• Aucun résultat trouvé

Les insuffisances de la protection diplomatique La protection diplomatique constitue un mécanisme par lequel un État est susceptible d’actionner la responsabilité d’un autre État qui aurait causé un

Chapitre 1.- L’analyse étiologique des conflits normatifs : les causes

B.- L’absence de liaisons d’origine

74. Les insuffisances de la protection diplomatique La protection diplomatique constitue un mécanisme par lequel un État est susceptible d’actionner la responsabilité d’un autre État qui aurait causé un

dommage à l’un de ses ressortissants sur son territoire en agissant à sa place au niveau international180. Si ce mécanisme est en recul, il n’a pas totalement disparu181. Il permet à l’État de nationalité de prendre « fait et

cause » pour son ressortissant182. En d’autres termes, l’État va défendre son droit propre en s’assurant que son ressortissant reste traité en conformité avec le droit international. L’une des conditions essentielles de mise en œuvre de la protection diplomatique demeure l’exigence d’un lien de rattachement par la nationalité183. Au fil du temps la protection diplomatique est apparue limitée. Le Professeur Charles Leben a énoncé les insuffisances de la protection184, notamment le fait qu’elle suppose l’épuisement des voies de recours internes, ou encore que l’État dispose d’un pouvoir discrétionnaire. En effet, ce dernier n’est pas dans l’obligation de mettre en œuvre la protection. En réponse au besoin d’un renforcement de protection, de nouveaux modèles de règlements des différends sont apparus. Le traité de Jay, connu aussi sous l’appellation de traité de Londres, signé le 19 novembre 1794 entre les États-Unis et le Royaume-Uni a instauré des commissions mixtes. Cet organe nouveau et précurseur à cette époque a été créé en vue de résoudre les différends entre les deux États. Ce n’est pas sans faire écho aux juridictions internationales contemporaines. Il s’agissait de regrouper les contentieux au lieu de recueillir des demandes individuelles et de faire face à une multiplication d’actions générées par le mécanisme de la protection diplomatique185.

178

Article 8 du traité d'amitié, de commerce et de navigation conclu entre Sa Majesté le roi des Français et les États-Unis du Mexique le 13 mars 1831, disponible en ligne https://basedoc.diplomatie.gouv.fr.

179

Voy. p. ex. l’article 4 du traité d'amitié, de commerce et de navigation conclu entre la France et la République de Honduras le 22 février 1856 qui reprend dans des termes similaires ceux du traité d’amitié conclu entre la France et le Mexique. Disponible en ligne https://basedoc.diplomatie.gouv.fr.

180

Voy. B. STERN, Responsabilité internationale, Rép. Dalloz, Décembre 1998 (actualisation : Janvier 2019), spec. § 219-230.

181

Voy. p. ex récemment. Affaire Ahmadou Sadio Diallo, République de Guinée c. République démocratique du Congo, arrêts portant sur les exceptions préliminaires, 24 mai 2007, Rec. p. 582; arrêt du 30 novembre 2010, Rec. p. 639, arrêt sur les indemnisations, 19 juin 2012, Rec. p. 324.

182

CPJI, Grèce c. Royaume-Uni, Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt du 30 août 1924, Séria A, n°2, p. 12 :

« C'est un principe élémentaire du droit international que celui qui autorise l'État à protéger ses nationaux lésés par des actes contraires au droit international commis par un autre État, dont ils n'ont pu obtenir satisfaction par les voies ordinaires. En prenant fait et cause pour l'un des siens, en mettant en mouvement, en sa faveur, l'action diplomatique ou l'action judiciaire internationale, cet État fait, à vrai dire, valoir son droit propre, le droit qu'il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants, le droit international ».

183

Sur les difficultés de mise en oeuvre de la condition de la nationalité aux personnes morales. Voy. p.ex. CIJ Belgique

c. Espagne, aff. Barcelona Traction, 5 févr. 1970, Rec. 1970, p. 3 ; CIJ Elettronica Sicula, 20 juill. 1989, Rec. 1989,

yp. 15 ; B. STERN, « La protection diplomatique des investissements internationaux, De Barcelona Traction à Elettronica Sicula ou les glissements progressifs de l’analyse », JDI, 1990, pp. 896 -948.

