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165.- La problématique.- Le plus souvent, en matière de réalisation de grandes opérations internationales économiques4, un contrat peut faire partie d’un grand ensemble contractuel visant à la réalisation de cet objectif contractuel5. Dans une telle hypothèse, se pose la question de savoir si la convention d’arbitrage contenue dans ce contrat et qui fait partie de ce grand ensemble contractuel peut être affectée, soit dans son interprétation, soit dans les modalités de son exécution, par les stipulations relatives à l’arbitrage d’autres contrats constitutifs de cet ensemble6. Il faut relever qu’en réalité ce problème soulève les questions

1 J. BEGUIN/M. MENJUCQ, op. cit., p. 1099, n° 1847.

2 Pour une revue prospective de la question en droit comparé, voy. G. BORN, op. cit., p. 1152 et s.; voy. aussi N. BLACKABY/C. PARTASIDES/A. REDFERN/M. HUNTER, op. cit., n° 2.40 et s.; J.-F. POUDRET/S. BESSON, op.

cit., p. 233, n° 258 et s. Sur le problème similaire des clauses d’arbitrage signées par des organismes d’État et opposées à l’État lui-même, ou inversement, voy. Ph. FOUCHARD/E. GAILLARD/B. GOLDMAN, op. cit., p. 306, n°

507 et s.; voy. notamment l’aff. Plateau des pyramides, Sentence CCI, aff. n° 3493, 1983, Rev. arb., 1986, p. 105; sur le recours en annulation contre cette sentence, voy. CA Paris, 12 juil. 1984, JDI., 1985, p. 638, note B. GOLDMAN;

Rev. arb., 1986, p. 75, et Cas. (fr.) 1ère civ., 6 janv. 1987, JDI., 1987, p. 638, note B. GOLDMAN; Rev. arb., 1987, p.

469, note Ph. LEBOULANGER; Ph. LEBOULANGER, État, politique et arbitrage. L’aff. du Plateau des pyramides, Rev. arb., 1986, p. 3.

3 Au sujet de la problématique que soulèvent la convention d’arbitrage et la notion de groupe de contrats, voy.

D. COHEN, Arbitrage et groupe de contrats, Rev. arb., 1997, p. 471 et s.

4 Nous sous-entendons ici les opérations du commerce international et de l’investissement international.

5 Sur cette question, voy. B. TEYSSIE, Les groupes de contrats, Paris L.G.D.J., 1975, (Préf. de J. M. MOUSSERON);

J. NERET, Le sous-contrat, Paris, L.G.D.J., 1979, (Préf. de P. CATALA). Pour l’arbitrage et groupe de contrats, voy.

D. COHEN, Arbitrage et groupe de contrats, Rev. arb., 1997, p. 471.

6 Une telle hypothèse induit, en droit des contrats, la précision sur le statut juridique de chaque contrat. L’alternative qui s’offre permet, soit de retenir l’autonomie de chacun des contrats, soit d’envisager la liaison entre des contrats formant cet ensemble contractuel cohérent. En effet, dans l’hypothèse où c’est l’autonomie qui est retenue, il y a lieu de noter que les obligations qui relèvent de chacun des contrats n’ont pas à être ni interprétées, ni non plus affectées dans leur existence ou leur exécution, par les stipulations d’autres contrats. Il va sans dire qu’il y a une insularité de l’unité économique de l’opération que couvre cet ensemble contractuel qui ne se traduit pas au plan juridique. Par contre, dans l’hypothèse où c’est la liaison qui est l’approche convenable retenue, elle induit d’opérer une jonction aussi bien au plan du cadre normatif applicable à tous les contrats formant l’ensemble contractuel, mais aussi au plan de leur interprétation que du point de vue du sort juridique de chacun des contrats. De manière à ce que, par exemple, l’annulation ou la résolution de l’un entraîne l’annulation ou la résolution de l’autre. On note par-là, la mise en application de la théorie de l’indivisibilité des contrats.

relatives à l’organisation de l’arbitrage multipartite et de la jonction de procédures arbitrales connexes, qui ne peuvent être résolues, du point de vue procédural, que par la volonté des parties impliquées ou par la législation appropriée applicable à ladite procédure. Or, sur cet aspect, l’AUA, faut-il le rappeler, ne prévoit rien à cet égard.

