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LE CONCEPT DE LA PERFORMANCE, LA NOTION DE RESULTAT ET LEURS CONSEQUENCES

CADRE THEORIQUE DE LA RECHERCHE

1.4 LE CONCEPT DE LA PERFORMANCE, LA NOTION DE RESULTAT ET LEURS CONSEQUENCES

1.4.1 Distinction entre le concept de la performance et la notion de résultat

Comme nous l’avons expliqué précédemment, la notion de performance est largement utilisée sans que sa définition ne fasse l’unanimité. Ce concept est source de controverses et de confusions irrésolues aussi bien dans le milieu académique que dans celui des affaires (Anderson, 1990). Nous avons vu que deux méthodes sont souvent empruntées par les chercheurs pour mesurer ces effets. La première méthode préconise des critères objectifs comme la durée ou la longévité, la stabilité de l’alliance, les impacts de l’alliance sur la position concurrentielle, les valeurs des ventes, ou la valeur boursière (Hubler & Meschi, 2000 ; Kola & Prescott, 2002 ; Young-Ybarra & al., 1999). La deuxième, quant à elle, prône le recours aux critères subjectifs pour juger de la performance d’une FA, par exemple le degré de satisfaction des partenaires de l’opération (Glaister et Buckley, 1998).

Ainsi, la performance d’une opération de FA peut être définie à partir de perspectives théoriques distinctes, comme la réalisation d’objectifs communs, mais aussi comme la réalisation d’objectifs propres à chacun des partenaires envisagés isolément (Das et Teng, 1998, 2000). Elle peut être une référence à des résultats concrets, voire chiffrés ou simplement une conformité à une tendance plus ou moins précisée. Elle peut être évaluée sur un horizon à court, à moyen ou à long terme. Elle peut inclure des effets directs et/ou indirects sur la préparation de l’avenir et les stratégies. Elle peut être fondée sur la création de relations interentreprises ou personnelles (au sens des théories néo- institutionnelles, de ressources et d’apprentissage organisationnel), et ses perspectives peuvent être liées au temps (longétivité, stabilité, etc.). Enfin, des courants de recherche récents considèrent la performance comme un degré de « satisfaction » et elle est alors en grande partie subjective (Anderson, 1990 ; Glaister et Buckley, 2002 ; Beamish et Kachra, 2004).

Cependant, lorsque nous évoquons la notion de performance, il est difficile de ne pas penser « création de valeur ». En effet, qui parle de création de valeur, parle également de « résultat ». Ainsi, dans la suite de notre travail, nous allons nous concentrer vers la notion de résultat et tenter d’en donner une définition.

Audrey ASLANOFF – 2013 – Thèse de doctorat

D’une manière purement théorique, on appelle « résultat », de façon simpliste, le solde des produits et des charges faisant varier la valeur d'un patrimoine pendant une période donnée ; il sera positif, s'il y a enrichissement, négatif en cas d'appauvrissement91.

Le résultat est donc le produit de l’activité du sujet et notamment de son comportement moteur observable. Cette distinction semble loin d’avoir toujours été effectuée dans la littérature scientifique. Pour de nombreux chercheurs et notamment pour Famose (1993)92, le résultat (ou même la performance) est le comportement moteur observable du sujet. Mais, dans ce cas précis, on ne sait jamais s’il s’agit de l’activité manifeste mise en jeu par le sujet (c’est à dire ses mouvements) ou bien s’il s’agit des effets que cette activité lui a permis d’obtenir. Cette confusion se retrouve d’ailleurs dans la polysémie du terme performance en anglais. Dans cette langue, le mot est généralement utilisé de deux façons : il fait référence soit à l’activité du sujet dans l’accomplissement de la tâche (performance de la tâche), soit au produit de cette activité (niveau de performance). En ce qui nous concerne, c’est cette dernière utilisation du terme qui sera utilisée, correspondant en cela à la signification que lui donne généralement le sens commun.

Ainsi, après avoir établi la distinction et la relation entre la performance et le résultat, on constate qu’un flux constant et continuel existe entre ces deux notions. En effet, le résultat représente l’image chiffrée de la performance et cette dernière influe continuellement sur le résultat. Cependant, un autre concept fondamental reste à éclairer, permettant de comprendre les variations au sein de la notion de résultat : il s’agit des conséquences que le résultat (ou la performance) entraîne dans son sillage93. Dans le langage des théories de l’expectation94, on parle aussi d’un second niveau de résultat.

