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CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE ET RECENSION DES ÉCRITS

2.3 Recension des études empiriques sur la réalité virtuelle en lien avec la communication

2.3.2 Avantages des mondes virtuels du point de vue psycholinguistique

Dans son ouvrage généraliste sur la psychologie et les jeux (et notamment les simulations) via ordinateurs, Baek (2013) constate que les jeux impliquant la RV peuvent avoir des bénéfices psychologiques (et par extension médicaux) sur la personne y prenant part. Tous ces avantages thérapeutiques du recours à la RV peuvent être regroupés sous le terme de « cyberthérapie49 ».

L’exemple cité par Baek est celui de Virtual Iraq, un jeu permettant aux utilisateurs souffrant de stress post-traumatique de s'immerger à nouveau dans l’environnement ayant causé ces troubles dans le cadre d’une thérapie. Même s’il s’agit de deux situations éloignées, on peut entrevoir l’utilité de la RV pour proposer des simulations d’interaction quasi authentiques dans le but (entre autres) de redonner confiance à des apprenants de langues ayant vécu des expériences déplaisantes lorsqu’ils ont essayé d’utiliser la L2 dans le monde réel (p. ex. difficultés de compréhension ayant causé du stress ou de la frustration). Un autre exemple donné est celui du jeu/simulation Fear Not, utilisant un dispositif de RV360 réaliste (reproduisant les mouvements et les interactions dans le monde réel) pour permettre aux enfants victimes d’intimidation de développer des stratégies d’auto défense. On peut là également dresser un parallèle avec un des avantages du recours à la communication assistée par ordinateur en L2, à savoir, la diminution de l’anxiété chez l’utilisateur/apprenant (et bien entendu, là encore, la préparation à l’interaction dans le monde réel). Notons que l’étude de Hammick et Lee (2014) est arrivée à des conclusions similaires concernant le traitement de l’anxiété.

Les didacticiens de L2 n’ont d’ailleurs pas tardé à constater le fort potentiel de la RV pour influencer les variables psychologiques et psycholinguistiques des apprenants. Ainsi, même si l’étude de E. Lloyd (2012) ne porte pas directement sur la RV, elle a étudié un des outils employés dans les mondes virtuels; à savoir, les chats en ligne. L’analyse et la triangulation des résultats qualitatifs (tests de personnalité, transcriptions d’entrevues de groupe faisant un retour sur l’expérience d’apprentissage et observation de l’utilisation de la plateforme virtuelle) révèle que le recours à une plateforme de style réseau social en ligne (ici, livemocha.com) pour des échanges écrits et oraux, synchrones ou asynchrones, conduit à une diminution de l’anxiété chez les apprenants de L2, ajoutant d’ailleurs que ceci a le potentiel de favoriser leur désir de communiquer.

Cette hypothèse semble se confirmer au vu d’autres études empiriques récentes. Celles-ci démontrent que la communication en ligne (chats) fournit un environnement plus confortable pour les apprenants (Freiermuth et Jarell, 2006), diminue l’anxiété et augmente le SCCP (Reinders et Wattana, 2014; Compton, 2004), favorisant ainsi le désir de communiquer et par extension la compétence communicative.

