• Aucun résultat trouvé

IV. CADRAGE THÉORIQUE

1.2 Améliorer la collaboration pour favoriser l’implication des parents

1.2.1 Importance de la collaboration et formes d’implication parentale

La collaboration entre enseignants et familles est donc déterminante. Pourquoi ?

Tout d’abord, une évolution notable concernant la collaboration Famille-École est survenue ces dernières années car des recherches démontrent que l’environnement social de l’enfant est important pour son développement. Cet environnement est composé de ses parents et de l’environnement physique, aménagé par ces derniers, comme le précise Chatelanat (2003). Cette auteure démontre alors en quoi il est déterminant que les professionnels travaillent « à l’unisson avec les parents » (p.173), puisque l’évolution de l’enfant est étroitement en lien avec la mission d’éducation et de socialisation promue par la famille. Ainsi, la collaboration permet l’implication du parent dans la scolarité de son enfant. D’ailleurs, il est reconnu que cette implication a de fortes retombées sur la réussite et la progression des élèves. La collaboration a donc une influence positive sur le rendement scolaire des enfants. Elle favorise la motivation et les résultats scolaires augmentent (Kalubi et al., 2009).

Parfois, l’enfant-élève se retrouve tiraillé entre la culture scolaire et celle de sa famille lorsque les mêmes valeurs ne sont pas partagées. En se référant aux recherches de Claes et Comeau (1996), Kalubi et al. (2009) relèvent qu’« […] il est essentiel que l’école et la famille s’entendent sur les valeurs à privilégier dans l’éducation de l’enfant. Cela aurait un impact […] sur la volonté de ce dernier de s’investir davantage, autant à la maison qu’à l’école » (p. 51). En effet, il est déterminant qu’un lien soit effectué afin que l’enfant perçoive l’utilité de l’école, et puisse prendre en charge son métier d’élève. Lorsque la famille valorise la réussite scolaire, l’enfant progresse davantage. En se rapportant aux travaux de Salomon et Comeau (1998), Kalubi et al. (2009) parlent de

« conscientisation envers l’importance de l’école » (p. 58). Ainsi, l’implication des parents dans la scolarité des enfants représente de grands bénéfices, un atout dans le développement optimal de l’enfant, tant sur le plan cognitif et le développement de ses capacités sociales que sur son estime de soi. L’implication parentale est alors considérée comme « […] un facteur d’importance contribuant à l’amélioration de la santé psychologique et physique de l’enfant (King, King & Rosenbaum, 2004) » (Kalubi et al., 2009, p. 57). Elle permet aussi de lutter contre l’échec scolaire, aider à l’insertion des familles en difficulté, installer l’enfant au centre du système Famille-École, favoriser le dialogue entre parents et enseignants, rétablir la confiance entre les acteurs en affirmant leur complémentarité (Mathon, 2009). La collaboration avec la famille ne doit donc pas être négligée par les enseignants qui doivent mettre tout en œuvre pour la favoriser. Par ailleurs, il est tout aussi déterminant que les parents contribuent et s’investissent, en fonction de leurs possibilités.

Ainsi, quels sont les éléments motivant l’implication parentale dans la scolarité ?

Comme évoqué précédemment, de nombreuses recherches démontrent que l’implication des parents est influencée par de nombreux facteurs (Chatton & Nguyen, 2000 ; Kalubi et al., 2009 ; Montandon, 1991, 1996). Tout d’abord, l’implication parentale dépend du milieu familial en tant que tel. Ainsi que l’ont relevé Kalubi et al. (2009), en se référant aux travaux de Claes et Comeau (1996), celui-ci « doit être stabilisé et fonctionnel » (p. 49), c’est-à-dire qu’il doit y régner une certaine sérénité. En effet, une famille confrontée à de nombreux problèmes de type « vitaux », rencontrant une situation précaire, par exemple, aura d’autres préoccupations que l’école et très peu de temps à accorder à la scolarité de l’enfant. De plus, Montandon (1996) relève l’influence du fonctionnement familial. Ses recherches lui ont permis de mettre en lumière qu’à Genève, certaines familles ont un fonctionnement de type « associatif », favorisant l’autonomie de leurs membres et les relations de chacun avec le monde extérieur. Celles-ci mettent un accent particulier sur la coordination avec l’école. En revanche, d’autres familles ont un fonctionnement de type « fusionnel », accordant une grande importance à la cohésion du groupe familial, et limitant le contact avec le monde extérieur.

Les familles qui ont ce type de fonctionnement manifestent donc « une distance, voire une opposition vis-à-vis de l’école » (Ibid., p. 64).

Il ressort toutefois que la majorité des familles perçoivent l’importance de la collaboration.

