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L'implication des parents dans le suivi scolaire de leur enfant : quel partenariat entre enseignements spécialisés-parents ? Quelles attentes réciproques ?

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Academic year: 2022

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Master

Reference

L'implication des parents dans le suivi scolaire de leur enfant : quel partenariat entre enseignements spécialisés-parents ? Quelles

attentes réciproques ?

GIRARDIN, Daphné, SCHMUTZ, Isabelle

Abstract

La collaboration parents-enseignants est essentielle à la progression de l'élève. Toutefois, les relations entre ces deux pôles sont complexes et des conflits peuvent émerger en raison d'attentes divergentes. Cette recherche, menée dans le contexte de l'enseignement spécialisé, s'intéresse aux attentes des deux parties et au climat collaboratif actuel établi, dans le but de favoriser l'implication des parents. Une attention particulière est portée sur les attentes liées à l'intervention du parent dans l'aide aux devoirs. Les entretiens menés auprès d'enseignantes spécialisées et de parents d'élèves permettent de relever leurs attentes réciproques et leur degré de correspondance. L'observation filmée, réalisée dans une famille, lors d'une situation de devoirs, révèle la nature du contrat « didactique » familial, en rapport avec le contrat didactique scolaire et les attentes de l'enseignante. Notre intention est alors de découvrir comment s'établissent ces liens Famille-École et si la collaboration existante tend vers l'établissement d'un partenariat.

GIRARDIN, Daphné, SCHMUTZ, Isabelle. L'implication des parents dans le suivi scolaire de leur enfant : quel partenariat entre enseignements spécialisés-parents ? Quelles attentes réciproques ?. Master : Univ. Genève, 2014

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41112

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TITRE/SOUS-TITRE

L’IMPLICATION DES PARENTS DANS LE SUIVI SCOLAIRE DE LEUR ENFANT :

QUEL PARTENARIAT ENTRE ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS-PARENTS ? QUELLES ATTENTES RÉCIPROQUES ?

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU/DE LA

MAITRISE UNIVERSITAIRE EN ENSEIGNEMENT SPECIALISE

Veuillez vous référer à la dénomination officielle des titres figurant dans le guide des étudiants

PAR (Prénom-Nom) Daphné Girardin Isabelle Schmutz

DIRECTEUR DU MEMOIRE (Prénom-Nom)

Roland Emery

JURY

(Prénom - Nom) Marie-Laure Danalet Francia Leutenegger

LIEU, MOIS ET ANNEE GENEVE Septembre 2014

UNIVERSITE DE GENEVE

INSTITUT UNIVERSITAIRE DE FORMATION DES ENSEIGNANTS

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RESUME

(maximum 150 mots)

La collaboration parents-enseignants est essentielle à la progression de l’élève. Toutefois, les relations entre ces deux pôles sont complexes et des conflits peuvent émerger en raison d’attentes divergentes. Cette recherche, menée dans le contexte de l’enseignement spécialisé, s’intéresse aux attentes des deux parties et au climat collaboratif actuel établi, dans le but de favoriser l’implication des parents. Une attention particulière est portée sur les attentes liées à l’intervention du parent dans l’aide aux devoirs. Les entretiens menés auprès d’enseignantes spécialisées et de parents d’élèves permettent de relever leurs attentes réciproques et leur degré de

correspondance. L’observation filmée, réalisée dans une famille, lors d’une situation de devoirs, révèle la nature du contrat « didactique » familial, en rapport avec le contrat didactique scolaire et les attentes de l’enseignante. Notre intention est alors de découvrir comment s’établissent ces liens Famille-École et si la collaboration existante tend vers l’établissement d’un partenariat.

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UNIVERSITÉ DE GENÈVE

Institut Universitaire de la Formation des Enseignants (IUFE)

Maîtrise en pédagogie spécialisée, orientation enseignement spécialisé (MESP)

MÉMOIRE DE MAÎTRISE

L’IMPLICATION DES PARENTS DANS LE SUIVI SCOLAIRE DE LEUR ENFANT : QUEL PARTENARIAT ENTRE

ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS-PARENTS ? QUELLES ATTENTES RÉCIPROQUES ?

Analyse des attentes réciproques et de leurs correspondances, à partir du discours des acteurs concernés et de l’observation d’un parent

intervenant dans le cadre du travail à domicile de son enfant

Travail effectué par Commission :

GIRARDIN Daphné

Directeur de mémoire :

SCHMUTZ Isabelle

Monsieur Roland EMERY

Jury :

Madame Francia LEUTENEGGER Madame Marie-Laure DANALET

Session d’août 2014

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Remerciements

Nous tenons tout d’abord à exprimer notre vive gratitude à Monsieur Roland EMERY, qui, en tant que directeur de mémoire, s’est toujours montré à l’écoute, et nous a apporté son aide et ses précieux conseils au cours des discussions et entretiens enrichissants que nous avons eus au fil de notre travail. Nous le remercions tout particulièrement pour sa très grande disponibilité et pour la célérité avec laquelle il a toujours répondu à nos diverses questions. Ses cours universitaires sur la collaboration multiprofessionnelle ont également retenu notre attention et ont suscité chez nous l’intérêt qui nous a poussées à élargir ce champ en focalisant notre recherche sur la collaboration parents-enseignants spécialisés et leurs attentes réciproques.

Nos remerciements très sincères vont également à Madame Francia Leutenegger et à Madame Marie-Laure Danalet pour l’intérêt qu’elles ont porté à notre recherche en acceptant de faire partie du jury de notre mémoire. Le cours de didactique comparée de Madame Francia Leutenegger nous a été extrêmement utile pour une partie de l’analyse de ce mémoire.

Nous tenons également à exprimer notre reconnaissance aux trois enseignantes spécialisées et aux parents d’élèves interviewés dans le cadre de la présente recherche. Les discussions que nous avons eues ont été extrêmement riches et intéressantes. Nous remercions toutes les personnes interviewées pour leur aimable accueil, leur disponibilité et pour leurs apports précieux qui nous ont permis de dévoiler leurs attentes réciproques et de lever un peu le voile sur la collaboration Famille-École.

Un grand merci est adressé tout particulièrement à la famille qui nous a chaleureusement accueillies à son domicile pour nous permettre de réaliser l’observation filmée, relative à une situation de devoirs.

Et nous n’omettrons pas d’adresser un grand merci à l’enfant-élève Aurore (prénom fictif), qui a accepté de répondre à nos questions et qui, grâce à son naturel et à sa capacité de «faire abstraction» de la caméra, nous a permis de découvrir la nature de l’aide apportée par sa mère lors des devoirs.

Un grand merci à nos familles qui nous ont soutenues moralement et qui nous ont apporté leur aide au cours de ce long travail !

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TABLE DES MATIÈRES

I. EN PRÉAMBULE, QUELQUES MOTS-CLÉS POUR SITUER LE CHAMP DE LA RECHERCHE… ... 7

II. INTRODUCTION ... 7

1. MOTIVATIONS PERSONNELLES ET INTÉRÊTS... 7

2. « ENJEUX » TERMINOLOGIQUES ... 9

III. PRÉSENTATION DE LA RECHERCHE... 10

1. JUSTIFICATION DE LA THÉMATIQUE DE LA RECHERCHE EN FONCTION DU CONTEXTE SCOLAIRE SPÉCIALISÉ ... 10

2. VISÉES DE LA RECHERCHE ... 11

3. ORGANISATION DU MÉMOIRE ... 12

IV. CADRAGE THÉORIQUE ... 14

1. 1re PARTIE : IMPLICATION PARENTALE DANS LA SCOLARITÉ DE L’ENFANT ... 15

1.1 Relation Famille-École ... 15

1.1.1 Famille-École : une relation complexe ... 16

1.1.2 Attentes réciproques ... 25

a. Attentes des parents envers l’École et les enseignants ... 25

b. Attentes des enseignants envers les parents ... 28

c. Lorsque les attentes enseignants-parents ne correspondent pas… ... 29

1.2 Améliorer la collaboration pour favoriser l’implication des parents ... 32

1.2.1 Importance de la collaboration et formes d’implication parentale ... 32

1.2.2 Un cheminement vers le partenariat ... 36

a. Tendre au partenariat ... 36

b. Pistes et dispositifs concrets favorisant le partenariat ... 39

2. 2e PARTIE : IMPLICATION PARENTALE DANS LES DEVOIRS À DOMICILE ... 43

2.1 Directives et évolution de la conception des devoirs à domicile ... 43

2.1.1 Contexte social : les devoirs dans l’enseignement spécialisé ... 43

2.1.2 Évolution de la conception des travaux à domicile ... 43

2.2 Objectifs des devoirs en lien avec l’implication des parents ... 44

2.2.1 Lien Famille-École : les devoirs sont-ils une réelle source d’informations pour les parents ? ... 44

(7)

