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Dérivées de fonctions réciproques

Nous l’avions vu à l’occasion du chapitre 1 : la notion de fonction réciproque joue na-turellement un rôle important en physique. Une relation entre deux quantités aetb peut en effet être exprimée de deux façons,b(a)ou biena(b): on dit que ces deux relations sont réciproques l’une de l’autre. Pour représenter graphiquement cette relation, on peut tracer b en fonction de aou a en fonction de b, ce qui revient simplement à intervertir l’axe des abscisses et des ordonnées, comme illustré sur la figure 6.2. Attention : les courbes doivent être monotones (soit toujours croissantes soit toujours décroissantes) pour qu’il y ait bien une bijection entre chaque valeur de aet chaque valeur deb (cf chapitre 1).

Coefficient directeur: Représentation graphiquede b(a)

dbda

Coefficient directeur: Représentation graphiquede a(b)

dadb

Figure 6.2 – Suivant que l’on trace b en fonction de a ou a en fonction de b, les co-efficients directeurs obtenus pour un même point de coordonnées (a, b) sont inversement proportionnels l’un à l’autre.

Du point de vue du calcul différentiel, cette réciprocité entreb(a) et a(b) a aussi son importance. En reprenant les notations de la section 6.2, on peut écrire que si a→a+ da, alors b→b+ db, avecdb= dadbda. Mais on peut également écrire que si b→ b+ db, alors a→a+ da, avecda= dadbdb. Il s’agit de deux manières totalement équivalentes d’exprimer

la relation de proportionnalité entre les différentielles daetdb: db= db

dada⇔ da= da

dbdb (6.22)

Cette équivalence a une conséquence très forte car, pour assurer la logique de l’ensemble, les deux dérivées dbda et dadb doivent forcément être inverses l’une de l’autre:

da db =

db da

−1

(6.23) Ce lien entre les deux dérivées est illustré sur les deux représentations graphiques de la figure 6.2. Pour un même point correspondant à un couple de valeurs(a, b), le coefficient di-recteur de la courbe dea(b)sera d’autant plus grand que celui de la courbe deb(a)est petit.

Exemple 6.5 - La fonction racine

La fonction racine est une fonction réciproque bien connue : sib etasont des quantités positives, alorsb=a2 ⇔ a=√

bpoura∈R+etb∈R+. Cette équivalence a été illustrée sur la figure 1.2, sur laquelle on peut déjà pressentir que les coefficients directeurs sont inversement proportionnels l’un à l’autre. Si on calcule ces coefficients directeurs, on obtient :

db

da = d(a2)

da ⇒ db

da = 2a da

db = d(√ b)

db ⇒ da

db = 1 2√

b

A première vue ces deux quantités n’ont pas l’air inversement proportionnelles, et pour-tant elles le sont puisque √

b=a. Ainsi, une des dérivées est égale à 2a et l’autre égale à 2a1 , ce qui satisfait bien l’équation (6.23).

Dans la pratique, cette relation (6.23) s’avère très utile pour déterminer la dérivée d’une fonction réciproque en partant d’une dérivée connue. Déterminons, par exemple, la dérivée de la fonction arcsinus (cf chapitre 3) à partir de celle de la fonction sinus. On commence par définir les deux quantités réciproques l’une de l’autre, par exemple y et x, ainsi que la relation d’équivalence caractéristique y = arcsinx ⇔ x = siny (pour x ∈ [−1; 1] et y ∈ [−π2;π2], cf Eq. (3.18))3. Avec ces notations la dérivée dxdy est connue puisque dxdy = d(sindyy) = cosy. On peut en déduire la dérivée d(arcsindx x) :

d(arcsinx)

dx = dy

dx = dx

dy −1

= 1

cosy (6.24)

C’est ici qu’une difficulté apparaît : la relation d(arcsinx)dx = cos1y est exacte mais peu utili-sable tant que d(arcsindx x) n’est pas exprimé en fonction dex. Il nous faut donc exprimer le ré-sultat cos1y en fonction dex, ce qui nécessite de faire apparaîtresiny(puisque par définition

3. Les intervalles de définition sont importants : comme pour toute relation réciproque, la relation d’équivalencey= arcsinx x= sinyn’est valable que pour certaines valeurs dexet dey. Icixdoit être compris entre−1et1(pour que l’on puisse écrirex= siny), etydoit être un angle compris entreπ2 et

π

2 (pour qu’il y ait bien une bijection entre les valeurs dexet celles dey).

siny=x) : on y parvient très simplement en écrivant quecosy=p

1−sin2y=√ 1−x2. On en déduit finalement :

d(arcsinx)

dx = 1

1−x2 (6.25)

Sur ce principe, le lecteur est invité à retrouver la dérivée de la fonction arcsinus hyperbo-lique, à l’occasion de l’exercice corrigé 6.6.

