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CADRE THEORIQUE DE LA RECHERCHE

1.3 LA MESURE DE LA PERFORMANCE GLOBALE

1.3.2 Les indicateurs non financiers

Un nouveau modèle a été créé, et les indicateurs de performance ne devaient plus se limiter aux seules informations comptables, financières et boursières. Un consensus global, tant managérial qu’académique, a voulu expliquer que les indicateurs de performance ne pouvaient plus se limiter à être financiers ou chiffrés (Pesqueux, 2004).

En effet, c’est au milieu des années 80 qu’une large tendance dans le domaine du contrôle de gestion a examiné la possibilité d’intégrer des indicateurs de performances non financiers pour évaluer et mesurer les résultats des centres de profits et des managers. L’objectif était de passer d’une information financière orientée vers les actionnaires (shareholders) à une information non financière orientée vers toutes les parties prenantes en général (stakeholders) (Berland, 2004).

L’apparition de ces réflexions pour des indicateurs non financiers (dont le balanced scorecard88 est peut-être la plus célèbre), a été expliquée par Iter et Larker (1998a) comme consécutive à certains phénomènes comme la perception des limites des indicateurs comptables traditionnels ou encore la pression concurrentielle. Il faut savoir que plusieurs entreprises ont commencé à se rendre compte que les indicateurs comptables traditionnels sont devenus trop historiques, induisant une gestion rétroviseur, ne permettant pas d’appréhender correctement les performances futures, récompensant des comportements court-termistes ou incorrects, ne fournissant que peu d’informations sur les causes des problèmes et enfin ne permettant pas de valoriser les actifs intangibles. L’incorporation

88 Terme anglo-saxon du « tableau de bord prospectif ». David Norton et Robert S Kaplan, (1992) sont à

l’origine de ce terme et mesurent les activités de l’entreprise en quatre perspectives : apprentissage, processus, clients et finances.

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d’indicateurs non financiers vise ainsi à informer non seulement sur la valeur de la firme, mais aussi sur la création de valeur globale dans l’entreprise.

Ces enseignements nous ont ainsi permis de comprendre que la raison principale de l’apparition des indicateurs non financiers, était en réalité une conséquence d’un autre phénomène : ces derniers sont apparus comme réaction aux limites des indicateurs financiers et comptables traditionnels.

C’est pour cette raison qu’il ne se dégage pas de la littérature, jusqu’à présent, une définition synthétique de ces indicateurs : les indicateurs non financiers sont le plus souvent appréhendés par opposition aux indicateurs financiers, en fonction de leur finalité ou de manière contextuelle. Aussi, les indicateurs non financiers sont rarement « agrégeables ». Ils ne fournissent pas une évaluation arithmétique globale de la création de valeur d’une entreprise (Poincelot et Wegmann, 2005). Ils correspondent, en définitive, à tous les indicateurs qui ne se réfèrent pas directement à des mesures comptables ou financières issues des flux financiers de l’organisation. Ils sont non financiers car ils n’expriment pas directement l’objectif ou l’état financier de la firme, comme peuvent le faire des indicateurs de rentabilité, fondés sur le compte de résultat ou le chiffre d’affaires. Ce qui ne veut pas dire systématiquement, que les indicateurs non financiers sont toujours qualitatifs, ils peuvent également être de nature quantitative comme par exemple le ratio d’absentéisme ou celui du turnover des employés. Notons que même si la nature des indicateurs performance est qualitative, ils pourront avoir une certaine influence sur les résultats financiers, prenons pour exemple la démotivation des salariés qui engendrera une baisse de productivité et ainsi aura une répercussion sur la rentabilité de l’entreprise sur un plan financier.

Néanmoins, discuter de l’émergence des indicateurs non financiers revient tout d’abord à chercher les origines de leur apparition qui ne sont autres que par réaction aux insuffisances des indicateurs classiques financiers : en effet, les indicateurs de performance traditionnellement communiqués aux marchés financiers ont été reconnus comme insuffisants par nombre de spécialistes pour appréhender les valeurs desdites entreprises.

L'opinion classique selon laquelle le marché porte un regard perspicace sur les bénéfices comptables est ainsi dénoncée par de nombreuses études. De plus, certaines critiques ont été relatives au fait que les indicateurs comptables et autres ratios traditionnels n'offrent qu'un tableau de bord volumétrique, peu propice aux extrapolations qualitatives en termes de

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stratégie à suivre. En ce sens, Ameels et al. (2002) affirment que les mesures traditionnelles, étant essentiellement comptables, ne prennent pas en compte la notion du risque, ni l’impact de l’inflation ou le coût d’opportunité. Ces indicateurs traditionnels sont ainsi frappés d'obsolescence, ne répondant pleinement ni aux besoins des marchés financiers ni à ceux du management. Aux critiques précédentes, nous pouvons ajouter une limite relative au manque de pertinence des ratios comptables de rentabilité en tant qu’indicateurs d’évaluation économique. L’argument fondamental de ces critiques est que le niveau de ratio de rentabilité comptable considéré isolément, n’apporte aucune information quant aux perspectives de création de valeur de l’entreprise (Zarlowski, 1996).