2.2.2 L’autonomie et la réussite scolaire au travers des devoirs : deux objectifs

incompatibles ? ... 46

2.2.3 Les Temps de travail à la maison : incidences sur l’implication des parents ... 47

2.3 L’intervention du parent auprès de son enfant en situation de devoirs : point de vue didactique ... 48

2.3.1 Le contrat didactique familial ... 48

2.3.2 Projet global de l’enseignant, intervention locale du parent ... 50

2.4 Types d’encadrement du parent en situation de devoirs ... 51

V. PROBLÉMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE ... 54

1. PROBLÉMATIQUE ... 54

2. QUESTIONS DE RECHERCHE ... 58

VI. MÉTHODOLOGIE ... 59

1. LE RECUEIL DES DONNÉES ... 59

1.1 Échantillon ... 59

1.1.1 Critères et procédure quant au choix de l’échantillon ... 59

1.1.2 Taille de l’échantillon... 61

1.1.3 Composition de l’échantillon retenu et codage des acteurs de la recherche ... 62

1.2 Vue globale du dispositif de recherche ... 63

1.3 Description du dispositif de recherche ... 65

1.3.1 Déroulement général de la recherche ... 65

1.3.2 Premier volet de la recherche ... 66

a. Déroulement spécifique du recueil des données ... 66

b. Méthode de recueil des données choisie : l’entretien de recherche « semi-directif » ... 67

c. Les canevas d’entretiens ... 69

1.3.3 Second volet de la recherche ... 70

a. Déroulement spécifique du recueil des données ... 71

b. L’observation filmée ... 73

c. Les divers types d’entretiens... 74

2. L’ARCHIVAGE DES DONNÉES ... 75

2.1 Les entretiens ... 75

2.2 Transcription d’événements significatifs ... 77

(8)

3. L’ANALYSE DES DONNÉES ... 78

3.1 Pour le premier volet de la recherche ... 78

3.1.1 Procédure d’analyse ... 78

3.1.2 Analyse et présentation des résultats ... 81

3.2 Pour le second volet de la recherche ... 82

3.2.1 Procédure d’analyse ... 82

3.2.2 Analyse et présentation des résultats ... 85

4. LIMITES ET FACTEURS BIAISANT LA RECHERCHE ... 87

VII. PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS ... 91

1. 1ER VOLET : ATTENTES RÉCIPROQUES PARENTS-ENSEIGNANTES SPÉCIALISÉES ... 91

1.1 Attentes des enseignantes spécialisées concernant... ... 92

1.1.1 La Relation Famille-École : suivi scolaire et communication ... 92

1.1.2 Les devoirs ... 106

1.1.3 Y a-t-il des attentes différentielles de la part des enseignantes spécialisées en fonction des familles ? ... 118

1.2 Attentes des parents concernant… ... 123

1.2.1 La Relation Famille-École ... 123

1.2.2 Les devoirs ... 133

1.3 Mise en lien et correspondance des attentes entre les quatre « couples » ... 142

2. 2E VOLET : INTERVENTION D’UN PARENT EN SITUATION DE DEVOIRS ... 147

2.1 Analyse du fonctionnement du contrat « didactique » familial ... 148

2.1.1 Quelle articulation entre le contrat « didactique » familial et le contrat didactique scolaire ? ... 148

2.1.2 Quels topos occupe la mère d’Aurore en situation d’aide aux devoirs ? ... 154

2.2 Correspondance de l’intervention du parent avec les attentes de l’enseignante A ... 170

VIII. DISCUSSION DES RÉSULTATS DE RECHERCHE ... 175

1. SYNTHÈSE DU 1ER VOLET DE LA RECHERCHE : ATTENTES RÉCRIPROQUES PARENTS-ENSEIGNANTES SPÉCIALISÉES ... 175

1.1 Attentes des enseignantes spécialisées envers les parents concernant… ... 175

1.1.1 La relation Famille-École ... 175

1.1.2 Les devoirs ... 176

1.1.3 Y a-t-il des attentes différentielles de la part des enseignantes spécialisées en fonction des familles ? ... 178

(9)

1.2 Attentes des parents envers les enseignantes spécialisées concernant… ... 178

1.2.1 La relation Famille-École ... 178

1.2.2 Les devoirs ... 180

1.3 Mise en lien et correspondance des attentes entre les quatre « couples » ... 180

2. SYNTHÈSE DU 2E VOLET DE LA RECHERCHE : INTERVENTION D’UN PARENT EN SITUATION DE DEVOIRS ... 186

3. LES DEVOIRS EN CONTEXTE DE CLASSES SPÉCIALISÉES ET IMPLICATION DES PARENTS DANS LE TRAVAIL SCOLAIRE DE LEUR ENFANT... 190

3.1 Effets positifs des devoirs sur les enfants des classes spécialisées et leurs parents ... 190

3.2 L’implication des parents dans le travail scolaire de leur enfant ... 194

IX. CONCLUSION ET HORIZONS DE RECHERCHE ... 196

X. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 199

XI. TABLE DES ANNEXES (FIGURANT SOUS DOSSIER SÉPARÉ) ... 208

(10)

I. EN PRÉAMBULE, QUELQUES MOTS-CLÉS POUR SITUER LE CHAMP DE LA RECHERCHE…

Voici quelques termes qui permettront au lecteur d’avoir une vision globale des concepts abordés au travers de cette recherche :

Enseignement spécialisé, classes spécialisées, relation Famille-École, collaboration/partenariat, implication des parents dans la scolarité de leur enfant et dans les travaux à domicile, attentes réciproques, attentes différentielles, devoirs à domicile, analyse didactique, « contrat didactique familial », intervention « didactique » du parent, topos du parent en situation de devoirs, correspondance des attentes enseignants spécialisés/parents.

II. INTRODUCTION

1. MOTIVATIONS PERSONNELLES ET INTÉRÊTS

Le mémoire est une étape importante dans la vie d’un étudiant. Il représente l’aboutissement de plusieurs années d’études et ouvre la voie à la vie active.

Le choix de la thématique générale de ce projet, soit les relations familles-enseignants dans le contexte scolaire spécialisé, s’est effectué très rapidement. En effet, depuis plusieurs années, ces relations ont pris de plus en plus d’importance et constituent réellement une problématique centrale dans les domaines pédagogique, éducatif et thérapeutique. Les parents sont maintenant reconnus comme des « experts » de leur enfant, avec des compétences complémentaires à celles des professionnels. De plus, on considère à présent que la collaboration étroite entre enseignants et parents, établie afin de répondre aux besoins particuliers de l’enfant-élève, ne peut être que bénéfique à sa progression.

D’ailleurs, cette problématique est bien présente au sein des classes primaires ordinaires et spécialisées genevoises. En effet, la question est devenue une volonté politique puisque les recommandations et obligations de la directive D-DGEP-02A-10-Relations Famille-École, entrée en vigueur en 2008, « prolongent le cahier des charges de l’enseignant-e primaire et spécialisé-e (page 5, point 7) et le règlement de l’enseignement primaire (C 1 10.21 article 37) » (p. 1). Si le Chapitre V du règlement de l’enseignement primaire (REP) se consacre aux « droits et obligations des élèves et des parents » (Chapitre V : Droits et obligations des élèves et des parents, 1993), l’objectif de cette directive de 2008 est de « rappeler les obligations des enseignants pour assurer les relations Famille- École et les liens avec les associations de parents d'élèves (APE) » (p. 1). Elle incite ainsi tous les acteurs scolaires à développer la communication avec les parents par la recherche des meilleurs moyens de communication et de coopération, et propose pour cela quelques dispositifs d’action.