Plusieurs points les motivent particulièrement à s’impliquer dans la scolarité : tout d’abord, la compréhension du parent et de son rôle parental, ensuite, la confiance en ses propres compétences d’exercer une influence positive sur la réussite scolaire de l’enfant et, enfin, la conviction du parent que l’école et l’élève souhaitent son implication active dans le parcours scolaire (Someller, 1995).

Malgré ces différents facteurs d’influence, c’est à l’école et aux professionnels de démontrer aux parents l’importance de leur rôle, en explicitant leurs attentes, en développant chez eux un sentiment de compétence, en mettant en place une collaboration de type partenariale.

Formes multiples de l’implication parentale

Compte tenu des différents facteurs évoqués précédemment mais aussi des valeurs, du vécu et des croyances de chacun, il existe différents types et différents degrés d’implication selon les familles.

Tout d’abord, ainsi que l’ont souligné Kalubi et al. (2009), il existe deux modes d’implication dans le suivi de l’élève par les parents : « la participation à domicile et la participation à l’école » (p. 48). Elle peut revêtir plusieurs formes : participation aux activités spéciales, participation aux consultations, aide aux devoirs, encouragement et soutien affectif de l’enfant dans son cheminement scolaire (Deslandes & Bertrand, 2004). Ainsi, il existe divers degrés d’implication selon les possibilités et les moyens de chaque parent. En effet, selon Kakpo (2012), les parents doivent posséder certaines

« conditions d’investissement », c'est-à-dire les « […] ressources scolaires, culturelles et linguistiques suffisantes pour s’investir - même a minima - dans le contenu des devoirs de leur enfant et non dans son seul encadrement moral ou matériel » (p. 49). Parfois, le soutien de la famille à l’enfant dans sa scolarité peut être essentiellement d’ordre affectif (Bonnefond & Rasson, 2011, p. 18). Mais n’est-ce pas déjà un investissement contribuant à l’équilibre de l’enfant et à sa progression ? En effet, « la famille peut devenir le meilleur “supporter” de la scolarité de ses enfants dès lors qu’elle montre son

attachement à leurs personnes, sa préoccupation de leur bien-être, sa volonté de [le faire]

progresser » (Ibid., p. 18).

Ainsi, même si une implication tendant vers le partenariat est réellement favorable, celle-ci n’implique pas nécessairement d’être actif dans les projets, mais il suffit parfois tout simplement d’agir de manière responsable et concernée envers l’école, soit : assister aux réunions, signer les feuilles à rendre, conduire son enfant à l’école, retourner le chercher, s’intéresser aux devoirs, faire des sacrifices pour payer les frais de scolarité, acheter le matériel nécessaire, parler de ce qui a été vécu durant la journée, réagir aux résultats scolaires et respecter certaines règles prônées par l’Institution. Il faut surtout encourager son enfant et être fier de sa réussite. Ainsi, de par l’existence de situations familiales diversifiées, de nombreuses façons de s’impliquer et de percevoir cette implication émergent. Bonnefond (2011) écrit : « les recherches sur la relation familles populaires et école montrent que celle-ci ne passe d’ailleurs pas forcément par des rencontres ou par la participation des parents aux activités proposées par l’école, ni par une aide sur le plan scolaire apportée par ces derniers à leur progéniture, mais bien plus par un soutien symbolique et le sens accordé à la réussite de l’enfant » (p. 49).

C’est le rôle de l’école d’expliciter ses attentes afin de mobiliser et d’impliquer les parents dans la mesure du possible. Comment pourraient-ils connaître la vision de l’Institution si les attentes ne sont pas explicitées clairement ?

Dans cette même optique, les chercheurs Pourtois, Nimal et Desnet (1999) définissent précisément les différents degrés d’implication des familles dans la relation avec les enseignants et le suivi scolaire de l’enfant-élève. Il y a, tout d’abord, le consentement, soit une soumission passive des parents aux décisions prises par les professionnels. Puis, il y a la coopération, soit une relation où les personnes reconnaissent les ressources et les compétences de chacun, prenant des décisions en commun et se partageant les responsabilités. Lors de la participation – troisième degré d’implication – l’acteur a un rôle actif mais ne prend pas de décision. Enfin, l’implication concerne des partenaires investis dans un processus à long terme, ayant une portée au-delà d’une situation particulière avec un élève. Lors de cette recherche, nous n’avons pas la prétention d’utiliser cette terminologie, mais nous trouvons intéressant d’exposer ces différentes nuances puisqu’elles démontrent parfaitement les divers degrés existants d’implication parentale.

