalement indispensable. Dans ce chapitre, à titre d’introduction, nous commençons par nous intéresser aux équations différentielles du premier ordre.

8.1 Equations différentielles en mathématiques

En mathématiques, une équation différentielle est une équation que doit vérifier une fonction, par exemple la fonction y(x), cette équation faisant intervenir au moins une de ses dérivées, par exemple y0(x). Une équation différentielle est ditedu premier ordre si elle contient une dérivée première mais pas de dérivées d’ordre supérieur à 1. Une équation dif-férentielle est ditedu second ordre si elle contient une dérivée seconde mais pas de dérivées d’ordre supérieur à 2. Et ainsi de suite.

Il existe en général une infinité de solutions pour une même équation différentielle, mais ces solutions ne différent que par la valeur d’une ou plusieurs constantes. Lorsqu’on a trouvé l’ensemble de ces solutions, on parle de solution générale de l’équation différen-tielle. Lorsqu’on cherche à résoudre un problème physique donné, il y a bien sûr une seule fonction qui nous intéresse : la solution particulière de l’équation différentielle. Cette solu-tion particulière est, parmi toutes les possibilités offertes par la solusolu-tion générale, celle qui satisfait à des conditions aux limites imposées.

Résoudre une équation différentielle consiste donc avant tout à trouver sa solution gé-nérale, définie à une ou plusieurs constantes près. Puis, si des conditions aux limites sont imposées, trouver la solution particulière vérifiant ces conditions aux limites.

Exemple 8.1

A titre d’exemple, intéressons-nous à l’équation différentielle suivante :

y0 = 5y, (8.1)

où l’on utilise la notation du mathématicien, y0, pour décrire la dérivée d’une fonction y par rapport à une certaine variable. En considérant que cette variable est réelle et

s’appellex, cette équation différentielle s’écrit de façon strictement équivalente :

y0(x) = 5y(x) ∀x∈R. (8.2)

Il s’agit bien d’une équationdifférentielle, et du premier ordre, puisqu’elle fait intervenir non seulement la fonctiony, mais également sa dérivée première y0.

On peut montrer (nous le ferons plus loin), que la solutiongénérale de cette équation différentielle (8.1) est de la forme :

y(x) =Ae5x, (8.3)

avecAuneconstante indéterminée. On peut facilement vérifier que cette fonction est so-lution de (8.1), en remplaçantyparAe5x, àchaqueendroit oùyapparaît dans l’équation différentielle (à gauche comme à droite du signe “=”). On obtient :

Ae5x0

= 5 Ae5x

, (8.4)

Cette équation est effectivement vraie,pour toute valeur de x, puisque la dérivée dee5x vaut5e5x.

Nous avons montré quey(x) =Ae5x est solution de l’équation différentielle y0 = 5y, mais que veut-on dire en précisant qu’il s’agit de la solution générale? On veut dire par là que toute solution de l’équation différentielle y0 = 5y est forcément de la forme y(x) = Ae5x, avec A une constante indéterminée. Cela veut aussi dire que si l’on prend n’importe quelle autre fonction y(x), et que l’on calcule y0 pour cette fonction, on trouvera que y0 n’est pas égal à 5y. Si, par exemple, on avait essayé avec la fonction y(x) = Asin(5x), on aurait constaté que sa dérivée y0 = 5Acosx n’est pas égale à 5y. Autre exemple, si l’on avait choisi y(x) = Aex, on aurait trouvé y0 =y, mais pas y0 = 5y. Il en va de même pour n’importe quelle fonction y(x) que le lecteur pourrait imaginer : elle ne vérifieray0= 5yque si elle est de la formey(x) =Ae5x. Que veut-on dire maintenant lorsque l’on parle de solution particulière? Il s’agit de n’importe quelle solution y(x) dont les valeurs sont entièrement définies sans faire appel à une constante indéterminée. Par exemple, y(x) = Ae5x n’est pas une solution particulière puisque A est indéterminée. Par contre, y(x) = e5x est une solution particulière, de même quey(x) = 22e5x, ou encore y(x) =−√

3e5x. Toutes ces fonctions sont bien solutions de y0 = 5y, et ont leurs valeurs sont parfaitement définies quel que soitx.

Revenons enfin à la notion de condition aux limites : il s’agit d’une condition supplémentaire que l’on peut décider d’imposer à la fonction, pour une certaine valeur particulière de x (contrairement à l’équation différentielle qui doit être vérifiée “pour tout x”). Par exemple, on peut choisir d’imposer la condition aux limites y(0) = 22 (condition sur la valeur prise par y au point x = 0, en plus d’avoir exigé que y0(x) soit égal à 5y(x) quel que soit x). La seule solution, si l’on impose cette condition aux limites, est la solution particulière y(x) = 22e5x qui vérifie à la fois y0 = 5y et y(0) = 22. Ainsi, comme pour toute équation différentielle du premier ordre, on obtient une solution particulière simplement en partant de la solution générale et en imposant une condition aux limites, qui permet de fixer la valeur de la constante (dans le cas présent :A= 22).

L’exemple 8.1 fournit au lecteur une première occasion d’identifier ce qu’est une équa-tion différentielle, une soluéqua-tion générale, une soluéqua-tion particulière, une condiéqua-tion aux li-mites. Toutefois, il laisse une question majeure en suspens : comment, parmi toutes les fonctions possibles et imaginables, peut-on trouver la bonne solution générale, c’est-à-dire l’ensemble de toutes les solutions ? Une possibilité est de procéder par essais-erreurs, en utilisant des “fonctions test” de différentes formes (fonctions exponentielles, fonctions si-nusoïdales, lois de puissance, etc...) jusqu’à trouver LA forme qui vérifie bien l’équation différentielle. Malheureusement cette méthode ne marche pas à tous les coups, car nous ne sommes pas assurés de penser à la bonne fonction, même après de nombreux essais. De plus, cette approche permet de trouver une ou des solutions, mais pas de garantir qu’on les a toutes trouvées.

Dans la suite de ce chapitre, nous décrivons donc des techniques plus systématiques qui permettent de déterminer avec certitude la solution générale d’une équation différentielle du premier ordre. De plus, puisque ce sont des quantités physiques qui nous intéressent, nous travaillerons directement avec les notations des physiciens, introduites au chapitre 6 sur le calcul différentiel.