Concernant la relation parents-école, chacun est incité à entretenir des relations suivies et précises, puisqu’il est indiqué dans le règlement précité que « la famille et l’école doivent collaborer à l’éducation et à l’instruction des enfants » (Art. 37 : Participation des parents, al. 1).

(11)

Même si les mentalités ont beaucoup évolué par une volonté accrue de collaborer et par une plus grande considération du rôle des parents dans la scolarité de leur enfant, la collaboration familles-enseignants reste un sujet sensible et complexe. Les manchettes de journaux et les propos de certains enseignants désabusés, tenus lors des pauses, le confirment : une tension règne toujours et chacun « se renvoie la balle » !

Si nous avons tout d’abord traité de l’implication des parents dans la scolarité de leur enfant, de manière générale, nous avons souhaité approfondir cette thématique en consacrant une autre facette de ce mémoire à l’implication des parents dans les travaux à domicile plus spécifiquement.

Porter notre attention plus particulièrement sur les devoirs nous semble également être un moyen de recueillir de riches informations quant à l’implication des parents, à leurs attentes et à celles des enseignants. Cela révèle ainsi l’un des aspects de leur collaboration.

Enfin, notre intérêt pour cette problématique a surtout été éveillé lors de nos diverses expériences de stages, réalisées dans le cadre de la Maîtrise en pédagogie spécialisée, orientation enseignement spécialisé. En effet, nous avons pu assister à de nombreuses situations problématiques entre enseignants et familles, et d’autres nous ont été rapportées par les enseignants eux-mêmes. De plus, ces rapports familles-enseignants - souvent complexes, voire tumultueux – sont régulièrement au cœur des discussions en salles des maîtres.

D’ailleurs, en confrontant nos expériences de stages avec celles réalisées en classes ordinaires lors de notre formation initiale Licence mention enseignement (LME), il nous a semblé que les difficultés rencontrées avec les familles sont plus importantes et nombreuses en contexte spécialisé qu’en ordinaire.

Compte tenu de ces paramètres, nous souhaitons par cette recherche illustrer le climat collaboratif actuel entre enseignants et parents, dans le contexte spécialisé. Nous nous focaliserons précisément sur les regroupements spécialisés genevois car nous remarquons que de nombreuses recherches à ce sujet ont davantage été menées au sein d’institutions spécialisées ou de centres médico-pédagogiques (CMP). De plus, selon nous, en tant que futures enseignantes spécialisées, il est déterminant d’être sensibilisées à la relation Famille-École pour éviter certains écueils à cette collaboration.

Ainsi, notre recherche se centre sur la collaboration entre enseignants spécialisés et parents afin d’impliquer ces derniers dans la scolarité de leur enfant à besoins éducatifs particuliers, plus spécifiquement dans les devoirs à domicile. Pour ce faire, nous partirons des perceptions mêmes des enseignants et des parents, les poussant à s’exprimer sur leurs attentes réciproques, par le biais d’entretiens de recherche de type semi-directif. Il s’agira du premier volet de la recherche.

L’observation d’une séance de devoirs en contexte familial permettra de porter un regard plus fin sur la correspondance entre le type d’intervention d’un parent auprès de son enfant et les attentes d’un enseignant spécialisé à ce sujet. Des entretiens a priori et a posteriori viendront alimenter cette analyse. Cela constituera, dès lors, le second volet de la recherche. Le choix de mener notre recherche au sein de regroupements de classes spécialisées se justifie également par le fait que, dans ce contexte, les devoirs y sont fréquents, contrairement à d’autres types de structures de l’enseignement spécialisé, comme les Centres médico-pédagogiques (CMP).

(12)

2. « ENJEUX » TERMINOLOGIQUES

Face au pouvoir croissant que les parents ont obtenu sur l’école au fil du temps et à leurs attentes envers celle-ci - qu’ils affirment désormais avec de plus en plus de vigueur - l’école leur a peu à peu ouvert ses portes avec, comme nouvelle perspective, l’idée de les impliquer activement au sein de l’établissement et de la vie scolaire. Une confusion règne pourtant quant à ce terme très répandu dans le domaine de la collaboration Famille-École. Impliquer quelqu’un signifie « attribuer à quelqu’un une part de responsabilité dans une affaire fâcheuse » (Dictionnaires de français Larousse, source Internet). Or, nous l’avons bien compris, dans le jargon scolaire, le terme impliquer n’a en aucun cas une telle signification. Il s’agirait davantage, en transposant cette définition au sens souhaité : attribuer (aux parents) des responsabilités. Le sens en est alors fondamentalement changé.

Le terme responsabilités – généralement au pluriel - représente ici une position par laquelle les parents disposent de pouvoirs de décision.

Il est intéressant de constater la connotation négative du mot impliquer par lequel on attribue une faute à quelqu’un. Est-ce une utilisation malheureuse de ce terme dans le jargon scolaire ou le reflet d’une collaboration délicate et tumultueuse, souvent prise dans des conflits et des accusations réciproques ?

Cette confusion terminologique traduirait-elle précisément la confusion installée entre parents et enseignants, en raison de la suppression progressive de la division nette des responsabilités relatives à l’éducation (incombant initialement aux parents) et à l’instruction de l’enfant (octroyée culturellement à l’école) ? La difficulté actuelle à aboutir à une division consensuelle des tâches a eu pour conséquence l’installation, selon Dubet (1997), d’un « malentendu » entre parents et enseignants.

En revenant au sens commun du mot impliquer, tel qu’il est utilisé en milieu scolaire, attribuer une position qui donne aux parents des pouvoirs de décision impliquerait – le sens de ce terme prend ici une nouvelle tournure – le développement de pratiques de partenariat. En ce sens, il s’agit pour l’enseignant de reconnaître les parents comme compétents et « professionnels » de leur enfant, et de leur donner ainsi le droit de prendre part, proposer, négocier avec lui les décisions qui ont trait à la scolarité de l’enfant. Ce serait alors à l’école de « faire le pas » auprès des parents pour leur donner cette place et leur permettre de s’impliquer dans la scolarité de leur enfant. Le verbe pronominal s’impliquer reflète l’engagement réel des acteurs puisqu’il signifie « mettre beaucoup de soi-même dans ce que l’on fait » (Dictionnaires de français Larousse, source Internet). Nous pensons qu’il serait réducteur d’attendre uniquement des parents qu’ils s’impliquent, l’enseignant devant également s’impliquer à favoriser leur implication…

Dès lors, afin de constater comment l’implication des parents dans le suivi scolaire de l’enfant est souhaitée, pensée, imposée, voire négociée entre parents et enseignants spécialisés, nous nous attacherons à analyser leurs attentes réciproques et les dispositifs mis en place pour éventuellement favoriser le partenariat entre les acteurs concernés et, de ce fait, l’implication des parents.

(13)

III. PRÉSENTATION DE LA RECHERCHE

Dans ce chapitre, nous exposerons tout d’abord, dans le détail, nos intérêts particuliers à partir desquels nous avons choisi de mener la présente recherche. Puis, nous procéderons à la justification de l’intérêt de cette recherche pour le lecteur. Enfin, nous décrirons la structure de ce travail afin de présenter un fil rouge à ce dernier.

1. JUSTIFICATION DE LA THÉMATIQUE DE LA RECHERCHE EN FONCTION DU CONTEXTE SCOLAIRE SPÉCIALISÉ

D’une manière générale, notre recherche se fonde sur la collaboration Famille-École et l’implication des parents dans la scolarité de leur enfant. Si nous nous intéressons à ces thématiques au travers des attentes des enseignants spécialisés et parents d’élèves à ce sujet, c’est parce que de nombreuses recherches, dont celles de Kalubi et al. (2009) et de Claes et Comeau (1996), prônent l’effet positif d’une bonne collaboration et de l’implication des parents dans la scolarité de leur enfant sur la progression de ce dernier et sa réussite scolaire.

