• Aucun résultat trouvé

78.- L’option législative OHADA induit, d’une part, la fixation du siège de l’arbitrage dans un des États-parties au Traité (2.1) laquelle emporte, d’autre part, un certain nombre de

1 Abidjan, n° 1157, 19 nov. 2002.

2 G. KAUFMANN-KOHLER, Le lieu de l’arbitrage à l’aune de la mondialisation, Rev. arb., 1998, p. 522.

3 G. KAUFMANN-KOHLER/A. RIGOZZI, op. cit., p. 47, n° 107; voy. en appui à cette notion volontariste du siège ATF du 24 mars 1997, Bul. ASA., 1997, p. 316, 329-330.

4 Il s’agit de la Loi type de la CNUDCI.

5 P. MEYER, (Juriscope, 2008), op. cit., p. 117.

conséquences d’ordre juridique (2.2). Cela dit, nous ne manquerons pas de souligner l’une des lacunes au sujet des conséquences liées à la fixation du siège dans l’OHADA (2.3).

2.1.- La fixation du siège dans l’espace OHADA

79.- Le principe en droit comparé.- D’une manière générale, la fixation du siège en droit de l’arbitrage est régie par le principe selon lequel, il revient en première option aux parties elles-mêmes de fixer le siège de leur arbitrage1. Pour ce faire, elles peuvent, soit directement désigner le siège dans la convention d’arbitrage, on parle de désignation directe, soit s’en remettre à un Règlement d’arbitrage à cette fin, on parle de désignation indirecte par référence à un Règlement d’arbitrage. Cependant, dans le défaut de cette première option, il est de coutume arbitrale que le siège soit fixé par les arbitres eux-mêmes, pour peu que le tribunal ait pu été constitué. Il convient de souligner que cette liberté conférée au tribunal arbitral est supplétive à l’autonomie des parties à l’arbitrage et nombre de législations sur l’arbitrage le consacrent expressément2. Certains règlements d’arbitrage instituionnels, tout en posant le principe de la liberté des parties à choisir le siège, suppléent à l’absence d’indication quant au siège, soit en conférant à un organe de l’institution le pouvoir de le fixer3, soit en laissant présumer qu’il se situe au siège de l’institution4. Notons que la désignation du siège n’est en principe soumise à aucune exigence de forme et qu’elle peut être tacite5 ou expresse ou même faite par acte concluant6.

80.- La position dans l’OHADA.- Fort curieusement, l’AUA ne prévoit rien quant à la liberté des parties de fixer directement ou indirectement le siège de l’arbitrage. Dès lors, le tribunal arbitral international dans l’OHADA est-il légitimé à choisir le siège en lieu et place des parties et dans l’affirmative sur quel fondement le serait-il?

81.- S’il est une évidence en droit de l’arbitrage, à laquelle l’AUA adhère également, c’est celle de la primauté accordée à la volonté des parties et subsidiairement au tribunal arbitral à raison de toute question pratique et de procédure. Sur la base de ce principe, nous pensons que le vide juridique de l’AUA sur cette question ne doit en aucune manière prétériter au bon déroulement de l’arbitrage en raison du silence des parties. Dans une telle hypothèse, au regard de l’importance que revêt le siège dans l’arbitrage international et qui conditionne le régime juridique applicable à ce mode de règlement des différends, surtout l’étendue du

1 § 1043 al. 1 ZPO; sect. 3 (a) Arb. Act 1996; art. 1693 al. 1 CJB; art. 816 al. 1 CPCI; art. 1037 al. 1 WBR; art. 22 al. 1 SU; art. 176 al. 3 LDIP; art. 20 al. 1 Loi type de la CNUDCI.

2 § 1043 al. 1 ZPO; art. 1693 al. 1 CJB; art. 1037 al. 1 WBR; art. 22 al. 1 SU; art. 176 al. 3 LDIP; art. 20 al. 1 Loi type de la CNUDCI. Le droit anglais, par contre, ne reconnaît aux arbitres le pouvoir de fixer le siège que si ceux-ci y ont été autorisés par les parties (sect. 3 (c) Arb. Act 1996). Dans le cas contraire, le lieu du siège devra être déduit de toutes les circonstances pertinentes “all the relevant circumstances” (sect. 3 in fine, Arb. Act 1996).