Exercice 6.6 - Dérivée de l’arcsinus hyperbolique (exercice corrigé) On rappelle les définitions du sinus et du cosinus hyperbolique :

coshu= eu+e−u

2 et : sinhu= eu−e−u

2 (6.26)

Démontrer que d(sinhduu) = coshuet quecosh2u−sinh2u= 1. En déduire une expression simple de la dérivée d’arcsinh.

Exemplede

olique: ) v d(arcsinh

= dv

Au final, la démarche pour calculer une dérivée de fonction réciproque est toujours la même :

— On définit dans un premier temps les quantités réciproques l’une de l’autre, par exemple u et v, et les relations réciproques v(u) et u(v). Il faut également faire attention aux ensembles de définition, i.e. aux valeurs permises pour les quantités u etv.

— On utilise la dérivée connue dvdu pour en déduire dudv, selon dudv = dudv−1

.

— Enfin, on manipule le résultat afin d’exprimer dudv sous une forme utilisable, c’est-à-dire c’est-à-directement en fonction de v.

L’exercice 6.7 fournit un certain nombre d’exemples permettant de se familiariser pour de bon avec ces raisonnements.

Exercice 6.7 - Dérivées de fonctions réciproques (entraînement)

a) La réciproque d’une fonction puissance est une autre fonction puissance, par exemple v = u4 si et seulement si u = v1/4, avec u et v positifs. Sachant que

d[u4]

du = 4u3, en déduire la dérivée réciproque d[v1/4]

dv . Aurait-on pu prédire direc-tement ce résultat ?

b) La fonction réciproque de la fonction exponentielle est la fonction logarithme : v=eu si et seulement siu = ln(v), avec u∈Ret v >0. Sachant que d[dueu] =eu, en déduire la dérivée réciproque d[ ln(v) ]dv . Retrouve-t-on un résultat connu ? c) La fonction réciproque de la fonction cosinus est la fonction arccosinus : y =

arccosx si et seulement x = cosy, avec x ∈ [−1; 1] et y ∈ [0;π]. Sachant que

d[ cosy]

dy =−siny, en déduire la dérivée réciproque d[ arccosdx x]. Comparer ce résultat avec la dérivée de la fonction arcsinus, et en déduire que la sommearccosx+arcsinx est une constante. Que vaut cette constante ?

d) La fonction réciproque de la fonction cosinus hyperbolique est la fonction arccosinus hyperbolique : y = arccoshx si et seulement x = coshy, avec x > 1 et y > 0.

Sachant que d[ coshdy y] = sinhy, et quecosh2y−sinh2y = 1, en déduire la dérivée réciproque d[arccoshdx x].

e) La fonction réciproque de la fonction tangente est la fonction arctangente : y = arctanx si et seulement x = tany, avec x ∈ R et y ∈ [−π2;π2]. Sachant que

d[ tany]

dy = 1 + tan2y, en déduire la dérivée réciproque d[ arctandx x].

f) La fonction réciproque de la fonction tangente hyperbolique est la fonction arctan-gente hyperbolique : y = arctanh x si et seulement x = tanhy, avec x ∈ [−1; 1]

Exercice 6.8 - Objets célestes

a) On considère un trou noir dont l’horizon a un diamètreD variant en fonction de la masseM du trou noir, selon la loi D=A(M/M0)13, où Aet M0 désignent des constantes (M0est une masse). Uniquement par analyse dimensionnelle, déterminer quelle doit être la dimension de la dérivée dMdD et de la constanteA. Calculer ensuite cette dérivée et vérifier sa dimension. Exprimer également la variation infinitésimale

de diamètre,dD, induite par une variationdM de la masse du trou noir, et discuter du signe relatif dedDetdM.