Pourquoi cette problématique prend-elle tout son sens dans le contexte scolaire de la classe spécialisée et suscite chez nous un intérêt plus profond que pour le contexte de l’ordinaire ? La collaboration Famille-École dans le contexte scolaire spécialisé est réellement déterminante et dépend de facteurs particuliers à ce contexte, comme nous allons l’expliquer ci-après.

Tout d’abord, pouvons-nous affirmer que les relations Famille-École sont plus problématiques et compliquées dans le contexte de l’enseignement spécialisé que dans l’enseignement ordinaire ? À l’école, il est reconnu que « plus l’enfant rencontre des problèmes dans sa scolarité, plus les rendez- vous deviennent prioritaires comme forme de contact [et se focalisent sur ces problèmes], plus les entretiens informels diminuent, plus les parents ont une appréciation négative des contacts » (Montandon, 1991, p. 121). En classe spécialisée, les élèves rencontrent souvent des difficultés au niveau des apprentissages et au niveau comportemental. Dès lors, pouvons-nous affirmer que les relations parents-enseignants seraient plus complexes qu’en ordinaire, en raison d’une perception plus négative des contacts de la part des parents ?

Lorsque leur enfant est orienté en classe spécialisée, les parents sont déçus de cette décision, bien souvent vécue comme un choc par la famille qui doit effectuer le deuil « d’une scolarité normale ». Ainsi, il est déterminant que les enseignants spécialisés leur redonnent confiance en l’Institution en apportant un soin particulier aux relations. Afin que la transition se déroule au mieux, la famille doit se sentir particulièrement écoutée et en confiance avec les professionnels. La relation entre enseignants spécialisés et familles est donc très importante afin de leur redonner espoir et leur apporter un soutien pour qu’elles renouent avec l’école.

Par ailleurs, tout en prenant garde à ne pas faire de généralisation trop hâtive, il semblerait que les élèves scolarisés en contexte d’enseignement spécialisé évoluent bien souvent dans un contexte familial plus problématique que les élèves de l’ordinaire. Les relations enseignants-parents sont-elles mises à mal pour autant ? Sans aller jusque-là, nous avons pu relever, lors de nos expériences professionnelles, que les parents sont souvent moins disponibles quant au suivi de la scolarité de leur enfant car ils sont eux-mêmes confrontés à d’autres problèmes vitaux prioritaires.

(14)

D’ailleurs, les enseignants spécialisés sont souvent plus informés du contexte et des problèmes familiaux que les enseignants de classe ordinaire, grâce à l’étroite collaboration avec l’équipe multiprofessionnelle, dont les responsables thérapeutiques. Ces connaissances sont d’ailleurs déterminantes pour un bon suivi de l’élève et pour répondre au mieux à ses besoins didactiques, pédagogiques et éducatifs particuliers.

De plus, les élèves orientés en classe spécialisée rencontrent des difficultés spécifiques, souvent diagnostiquées et, afin de répondre au mieux à leurs besoins particuliers, il est déterminant que parents et enseignants – ayant des compétences complémentaires – s’allient et collaborent dans un objectif commun : la progression de l’enfant-élève. D’ailleurs, divers dispositifs de prise en charge se forment autour de l’enfant afin de pallier ses difficultés ; de nombreux professionnels collaborent en réseau, et afin qu’il y ait une continuité, ceux-ci doivent communiquer et collaborer également avec la famille (Besson, 1994; Dumoulin & Dumont, 2006; Dumont, 2006). Ne pouvons- nous pas affirmer que le parent reste la personne experte de son enfant ? Afin de profiter de toutes les informations nécessaires, l’enseignant spécialisé doit donc instaurer une bonne relation de collaboration avec les familles.

Ainsi, en contexte spécialisé, non seulement la collaboration Famille-École paraît plus complexe et délicate qu’en ordinaire, mais elle est surtout beaucoup plus déterminante puisqu’un réel travail de partenariat doit être mis en œuvre pour répondre aux besoins spécifiques des enfants-élèves.

2. VISÉES DE LA RECHERCHE

Notre travail a pour utilité de provoquer la rencontre de deux milieux, l’École et la Famille, liés par l’enfant qui est, en quelque sorte, l’élément « connecteur » des deux systèmes.

Nous espérons que cette recherche permettra aux enseignants spécialisés de cerner davantage les attentes générales des parents d’élèves puisqu’elles ne sont pas toujours connues de ces derniers. Ce mémoire vise à démontrer l’importance de la collaboration qui doit s’installer entre parents et enseignants, dans l’intérêt de l’enfant. Pour cela, la connaissance des attentes de chaque partie est primordiale. Travailler dans un but commun nécessite en effet la prise en compte du point de vue de chaque acteur concerné, y compris celui de l’enfant. Dès lors, la description et l’analyse des attentes des parents, ainsi que de l’interaction entre un parent et son enfant en situation de devoirs, visent à rendre les enseignants spécialisés attentifs à certains enjeux qui se jouent dans la relation Famille-École.

Nous espérons également que ce mémoire attirera l’attention des parents, d’une part, sur l’importance de leur implication auprès de leur enfant, pour favoriser sa progression et contribuer à sa réussite scolaire, d’autre part, sur la nécessité de créer dans ce but des liens étroits et une collaboration réelle avec l’enseignant de celui-ci.

Aux chercheurs, nous souhaitons apporter notre contribution à leurs recherches ayant trait à l’implication parentale dans le travail scolaire de l’enfant (notamment au travers des devoirs à domicile) et aux attentes réciproques parents-enseignants, en présentant un point de vue nouveau, puisque nous nous sommes penchées sur le contexte de l’enseignement spécialisé, plus précisément des classes spécialisées.

(15)

Enfin, ce travail a pour but de contribuer à l’amélioration de la nature de la collaboration et des relations Famille-École, grâce à une meilleure compréhension des attentes réciproques des acteurs concernés. Dès lors, nous espérons que certains enseignants spécialisés auront envie de « se risquer » à mettre en place un réel partenariat, donnant ainsi aux parents une place déterminante dans les choix, décisions et projets scolaires construits autour de l’enfant.

3. ORGANISATION DU MÉMOIRE

Compte tenu de nos questionnements, cette étude se déclinera en deux volets : la première, centrée sur les propos d’enseignants spécialisés et de parents d’élèves, visant à recueillir leurs attentes réciproques, principalement quant à l’implication du parent dans la scolarité de l’enfant ; la seconde, ciblée sur l’observation de l’intervention d’un parent au cours du travail à domicile de son enfant, resserrant ainsi la recherche sur la thématique de l’implication des parents dans les devoirs.

Le second volet s’inscrit en complément du premier puisqu’il vient « alimenter », par l’observation filmée, les entretiens réalisés dans le cadre du premier volet. Pour ces raisons, la présentation théorique et l’analyse relatives au second volet seront d’une ampleur moins importante que celles se rapportant au premier volet. Tous les chapitres traiteront de ces deux volets de la recherche.

Ainsi, le présent mémoire fait état d’un cadrage théorique (Chapitre IV.), divisé en deux parties. La première partie est davantage centrée sur les relations Famille-École, les attentes réciproques parents-enseignants, la collaboration et les différentes formes d’implication possibles des parents dans la scolarité de leur enfant. Cette partie est donc davantage en lien avec le premier volet de la recherche. Quant à la seconde partie, elle s’appuiera sur des recherches ayant mis en avant les représentations générales assignées aux travaux à domicile et leur lien avec la thématique de l’implication des parents dans ces travaux, de même que sur d’autres recherches, dont certaines menées en didactique, qui ont eu pour objet d’étude spécifique l’intervention du parent dans ce cadre précis. Cette dernière partie, relative à la nature de l’intervention du parent en situation de devoirs, concerne davantage le second volet de la recherche.

