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L’importance d’un cadre politique

Objectifs et public ciblé

QUANTITÉ DE SERVICES NÉCESSAIRE

2. Ressources humaines : politique et modèles de soins

2.1 L’importance d’un cadre politique

Une politique nationale claire est nécessaire pour développer des RH en santé mentale.

Une politique des RH doit définir les valeurs et les objectifs sur lesquels se base le déve-loppement de la main-d’œuvre en santé mentale. Elle doit également fournir un cadre cohérent au sein duquel le pays peut planifier, former et développer ses ressources humaines pour la santé mentale. En outre, elle doit fournir un outil assurant la trans-parence et encourager l’amélioration permanente de la qualité des soins. Un tel cadre politique étant en place, un pays peut alors planifier ses RH de manière systématique. En revanche, en l’absence d’un tel cadre et de la volonté politique de le soutenir, les efforts seront au mieux fragmentés et les plans n’obtiendront pas le soutien politique et financier dont ils ont tant besoin.

La politique de l’OMS sur les ressources humaines pour la santé mentale est clairement formulée (OMS, 2001a) :

Les pays doivent développer une main-d’œuvre capable de fournir des interventions de promotion de la santé mentale, de prévention, de traitement et de réinsertion fon-dées sur des preuves.

Le personnel doit être équipé de manière à pouvoir fournir des services communau-taires intégrés aux soins de santé générale.

Il faut renforcer et améliorer les programmes de formation, aussi bien pour les agents de santé mentale spécialisés que pour les agents de santé générale, et ce à tous les niveaux de services.

Les professionnels de différentes disciplines doivent travailler au sein d’équipes com-munes afin de fournir des soins homogènes pour les multiples besoins des personnes souffrant de troubles mentaux.

Le développement des ressources humaines et la formation doivent aborder le pro-blème de la stigmatisation en santé mentale et faire respecter les droits des person-nes souffrant de troubles mentaux.

Cette orientation politique forme la base de la planification des RH et de la formation. Il convient que les pays adaptent cette politique à leurs propres circonstances et besoins.

Par exemple, certains pays peuvent aborder la politique des RH pour la santé mentale en tant que partie d’une politique des RH plus large pour le système de santé dans son ensemble. D’autres pays peuvent souhaiter aborder les RH en tant que partie de leur politique de santé mentale.

Les étapes essentielles requises pour développer une politique de santé mentale sont exposées dans le module Politiques, plans et programmes de santé mentale, disponible à l’adresse : www.who.int/mental_health/resources/en/Policy_plans.pdf.

De nombreuses questions clés devant être abordées en politique des RH pour la santé mentale sont traitées ci-après.

2.2 Changer les modèles de soins

2.2.1 Les communautés en point de mire et la désinstitutionnalisation

Au cours des 50 dernières années, les soins en santé mentale ont connu des modifica-tions profondes dans de nombreux pays. Une modification essentielle a été la mise en place de soins communautaires. Ceci a essentiellement été rendu possible par des

inno-•

Pour planifier efficacement les RH, il faut poser les bases sous forme d’une politique adéquate.

L’OMS a clairement formulé sa politique sur les RH pour la santé mentale.

Cette orientation politique forme la base de la pla-nification des RH et de la formation.

vations dans le secteur des interventions thérapeutiques, ce qui a permis aux personnes souffrant de troubles mentaux de recevoir des soins rentables au sein des communautés.

En outre, la croissance du mouvement pour les droits de l’homme a attiré l’attention sur des violations graves de droits fondamentaux, y compris violations des droits des per-sonnes souffrant de troubles mentaux dans les « asiles de fous ». La recherche a de plus montré que les asiles ont peu d’effet thérapeutique, et qu’ils exacerbent même parfois les troubles mentaux. Le discrédit dans lequel des considérations humanitaires et cliniques ont fait tomber les asiles de fous a conduit à réduire le nombre de patients chroniques dans les hôpitaux psychiatriques, à dégraisser ou fermer certains hôpitaux, et à dévelop-per des services de santé mentale communautaires pour les remplacer, processus connu sous le nom de désinstitutionnalisation.

Ce passage à des soins communautaires a eu lieu de différentes manières selon les pays. Cependant, on entend souvent dire que dans les pays développés, la fermeture des institutions ne s’est pas accompagnée du développement de services communau-taires appropriés (OMS, 2001a). Dans les pays en développement, les services de santé mentale ont dû se débattre avec les asiles hérités de la période coloniale et fournissant peu de services (OMS, 2003).