Par ailleurs, suite à la récupération des plateformes de jeux sociales en ligne par les didacticiens de L2, de nombreuses études se sont intéressées aux plateformes en ligne (mondes virtuels) telles que Ever Quest 2 (Rankin et al., 2006), Second Life (Grant, Huang et Pasfield-Neofitou, 2013; Warburton, 2009; Wehner, Gump et Downey, 2011) ou encore ActiveWorlds (Omale, Hung, Luetkehans et Cooke‐Plagwitz, 2009). On peut citer à titre d’exemple l’étude de Grant et al. (2013) qui indique que la communication dans des mondes virtuels en 3D diminue le niveau d’anxiété langagière (mesuré avec un questionnaire de type échelle de Likert invitant les participants à autoévaluer leur niveau d’anxiété à utiliser la LE) en comparaison à un enseignement avec une pratique de la communication plus traditionnelle. De plus, les auteurs ne constatent pas un niveau significatif d’anxiété lié à la prise en main de la technologie virtuelle (établi à travers l’analyse d’un sondage avec des échelles de Likert, rempli par les participants après leur expérience virtuelle). De même, dans leur revue de littérature sur l’apprentissage des langues dans les environnements 3D, Rakin et al. (2006) concluent également que « les apprenants de L2 interagissent plus dans des salles de chat virtuelles et les discussions en ligne (comparé à une classe où les interactions se font en face à face), suggérant que les environnements virtuels créent « des environnements d’apprentissage non menaçants » (p. 2). En effet, comme le fait remarquer Salder (2017), le recours à un avatar agit tel un « masque » (p. 197) permettant à l’apprenant de ne pas être aussi directement impliqué émotionnellement dans l’échange qu’il le serait dans un échange en personne. Toutefois, Omale et al. (2009) constatent lors d’entrevues de groupe réalisées auprès d’apprenants de L2 ayant communiqué via le chat écrit que les environnements 3D renforçaient la présence sociale (perçue), définie par Garrison, Anderson et Archehe (2001) comme la capacité des apprenants à se projeter socialement et émotionnellement dans l’environnement (ici, la communauté virtuelle d’apprentissage) en tant que « vraie » personne. Ceci tend à prouver que les environnements virtuels peuvent créer un sentiment de présence fort permettant à l’apprenant de faire le pont entre son apprentissage virtuel et sa vie personnelle. Finalement, de manière

intéressante, Sadler (2017) fait remarquer que l’étude de Grant et al. (2013) a révélé que l’anxiété liée à l’aspect technique de la plateforme n’avait en réalité que peu d’effet sur les apprenants/utilisateurs. Certaines des explications avancées pour expliquer cela incluent le fait que l’interaction par chat écrit en L2 laisse plus de temps à l’apprenant pour formuler plus tranquillement ses propos (Childress et Braswell, 2006) et que l’aspect ludique perçu durant les activités virtuelles rend les activités plus engageantes (Zheng, Young, Brewer et Wagner, 2009). De plus, comme le résume Gonzalez-Lloret (2016), le recours aux TIC, et notamment aux mondes virtuels et jeux collaboratifs en ligne (et aux webquests) est motivé par la théorisation sur l’enseignement par la tâche et permet de « minimiser la peur de l’échec, la gêne [embarrassment], ou le fait de perdre la face » (p. 237). Par ailleurs, selon l’auteure, ces TIC augmentent la motivation à prendre des risques tout en négociant le sens, en exposant l’apprenant à d’autres cultures (p. ex. via la télécollaboration) et en lui fournissant un environnement d’apprentissage authentique. Encore une fois, on reconnait dans ces éléments des préceptes de l’approche communicative et actionnelle. Les avantages mentionnés par Gonzalez-Lloret (2016) sont appuyés par des recherches ayant démontré que les environnements virtuels, lorsqu’utilisés pour la réalisation de tâches, sont perçus par les apprenants comme stimulants et motivants (Canto, de Graff et Jauregi, 2014), car ils permettent une « simulation de tâches de la vie réelle » (Deutschmann et Panichi, 2009, p. 34) : là encore, on constate qu’ils sont des outils permettant d’atteindre les objectifs de la perspective actionnelle.

Quant à la RV360, celle-ci avait été déjà envisagée dans les années 90 pour l’apprentissage des langues. Mais le manque de succès de cette technologie auprès du grand public avait alors plongé la RV360 en éducation dans l’oubli. Toutefois, quelques études empiriques ont eu lieu à cette époque. Ainsi, Rose et Billinghurst (1995) ont montré le potentiel de la RV360 (dans ce cas : hard VR50) pour apprendre une langue (ici, le japonais). Les avantages identifiés sont la diminution du

stress et l’augmentation de la motivation chez l’apprenant. Ceci rejoint les conclusions concernant les mondes virtuels. De plus, les auteurs révèlent que le sentiment d’immersion fort est vu positivement par les apprenants et concluent que la RV360 a un fort potentiel en éducation des langues.

50 Cette vidéo donne une idée du potentiel encore naissant de la plateforme utilisée pour l’étude :

On voit donc que la RV sous ses différentes formes (incluant la RV360) présente un fort potentiel pour développer le DDC en L2, puisqu’elle permet de diminuer l’anxiété langagière tout en augmentation la motivation, deux antécédents (dont un direct) du DDC.