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CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE ET RECENSION DES ÉCRITS

2.2 Études empiriques récentes : analyse des variations du DDC en L2 dues à des

2.2.3 Implications pédagogiques et didactiques

Récemment, une série de recherches, menées en Iran, donnent des pistes de réflexion pour de bonnes pratiques pédagogiques visant à favoriser le DDC. Ainsi, Zarrinabadi, Ketabi et Abdi (2014) proposent dans leur étude de tester l’efficacité de certaines manipulations des techniques et pratiques en classe quant à l’augmentation du DDC en L2. Il ressort de ces résultats, obtenus par l’analyse d’un corpus de données à la suite de la production d’essais (focused essays) par des apprenants d’ALE, que des décisions raisonnées de la part de l’enseignant peuvent faciliter le DDC. Citons notamment le choix du sujet de discussion (l’apprenant doit avoir suffisamment de connaissance et d’intérêt, d’où l’intérêt pour l’enseignant de choix des sujets qui permettront aux

apprenants d’évoquer leur expérience personnelle), les caractéristiques du groupe dans lequel la communication se déroule (les discussions en petits groupes homogènes sont à prescrire : il est préférable en effet de placer l’apprenant face à d’autres apprenants qu’il perçoit comme étant du même niveau de compétence en L2), le recours à la correction différée des erreurs42 et la mise en

place de certaines stratégies motivationnelles (le renforcement positif de la confiance en soi des apprenants via des gestes ou paroles d’approbation bienveillante à la suite d’une idée énoncée par un apprenant, par exemple). Ceci a bien sûr des implications pédagogiques (gestion de classe, mise en place des activités communicatives, entre autres) pour les enseignants de L2, même si l’article ne discute pas des implications du point de vue didactique.

Une recherche axée sur une approche d’enseignement plus précise est celle de Mesgarshahr et Abdollahzadeh (2014) portant sur la pertinence d’enseigner les stratégies de communication (ou compétence stratégique) au niveau débutant intermédiaire pour augmenter le DDC en classe (l’étude ayant lieu en Iran avec des apprenants d’ALE, l’impact sur le DDC à l’extérieur de la classe n’a pas été mesuré). Dans cette recherche quantitative (questionnaires du DDC auto rapporté administré avant et après l’intervention, et observation en classe), les auteurs ont testé l’impact de l’enseignement explicite de stratégies de communication sur le DDC. Ces stratégies étaient: la circonlocution (une reformulation reposant sur la négociation du sens), les formules toutes-faites (ou formulaic sequences, c’est-à-dire des « morceaux » (p. 58) familiers de la langue qui pourront facilement être réutilisés), les remplisseurs (ou fillers : ces expressions peu porteuses de sens, mais qui permettent à l’apprenant d’obtenir du temps pour réfléchir à la formulation de sa prochaine idée), la demande d’aide (demander à l’interlocuteur de reformuler ou de répéter), l’approximation (le recours à des mots sémantiquement similaire lorsqu’on ne connait pas un terme exact) et enfin l’utilisation de mots passe-partout (all-purpose words, c’est-à-dire des mots pouvant être utilisés dans une variété de contexte : l’exemple de get, en anglais, est donné). L’analyse des résultats indique l’efficacité de l’enseignement de la compétence stratégique pour augmenter le DDC. En effet, les auteurs montrent que ce type d’enseignement diminue l’AC et augmente le SCCP. Or, ces deux facteurs sont les deux plus forts prédicteurs du DDC en L2. De plus, les auteurs

42 À cet égard, Tavakoli et Zarrinabadi (2016) démontrent que la rétroaction corrective implicite n’a pas d’effet sur le DDC des apprenants d’ALE, alors que la rétroaction corrective explicite différée (accompagnée d’une explication explicite des règles linguistiques) augmente le DDC en L2 en augmentant la confiance en soi en L2.

remarquent que les stratégies communicatives « peuvent être psychologiquement réconfortantes » (p. 63), ce qui augmente le désir d’initier la conversation. D’ailleurs, il apparait selon l’étude que ces stratégies motivent les apprenants puisqu’ils réalisent que même si leur niveau linguistique est encore fragile, ils maitrisent des stratégies leur permettant de contourner leurs difficultés et d’exprimer leurs idées. Des limites sont toutefois entrevues aux bénéfices d’enseigner les stratégies de communication. Les auteurs font notamment référence à la critique formulée par Thornbury (2005) concernant le fait que le recours systématique à des stratégies de contournement, par exemple, peut nuire au développement de la compétence linguistique des apprenants, surtout ceux de niveau débutant.

