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CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE ET RECENSION DES ÉCRITS

2.2 Études empiriques récentes : analyse des variations du DDC en L2 dues à des

2.2.2 Facteurs liés à l’individu influant sur le DDC

Dans un but de concision, nous ne reviendrons pas ici en détail sur les facteurs psychologiques déjà longuement évoqués précédemment, comme l’anxiété et le SCCP. Nous présenterons ici les facteurs liés à l’individu de deux points de vue : ceux pouvant être associés à des différences individuelles, relativement stables, et ceux, plus variables, liés aux perceptions.

2.2.2.1 Facteurs associables à des différences individuelles

Notons brièvement, pour commercer, que l’âge et le sexe influencent le DDC. En contexte canadien, MacIntyre et al. (2002, p. 543) estiment que « le sexe interagit probablement avec l’âge pour influencer les variables de la communication en L2 (anxiété langagière et SCCP) du fait de différences dans le processus développemental des garçons et les filles durant l’adolescence ». Ainsi, à l’adolescence, les filles semblent plus désireuses de parler en L2 en classe que les garçons. Par ailleurs, l’étude de Donovan et MacIntyre (2004), portant sur trois cohortes de sexe et d’âge différents (7e, 8e et 9e année) conclut que chez les filles, l’AC est un prédicteur du DDC quel que

soit l’âge, alors que chez les garçons, ce rôle est occupé par le SCCP (quel que soit l’âge, là encore). On voit donc des différences se dessiner selon l’âge et le sexe pour le DDC en L2.

Concernant les choix poussant les apprenants à apprendre une L2 dans le but de communiquer, Zarrinabadi et Abdi (2011) observent que parmi cinq orientations personnelles des étudiants (apprendre la langue pour : le travail, les voyages, l’amitié, la connaissance, l’école), l’école et la connaissance corrèlent le plus avec le DDC (à l’intérieur et à l’extérieur de la classe) et le travail, l’amitié et les voyages sont en corrélation principalement avec le DDC à l’extérieur de la classe. De plus, de manière générale, les orientations personnelles des étudiants ont des corrélations plus fortes avec le DDC à l’extérieur de la classe, confirmant les résultats de MacIntyre et al. (1999). L’auteure explique cela par le fait que ces cinq orientations font plutôt référence à la vie privée.

2.2.2.2 Perceptions personnelles sur la (et sa) langue

Au-delà des différences individuelles, les apprenants de L2 sont sujets à l’affect et aux perceptions, ce qui influence leurs attitudes envers la L2 et bien entendu leur DDC en L2.

Dans leur étude, Yashima et al. (2004) démontrent, en s’appuyant sur l’analyse des résultats à des questionnaires d’autoévaluation de type échelle de Lykert, que la posture internationale38

augmente le DDC et la communication. En réalité, cette recherche regroupe les résultats de deux études sur des apprenants d’ALE (dans un cas au Japon, dans l’autre dans le cadre d’un échange linguistique aux États-Unis). De plus, la deuxième étude a permis de montrer que la fréquence de communication pendant un séjour linguistique était corrélée à la satisfaction dans les relations interpersonnelles (avec les locuteurs natifs). Par ailleurs, l’étude démontre que la posture internationale39 est liée au DDC avant le départ et prédit les bonnes relations interpersonnelles

avec les hôtes à l’étranger. Ghonsooly, Khajavy et Asadpour (2012) confirmeront ces résultats en contexte d’ALE iranien, en démontrant que la posture internationale et la confiance en soi prédisent le DDC, et que l’ouverture à l’expérience affecte le DDC. Bektas-Cetinkaya (2009) obtient des résultats similaires en contexte turc.

Par ailleurs, Peng (2007) étudie le lien entre la motivation et le DDC en L2 en contexte chinois (modèle théorique combinant le DDC et le modèle socioéducatif de la motivation de Gardner de 1985). Parmi les trois composantes de la motivation intégrative (à savoir : l’intégrativité, l’attitude envers la situation40 d’apprentissage et la motivation d’apprendre en soi), la motivation est celle

qui prédit le mieux le DDC, devant l’intégrativité. L’attitude envers la situation d’apprentissage ne jouait en revanche pas un rôle significatif.

Finalement, un autre facteur psychologique semble affecter le DDC en L2, à savoir : la perception de son propre accent en L2. En effet, Zarrinabadi et Khodarahmi (2017), identifient grâce à l’analyse de transcriptions d’entrevues plusieurs facteurs ayant un impact sur le DDC en L2 : les stigmas reliés à l’accent, les perturbations liées à l’accent (accent-based disruptiveness) et l’aspiration à montrer (showing off) son accent. Il est à noter que dans les entrevues, ces trois aspects étaient mentionnés conjointement à des perceptions relevant du SCCP. En effet, les

38 Attitude définie par les auteurs comme une ouverture au monde, mesurable notamment par l’intérêt de l’apprenant pour les affaires internationales.