184

Voy. Ch. LEBEN, « La théorie du contrat d’Etat et l’évolution du droit international des investissements », RCADI, 2003, spec. pp. 216- 217.

185

75. L’émergence du contrat d’État. Le contrat d’État186 désigne un contrat passé entre une partie étatique et une partie privée étrangère. L’objectif est « (d’)établir un lien égalitaire entre l’État et son cocontractant187 ». Très souvent, des clauses protectrices y sont intégrées. Les clauses de stabilisation constituent un exemple intéressant puisqu’elles permettent à l’investisseur de se protéger contre tout changement, par exemple politique ou fiscal qui pourrait intervenir pendant la durée du contrat conduisant à bloquer comme un arrêt sur image le droit applicable. Il s’agit de geler le droit national applicable à la date de conclusion du contrat en vue d’obtenir une prévisibilité contractuelle et en empêchant toutes modifications qui pourraient être appliquées ultérieurement. La clause d’intangibilité se retrouve également comme une clause phare des contrats d’États et s’inscrit dans les mêmes finalités de prévision et de sécurité. Elle permet des modifications du droit applicable par l’Etat mais ces dernières demeurent inapplicables au contrat. Dans tous les cas, l’extranéité du contrat conclu par l’État lui impose de repenser son autorité étatique, et conduit à extraire celui-ci de l’ordre juridique interne. L’impartialité exigée de l’État dans le cadre de ces contrats le conduit à accepter d’être dépourvu d’un grand nombre de prérogatives afin d’assurer une sécurité juridique à l’investisseur. Il y a l’idée de « neutraliser le pouvoir normatif de l’État188 » et de procéder à une « délocalisation du droit applicable189 » sur lequel l’État n’a pas la main. Cet ensemble de raisons pousse à résoudre les désaccords par l’arbitrage190. Certains ont des effets considérables sur la pratique arbitrale191 et la structuration des investissements internationaux.

76. A l’origine, l’idée d’une émergence d’un contrat de droit international dans l’espace du droit international public n’apparaissait pas évidente. Ce n’est que progressivement que l’existence d’un droit international des contrats s’est imposée192. Dans les affaires California Asiatic Oil Com- pany et Texaco Overseas Oil Company c. la Lybie, 193 les sociétés américaines avaient obtenu des concessions pétrolières nationalisées vingt ans après par le gouvernement libyen, sans indemnisation dans les années 1970. Les sociétés ont donc introduit une requête d’arbitrage. L’internationalisation du contrat se fondait sur la clause d’arbitrage et une des clauses de droit applicable qui disposait que:

186

Pour une étude approfondie, Voy. not. J.-M. JACQUET, « Contrat d’Etat », JCP droit international, fasc. 565-60.

187

Ch. LEBEN, « La théorie du contrat d’Etat et l’évolution du droit international des investissements », RCADI, 2003, p. 241.

188

P. MAYER, «La neutralisation du pouvoir normatif de l’Etat en matière de contrats d’Etat», JDI, 1986, p. 5-78.

189

Ch. LEBEN, op. cit,, p. 258.

190

Ibid.

191

Voy. p.ex. G. BURDEAU, « Droit international et contrats d'États, La sentence Aminoil contre Koweit du 24 mars 1982 », AFDI, 1982, Vol 28, n°1, pp. 454-470.

192

Voy. p. ex. H. ASCENSIO, Droit international économique, P.u.f, 2018, p. 67.

193

California Asiatic Oil Company et Texaco Overseas Oil Company c. Etat libyen, Sentence du 19 janvier 1977, JDI 1977, pp. 350-389. Pour un commentaire, G. COHEN-JONATHAN, « L'arbitrage Texaco-Calasiatic contre Gouvernement Libyen » AFDI., 1977, pp. 452-479.

La présente concession sera régie par et devra entre interprétée conformément aux principes de la loi libyenne en ce que ces principes peuvent avoir de commun avec les principes du droit international; et, en l’absence de points communs entre les principes de la loi libyenne et ceux du droit international, elle sera régie par et interprétée conformément aux principes généraux du droit, en ce compris ceux de ces principes généraux dont il a été́ fait application par des juridictions internationales.

77. L’arbitre a considéré que les contrats de concession avaient un caractère obligatoire, que

Outline

Documents relatifs