Du point de vue des RH, ces modifications ont eu des conséquences importantes. En particulier :

le personnel a dû être réaffecté des milieux hospitaliers aux milieux communautaires ; le personnel a dû développer de nouvelles compétences pour le travail en milieu communautaire ;

le personnel a dû développer de nouvelles compétences de promotion de la guérison et de la rééducation en milieu hospitalier ;

il a fallu développer un plus large éventail d’agents de santé mentale (pour les soins communautaires informels et pour les soins primaires) ;

les modèles de formation correspondants ont nécessité des réformes, conformément aux soins nouveaux, s’appuyant sur des preuves.

2.2.2 Intégration à la santé en général

En rapport avec ces évolutions, l’accent a de plus en plus été mis sur l’intégration des soins de santé mentale aux soins de santé généraux. Dans les pays en développement, qui souffrent d’une pénurie aiguë de professionnels de la santé mentale, la prestation de services de santé mentale dans le cadre des soins de santé généraux est la stratégie la plus viable si l’on veut faciliter aux populations mal desservies l’accès aux services de santé mentale. En outre, les troubles mentaux et les problèmes de santé physiques sont souvent étroitement liés et ont des interactions. Par exemple, les personnes atteintes de troubles mentaux courants comme la dépression et l’anxiété se présentent souvent aux services de soins de santé généraux avec des symptômes somatiques.

Un service intégré encourage le diagnostic précoce et le traitement des troubles mentaux et réduit ainsi les incapacités. Ceci fait aussi reculer la stigmatisation qui frappe ceux qui cherchent de l’aide auprès de services de santé mentale indépendants. D’autres avanta-ges potentiels sont par exemple la possibilité de fournir des soins au sein de la commu-nauté, ou la possibilité d’implication de la communauté dans les soins (OMS, 2003).

Le fait d’intégrer les services a de nombreuses conséquences pour le développement des RH, notamment :

Le personnel de santé en général doit recevoir une formation de base pour acquérir des compétences en santé mentale afin de pouvoir dépister les troubles mentaux, fournir des soins de base et recourir à des services spécialisés pour les cas complexes.

Au cours des 50 dernières années, les soins en santé mentale ont connu des modifications profondes en

Le passage aux soins communautaires a diverses conséquences pour les res-sources humaines.

Les services de santé men-tale sont de plus en plus souvent intégrés aux soins de santé généraux.

Cette intégration requiert une formation adéquate pour le personnel général et les spécialistes.

Les spécialistes de santé mentale ont besoin de formation pour travailler en coopération avec les agents de santé générale, ainsi que pour leur fournir supervision et soutien.

Il y a différents modèles qui intègrent les services de santé mentale dans les soins de santé généraux. Ceci est présenté plus en détails dans le module Organisation des ser-vices de santé mentale.

2.2.3 Approches multidisciplinaires

Le développement d’une main-d’œuvre de santé mentale nécessite la coordination de diverses disciplines professionnelles et non professionnelles. Les personnes souffrant de troubles mentaux ayant des besoins divers, il est important que les agents de santé men-tale travaillent en équipes ou, tout au moins, soient en contact permanent et consultent d’autres spécialistes de la santé mentale. Un élément essentiel de la formation consiste donc à encourager ce travail en équipe, ceci étant une compétence fondamentale requise pour toutes les catégories d’agents de santé mentale.

Le personnel doit être disposé à travailler :

dans différents milieux tels que communautés, établissements de soins en résidence et hôpitaux ;

avec différents organismes, pour lier les usagers des services à d’autres services légaux ou autres ;

avec différents modèles d’achat et d’offre de services ; dans des équipes multidisciplinaires et multi-organismes ;

par-delà les niveaux de services (par exemple en assurant la liaison entre les soins primaires et les services spécialisés) ;

d’une manière apte à maintenir leurs compétences et leur enthousiasme, face à des pressions diverses et à des exigences contradictoires.

(The Sainsbury Centre for Mental Health, 1997)

Les disciplines doivent se recouper suffisamment pour permettre une communication sur des préoccupations communes de santé mentale, mais ne pas se recouper tant qu’il y ait des doublons dans les rôles ou des rivalités entre les groupes professionnels. Certaines compétences de traitement peuvent être assez facilement partagées entre les disciplines traditionnelles, mais pas toutes.

Les planificateurs peuvent aborder cette question clé en planifiant les besoins en forma-tion de manière complète, selon le mélange de compétences requis, plutôt que de plani-fier séparément pour chaque discipline. Ceci requiert une communication ouverte entre les différentes disciplines (p. ex. psychiatres et psychologues, infirmières et ergothéra-peutes) pour la conception des programmes de formation. Les disciplines spécifiques doivent comprendre clairement le rôle des autres disciplines apparentées.

Le contact avec d’autres disciplines pendant les programmes de formation est aussi un élément qui favorise la coopération entre les disciplines. Par exemple, les psychologues cliniciens doivent être au courant du rôle joué par l’ergothérapeute ou le psychiatre. Une éthique de travail en équipe et un style de travail multidisciplinaire doivent être soulignés pour toutes les disciplines.