Enfin, Nazari et Allahyar (2012) explorent eux le potentiel que peut offrir l’approche dite « IRF » (initiating move = question posée par le professeur; response = réponse courte et simple de l’étudiant; feedback, soit rétroaction). Cette approche d’enseignement, bien que très répandue, a toutefois été critiquée, comme le rappellent les auteurs, notamment car elle comporte le risque de réduire les occasions pour les étudiants d’initier des conversations (le professeur a souvent encore ce rôle) et, car elle n’encourage pas toujours la pensée indépendante (cas des questions dites convergentes, à faible niveau cognitif). Cependant, les auteurs estiment qu’il suffirait de revoir le « F » (feedback) pour pallier ces difficultés et favoriser la volonté des apprenants d’initier la conversation ou la discussion (autrement dit, augmenter leur DDC). Parmi les stratégies proposées à la suite de leur revue de la littérature, mentionnons la réduction du temps de parole du professeur, avec plus de temps d’attente pour la réponse (ceci va dans le sens des résultats de Zarrinabadi (2014) et de Zarrinabadi et al. (2014), le besoin d’engager les étudiants de manière égale dans les activités, le recours à des questions divergentes (à l’opposé des questions convergentes fermées ou de récitation de mémoire) et à la rétroaction différée (delayed teacher feedback), ou encore l’importance d’impliquer les étudiants dans leur apprentissage.

Par ailleurs, plusieurs études sur le DDC ayant des implications pédagogiques clairement énoncées ont également été menées en contexte chinois. Tout d’abord, dans leur rétrospective sur les implications pédagogiques de la recherche sur le DDC en L2, Zeng et Tan (2014), après avoir listé les principales variables influant le DDC en L2, proposent des pistes de réflexion pour l’amélioration des pratiques enseignantes (certaines générales, certaines plus spécifiques à la

culture et au contexte d’apprentissage chinois). Parmi les conseils d’ordre généraux, applicables à travers différents contextes, on peut notamment citer le rôle de l’enseignant dans le renforcement du SCCP des apprenants. Ceci implique d’aider les apprenants à atteindre des objectifs réalistes à court terme dans leur apprentissage de la L2 et leur faire remarquer leurs progrès, dans le but de développer leur confiance en eux43 et donc d’augmenter le DDC. Par ailleurs, pour diminuer

l’anxiété, les auteurs recommandent de privilégier en classe les activités de discussion en petits groupes plutôt qu’en classe entière, confirmant les résultats d’études précédentes (Cao et Philp, 2006; Khazaei, Zadeh et Ketabi, 2012; Zarrinabadi et al., 2014). Dans le cas de grands groupes, une solution mentionnée par Khazaei et al. (2012) pour contrebalancer les effets négatifs sur le DDC est d’avoir recours à plus d’activités et de tâches communicatives afin d’inciter les interactions entre apprenants, tel que déjà recommandé par Coleman (1989).

Dans son étude auprès d’apprenants asiatiques d’ALE, Aubrey (2011) explore les pistes pédagogiques afin de faciliter les interactions en classe et d’augmenter le DDC. D’après la revue de littérature effectuée, l’auteur suggère aux enseignants (qui, comme l’avaient déjà souligné S.-J. Kang (2005), jouent un rôle de facilitateur) de porter une attention particulière à ces variables : la cohésion du groupe (les étudiants devraient, in fine, avoir un haut degré de confiance entre eux et se sentir comme une « famille », p. 239), la réduction de l’anxiété de communication (une stratégie efficace est de renforcer la confiance en soi en augmentant le temps de préparation aux questions posées ou en laissant les étudiants réfléchir en groupe plutôt qu’en classe entière, afin de permettre au professeur de repérer des réponses pertinentes et inciter les étudiants à les partager ensuite avec l’ensemble du groupe), la pertinence du sujet (celle-ci peut être améliorée en cherchant à connaitre les intérêts des étudiants et en leur donnant le contrôle sur les thématiques abordées, lorsque cela est possible), la promotion de l’approche communicative (l’enseignant doit en justifier les bénéfices auprès des étudiants et insister sur le besoin de participation active pour en retirer le maximum d’avantages possibles) ou encore le développement de la posture internationale (profiter de la présence d’étudiants internationaux pour augmenter l’aspect interculturel dans la classe et favoriser une prise de conscience globale via l’évocation de sujets d’actualité internationale, par exemple, sont des pistes à privilégier), une stratégie déjà suggérée

