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Différentielles et dérivées en physique

De façon générale, si deux quantitésa etbsont liées entre elles par une relation quel-conque (physique, algébrique, géométrique...), une minuscule variation de la première (de avers a+ da) va entraîner une minuscule variation de la seconde (de bà b+ db) :

Si : a → a+ da alors : b → b+ db

Le petit “d” dans les notations da et db indique que ces variations sont minuscules et même infinitésimales, c’est-à-dire aussi petites que l’on souhaite. Les physiciens utilisent souvent le terme de différentielle, emprunté aux mathématiques de Leibniz, pour désigner une telle variation infinitésimale. Ainsi, “dα” désigne une minuscule variation de l’angle α, et “d(sinα)” une minuscule variation desinα. Lorsque l’on travaille avec des variations plus grandes on doit utiliser d’autres notations, par exemple∆aet∆b. Nous y reviendrons à l’occasion d’un chapitre ultérieur sur la notion de développement limité.1

Quant à la dérivée, elle est définie comme le taux de variation de b par rapport à a, c’est-à-dire comme le quotient dadb, dans la limite ou les variations da et db sont extrê-mement petites.2 L’idée principale est que, si les différentielles sont suffisamment minuscules, elles sont proportionnelles entre elles, et le coefficient de propor-tionnalité est la dérivée :

db= db da

|{z}

dérivée

da (6.7)

L’apport des mathématiques du lycée vient de ce que le calcul de la dérivée peut se faire par l’intermédiaire des quelques formules mentionnées plus haut : nous savons, par exemple que la dérivée de la quantité sinα par rapport àα vautcosα, comme indiqué par l’équation (6.3). Avec les notations des physiciens, cela se note de la façon suivante :

d(sinα)

dα = cosα (6.8)

Cette équation nous indique explicitement que nous avons une relation de proportionnalité entre les variations infinitésimales dα et d(sinα), avec un coefficient de proportionnalité bien défini et égal à cosα. On obtient en effet, en multipliant la relation précédente par dα :

d(sinα) = cosαdα (6.9)

Nous pouvons faire de même avec un autre exemple encore plus simple, celui de la quantité x2 dont la dérivée par rapport à xvaut 2x :

d(x2)

dx = 2x (6.10)

1. Il existe une troisième notation qu’on rencontre en physique, la notationδ. On l’utilise généralement pour désigner une quantité arbitrairement petite (une force infinitésimale δF, une quantité de chaleur infinitésimaleδQ, etc...),mais ne correspondant pas forcément à la variation de quelque chose. En pratique, on peut donc écrireδumême si la quantitéun’existe pas ou n’est pas définie. Au contraire, la notationda désigne forcément une petite variation de la quantitéa (par exempledtdésigne une minuscule variation du tempst, une minuscule variation de l’angleθ, etc...).

2. Dans la formule (6.1) on retrouve bien un quotient de deux petites variations :hdésigne la petite variation de la variablex, tandis quef(x+h)f(x)est la petite variation de la fonctionf.

Cela correspond bien à une relation de proportionnalité entre les deux différentiellesdxet d(x2), qui peut également s’écrire sous la forme suivante :

d(x2) = 2xdx (6.11)

Comme on le voit, le raisonnement du paragraphe précédent consiste à retrouver la valeur d’une dérivée, et à en déduire la relation de proportionnalité correspondante entre différentielles. Il s’agit d’une démarche très habituelle pour la physicien et qui s’avèrera suffisante pour la plupart de nos besoins ultérieurs, à condition d’acquérir une certaine aisance dans le calcul de dérivées (le lecteur est pour cela invité à se faire la main dans le cadre de l’exercice 6.1). Mais il est également possible de raisonner dans le sens inverse, c’est-à-dire de démontrer une relation de proportionnalité entre différentielles, afin d’en déduire la valeur de la dérivée correspondante. Ce type de raisonnement est illustré par l’exemple 6.1.

Exemple 6.1 - Origine de la relationd(sinα) = cosαdα

Nous tentons ici de comprendre la relationd(sinα) = cosαdαsans faire d’hypothèse sur la valeur de la dérivée du sinus. D’après les notations utilisées par cette formule, tout d’abord, on considère que l’angle passe de la valeur initialeα à la valeur finale α+ dα, et que ceci induit une variation de son sinus, d’une valeur initiale sinα à une valeur finale que nous notons sinα+ d(sinα). Or, cette valeur finale est logiquement égale à sin(α+ dα), et la différentielled(sinα)est donc la minuscule différence entresin(α+ dα) etsinα. En résumé :

d(sinα) = sin(α+ dα)−sinα, (6.12)

Afin de déterminer la valeur de cette différentielle, il nous faut calculersin(α+ dα), ce qui se fait grâce à la relationsin(a+b) = sinacosb+ cosasinb. On obtient :

sin(α+ dα) = sin(α) cos(dα) + cos(α) sin(dα), (6.13) formule à première vue complexe mais qui se simplifie fortement dans la limite où l’angle dα devient infinitésimal. Dans cette limite, en effet,cos(dα) devient égal à 1et sin(dα) devient égal àdα : c’est l’approximation des petits angles, dont la signification géomé-trique est illustrée sur la figure 3.4c, page 34. L’équation (6.12) devient alors :

d(sinα) = (sinα + cosαdα)−sinα= cosαdα (6.14) Ainsi, grâce à l’approximation des petits angles, on comprend qu’une petite variation de sin(α)sera bien proportionnelle à une petite variation de l’angleα, avec un coefficient de proportionnalité effectivement donné par la dérivée apprise au lycée, c’est-à-direcosα.

Exercice 6.1 - Calcul de dérivées (entraînement)

Les dérivées ci-dessous font intervenir des produits et des quotients de fonctions de base.