2.2.4 Collaboration intersectorielle

Outre les approches multidisciplinaires au sein du secteur de la santé, on a besoin éga-lement d’une coopération avec d’autres secteurs. Les personnes souffrant de troubles mentaux ont des besoins divers en rapport avec la santé, l’assistance sociale, l’emploi, la justice et l’éducation. Par conséquent, la promotion de la santé mentale au sein d’un

men-tale nécessite une approche multidisciplinaire.

La politique des RH doit être développée de manière intersectorielle. Elle doit inclure des plans destinés à fournir une formation en santé mentale aux ensei-gnants, aux travailleurs sociaux, aux agents de police et aux gardiens de prisons.

pays doit couvrir une vaste gamme de secteurs et d’ intervenants, et non être limitée aux activités du ministère de la santé.

C’est pourquoi il convient de développer la main-d’œuvre de santé mentale de manière intersectorielle. Ceci doit comprendre des plans destinés à fournir une formation en santé mentale aux enseignants, aux travailleurs sociaux, aux agents de police et aux gardiens de prisons. Par exemple, il est essentiel de former le personnel de « premier contact » des écoles, de la police et des prisons aux soins primaires de santé mentale car il y a de grandes chances que ce personnel entre en contact avec des personnes atteintes de troubles mentaux.

De plus, si le personnel de premier contact est suffisamment formé, les soins décentrali-sés seront plus faciles à mettre en œuvre et à gérer. Pour soutenir ce personnel, on aura besoin d’un réseau de traitement sensible (ou système de consultation de liaison). Par exemple, à la suite d’une initiative à Trinité-et-Tobago, le personnel de premier contact a introduit un programme dans l’une des prisons du pays (Rampersad Parasram, Ministère de la Santé, Port of Spain, Trinité-et-Tobago, communication personnelle).

L’une des clés du développement d’une politique des RH intersectorielle est l’accord entre le gouvernement et les institutions de formation (universités p. ex.) sur le type et le nombre d’agents de santé mentale qu’il faut former. De plus, les décideurs doivent être conscients des conflits d’intérêts potentiels et des tensions qui peuvent apparaître entre les différents intervenants (institutions de formation, ministère de la santé, prestataires privés, organismes de financement des soins). Par exemple, les soins de santé privés étant en pleine expansion dans de nombreux pays, il se peut que les universités aient ten-dance à former les professionnels de la santé mentale dans l’optique de cabinets privés en milieu urbain. En même temps, il se peut au contraire que la politique du ministère de la santé nécessite du personnel formé à fournir des soins de santé mentale communau-taires dans des régions rurales reculées.

C’est pourquoi il est important pour les pays d’établir un organisme clairement respon-sable de la coordination entre les nombreux secteurs impliqués dans le développement de la main-d’œuvre en santé mentale. Un tel organisme doit représenter toute la gamme d’intervenants concernés par le développement des RH et la formation. Par exemple, en Slovénie en 2002, l’Association Slovène de Santé Mentale (SENT) et l’agence du gouver-nement pour les malades et les handicapés ont organisé une conférence sur la réinsertion psychosociale communautaire, ce qui a débouché sur la mise en place d’un organisme de planification – le Conseil national pour la santé mentale. Cet organisme se compose d’un groupe d’experts en psychiatrie et médecine générale ainsi que de représentants des ministères de la santé, de l’éducation et du travail, de représentants des ONG, de représentants des usagers et des soignants. Ce groupe a lancé sous sa responsabi-lité une réforme de la santé mentale en Slovénie (Vesna Svab, Présidente, Association Slovène de Santé Mentale (SENT), Ljubljana, Slovénie, communication personnelle).

Certains pays n’ont pas forcément d’institution d’enseignement pouvant participer à la coordination intersectorielle. Dans ce cas, un groupe de formation en santé mentale peut être mis en place au sein du ministère de la santé pour remplir cette fonction. Par exemple, à Grenade, un tel groupe de formation a été établi au sein du ministère, sous la direction générale du ministre de la santé et du secrétaire permanent (Stan Kutcher, Co-doyen, Centre de Recherche Clinique, Université Dalhousie, Halifax, Nouvelle-Écosse, Canada, communication personnelle).

2.2.5 Changer le rôle du personnel

Le passage de soins hospitaliers à des soins communautaires et le nouvel accent mis sur des approches multidisciplinaires et intersectorielles signifie inévitablement que le rôle du

Il faut aborder les conflits potentiels entre différents intervenants.