De la sorte, le mode de participation des parents et la place qui leur est accordée sont très divers en fonction de la compréhension que les protagonistes ont de leur mission respective. De plus, l’attitude de l’enseignant peut engendrer des retombées importantes quant aux interactions et donc à l’implication des parents dans la scolarité des élèves (Chatelanat, 2003). Ainsi, l’implication étant multiple, l’enseignant ne doit pas juger trop vite les parents si leur implication ne correspond pas à ses attentes. Il doit en priorité tenir compte des efforts déjà fournis par les familles (Bonnefond &

Rasson, 2011). Lors de cette relation, son rôle est de s’adapter aux familles suivant leurs besoins en matière d’implication. Ainsi, il existe plusieurs façons d’orienter et d’aiguiller les parents lors de cette collaboration Famille-École.

Les différents rôles de l’enseignant dans la relation Famille-École

Les enseignants peuvent revêtir différents rôles face aux parents (Chatelanat, 2003). Un enseignant peut s’adresser aux parents en tant que guide, lorsqu’il agit comme un consultant, sans

vouloir influencer directement la prise de décisions. Il peut aussi se positionner en tant qu’expert lorsque la famille vit une crise importante, comme lors de l’annonce du diagnostic d’une déficience chez leur enfant, ce qui fragilise la famille pour une prise de décisions. Enfin, l’enseignant peut être un partenaire, lorsque les deux pôles collaborent, en vue d’un même objectif, considérant les compétences mutuelles de chacun, et usant de l’« agir communicationnel » (voir Habermas, 1987), c’est-à-dire d’« une pratique plus démocratique qui consiste à analyser ensemble les propositions de chaque acteur, afin de négocier un consensus sur une nouvelle proposition acceptable pour tous » (Chatelanat, 2003, p. 178). Ces définitions de divers rôles peuvent être mises en parallèle avec le modèle des trois systèmes éducatifs au sein de la collaboration, modèle développé par Bouchard et Archambault (1991). Nous nous appuyons sur les écrits de Bouchard et Kalubi (2006) pour décrire les modèles rationnel, humaniste et symbiosynergique. Dans le modèle rationnel, l’acteur principal dispose d’une expertise et gère un pouvoir. La communication est alors pyramidale et les décisions sont imposées. Ensuite, dans le modèle humaniste, un guide conseille et laisse à l’autre le choix et les décisions à prendre. Il y a alors autogestion du pouvoir. Et, finalement, le modèle symbio-synergique est représenté par une cogestion du pouvoir. Dans ce modèle, les parents et les enseignants sont partenaires et mettent en commun des ressources et des savoir-faire dans les prises de décisions. Le contact avec les parents est rentable, productif, enrichissant du point de vue des savoirs.

Ainsi, ces trois rôles basés sur les différents modèles sont complémentaires et non-exhaustifs.

Effectivement, un même enseignant adoptera les différents rôles précités suivant le contexte relationnel, les caractéristiques des familles et leurs attentes. Si un enseignant reste figé dans un unique rôle tout le long de sa carrière, il nuira indéniablement à la collaboration avec les familles.

Aussi, le professionnel s’adapte aux familles et utilise les trois modèles pour répondre au mieux aux besoins individuels de chaque famille. D’ailleurs, son intervention est vouée à évoluer afin que les parents tendent progressivement à une autonomie. En se référant aux recherches de Thibault, Jacques et Thibault (2003), Kalubi et al. (2009) soulignent qu’« il serait essentiel d’apporter un support constant aux parents pour obtenir leur pleine collaboration » (p. 51). Néanmoins, ces auteurs ont précisé que les mesures de soutien doivent être retirées progressivement, afin que les parents puissent se sentir de plus en plus compétents et que le développement de l’autonomie familiale soit favorisé. Ces chercheurs relèvent une évolution en trois temps au cours de la relation de collaboration. Tout d’abord, l’enseignant démontre ses propres compétences. Puis, il valorise les compétences et les savoirs des parents en les impliquant dans les décisions. Enfin, il les laisse prendre des décisions et être autonomes, tout en répondant à leurs questions. Ces trois modèles dépendent des attentes du moment des parents. Ainsi, est-il possible d’établir un lien entre les différentes manières de s’impliquer des parents et les différentes manières d’orienter en tant qu’enseignant ?

Afin d’inciter les parents à s’impliquer, le professionnel doit les mettre à l’aise en créant un climat de confiance, tout en gardant une certaine distance. Voici deux éléments contribuant à une communication réussie. Trouver un bon équilibre tient plus à l’art qu’à la science, comme le dit Perrenoud (2006) : « la compétence est alors, du côté de l’enseignant, de tout faire pour ne pas mettre les parents en position de faiblesse, appliquant cette vieille maxime “Traitons-les en égaux afin qu’ils le deviennent” » (p. 113).

Selon Chatelanat (2003), un troisième acteur entre en compte dans cette collaboration enseignants-familles : la société. En effet, il est important que le droit de participation des parents soit déterminé par la législation des systèmes éducatifs, une sorte de « contrat [qui] pourrait aussi réglementer le partenariat parents-professionnels » (Chatelanat, 2003, p. 183).