Nous présenterons ensuite la problématique et nos questions de recherche (Chapitre V.).

La partie « Méthodologie » (Chapitre VI.) permettra de mieux saisir les modalités de la recherche au niveau de la collection, de l’archivage ainsi que du traitement des données des deux volets de la recherche. Nous ferons également état des facteurs ayant pu avoir des incidences sur nos résultats de recherche.

Les résultats d’analyse seront présentés au Chapitre VII. Le premier volet de ce chapitre se rapportera uniquement aux discours tenus par les enseignants spécialisés et les parents d’élèves au sujet de la collaboration qu’ils entretiennent ainsi que de l’implication des parents dans la scolarité de l’enfant, de manière générale, et dans les travaux à domicile, plus précisément. Pour ce faire, nous chercherons à connaître leurs attentes et à évaluer le degré de collaboration présent. Nous présenterons tout d’abord les attentes des enseignants spécialisés, d’une part, et des parents d’élèves, d’autre part. Puis, nous entreprendrons également une confrontation de ces attentes réciproques en traitant chaque «couple» enseignant spécialisé – parent d’élève, de sorte à bien voir dans quelle mesure leurs attentes correspondent entre elles et s’imbriquent pour poursuivre un but commun.

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L’analyse se rapportant au second volet de la recherche se focalise plus spécifiquement sur les objets d’enseignement/apprentissage traités dans le cadre de devoirs à domicile. Nous nous appuierons, pour ce faire, sur une observation filmée, réalisée en contexte familial, lors d’une situation de devoirs. Cette analyse didactique visera à mettre en évidence la nature du contrat

« didactique » familial (cf. Chapitre IV. Cadre théorique, point 2.3.1) et ses liens étroits avec le contrat didactique scolaire. De plus, elle fera apparaître les différentes positions occupées par le parent dans le cadre de son intervention. C’est à partir de cette analyse que nous serons en mesure de constater comment le parent identifie et répond aux besoins pédagogiques et didactiques de son enfant et si son intervention correspond aux attentes de l’enseignant, révélées au cours des entretiens. Nous relèverons, dès lors, des événements significatifs (cf. Chapitre VI. Méthodologie, point 3.2.1), issus de l’observation filmée, sur lesquels nous nous appuierons pour mener notre analyse.

Le Chapitre VIII fera état de la discussion des résultats, par l’élaboration d’une synthèse des résultats significatifs relativement à nos questions de recherche. Ainsi, nous établirons un pont entre les données du premier volet de la recherche – en l’occurrence, les informations récoltées lors des entretiens auprès des enseignants et des parents concernés – et l’observation filmée du second volet.

Enfin, la conclusion de ce travail (Chapitre IX.) clora ce mémoire et ouvrira d’éventuels horizons à de futures recherches.

Les documents construits à partir des entretiens et de l’observation filmée ainsi que les traces recueillies – transcriptions des divers entretiens menés, feuilles de devoirs et productions annexes en lien avec les devoirs – sont répertoriés dans un dossier séparé, ci-joint. Nous avons choisi cette organisation dans le but de faciliter la consultation des annexes parallèlement à la lecture du travail de recherche.

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IV. CADRAGE THÉORIQUE

La période de lecture et d’exploration de travaux scientifiques permet un tour d’horizon des principaux concepts théoriques se rapportant à la problématique de notre recherche. Mongeau (2008) précise que « pour élaborer son cadre théorique, on inventorie les notions, les concepts, les théories et les modèles d’explication qui ont déjà été proposés par d’autres » (p. 65). Les

« nouveaux » chercheurs prennent alors conscience de certains résultats et de certaines contradictions qu’ils tenteront d’éclairer par leur recherche.

Ainsi, ce chapitre présentera certains apports et concepts théoriques indispensables, issus de la littérature. Nous évoquerons, dès lors, les concepts-clés de notre recherche, relatifs à la collaboration entre enseignants spécialisés et parents, de même qu’à l’implication des parents dans la scolarité de leur enfant et dans le suivi des devoirs.

Dans la première partie de ce cadrage (point 1.), intitulée « Implication parentale dans la scolarité de l’enfant », nous approcherons tout d’abord la thématique de la Relation Famille-École en général (point 1.1), en traitant de la complexité de cette relation et des aspects à prendre en compte pour la favoriser (point 1.1.1). Les attentes réciproques entre enseignants et parents d’élèves, déterminantes dans la relation Famille-École, seront exposées au point 1.1.2. Puis, nous présenterons les enjeux de la collaboration entre ces acteurs (point 1.2), en spécifiant les différentes formes d’implication parentale dans la scolarité de leur enfant (point 1.2.1). De plus, nous expliciterons les ingrédients nécessaires pour favoriser cette collaboration. Enfin, cette première partie du cadrage s’achèvera par un développement théorique relatif au partenariat (point 1.2.2), bénéfique pour l’élève et sa progression, puis nous dévoilerons quelques pistes et dispositifs le favorisant.

Dans la seconde partie de ce cadrage, nous nous attarderons sur une dimension plus précise de l’implication de la famille dans le travail scolaire de l’enfant, à savoir l’« Implication parentale dans les devoirs à domicile » (point 2.). Dans l’introduction de cette seconde partie, seront brièvement présentés les principes essentiels avancés par les directives officielles de la Direction de l’enseignement primaire (DEP) au sujet des devoirs à domicile (point 2.1), en situant tout d’abord brièvement l’enseignement spécialisé dans le contexte social genevois (point 2.1.1). Puis, nous ferons état de l’évolution des conceptions liées aux devoirs à domicile, au fil du temps (point 2.1.2). Nous expliciterons ensuite les objectifs attribués idéologiquement aux devoirs et leur impact sur l’implication du parent auprès de son enfant (point 2.2). Par ailleurs, nous traiterons plus spécifiquement de la place du parent dans l’aide aux devoirs, d’un point de vue didactique (point 2.3). Dans ce but, il s’agira de définir ce qui se joue dans l’interaction entre le parent et l’enfant aux prises avec un objet de savoir (points 2.3.1 et 2.3.2). Enfin, dans le dernier point de ce cadrage (point 2.4), seront développés les divers modes familiaux d’encadrement de la production des devoirs (Kakpo, 2012). Les points 2.3 et 2.4 sont directement en lien avec l’analyse didactique réalisée dans le cadre du second volet de notre recherche portant sur l’intervention d’un parent auprès de son enfant, en situation de devoirs. Ce second volet comporte en effet une analyse qui permettra de révéler la nature du contrat « didactique » familial et, plus précisément, les différents topos adoptés par le parent en situation de devoirs. Cette analyse apportera des réponses quant au degré d’adéquation de l’intervention du parent en fonction des attentes de l’enseignant de l’enfant.

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La première partie de ce cadrage est bien plus approfondie que la seconde car elle présente des notions qui sont fondamentales dans le cadre de la majorité de nos questions de recherche. Dès lors, nous avons fait le choix de les développer de manière détaillée. Cette première partie, de même qu’une partie de la seconde, sont directement rattachées au premier volet de la recherche. Celui-ci a un poids plus important dans notre travail que le second volet. En effet, ce second volet se centre essentiellement sur une observation filmée, faisant état des interactions parent-enfant-objet de savoir, lors d’une situation de devoirs, et sert ainsi à « alimenter » le premier volet, en guise de complément aux propos recueillis au travers des entretiens qui sont les données principales de cette recherche.

Avant d’introduire cette revue de littérature, il nous paraît indispensable d’énoncer une dernière précision. En effet, il est possible de relever des différences concernant la relation Famille- École entre l’enseignement ordinaire et l’enseignement spécialisé. Ces différences s’actualisent et se construisent différemment selon les situations, soit selon les caractéristiques des élèves et les contextes proposés pour répondre à leurs besoins.