166.- Démarche procédurale dans l’OHADA.- Cette démarche procédurale relèvera d’abord de la volonté des parties. C’est dire qu’il revient aux parties à cet ensemble contractuel d’envisager les solutions idoines au moyen de l’insertion d’une clause spécifique qui peut prévoir, soit la synchronisation entre les arbitrages présentant un lien de connexité1, soit leur intégration2 dans une procédure arbitrale unique3. Le défaut de prévisions des parties ouvre la possibilité que ce soit le droit applicable (la Loi sur l’arbitrage ou le Règlement d’arbitrage) qui prévoit la démarche procédurale organisant cet arbitrage multipartite4. Or, nous avons déjà relevé les lacunes de l’AUA sur cet aspect. Il va sans dire que si les parties elles-mêmes n’ont pas prévu la résolution de cette difficulté par le biais de l’insertion d’une clause appropriée à cette fin, l’efficacité de la convention d’arbitrage internationale dans l’OHADA peut s’en ressentir et, comme le souligne Meyer, les dispositions des articles 5 et 8 AUA qui permettent au juge étatique d’intervenir dans la constitution du tribunal arbitral en cas de difficultés ne peuvent, en aucun cas, fonder une intervention judiciaire en vue de réaliser une consolidation d’instances arbitrales5.

167.- Approches de solutions dans l’OHADA.- Cette lacune de l’AUA, au-delà de l’aspect organisationnel de la procédure ne doit, à notre avis, prétériter le tribunal arbitral international dans l’OHADA à entrevoir l’extension de la convention d’arbitrage internationale lorsqu’une telle nécessité peut paraître s’imposer entre les parties signataires et non-signataires de ladite convention, et ceci dans l’hypothèse d’ensembles contractuels et de sous-contrats. La solution retenue, à cet effet, par la CA de Paris nous paraît généralisable et acceptable dans l’ordre juridique OHADA. En effet, cette juridiction française a d’abord énoncé une règle matérielle en partant du rappel principiel selon lequel “la clause compromissoire insérée dans un contrat international a une validité et une efficacité propre”. Elle a ensuite affirmé que ces deux particularités de la clause compromissoire

1 Cette coordination d’arbitrages juxtaposés peut, par exemple, s’effectuer par une communauté de présidence des différentes juridictions arbitrales de façon à permettre une harmonie de leurs décisions.

2 L’intégration des divers arbitrages peut s’opérationnaliser par le biais d’une clause compromissoire reproduite dans chacun des contrats de l’ensemble contractuel. Tous les contrats relèveront alors de la même juridiction arbitrale, de la même procédure et du même corps de règles. Ainsi, cette même juridiction arbitrale statuera sur tout litige intervenant pour n’importe quel contrat constitutif du groupe de contrats.

3 J.-L. DELVOLVÉ, Les solutions contractuelles, la clause d’arbitrage multipartite, In: L’arbitrage et les tiers, Rev.

arb., 1988, p. 501 et s.

4 En droit comparé, la législation néerlandaise, à la teneur de ses art. 1046 al. 1er et al. 3 WBR, nous donne l’exemple d’un droit étatique qui organise, à titre supplétif, la consolidation judiciaire des procédures arbitrales. Dans le même sens que le droit néerlandais, l’Arbitration Ordinance de 1982 de Hong-Kong, à son art. 6 (B) (1) de même que la jurisprudence américaine de l’État de New York (voy. G. AKSEN, Les arbitrages multipartites aux États-Unis, Rev.

arb., 1981, p. 98 et s.), organisent cette procédure d’arbitrage multipartite.

5 À propos de dispositions similaires du droit français de l’arbitrage, un auteur fait observer la différence fondamentale entre l’intervention du juge dans la constitution du tribunal arbitral et la consolidation judiciaire. En effet, d’après cet auteur, alors que la première intervention suppose une convention d’arbitrage insuffisante, la consolidation judiciaire aboutirait à “imposer sans texte, à un litigant qui a souscrit une clause correcte, et qui a fait toutes les diligences, etc., d’avoir à changer d’arbitres, de procédure, de lieu d’arbitrage”. À ce sujet, voy. J.