39 La posture internationale est définie par Yashima et al. (2004) comme un ensemble d’attitudes telles que l’intérêt personnel pour les affaires internationales, le désir de voyager à l’étranger pour les loisirs ou le travail, ou encore le fait d’être prêt (readiness) à interagir avec des partenaires interculturels.

40 Peng rappelle que l’attitude envers la situation d’apprentissage englobe l’évaluation que l’apprenant fait de l’enseignant et du cours de L2.

apprenants expriment une tendance à la stigmatisation de leur propre accent en L2 (entrainant une baisse du DDC), notamment lorsque celui-ci génère auprès d’un autre apprenant-interlocuteur une alternance codique (code switching) vers la L1 commune. Enfin, de manière intéressante, les auteurs constatent le statut « hégémonique » (p. 1) de l’accent des locuteurs natifs en tant que base pour juger son propre accent L2 ainsi que celui des autres apprenants. Ainsi, il apparait que le DDC d’un apprenant de L2 augmente si cet apprenant perçoit que son interlocuteur (apprenant également) a un accent proche de l’accent natif. Ceci laisse supposer que dans le monde réel, la perception de la langue de l’interlocuteur par l’apprenant de L2 pourrait aussi entrainer des variations dans le DDC avec cet interlocuteur (ceci a une résonnance particulière dans des contextes sociolinguistiques où il existe une variété régionale de langue marquée notamment par un accent particulier avec parfois des stigmatisations liées à cet accent).

2.2.2.3 Limite de cette classification des variables individuelles et conclusion

On voit donc que des facteurs très variés donnent une nature dynamique au DDC. Toutefois, comme pour les variables contextuelles, il semble difficile, sinon impossible, de séparer le ressenti de l’individu et la langue. En effet, dans leur étude, MacIntyre et al. (1999) montrent que les apprenants associent la baisse dynamique (c’est-à-dire le DDC de moment à moment) de leur DDC à une difficulté à retrouver le vocabulaire. Les perceptions de l’individu sur son niveau de maitrise linguistique jouent donc là aussi un rôle sur le DDC.

Bien qu’il serait toujours possible de trouver de nouvelles classifications théoriques pour ces facteurs, certains auteurs comme Peng (2014) ont introduit une perspective écologique à la recherche sur le DDC du fait de l’interrelation forte de plusieurs facteurs influant sur le DDC. La perspective écologique, inspire des écosystèmes de Bronfenbrenner (1994)41 permet selon Peng

(2014, p. 211) de fournir un « cadre heuristique pour évaluer la cause du (et les possibles solutions au) détachement des apprenants ». De plus, en étant conscient du fait que le DDC fait partie d’un ensemble de systèmes situés, l’enseignant devrait plus facilement trouver le système ayant le plus d’effet sur la prise de parole des apprenants en classe (pour ce faire, Peng suggère de prêter

41 Ce cadre invite, pour comprendre le développement de l’individu, à prendre en compte son microsystème (famille, école) et son macrosystème (p. ex. la culture dans laquelle il évolue). En d’autres termes, il s’agit d’analyser la situation de manière plus large en dépassant la seule prise en compte de l’individu même.

attention à trois éléments clés : le soutien de l’enseignant, la cohésion de la classe et l’orientation de la tâche à réaliser). Signalons que dans le cadre de son étude, Peng identifie six facteurs du DDC dans le microsystème. Notre classification en deux parties s’avère couvrir ces facteurs, en gardant la langue comme toile de fond dans les deux cas. Les facteurs sont : les croyances de l’apprenant, la motivation, les facteurs cognitifs, linguistiques et affectifs, et enfin l’environnement de classe.

En conclusion, nous l’avons vu, de nombreuses études empiriques se sont intéressées aux facteurs pouvant influencer le DDC en L2 et ses antécédents. Ces facteurs peuvent être classés en fonction du contexte et de l’individu, même si certains chercheurs ont appelé à adopter une perspective plus englobante. Au-delà de ces débats sur la classification des facteurs du DDC, de nombreux chercheurs plaident pour une recherche plus axée sur les implications pédagogiques (Gregersen et MacIntyre, 2013; Peng, 2014; Riasati et Noordin, 2011, Zarrinabadi et Tanbakooei, 2016). En effet, il semble légitime de vouloir tenter de convertir la masse imposante de conceptualisation et de résultats empiriques accumulée en implications pratiques pour l’apprentissage et l’enseignement des L2, d’autant plus qu’il est reconnu depuis longtemps le but de faire du DDC un objectif de l’enseignement de la L2 (MacIntyre et al., 1998). Enfin, le besoin de s’intéresser plus aux autres compétences qu’à seulement l’oral a été souligné à plusieurs reprises. En effet, il existe une lacune encore importante dans la recherche sur le DDC concernant la communication écrite, et certains auteurs suggèrent que l’on s’intéresse par exemple plus au désir d’écouter, de lire et d’écrire (Zarrinabadi et Tanbakooei, 2016). Nous allons le voir dans la sous-partie suivante.