1.4.2 Les conséquences liées au concept de la performance et à la notion de résultat

Rappelons que l’accomplissement de la tâche, par un pratiquant, produit une série d’effets correspondants ou non aux buts de la tâche recherchés par le sujet. Ils ont été appelés résultats. Lorsque ceux-ci sont mesurés et évalués, ils sont appelés « performance ».

91 Définition tirée du lexique de finance, pour plus de détails, voir le chapitre 3 du Vernimmen 2012. 92 Famose J.P., (1993), « Cognition et Performance », Paris, INSEP Publications.

93 Voir la section 2 de ce chapitre partie 2.1 perspective de la performance financière.

94 On entend par l’expectation, selon le dictionnaire Le Robert : « l’attente d’une chose qui peut arriver ». C’est

un terme qui est souvent remplacé par la notion d’attente, car ces deux concepts, dans la littérature française, définissent une même idée. Même si l’expectation est une forme particulière de l’attente. Certains psychologues et gestionnaires canadiens, selon P. Roussel (1996), notamment Maillet (1989), Theriault (1983) et les gestionnaires français (Peretti, 1978 ; Thietart, 1977) préfèrent le terme d’attente.

Audrey ASLANOFF – 2013 – Thèse de doctorat

Cependant, un résultat ou une performance sont des évènements neutres en soi ; ils ne possèdent pas d’attrait en eux-mêmes, n’ont pas de valeur incitatrice ou instigatrice. Ils acquièrent cette valeur en fonction des évènements qu’ils entraînent dans leur sillage. Ces derniers sont donc appelés « conséquences ».

La distinction entre performance et conséquences (ou résultat/conséquences) est nécessaire au moins pour deux raisons. D’abord, une performance entraîne, en général, plusieurs types de conséquences. Ensuite, la même performance donne naissance à des conséquences différentes pour des individus différents. Cette explication a été transformée par Vroom (1964) en une distinction entre résultats de premier niveau et résultats de second niveau. Les résultats de second niveau sont considérés comme étant des évènements auxquels les résultats de premier niveau sont supposés conduire. Ces derniers deviennent donc des moyens permettant d’aboutir aux résultats de second niveau. Par exemple, le premier niveau de résultat constitue le niveau de performance atteint par le pratiquant dans la réalisation de la tâche. Le second niveau est constitué par les résultats ou les conséquences pouvant dépendre de cette performance. Les premiers niveaux de résultats peuvent être, ou non associés à une pléthore95 de résultats de second niveau.

Suite à cette explication, il nous a semblé intéressant d’aborder, de manière générale, les notions de succès et d’échecs. Notons que ces notions sont très peu abordées au sein de la littérature. Cependant, avant tout développement, il a été indispensable de les définir puisqu’elles sont au cœur de notre problématique de recherche.

Ainsi, nous considérons, dans la suite de notre travail, que les notions de réussite et d’échec sont des conséquences de la performance et font partie intégrante du résultat dit de second niveau96.

Notons qu’une analyse a été réalisée par Maehr et Nicholls (1980), illustrant parfaitement la distinction entre deux niveaux de résultats : positif ou négatif. Ces auteurs pensent que les notions de succès ou d’échec peuvent être mieux comprises si on les considère comme des « états psychologiques »97 ayant leur fondement dans les interprétations personnelles que fait un pratiquant à la suite de ses performances. Et, selon eux, dans une perspective de la théorie de

95 Signification : surabondance, excès. 96 Concept vu précédemment.

Audrey ASLANOFF – 2013 – Thèse de doctorat

l’attribution98, les performances sont vécues comme un succès, ou comme un échec, en fonction de leur cause perçue. D’ailleurs, dans le prolongement de cette analyse, Spink et Roberts (1980) propose d’étudier des relations entre les perceptions de succès ou d’échec et les attributions causales effectuées par des pratiquants à la suite de leur performance.

Ainsi, si une performance, quelle qu’elle soit (gagner ou perdre), est considérée par le pratiquant comme le reflet de qualités personnelles désirables (être compétent, courageux, vertueux, etc.) : elle sera vécue comme un succès. Si au contraire, elle est perçue comme le reflet de qualités personnelles indésirables ou négatives, elle sera alors ressentie comme un échec.