b) On considère une étoile constituée d’hydrogène, avec une masse volumique d’hy-drogène ρ variant en fonction de la distance r au centre de l’étoile selon la loi ρ=ρ0e−αr2. Uniquement par analyse dimensionnelle, déterminer quelle doit être la dimension de la dérivée dr et des constantes α et ρ0. Calculer ensuite cette dérivée et vérifier sa dimension. Exprimer également la variation infinitésimale de masse volumique, dρ, induite par une variation dr de la distance au centre de l’étoile, et discuter du signe relatif dedρetdr.

c) La surface de la Terre émet continuellement un flux de rayonnement thermique infrarouge, dont la puissance totale P est donnée par la loi P = SσT4, avec S la surface de la Terre, T la température de cette surface (considérée comme ho-mogène), etσ une constante. Uniquement par analyse dimensionnelle, déterminer quelle doit être la dimension de la dérivée dPdT et de la constanteσ. Calculer ensuite cette dérivée et vérifier sa dimension. Exprimer également la variation infinitési-male de puissance, dP, induite par une variation dT de la température terrestre, et discuter du signe relatif dedP etdT.

Exercice 6.9 - Altimètre

Un altimètre indique l’altitudez, après avoir mesuré la pressionP et la température T, en utilisant la loi suivante : z=αT(lnP0−lnP), avec P0 la pression au niveau du sol.

Dans cette exerciceP0,T etα sont considérées comme des constantes positives.

a) Quelle altitude sera déduite par l’altimètre si la pression mesurée estP0? Et si la pressionP est inférieure à P0, que peut-on dire de l’altitudez?

b) Dans le cas où la pression passe de P à la valeur infiniment proche P+ dP, pour une température constante T, l’indication de l’altimètre passera de z à z+ dz.

Calculerdzen fonction dedP, et discuter des signes dedP etdz dans le cas d’une diminution de pression.

c) A partir de la loiz=αT(lnP0−lnP), exprimerP en fonction dezet des constantes P0,α etT. En déduire la dérivée dPdz, et comparer avec la dérivée dPdz obtenue à la question précédente. Que vérifie-t-on ?

Exercice 6.10 - Etude de fonction : transmission à travers un gaz d’atomes Lorsqu’un faisceau laser traverse un gaz d’atomes, et que la fréquence optique ν (pro-noncer “nu”) du laser est proche de la fréquence de résonance ν0 d’une des transitions atomiques, le coefficient de transmission varie souvent en fonction de la fréquence optique ν suivant une relation du type :

T = 1− α2 w2+ (ν−ν0)2,

Dans cette relation ν0, α et w sont trois constantes positives caractéristiques du gaz atomique étudié et des conditions expérimentales. L’objectif de cet exercice est d’étudier la relationT(ν).

a) Donner les dimensions de T et des trois constantes, ainsi que de dT et d2T2. b) Déterminer dT. Pour quelles fréquences optiques la dérivée dT s’annule-t-elle ? Et

dans quelle plage de fréquences cette dérivée est-elle-positive/négative ?

c) Calculer la valeur prise par la transmissionT lorsqueν =ν0, lorsqueν =ν0±w, et lorsqueν devient “très éloignée” deν0. A quel critère quantitatif simple correspond l’affirmation “ν est très éloignée deν0” ?

d) Tracer la représentation graphique deT(ν), en faisant apparaître les abscisses et les ordonnées des points mentionnés ci-dessus. Qu’est ce que la largeur à mi-hauteur de la résonance, et que vaut cette largeur dans le cas présent ? Faire apparaître cette largeur sur la représentation graphique.

e) Calculer la dérivée seconde d2T2 et déterminer les valeurs deν pour lesquelles cette dérivée seconde s’annule. Justifier l’affirmation selon laquelle les points d’inflexion de la courbe sont obtenus à mi-hauteur de la résonance.

Le calcul intégral

Le calcul intégral est souvent mal maîtrisé par les lycéens, même dans le cadre de l’en-seignement de mathématiques. L’intégrale en physique est encore moins souvent comprise ; elle constitue pourtant un outil totalement indispensable. L’objectif de ce chapitre est d’ex-pliquer comment les physiciens visualisent une intégrale et s’en servent comme d’un outil très concret. On entend souvent dire qu’une intégrale est une “aire” ou une “primitive”.