Or, nous tenons à préciser que, pour ce cadrage théorique, nous avons fait référence à des auteurs qui ont mené des réflexions ou réalisé des recherches sur la relation familles-professionnels, tant dans les contextes de l’enseignement régulier que de l’enseignement spécialisé, mais également dans le contexte de l’éducation spécialisée lorsque nous parlons de l’annonce d’une déficience aux parents (voir pour cela les écrits de Pelchat & Lefebvre, 2003). Les recherches touchent donc aussi bien le contexte éducatif, pédagogique que thérapeutique (voir, par exemple, les écrits de King, King & Rosenbaum, 2004). Il faut préciser que ces trois contextes font souvent partie du quotidien des élèves à besoins éducatifs particuliers.

Nous avons fait le choix de nous appuyer sur ces nombreuses sources afin de disposer d’une riche vue d’ensemble des concepts développés autour de cette thématique. Cependant, nous avons tout de même essayé de nous centrer plus particulièrement sur les études relatives au domaine du spécialisé, en nous focalisant sur les concepts principaux développés par la majorité de ces auteurs.

Par exemple, nous verrons plus loin les termes d’appropriation et d’autodétermination, de même que le concept de partenariat, essentiels à une bonne collaboration tant dans le contexte de pédagogie spécialisée que médical. Un tri minutieux des concepts pertinents pour notre recherche et issus d’une littérature variée a donc été effectué.

1. 1

re

PARTIE : IMPLICATION PARENTALE DANS LA SCOLARITÉ DE L’ENFANT 1.1 Relation Famille-École

Depuis quelques années, nous assistons à une évolution indéniable des relations entre familles et enseignants. Dans un passé encore récent, les familles n’avaient aucun moyen d’exprimer et de faire entendre leur avis puisque l’enseignant jouissait d’un statut de quasi-infaillibilité (Charlot &

Rochex, 1996). Dans le domaine du spécialisé, jusqu’en 1970, les parents pouvaient être considérés comme inadaptés, voire à l’origine des difficultés ou troubles de l’enfant (Chatelanat, 2003).

Désormais, le mot d’ordre est de travailler à l’unisson avec les parents. D’ailleurs, des recherches démontrent que les parents doivent être considérés comme « les premiers responsables de l’éducation de l’enfant et de son évolution » (Chatelanat, 2003, p. 174). D’autres auteurs sont du

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même avis (Bailey, Palsha & Simeonsson, 1991 ; Seligman & Darling, 1997). Ainsi, la vision d’une famille pathologique s’est lentement estompée. Un dialogue s’instaure à présent et l’accent est mis sur l’importance des interactions et de la coopération entre les familles et l’école. Dorénavant, les enseignants n’ont pas pour seul rôle de mener une intervention éducative et pédagogique centrée sur l’enfant mais celui de soutenir également des compétences parentales. Dans ce sens, « les parents sont vus comme des sources d’informations incontournables pour mieux comprendre les besoins spéciaux des enfants » (Chatelanat, 2003, p. 174).

Les relations familles-enseignants sont multiples et diversifiées, et il est impossible de résumer et généraliser cette diversité des rapports entre enseignants et parents d’élèves. Cependant, le sens commun a souvent tendance à relever une relation conflictuelle accentuée entre enseignants et parents d’élèves. Il n’est d’ailleurs pas rare de lire sur les manchettes de journaux : « Les parents, le pire cauchemar des profs ! » (L’Hebdo, 2013). Sans tomber dans ces extrêmes, de nombreuses recherches (dont celles de Bonnefond & Rasson, 2011 ; Bouchard & Kalubi, 2003 ; Claes & Comeau, 1996 ; Kalubi et al., 2009 ; Rosenbaum, King & Cadman, 1992) démontrent que les relations parents- enseignants sont indéniablement complexes. Dès lors, comment expliquer cette complexité ?

1.1.1 Famille-École : une relation complexe

Les relations familles-enseignants prennent de plus en plus d’ampleur dans le suivi de la scolarité d’un élève et peuvent se qualifier de complexes. Effectivement, « la relation de confiance est fragile et en construction permanente » (Kalubi et al., 2009, p. 47). Comment expliquer ce phénomène ?

Rencontre de deux systèmes psychosociaux

Tout d’abord, il est important de prendre en compte le modèle écosystémique de Bronfenbrenner (1986), évoqué par de nombreuses recherches, traitant de la relation Famille-École (par exemple, Beckmann, 2003 ; Chatelanat, Panchaud Mingrone & Niggl Domenjoz, 2003). En effet, cet outil est nécessaire à la mise en place de dispositifs de prise en charge de l’enfant à besoins particuliers et de sa famille car il met en évidence les influences qu’exercent les différents sous- systèmes sociaux sur l’enfant. Ce modèle préconise que le développement d’un enfant soit affecté par un réseau de systèmes s’influençant mutuellement et formant le milieu, soit l’écosystème dans lequel l’enfant va grandir. Celui-ci est composé de quatre systèmes : le microsystème, le mésosystème, l’exosystème et le macrosystème (Beckman, 2003, pp. 89-90). La famille est l’un des microsystèmes dans lequel évolue l’enfant. Sa famille et lui agissent et réagissent toujours en fonction d’autres sous-systèmes plus éloignés mais déterminants (Chatelanat, Panchaud Mingrone &

Niggl Domenjoz, 2003). Notre recherche sur la relation entre les enseignants et la famille se focalisera principalement sur le mésosystème, soit le système concernant les relations entre les différents environnements gravitant autour de l’enfant.

Une multitude d’interactions est possible entre les familles et les enseignants. Lors de la collaboration, il s’agit avant tout de deux individus, donc deux systèmes psychosociaux qui se rencontrent. Il s’agit d’une rencontre « où chacun des acteurs n’est pas un individu isolé, mais agit comme représentant de ses relations sociales, ses valeurs et les normes qui lui sont propres » (Suissa, 2003, p. 61). Dans cette rencontre, il y a alors, d’un côté, l’enseignant avec son statut propre

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(social, économique, culturel), mais aussi sa personnalité, ses valeurs et ses normes. Son mandat institutionnel est aussi à prendre en compte. Et, de l’autre côté, se trouvent les familles avec leurs propres dynamiques internes sociales. Ainsi, une différence de perception peut émerger entre les différents acteurs et être considérée par ces derniers comme un obstacle. Kalubi et al. (2009) considèrent, en se référant aux travaux de Rosenbaum, King et Cadman (1992), que « des divergences entre les acteurs pourraient compliquer considérablement les dynamiques relationnelles, rendant la collaboration et le sentiment de confiance difficiles à atteindre » (pp. 44- 45). Dès lors, il est indéniable que des décalages soient engendrés par des différences de perception, en raison des attentes implicites ou explicites spécifiques de chacun. Ainsi, des difficultés de communication et des malentendus peuvent survenir lors des rencontres enseignants-parents. De plus, selon Kalubi et al. (2009), « les caractéristiques, les attitudes et les perceptions de […] chacun […] créent un contexte où règne beaucoup de confusion » (p. 64). Au lieu de se regrouper et trouver des solutions, ce phénomène inciterait plutôt à trouver un bouc-émissaire (Claes & Comeau, 1996).

Effectivement, Joseph (2011) confirme ce point et évoque une autre conséquence : « le regard des uns croise le regard des autres sans pour autant se reconnaître et s’apprivoiser. […] N’ayant pas les mêmes “lunettes” pour appréhender le monde scolaire, ils fuient la rencontre ou, dans le pire des cas, ils entrent en confrontation » (p. 36).

Cependant, sous certaines conditions, ces différentes visions du monde, de par le vécu de chaque acteur, peuvent être considérées comme enrichissantes au sein de la relation enseignant- parents. Suissa (2003) évoque l’« auto-référence » (p. 61), soit l’histoire personnelle de l’intervenant comme un outil important pour travailler avec les familles. Cependant, il précise que les connaissances, valeurs et préférences ne sont pas objectives dans la relation parents-enseignant.

Chaque acteur de la relation doit en être conscient afin qu’un climat de confiance et d’entente s’instaure.