Il est important pour les pays d’établir un organisme clairement responsable de la coordination entre les nom-breux secteurs impliqués dans le développement de la main-d’œuvre en santé mentale.

personnel se modifie. Ceci est une question essentielle de toute réforme de la santé men-tale. Les professionnels peuvent avoir peur de perdre leur identité professionnelle, leur statut, leurs revenus, leur environnement et leur mode de travail habituels. C’est pourquoi de nombreux professionnels opposent une résistance aux réformes.

Ces changements de rôles représentent un défi aussi bien pour la direction que pour les agents de santé. Pour la direction, le défi consiste à entrer activement en communication avec les agents de santé, à écouter ce dont ils ont besoin et à présenter les arguments en faveur d’une réforme des services et de nouvelles méthodes fondées sur des preuves.

Pour les agents de santé, le défi consiste à développer de nouvelles compétences en milieu communautaire, à travailler de manière souple avec d’autres disciplines et au-delà des secteurs classiques, à accepter le changement comme une chance d’apprentissage et de développement personnel et professionnel. Ces questions sont abordées plus en détail dans la partie 4 ci-dessous, portant sur la gestion des RH.

Dans certains milieux, la pénurie de praticiens qualifiés a conduit à des changements de rôles concrets et imprévus. Dans de nombreux pays en développement, bien que la législa-tion ne l’autorise pas, les infirmières prescrivent les médicaments aux usagers des services parce qu’il n’y a pas de médecins ou parce que les rares médecins n’ont pas le temps de voir les usagers. Dans d’autres milieux, les infirmières communautaires formées prescrivent non seulement les médicaments, mais en assurent aussi le contrôle (Stan Kutcher, com-munication personnelle). Dans certains États des États-Unis, les infirmières ont le droit de prescrire des médicaments de manière autonome (Ivey, Scheffler & Zazzali, 1998).

Les pays doivent développer des normes réalistes pour gérer la manière dont les ordonnances sont délivrées. Si nécessaire, ils doivent également introduire une loi en la matière. Du fait que les médicaments psychotropes peuvent avoir des effets secondaires importants, dans certains cas même être mortels, il faut attacher une grande attention à la formation adéquate des personnes qui, à part les médecins, sont autorisées à prescrire des médicaments. Il est important d’assurer que le nombre croissant d’infirmières qui rédigent des ordonnances et remplissent d’autres rôles de premier plan reçoivent une formation initiale adaptée, une formation continue, ainsi que des possibilités de consulter et de recourir à des médecins ou autres prestataires de santé.

Un exemple de gestion réussie de cette question est le Ghana, où les infirmières formées sont habilitées à prescrire certains types de médicaments. Ceci a été approuvé par les médecins des régions où il y a peu de spécialistes qualifiés. Des éléments essentiels de cette démarche sont la formation dispensée à ces infirmières et leur habilitation officielle (J.B. Asare, Directeur en Santé Mentale, Ministère de la Santé, Accra, Ghana, communi-cation personnelle).

2.2.6 Stigmatisation

Les personnes souffrant de troubles mentaux font face à la stigmatisation et à la discrimi-nation dans tous les secteurs de la société, y compris de la part des agents de santé. Il faut donc que la planification et la formation des RH abordent les questions de stigmatisation et de discrimination. Ceci doit comprendre des formations pour apprendre aux agents de santé mentale à lutter contre leurs propres tendances à stigmatiser, ainsi que contre celles d’autres membres de la main-d’œuvre de la santé et d’autres secteurs de la société.

Par exemple, une enquête nationale parmi les usagers et les soignants réalisée en Australie par le groupe de sensibilisation SANE a révélé que l’attitude irrespectueuse des professionnels de la santé mentale était un problème majeur. L’une des raisons était peut-être que bon nombre de membres du personnel avaient été formés dans de grands hôpitaux psychiatriques où de nombreuses personnes étaient atteintes de maladies chro-niques graves et étaient traitées comme des « cas » plutôt que comme des personnes

Les modifications des modèles de soins signifient que le rôle du personnel change.

Une politique claire est requise au sujet du droit à délivrer des ordonnances pour des groupes profes-sionnels spécifiques.

Les personnes souffrant de troubles mentaux font face à la stigmatisation et à la discrimination dans tous les secteurs de la société, y compris de la part des agents de santé.

ayant le droit d’être respectées. Un aspect essentiel de la formation est d’aborder les attitudes des membres du personnel pour obtenir qu’ils traitent les personnes atteintes de troubles mentaux véritablement comme des êtres humains dignes du même respect que les autres. Il faut également faire prendre conscience au personnel des normes internationales et locales des droits de l’homme en rapport avec la santé mentale (voir le module Législation, droits de l’homme et santé mentale).

La stigmatisation est une question particulièrement importante pour le personnel qui ne

La stigmatisation est une question particulièrement importante pour le personnel qui ne