D’une manière générale, les limites des indicateurs financiers ont donné naissance à un nombre impressionnant de recherches. Par exemple, Merchant (1985) présente une liste des défauts que peuvent avoir ces indicateurs : il les accuse de créer une myopie organisationnelle, de favoriser les manipulations comptables et de jouer « le jeu » de tous les managers qui sont excessivement averses aux risques. Merchant (1998) ajoute que ces indicateurs présentent un défaut majeur qui est la non prise en compte de l’immatériel. De même, selon Johnson et Kaplan (1987) les informations issues des systèmes comptables et financiers ne fournissent pas une bonne base pour une prise de décision rapide, car ils arrivent souvent trop tard et ils sont souvent trop agrégés et trop déformés. En conséquence, ils font l’hypothèse qu’une excellente information comptable à court terme mais peut être nuisible à long terme. Les indicateurs financiers revêtent souvent un caractère historique et sont la plupart du temps orientés vers l’intérieur des entreprises, sans fournir d’indications sur le développement des facteurs clés de succès stratégiques (Kaplan et Norton, 199289).

L’ensemble de ces critiques a plaidé en faveur du développement d’une nouvelle catégorie d’indicateurs, autres que financiers, issus directement de la comptabilité financière. Grâce (ou à cause) de cette distinction, on les appellera indicateurs non financiers90.

Pour de nombreux auteurs, les indicateurs non financiers présentent des vertus que ne possèdent pas, les données monétaires. Ainsi, ils permettent d’assurer la réactivité

89 Voir note de bas de page 87.

90 Signalons néanmoins que bien que les indicateurs non financiers aient fait leur apparition dans les années 1980

dans la littérature et le discours des consultants, leur utilisation remonte à plus loin. Tuomela (2005) cite les écrits d’Hopwood (1973, pp. 123-136) et de Simon et al. (1954, pp. 34-35) qui retracent l’utilisation d’indicateurs non financiers par les opérationnels eux-mêmes dans les grandes entreprises américaines depuis plusieurs décennies. On peut également citer le cas des tableaux de bord en France (Pezet, 2007) dont l’usage, incluant des données non financières, remonte probablement au début du XXème siècle.

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organisationnelle (Chiapello et Delmond 1994), ils contribuent à la transversalité (De Montgolfier, 1994), ils permettent de mesurer, avec plus de pertinence que les données financières, la complexité organisationnelle, notamment l’immatérialité (Mavrinac et Siesfeld 1998) et surtout la performance de plus en plus multidimensionnelle et multicritère (Lorino, 1991). Ils sont, de ce fait, davantage en phase avec les stratégies de différenciation et la diversité des facteurs clés de succès (Malo et Mathé, 2000). L’utilisation de données non financières conduirait ainsi à une meilleure performance organisationnelle (Jorissen et al., 1999 ; Boisvert, 1991). Mais c’est surtout la capacité de ces indicateurs à mesurer les actifs immatériels qui expliquent en grande partie les raisons de leur émergence.

En réalité, la problématique des indicateurs non financiers a, dès le départ, été reliée à une autre problématique comptable que sont les actifs intangibles. Le recours à des indicateurs non financiers s’est fait dès lors que les entreprises se sont rendu compte qu’il ne suffisait plus de mesurer la performance financière et comptable, mais qu’il fallait aussi appréhender la performance des autres activités intangibles et incorporelles (recherche & développement, satisfaction des clients, qualité des produits, le bien-être des employés, etc.)

Notons que la première partie de cette section était consacrée à une thématique majeure dans les sciences des organisations qu’est le concept de la performance et sa mesure. Cette partie a montré toute la polysémie du terme performance et toute la difficulté de son évaluation. Les indicateurs financiers ont été le premier instrument pour la mesure de la performance mais ils ont rapidement été complétés par des indicateurs non financiers, plus maniables, plus opérationnels, et comblant notamment les limites dévoilées par la première catégorie d’indicateurs. En effet, le concept de la performance ne se limite plus à la simple performance financière. Elle s’est considérablement élargie et étoffée, touchant de nouvelles dimensions. Ainsi, les thématiques récentes, liées notamment aux opérations de FA, ne pouvaient rester sans bouleverser davantage le dogme managérial que constitue la performance.

Comme nous l’avons vu précédemment, lorsque l’on parle de performance, les auteurs ont tendance à plus se focaliser sur un niveau d’analyse macro (la stratégie et la finance) que micro (réaction des individus). Afin de compléter cette section, il nous a semblé intéressant, dans le prolongement de notre développement précédent, d’aborder la notion de cognition à travers la perception de la performance et plus précisément le concept de performance réalisée et celui de la performance perçue.

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La notion de performance est très souvent utilisée, par de nombreux auteurs, de manière interchangeable avec d’autres notions, on parle indifféremment de performance, de résultat, de réussite, d’échec ou d’exploit. Les différents termes ont-ils réellement des significations équivalentes justifiant une telle utilisation ? Si la réponse est non, une distinction précise doit être opérée entre eux. Par ailleurs on associe souvent différents qualitatifs à ce terme comme par exemple la performance cognitive représenté dans notre étude par la perception de la performance.

Ainsi, l’objectif de la deuxième partie de cette section est tout d’abord de faire une réelle distinction entre ces termes voisins et, au fur et à mesure de la progression dans cette séquence, nous tendrons vers une explication plus psychologique : nous réserverons une partie sur la notion de résultat et donc de réussite et d’échec que nous appliquerons à notre cas d’étude, les opérations de FA. Puis, nous détaillerons les différents facteurs stratégiques influençant la performance des FA, pour enfin discuter de l’intérêt des critères perceptuels de mesure de la performance.

Notons que de telles définitions ne seront en aucun cas complètes ou représentatives mais elles auront pour but de contextualiser la façon dont ces termes seront perçus dans le cadre de notre travail.

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1.4 LE CONCEPT DE LA PERFORMANCE, LA NOTION DE RESULTAT ET LEURS