Ainsi, la collaboration, soit la relation entre enseignants et parents d’élèves, est considérée comme avantageuse. Cependant, l’imprévisibilité, l’insécurité, la méconnaissance des valeurs et des attentes de chacun représentent des facteurs peu contrôlables, sur lesquels la collaboration repose. Les interventions de chacun ne peuvent être neutres et totalement objectives car chaque individu possède ses propres perceptions. La relation parents-enseignants se voit alors complexifiée, voire conflictuelle, lorsqu’elle génère malentendus et incompréhensions.

Préjugés et étiquetages

Dans la même perspective, parents et enseignants – en tant qu’individus – selon leur vécu, leurs expériences, leur éducation, possèdent et émettent des « préjugés » (Bonnefond, 2011). Nous tenons à préciser que le terme « préjugé » se rapproche plus précisément du terme

« interprétation », dénué de toute connotation négative. Un préjugé se définit comme un « jugement sur quelqu'un, quelque chose, qui est formé à l'avance selon certains critères personnels et qui oriente en bien ou en mal les dispositions d'esprit à l'égard de cette personne, de cette chose » (Larousse, 2010). Ainsi, ces interprétations contribuent à la complexité des relations entre enseignants et parents d’élèves. Effectivement, de nombreuses recherches (Chatton & Nguyen, 2000 ; Joseph, 2011 ; Kalubi & Bouchard, 2003 ; Kalubi et al., 2009 ; Perrenoud, 2006 ; Suissa, 2003) démontrent que les préjugés et «l’étiquetage» sont des écueils à éviter afin de favoriser une bonne collaboration entre les enseignants et les familles.

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Les acteurs du milieu scolaire ont des attitudes, des façons de faire, des valeurs qui peuvent nuire à la collaboration avec la famille. Pourquoi ?

Kalubi et al. (2009) relèvent les représentations négatives du rôle parental que certains enseignants possèdent, amenant à une stigmatisation des comportements négatifs des familles.

Ainsi, « s’ensuivent des généralisations quant au manque d’intérêt des parents pour l’éducation de leurs enfants, à “l’abdication“ des familles et à la délégation massive des responsabilités éducatives vers les enseignants » (Ibid., p. 60). De plus, les enseignants ont tendance à accuser les familles, à généraliser et étiqueter trop rapidement, ce qui nuit indéniablement aux relations familles- enseignants. En se référant aux travaux de Montandon (1996), Kalubi et al. (2009) relèvent à ce propos : « certains enseignants possèdent des représentations négatives du rôle parental : ils perçoivent l’ingérence des parents dans la classe comme une menace et ne reconnaissent pas toujours que la participation des parents est requise à l’école » (p. 60).

Par ailleurs, l’école a souvent tendance à accuser les familles et leur attribuer la cause de l’échec scolaire en se basant sur des préjugés multiples, notamment le handicap socioculturel et les nombreuses stigmatisations qui en découlent. Bonnefond (2011) écrit, en se référant à Le Breton (1998), que « c’est à partir de leurs carences ou de leur distance (sociale, linguistique et culturelle) avec l’école que les familles sont appréciées » (p. 48). D’ailleurs, un contraste puissant entre l’image du « Bon Parent » décrite par les enseignants et la réalité des familles populaires est relevable : « les parents réels [de milieu populaire] sont les négatifs du portrait du Parent rêvé par les enseignants. Ils ne font rien de ce que l’École attend d’eux, ou s’ils le font, ils le font mal ! » (Joseph, 2011, p. 40).

Ainsi, ce regard négatif, basé sur des préjugés que peuvent porter les enseignants sur certaines familles, a tendance à nuire et à compliquer la relation Famille-École.

D’ailleurs, la recherche menée par Kakpo (2012) démontre qu’il n’y a pas plus de démission chez les familles populaires. C’est un mythe ! En effet, l’école prend une importance de plus en plus considérable aux yeux des parents, depuis ces dernières décennies, puisque les besoins sociaux de formation évoluent et que le marché du travail se dégrade. Ainsi, un nouveau type de rapport à l’école émerge chez les familles populaires et le phénomène de différence de préoccupations et d’implication scolaire selon l’appartenance sociale s’atténue. Les familles populaires « ont […] pris fondamentalement conscience qu’elles étaient en capacité de peser sur leur destin scolaire et adoptent à cette fin des comportements qui relèvent d’un mode d’action stratégique » (Ibid., p. 183).

Malgré tout, les préjugés sociaux persistent et sont souvent associés à la déviance des personnes selon leur statut socioéconomique et culturel, soit les familles monoparentales ou reconstituées, les assistés sociaux, les immigrants, les groupes sociaux minoritaires (Suissa, 2003).

Ainsi, il est déterminant d’être tolérant et de respecter les choix et le mode de vie de chacun, qu’il soit enseignant ou parent. Par exemple, Suissa évoque l’importance, de nos jours, pour les enseignants, de se libérer des normes de la famille nucléaire traditionnelle : accepter la constitution, le mode de vie des familles contemporaines, modernes devrait aider les intervenants à mieux accompagner certaines familles.

Évidemment, ce phénomène psychosocial se retrouve également du côté des parents : en tant qu’individus à part entière, ils procèdent eux aussi à des jugements de valeur. L’attitude des parents face à l’école a donc aussi son influence suivant les préjugés qu’ils possèdent envers l’Institution scolaire et les enseignants. Ces préjugés proviennent bien souvent de leur propre expérience en tant

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qu’élève et des expériences vécues au préalable avec d’autres enseignants de leur enfant. Chaque parent aura donc un rapport personnel et unique à l’école. Ainsi, l’enseignant doit garder en tête que ce qui est perçu par les parents au cours de la relation actuelle est influencé par leurs expériences antérieures (Beckman, 2003 ; Joyeux, 2010).

Bien sûr, ces préjugés mutuels auront des retombées indéniables sur la relation parents- enseignants et sur les diverses interventions.

D’ailleurs, de nombreuses recherches démontrent que le regard des enseignants a une influence déterminante sur l’implication des parents (Kalubi et al., 2009 ; Pelchat & Lefebvre, 2003 ; Suissa, 2003). Ainsi, pouvons-nous parler d’un « Effet Pygmalion » (Rosenthal & Jacobson, 1968) pour les parents ? Il est reconnu que les attentes, les préjugés que l’on possède au sujet d’une personne auront des retombées sur sa manière d’agir, sa réussite et sa progression. Ainsi, si l’on transpose cette théorie à notre problématique, une « faible » implication des parents pourrait-elle en partie s’expliquer par les a priori moins positifs de l’enseignant envers eux ? À l’inverse, en considérant les parents comme « compétents », cela ne permettrait-il pas une meilleure implication de leur part dans leur relation avec l’enseignant et dans le suivi de la scolarité de leur enfant ? Dans cette optique, il est important que les enseignants considèrent les parents de manière positive, afin de les inciter à prendre part à la scolarité de leur enfant. De plus, il apparaîtrait que « la conception qu’ont les intervenants des familles influence étroitement les gestes qui seront posés dans le processus d’intervention » (Suissa, 2003, p. 62) puisque la perception que l’on a d’un individu oriente la définition de ses besoins et détermine les services. Ainsi, la perception et l’interprétation orientent l’action. En se basant sur les travaux de Goulding (1978), Suissa (2003) affirme : « le pouvoir réel est dans le patient et le défi en intervention réside dans notre capacité de le mettre en valeur sans

“tomber” dans le piège de l’étiquetage » (p. 71).

Du côté des parents, s’ils possèdent des préjugés trop importants envers l’Institution scolaire, il leur sera difficile de s’impliquer et de créer une relation basée sur une confiance mutuelle.

En résumé, des préjugés réciproques et inévitables surviennent lors de la relation enseignants-familles et la complexifient. Ils représentent des écueils à éviter afin de favoriser une bonne relation. En effet, il y a souvent divergence dans les relations Famille-École en raison d’une certaine incompréhension de la part de chacune des deux parties, souvent nourrie par des préjugés (Chatton & Nguyen, 2000). Une ouverture mutuelle est nécessaire et importante afin d’établir une relation de confiance et éviter des situations de confrontation. Sinon, une compétition risque de s’instaurer progressivement entre les deux pôles pour cause de jugements mutuels (Bouchard &

Kalubi, 2003).