Calculer les en utilisant les relations (6.2) à (6.5) , et justifier vos réponses en décomposant

Attention : une dérivée telle que d(sinα) est une quantité finie avec une valeur bien déterminée (égale à cosα dans le cas présent). Dans la relation (6.9), au contraire, on exprime une relation de proportionnalité entre deux différentielles d(sinα) et dα qui sont toutes deux infinitésimales. Une erreur grave consisterait à écrire d(sinα) = cosα, qui est une équation forcément aberrante, puisqu’infinitésimale à gauche et finie à droite : une quantité infinitésimale ne peut pas être égale à une quantité finie.

Précisons également que dans de nombreux raisonnements effectués par les physiciens, les relations de proportionnalité ne nécessitent pas de faire réellement tendre vers zéro les variations étudiées : elles doivent juste être suffisamment petites. Ainsi, la relation d(sinα) = cosαdα sera valable si la variation dα est de l’ordre du nano- ou du micro-radian, mais pas si elle est de l’ordre du radian. Pour simplifier, nous nous permettons donc souvent de passer de la définition rigoureuse de la différentielle - une variation infini-tésimale - à une définition plus pratique : une différentielle est une variation suffisamment petitepour que les relations de proportionnalité s’appliquent avec une précision raisonnable.

Au delà de ces exemples mathématiques, insistons aussi sur le fait que la notion de différentielle est particulièrement utile pour décrire les petites variations d’une quantité physique. Ces variations peuvent bien sûr être dimensionnées, car sil est une longueur alors la minuscule variation dl sera forcément une longueur elle aussi. Le signe de ces variations a également une signification directe : si dl est positif, l+ dl > l, ce qui correspond à une augmentation de l, et si dl est négatif, l+ dl < l, ce qui correspond à une diminution de l. L’exercice 6.2 fournit au lecteur une première oc-casion de se familiariser avec ces concepts.

Autre notation : Plutôt que d’écrire la dérivée de sinα sous la forme d(sinα), de nom-breux physiciens utilisent la notation suivante : d (sinα). Cela a l’avantage de bien mettre en évidence que c’est par rapport à la quantité α que l’on dérive. Cela a par contre

l’in-convénient de faire oublier la signification physique de cette dérivée, qui est bel et bien le quotient entre d(sinα) et dα.

Exercice 6.2 - Manipulation des différentielles en physique (entraînement) Les “petites variations” mentionnées dans cet exercice sont considérées comme infinitési-males comme l’indique la notation différentielle. Pour chacune des questions qui suivent, une relation de proportionnalité entre différentielles est demandée. Il est également de-mandé de discuter du résultat, c’est-à-dire de la dimension physique des différentielles considérées (afin de vérifier l’homogénéité dimensionnelle) et de leur signe relatif (afin de comparer avec notre intuition physique).

a) Une voiture freine progressivement de façon à ce que sa vitesse suive la loiv(t) = v0 1−τt

. Déterminer la petite variation de vitessedvque la voiture subit pendant que le temps passe det àt+ dt. Discuter du résultat.

b) L’énergie cinétique d’un système de massem se déplaçant à la vitessev est donné parEc = 12mv2. Déterminer la variation d’énergie cinétique dEc obtenue lorsque la vitessev passe dev à v+ dv. Discuter du résultat.

c) Lorsqu’on amène un pendule à l’angle θ par rapport à la direction verticale, son énergie potentielle de pesanteur est donnée parEp =mgL(1−cosθ). Exprimer la petite variation d’énergie potentielledEp associée au passage de l’angleθ à l’angle θ+ dθ. Discuter du résultat.

d) L’énergie potentielle de pesanteur d’un objet à la distancerdu centre de la Terre est Ep=−GmMr T. Exprimer la petite variationdEpsubie par une météorite lorsqu’elle passe de la distancer à la distancer+ dr. Discuter du résultat.

e) L’énergie potentielle élastique d’un ressort de raideur k, et de longueur à vide l0, varie en fonction de sa longueur l selon Ep = 12k(l−l0)2. Exprimer la petite variation dEp obtenue lorsque le ressort passe d’une longueur l à une longueur l+ dl. Discuter du résultat.

f) Une particule dont la masse au repos est notéemse déplace à la vitessevdans un accélérateur de particules. Son énergieE est alors donnée, en relativité restreinte, parE = √ mc2

1−(v/c)2, où c est la vitesse de la lumière. Exprimer la petite variation d’énergiedE obtenue lorsque la particule passe de la vitessev à la vitesse v+ dv.

Discuter du résultat.

g) Lors d’une réfraction entre l’air et le verre, l’angle d’incidenceiet l’angle réfracté r sont liés par la relation sini=nsinr. En déduire, en fonction des angles iet r, la relation de proportionnalité entre une petite variationdiet une petite variation dr. Discuter du résultat.

h) Pour n moles de gaz parfait dans une enceinte de volume V et à la température T, la pression P est donnée par P V =nRT, avecR une constante. Déterminer la variation de pressiondP obtenue en faisant passer la température deT àT+ dT, pour un nombre de moles n et un volume de l’enceinte V maintenus constants.

Déterminer ensuite la variation de pressiondP obtenue en faisant passer le nombre de moles denà n+ dn (on suppose qu’il y a une petite fuite dans l’enceinte, par exemple) mais à températureT et volumeV constants. Discuter du résultat.

i) On suppose maintenant qu’on garde la température T et le nombre de moles n constants, mais qu’on fait passer le volume de l’enceinte de V à V + dV (par

exemple en tirant sur un piston). Déterminer la variation de pressiondP obtenue dans un tel cas. Discuter du résultat.

Exemplede