43 On semble ici se rapprocher du sentiment d’efficacité défini par Bandura (1982) comme la croyance d’un individu en sa capacité à réaliser une tâche donnée.

par Yashima (2002). De manière intéressante, Barjesteh et al. (2012) arrivent, en contexte iranien ALE, à des recommandations pédagogiques similaires concernant la pertinence des thèmes de discussions (le besoin d’analyser les attentes thématiques des apprenants, par exemple, est rappelé) et la diminution de l’anxiété (via l’échange en petits groupes et une attitude rassurante comme le sourire et l’écoute attentive) de la part de l’enseignant). De plus, les auteurs recommandent à l’enseignant de prendre en compte le profil social des apprenants et leur compétence dans le cas de classes assez culturellement uniformes, afin de permettre de maintenir un niveau d’enthousiasme (excitement) et de sécurité, et ainsi ne pas diminuer le DDC.

Au-delà de toutes ces considérations d’ordre pédagogique, la recherche a, assez récemment, commencé à étudier des pistes plus didactiques afin d’augmenter le DDC. À cet égard, le domaine de la communication assistée par ordinateur a reçu une attention particulière. Une étude récente est celle de Reinders et Wattana (2014) sur l’utilisation des jeux digitaux sur le DDC d’apprenants d’ALE en Thaïlande. Dans cette recherche, les auteurs ont, avec un prétest (avant l’intervention : DDC en classe) / posttest (DDC pendant le jeu) observé l’effet du recours à la communication sous la forme de chats en ligne (dans le cadre d’un jeu en ligne) sur le DDC à l’oral. Il s’agissait d’un questionnaire du DDC autoévalué invitant les participants à évaluer leur perception de leur DDC sur une échelle de 1 (très peu désireux) à 5 (très désireux) dans une variété de tâches communicatives auxquelles ils prennent normalement part en salle de classe. L’intervention correspondait, elle, à six sessions de jeu en ligne : les trois premières visaient la communication via des chats écrits et les 3 dernières via des chats audio. Les étudiants ayant participé à l’intervention ont rapporté être plus désireux d’interagir pendant le jeu en ligne. De plus, les chercheurs ont relevé une baisse de l’anxiété et un bon niveau de SCCP pendant le jeu et moins d’hésitation à initier la communication ou même à demander de l’aide (c’est-à-dire plus de cohésion de groupe). Par ailleurs, Reinders et Wattana (2014) suggèrent plusieurs raisons expliquant l’engouement des étudiants ayant participé à l’étude pour la communication chat dans un jeu en ligne : la communication en ligne et non en face à-face est moins déroutante pour les étudiants introvertis, l’aspect jeu donne un « sens immédiat d’accomplissement » et l’aspect virtuel procure un « degré de projection » ainsi qu’un anonymat relatif encourageant l’interaction (p. 116). Ce dernier point est confirmé par la méta analyse de la recherche sur les jeux et simulations médiés par ordinateur en L2, réalisée par Peterson (2010). De plus, comme le font remarquer les auteurs,

le chat est, dans un contexte de LE, un bon moyen d’inciter à la communication lorsque des locuteurs natifs ne sont pas disponibles dans le pays d’origine. Enfin, les auteurs indiquent que le recours à la technologie du chat, encore peu utilisée dans beaucoup de classe, crée un sens d’enthousiasme (excitement), qui est un des trois antécédents psychologiques du DDC selon S.-J. Kang (2005).

En somme, d’autres études indiquent l’augmentation du DDC (due notamment à une diminution de l’anxiété et une augmentation du SCCP) via le recours aux chats via les jeux en ligne utilisant des formes de chats écrits (Compton, 2004; Freiermuth et Jarrell, 2006) et/ou audio-vidéo (E. Lloyd, 2012). Ces études ont d’ailleurs démontré, à travers l’analyse des réponses à des questionnaires ouverts et à des journaux de bord, que les apprenants percevaient le chat comme un « moyen agréable de communiquer » et que, par ailleurs, il semblait possible de conserver l’aspect « nouveauté » du chat à travers le temps, ce qui était également bénéfique pour le DDC (Freiermuth et Jarrell, 2006, p. 206). Toutefois, comme le souligne Compton (2004, p. 6), « le chat en ligne n’est pas un remplacement aux interactions en face à face », mais bien une méthode alternative pour encourager la prise de risque à l’oral via une préparation visuelle.