Jugements mutuels et craintes associées

Lors des rencontres entre enseignants et parents, les jugements mutuels sont inévitables et provoquent des réactions peu bénéfiques à une bonne collaboration. Bien souvent, les acteurs s’accusent mutuellement, complexifiant ainsi les relations. Les parents accusent l’école et l’école accuse les parents.

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Les enseignants sont souvent la cible des jugements des parents. Lors de leur recherche de mémoire, Chatton et Nguyen (2000) relèvent que :

Ce sont eux qui sont confrontés à l’agressivité, à la critique des programmes, aux propos sévères ou ironiques sur l’inanité des réformes, aux protestations devant les exigences, aux comparaisons injustes entre établissements ou entre enseignants, aux manœuvres de petits groupes pour obtenir gain de cause contre toute justice. On peut donc comprendre que le dialogue avec les parents ne soit pas vécu avec bonheur par tous les enseignants. Certains craignent ou n’y croient plus, blessés par des procédés sournois et des paroles malheureuses. (p. 12)

En plus d’être souvent jugés et critiqués, plusieurs recherches (Chatton & Nguyen, 2000 ; Lambert, 2003 ; Perrenoud, 1995) démontrent que les enseignants sont souvent perçus par les parents comme des personnes infaillibles, n’ayant le droit ni à des doutes, ni à des hésitations. Un enseignant est censé savoir ce qu’il fait, il a le devoir de la maîtrise parfaite. En terme d’erreurs, la tolérance zéro lui est accordée. À ce propos, Kalubi et al. (2009) soulignent que « certains parents ont beaucoup de mal à comprendre que les intervenants, supposés être en possession du savoir, ne savent pas toujours tout […] » (p. 24). Perrenoud (1995) ajoute : « le métier d’enseignant me paraît victime d’une exigence excessive de maîtrise et de rationalité, de respectabilité » (p. 12). Ainsi, les parents, trop exigeants à l’égard des intervenants, se retrouvent déçus et effectuent alors une résistance à l’égard de ces derniers. Les enseignants, eux, se trouvent sous pression face à ces jugements et sont souvent victimes d’angoisses (Chatton & Nguyen, 2000). Il n’est donc pas étonnant que certains enseignants redoutent les rencontres avec les parents et que leurs relations puissent être compliquées. En effet, certains intervenants se préoccupent beaucoup de la reconnaissance de leurs compétences par les parents. Dès lors, dans le but de se protéger, ils évitent les confrontations et ne s’en tiennent qu’à des propos non compromettants, qui ne risquent pas d’être interprétés de manière négative par les parents. Ainsi, les contacts ne sont pas spontanés mais établis avec beaucoup de retenue pour maintenir une « bonne » collaboration.

Par ailleurs, le jugement des enseignants sur les parents peut être aussi pesant.

Effectivement, le regard de l’autre peut être lourd et inciterait souvent les parents à fuir, voire à se désengager de l’école. Bonnefond et Rasson (2011) mettent en évidence la honte et la peur de certains parents d’être jugés. Par exemple, ils peuvent éprouver de la honte à ne pouvoir aider leur enfant à faire les devoirs car ils n’ont pas fait d’études. Dès lors, la honte d’être considérés comme de mauvais parents peut les envahir. Des parents peu scolarisés ou ayant vécu l’échec scolaire peuvent vivre les rencontres avec les enseignants de manière honteuse ou frustrante. Se sentent-ils alors incompétents et jugés comme incapables d’aider leur enfant dans le travail scolaire ? Cela peut surgir notamment lorsque les parents sont convoqués à l’école uniquement lorsque leur enfant rencontre des difficultés tant au niveau scolaire qu’au niveau comportemental (Sénore, 2010). Ainsi, la fierté et la honte sont des concepts sociaux qui n’existeraient pas sans le regard d’autrui, soit ici l’enseignant.

Se sentant jugés par les enseignants, les parents adoptent une position de repli, d’effacement, d’absentéisme qui cache un coût émotionnel et relationnel. Dès lors, « ils ne se sentent ni compétents ni légitimes pour affronter les professionnels de l’éducation » (Bonnefond & Rasson, 2011, p. 13). Ces jugements indirects de la part des enseignants nuisent à une bonne collaboration.

Pour améliorer les relations enseignants-parents, il faut alors éviter ce jugement mutuel. Mais, comment procéder ? Quelles pistes d’action mettre en œuvre ?

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Plusieurs auteurs (Bouchard & Kalubi, 2003 ; Chatelanat, 2003 ; Suissa, 2003) affirment qu’il ne faut pas hésiter à faire appel aux compétences et expériences de tous les acteurs plutôt que d’émettre des jugements sans lien direct avec la collaboration et la progression de l’élève.

En effet, les expériences des parents sont souvent sous-exploitées, et le « plein pouvoir » des professionnels provoque souvent chez eux un sentiment de culpabilité (Bouchard & Kalubi, 2003).

Ainsi, nos propres étiquettes sociales doivent être déconstruites, de même que les préjugés et les jugements irréfléchis sur le comportement des familles, toujours associés à des difficultés, faiblesses et déviances, et mettre plutôt l’accent sur les compétences (Suissa, 2003).

De son côté, « l’intervenant n’a pas à se sentir inadéquat s’il échoue dans tel ou tel geste, le défi véritable c’est trouver avec les personnes des solutions sans vouloir toujours avoir raison » (Suissa, 2003, p. 71). Plutôt que de se juger mutuellement, parents et enseignants doivent s’allier en vue d’un objectif commun : la progression de l’enfant-élève. Pour cela, il faut s’ouvrir à l’autre et essayer de comprendre en quoi consiste son rôle. Cette reconnaissance mutuelle permettrait une compréhension réciproque et une amélioration de la collaboration.

Ainsi, tant les enseignants que les parents craignent d’être perçus comme incompétents. Le manque de confiance en soi et en l’autre pousse souvent à une position de retrait. Cependant, à long terme, cette crainte enfouie peut déboucher sur l’émergence d’une sorte de compétition entre les deux pôles.

Les relations de confiance entre professionnels et parents constituent un champ de connaissance en perpétuelle restructuration ; ce champ est soumis à une reformulation des perspectives. Il évolue au rythme d’une sorte de compétition où les acteurs craignent d’être perçus comme incompétents. (Bouchard & Kalubi, 2003, p. 113)

Afin de garantir un climat de confiance bénéfique aux relations parents-enseignants, il est important de tenir compte des rôles de chacun, de les considérer comme complémentaires et de ne pas entrer dans un jeu de pouvoir.

Compétition et relation de pouvoir

Les relations parents-enseignants sont souvent empreintes de jugements engendrant un sentiment de compétition et provoquant des jeux de pouvoir. En effet, nous avons vu qu’entre enseignants et parents, la relation de confiance reste fragile et peut être ébranlée à tout moment.

Dans ces conditions, la collaboration suscite des peurs et une culpabilisation réciproques. De plus, lorsque la méfiance règne, il devient difficile pour les parents de considérer les enseignants et, de ce fait, difficile pour ceux-ci d’être alors écoutés (Chatelanat, Panchaud Mingrone & Niggl Domenjoz, 2003). Ainsi, la confiance est déterminante mais ne se crée pas facilement. Selon Bouchard et Kalubi (2003),

une sorte de compétition s’instaure petit à petit entre les parents et les intervenants. Les uns et les autres craignent souvent d’être perçus comme incompétents dans leurs rôles respectifs. Chacun essaie le plus possible d’éviter en même temps de probables situations de confrontation. Dans cette opération, les fonctions des intervenants les placent dans un rôle paradoxal jouant tantôt sur une délégation de pouvoir, tantôt sur la défense de leurs prérogatives. (p. 110)

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