Ces affirmations ne sont pas complètement dénuées de sens, mais font oublier un point beaucoup plus fondamental : une intégrale en physique, quelle qu’elle soit, c’est tout sim-plement une somme. Plus précisément, une somme de tout petits éléments extrêmement nombreux.

7.1 Rappel : l’intégrale en mathématiques

Au lycée, l’intégrale notée Rx2

x1 f(x)dx peut-être introduite de diverses manières ; elle est souvent définie par son interprétation graphique. Comme illustré sur la figure 7.1, à gauche, cette intégrale est égale à l’aire délimitée, d’une part, par la courbe représentative de la fonction f(x) et par l’axe des abscisses, et d’autre part par les droites verticales placées en x1 et x2. Dans cette logique, x1 et x2 sont appelées les bornes inférieures et supérieures de l’intégrale, puisqu’elles délimitent l’aire calculée.

Intégrale = aire (zone A) -aire (zone B)

x2 x f(x)

A

x1 x2 x B

Intégrale = aire

x1 f(x)

Figure 7.1 – L’intégrale présentée comme un calcul d’aire.

Une complexité supplémentaire survient lorsqu’on prévient l’élève qu’il faut compter positivement les aires situées au dessus de l’axe des abscisses, et négativement les aires situées en dessous. Sur la figure 7.1, à droite, la fonction f(x) passe justement de positive à négative, l’intégrale Rx2

x1 f(x)dx est alors égale à la différence entre l’aire de la première

zone, au dessus de l’axe, et l’aire de la seconde, en dessous de l’axe.

Une autre difficulté apparaît lorsqu’on demande aux lycéens d’admettre un théorème reliant la notion d’intégrale et la notion deprimitive. Une primitive d’une fonction mathé-matique f(x), c’est par définition une fonctionF(x) telle que la dérivéeF0(x) soit égale à f(x). Le théorème est le suivant :

Z x2

x1

f(x)dx=F(x2)−F(x1), (7.1)

où F est une primitive de f.1 Le théorème (7.1) est indispensable, en pratique, pour calculer une intégrale, et le lecteur est donc invité à s’entraîner grâce aux exercices 7.1 et 7.2. Toutefois, il faut garder à l’esprit que l’application brutale du théorème ci-dessus n’est pour l’instant qu’un outil de calcul : il ne renseigne pas sur la manière dont on utilise les intégrales dans de très nombreuses situations physiques.

Exercice 7.1 - Recherche de primitives (entraînement)

Trouver l’ensemble des primitives des fonctions mathématiques suivantes, qui font inter-venir la variable adimensionnée x. On rappelle que, quelle que soit la méthode utilisée pour “deviner” la primitive d’une fonction, la seule et unique façon de démontrer qu’une fonction F est bien primitive de f consiste à dériver F et vérifier explicitement que

dF

dx =f(x).

a) f(x) = 1−x22 b) f(x) = 12x3+34x5

c) f(x) = 1/(a x+b) d) f(x) = cos(a x+b)

e) f(x) =e(a x+b)

f) f(x) =x2/(1 +x3) g) f(x) =x2/√

1 +x3 h) f(x) =x2×√

1 +x3 i) f(x) = 1/√

1−x2 j) f(x) = 1/(1 +x2)

Exemplede rédaction détaillé

ep ourla question

a)

Lesprimitiv esde

f (x) sont lesfonctions F

(x)=

x

3 x

+ 6

K ,a vec K constante.

Eneffet,

dF

= dx

x d[x−

3

+K 6

]

=1 dx x

2

= 2

f (x).

Exercice 7.2 - Calcul d’intégrales en mathématiques (entraînement)

Calculer les intégrales suivantes, qui font toutes intervenir la variable adimensionnéex, en utilisant le théorèmeRx2

x1 f(x)dx=F(x2)−F(x1).

1. On rappelle qu’il existe généralement une infinité de primitives pour une fonctionf: en effet, siF(x) est primitive def(x), toute fonction F(x) +KavecK constante, sera également une primitive def(x).

Cela dit, le théorème (7.1) ne dépend pas de la primitive choisie, puisqu’avec la primitiveF(x) +Knous aurions trouvéRx2

x1 f(x)dx= (F(x2) +K)(F(x1) +K), qui est simplement égal àF(x2)F(x1).

a) R2