La réussite ou l’échec sont des concepts pouvant correspondre à une explication plus subjective de la performance. On peut penser que cette dernière en tant que succès n’existe pas en soi : elle est fonction des acteurs, des utilisateurs de l’information (Lebas, 1995 ; Bourguignon, 1995), des représentations que ces derniers se font de la réussite ou de l’échec. En effet, dans le cas des opérations de FA, ces notions ne se réfèrent pas seulement à la comparaison des objectifs de la société absorbante, retenus à la base d’un projet, avec les données chiffrées de la nouvelle entité. L’opinion de cette comparaison peut différer selon le point de vue abordé par les actionnaires, les dirigeants, les salariés, les clients ou encore les fournisseurs. Il convient donc, pour pouvoir conclure quant aux notions de succès ou d’échec, de se pencher sur les représentations des parties prenantes (Freeman, 1984) de celles-ci. En revanche, ces notions de réussite ou d’échec peuvent, dans une certaine mesure, être objectivées. Ainsi, pour reprendre notre sujet d’étude, si une opération de FA ne progresse pas dans la réalisation de son rapprochement, et va jusqu’à se déliter, compromettant ainsi toute chance de pouvoir un jour accomplir une opération de fusion, il s’agit bien d’un échec. De plus, la disparition d’une organisation ou la non réalisation de création de valeur peut être considérée comme un échec, si cette organisation n’a pas atteint les objectifs qu’elle s’était fixés avant tout rapprochement. C’est cette dernière définition que nous retiendrons pour la suite de notre étude empirique. Par déduction, la réussite d’une opération de FA passe donc par la signature d’un accord et, ensuite, par la survie du rapprochement établi. Cette dernière est la condition nécessaire à l’accomplissement de l’opération de FA.

98 La théorie de l’attribution par Fritz Heider (1958) est une méthode qui peut être utilisée pour évaluer comment

les personnes perçoivent leur propre comportement et celui des autres personnes. La théorie d’attribution traite de la façon dont les personnes donnent des explications causales. Ainsi, Les théories de l'attribution sont le point de départ de l'étude par les psychologues et les sociologues, des évènements et phénomènes qui nous entourent.

Audrey ASLANOFF – 2013 – Thèse de doctorat

Ainsi, nous retiendrons cette grille de lecture afin de pouvoir analyser les cas supports de notre recherche.

En résumé, les notions de succès et d’échec dans le domaine des FA doivent être comprises comme des réactions psychologiques aux performances et non, comme des performances objectives désirables ou indésirables. En effet, selon la nature de ces conséquences, une même performance peut être perçue comme un succès ou comme un échec et produire des états affectifs positifs ou négatifs, en fonction de la signification revêtue par le résultat obtenu : s’il reflète une qualité désirable c’est un succès, sinon c’est un échec. C’est le second niveau de résultats qui donne au premier niveau sa valeur affective de succès ou d’échec. Ainsi, la relation entre les deux niveaux de résultats est fondamentale dans la compréhension des problèmes motivationnels.

C’est pourquoi, cet éclairage nous a semblé indispensable pour la compréhension de la suite de notre travail : nous avons donc effectué une distinction entre les termes performance, résultat, échec/réussite (conséquences), nous permettant, dans la section 2 de ce chapitre, d’aborder les différentes approches existantes de la performance dans les opérations FA, comprenant elles-mêmes des facteurs explicatifs et contextuels d’un échec ou d’une réussite de FA.

Certaines études de type quantitatif ont été réalisées, cherchant à déterminer un critère spécifique pouvant influencer majoritairement la réussite ou l’échec d’une opération de FA, cependant peu de résultats précis ont été découvert. C’est pour cette raison que l’étude de type qualitatif doit être prise en considération. C’est ce que nous avons établi au sein de notre recherche. En effet, la performance de l’organisation demeure un enjeu central pour la recherche en gestion : les données économiques ne sont pas toujours accessibles et les évaluations subjectives de la performance deviennent alors le seul recours pour les chercheurs. C’est donc dans cette optique d’exploration du subjectif lors de FA, que nous étudierons, dans la suite de notre travail, certains des déterminants cognitifs fondamentaux de la performance, à savoir notamment la notion de perception.

Audrey ASLANOFF – 2013 – Thèse de doctorat