3 Art. 18.1 R. CCI qui donne une compétence à la Cour par défaut de fixation des parties; art. 1.2 R. SAI; art. 39 let. a R. OMPI; art. 14.1 R. CEPANI.

4 Art. 3 R. CCIG; sect. 16.1 R. LCIA, la Cour LCIA peut désigner un autres siège dans certains cas; art. 13 R. CCJA prévoit ce principe de liberté de choix accordée prioritairement aux parties et subsidiairement aux arbitres.

5 Il a été conclu que la désignation des tribunaux d’un lieu en tant que juge d’appui se doit d’être interprétée comme une fixation implicite du siège de l’arbitrage, voy. à ce sujet Tribunale d’appello TI, 25. 8. 1993, Rep. 1994, p. 409-410.

6 Le choix du siège résulte d’actes concluants des arbitres ou des parties, par exemple de l’appel au concours d’un juge d’appui dans l’OHADA, sans objection d’une partie quant à sa compétence.

contrôle du juge compétent de l’État-partie dans l’OHADA sur la sentence, il faudrait à notre avis présumer que la non-fixation directe ou indirecte du siège par les parties emporterait l’application par analogie de l’article 14 AUA. Cette disposition prévoit que le défaut des parties donne compétence au tribunal arbitral de “procéder à l’arbitrage comme il le juge approprié”. Il en résulte pour tout tribunal arbitral international dans l’OHADA, qui ferait face à une telle difficulté procédurale, la possibilité de se prévaloir de la teneur de cet article pour fixer, à titre supplétif, ce siège de l’arbitrage à la condition que ledit tribunal ait été préalablement constitué. En effet, en convenant que l’existence du siège dans l’OHADA est une des conditions décisives pour entraîner l’application de l’AUA, il nous paraît évident que l’un des premier devoir de ce tribunal serait de désigner le siège sur le fondement de cet article 14 AUA, si les parties ou l’institution d’arbitrage ont volontairement ou involontairement omis de le faire.

2.2.- Les conséquences de la fixation du siège dans l’OHADA

82.- Le choix de loger le siège du tribunal arbitral international dans l’espace OHADA, est important pour des raisons de fait et de droit et emporte quelques conséquences.

 Il emporte l’application du droit de l’arbitrage de ce siège. Dans la présente occurrence, il s’agit de l’AUA au titre de lex arbitri, c’est-à-dire la loi de procédure arbitrale1.

 Du fait de l’application de l’AUA à la procédure arbitrale, les juges compétents du siège sont légitimés pour fournir toute assistance à l’arbitrage. Nous visons l’aide du juge étatique dans l’OHADA en cas de besoin et selon les conditions de cette norme juridique.

 Il emporte identiquement des effets juridiques qui tiennent aux recours ouverts contre la sentence arbitrale dans le pays de l’OHADA du siège. C’est dire qu’il légitime la compétence des tribunaux étatiques du siège dans l’OHADA qui peuvent contrôler la régularité de ladite sentence. À cet effet, c’est le juge compétent de l’État-partie dans l’OHADA où l’arbitrage a eu lieu qui est légitimé pour connaître du recours en annulation de la sentence arbitrale, et ce en application de l’article 25 alinéa 2 AUA.

 Le siège donne à la sentence sa nationalité pour les besoins de son exécution à l’étranger en vertu des dispositions de la CNY 1958 à laquelle tous les États de l’OHADA sont partis. Sur cet aspect, et à toutes fins de clarté, notons que la sentence rendue dans un arbitrage dont le siège est situé dans l’espace OHADA épousera non pas la nationalité de l’État de l’OHADA sur le territoire duquel elle a été rendue, mais plutôt d’une “virtuelle nationalité OHADA” entendue au sens d’une nationalité potentielle mise en place par le Traité de l’OHADA. Une telle sentence sera directement exécutoire sur l’ensemble territorial OHADA, en application des articles 30 à 34 AUA. A contrario, une sentence rendue dans un arbitrage ayant son siège hors espace OHADA sera une “sentence

1 Notons que même si les parties en vertu du principe d’autonomie élisent une autre loi étrangère, celle-ci ne peut concerner que les règles qui gouvernent l’instance devant les arbitres et non la Loi d’arbitrage qui a une portée beaucoup plus large.

étrangère” à l’OHADA et aura la nationalité du siège de cet arbitrage avec pour conséquence, une exécution dans l’OHADA subordonnée à l’exequatur du juge compétent de l’État-partie où la reconnaissance et l’exécution sont recherchées. Dans ce cas, ce juge n’appliquera qu’à défaut, l’article 34 AUA. La priorité étant donnée aux conventions internationales possiblement applicables, l’exécution de la sentence sera subordonnée à l’exequatur du juge en application de la CNY 1958 sur la base de la réciprocité.

 Pour finir, relevons que l’importance de la fixation du siège de l’arbitrage dans l’OHADA a aussi une incidence pour d’autres questions telles que: l’arbitrabilité du litige, la validité de la convention d’arbitrage (validité formelle et les autres conditions de validité outre l’arbitrabilité), la composition du tribunal arbitral international, de même que l’indépendance et la récusation des arbitres, les garanties fondamentales de procédure, c’est-à-dire les principes fondamentaux de procédure applicables devant l’arbitre. Encore, faudrait-il souligner qu’en sus des dispositions de l’AUA, la portée du siège dans l’OHADA englobera les conventions internationales ayant un effet direct envers les particuliers (self-executing).

2.3.- Lacune de l’AUA au sujet de la fixation du siège

83.- Nous avons relevé que l’importance du siège se mesure, entre autres, à l’aune de l’aide judiciaire à la constitution du tribunal arbitral international et auusi dans toutes les autres occasions de difficultés dans l’arbitrage. Sur cette toile de fond, il y a lieu de souligner qu’à la différence de la Loi française qui désigne le Président du Tribunal de 1ère Instance de Paris comme juge d’appui en cas de silence de la convention au sujet de la constitution du tribunal arbitral, l’AUA ne désigne matériellement aucune juridiction d’appui. Il se borne simplement à mettre l’accent, d’une part, à la teneur de l’article 5 AUA, sur le pouvoir du juge compétent de l’État-partie dans l’OHADA en cas de défaut ou d’insuffisance de la convention désignant les arbitres et, d’autre part, à la teneur de l’article 8 AUA, sur l’assistance du juge compétent de l’État-partie dans l’OHADA en cas de difficultés lors de la constitution du tribunal arbitral.

Cependant, il n’apporte aucune précision sur qui peut être ce juge compétent de l’État-partie dans l’OHADA, non plus par quelles modalités pratiques sa désignation serait opérationnelle. C’est dire que dans l’absence de la désignation claire d’un lieu géographique à titre de siège et faute de collaboration des parties, la constitution du tribunal arbitral international peut se révéler impossible. Il en résulte qu’en dépit de l’énonciation de l’article 1er AUA qui évoque la fixation du “siège du tribunal arbitral dans l’un des États-parties”, il nous paraît fort indispensable que le siège soit nominativement désigné par l’indication d’un lieu physique localisé dans ces États-parties, comme Abidjan, Cotonou, Douala, Niamey, Lomé ou autre. Ce n’est, à notre avis, que de cette seule manière que peut être déterminé en cas de besoin, le juge d’appui qu’est le juge compétent de l’État-partie dans l’OHADA conformément aux dispositions des articles 8 al. 2, 12 al. 2, 14 al. 7 AUA. Nous pensons que cette opération est indispensable, toutes les fois que la convention ne prévoit pas de

mécanisme de désignation des arbitres. À ce défaut en effet, aucun tribunal étatique de l’OHADA ne pourrait avoir juridiction pour désigner les arbitres. C’est la raison pour laquelle il serait plus qu’essentiel que non seulement les parties, mais aussi le tribunal arbitral ou l’institution d’arbitrage choisie par elles, fixent de façon claire et univoque, dès que possible l’endroit physique OHADA comme siège si la convention d’arbitrage ne prévoit rien à ce sujet, ou quand elle se limite à confusément indiquer “arbitrage dans l’OHADA”.

84.- Quid si aucun siège n’a été fixé, ni explicitement, ni implicitement, ni par actes concluants?

Du contenu de l’article 1er AUA il résulte que, dans une telle hypothèse, les dispositions de l’AUA ne s’appliqueraient pas et il serait vain et inutile de faire appel aux juridictions d’appuis prévus par l’AUA.