RUBELLIN-DEVICICHI, Les solutions juridictionnelles, In: L’arbitrage et les tiers, Rev. arb., 1988, p. 524.

(validité et efficacité propres qui ne sont d’ailleurs pas étrangères au système de l’OHADA)1

“commandent d’en étendre l’application aux parties directement impliquées dans l’exécution du contrat et dans les litiges qui peuvent en résulter, dès lors qu’il est établi que leur situation et leurs activités font présumer qu’elles ont eu connaissance de l’existence et de la portée de la clause d’arbitrage, bien qu’elles n’aient pas été signataires du contrat la stipulant”2. Ce qui veut signifier en clair que la seule implication d’une partie dans l’exécution du grand ensemble contractuel semble, à elle seule, être suffisante pour que la convention d’arbitrage lui soit opposée dans ses effets obligatoires. Il s’en induit, dans l’hypothèse OHADA, que la convention d’arbitrage internationale contenue dans un contrat et qui fait partie d’un grand ensemble contractuel peut être impactée, dans son interprétation et dans ses modalités d’exécution, par les stipulations relatives à l’arbitrage d’autres contrats constitutifs de l’ensemble.

C.- La transmission de la convention d’arbitrage internationale dans l’OHADA

168.- La problématique.- Ici, nous entendons aborder la question de la substitution des parties3 à l’arbitrage, vue sous l’angle de la circulation de la convention d’arbitrage internationale qui s’opère par l’effet d’une transmission à titre particulier ou à titre universel4. La transmission suscite l’interrogation de savoir si cette convention peut juridiquement faire l’objet d’un transfert à un tiers et, dans l’affirmative, sous quelles conditions. Dit autrement, il s’agit de savoir si la transmission d’un contrat, ou des droits nés de ce contrat5, emporte transmission de la clause compromissoire qui y est stipulée?

169.- En droit comparé.- Les normes juridiques sur l’arbitrage international n’abordent pas cette problématique et ne fournissent donc aucune réponse à cet égard. Pas plus qu’elles ne donnent aucune précision sur le droit applicable à la circulation de la convention d’arbitrage internationale. Cela dit, nous aborderons, de prime abord, la problématique du droit applicable à une telle transmission dans l’OHADA (1), pour ensuite passer en revue les différents mécanismes de transmission en droit positif des affaires OHADA (2).

1 Art. 4 al. 1er et 2 AUA.

2 CA Paris, 30 nov. 1988 et 14 fév. 1989, Rev. arb., 1989, p. 691, note P.-Y. TSCHANZ, aussi CA Paris, 28 nov. 1988, aff. Cotunav, Rev. arb., 1990, p. 671, 1re esp., note P. MAYER.

3 C’est P. MEYER, op. cit., p. 127 et s. qui aborde la problématique sous le vocable de “substitution des parties” à l’arbitrage.

4 Sur cet aspect de la transmission de la clause arbitrale, voy. Ph. DELEBECQUE, La transmission de la clause compromissoire, à propos de l’arrêt voy. Cas. (fr.), civ., 6 nov. 1990, Rev. arb., 1991, p. 19 et s.; J. P. GOUTAL, Le droit des contrats, In: L’arbitrage et les tiers., Rev. arb., 1988, p. 439; D. GIRSBERGER/Ch. HAUSMANINGER, Assignment of Rights and Agreement to Arbitrate, Arb. int., 1992, p. 121; X.-Y. LI, La transmission et l’extension de la clause compromissoire dans l’arbitrage international, Thèse Dijon, 1993; C. LEGROS, L’arbitrage et les opérations juridiques à trois personnes, Thèse Paris II, 1999; E. LOQUIN, Différences et convergences dans le régime de la transmission et de l’extension de la clause compromissoire devant les juridictions françaises, Cah. arb., Vol. III, Gaz. Pal., éd., 2004, p. 49; P. MAYER, La circulation des conventions d’arbitrage, JDI., 2005, p. 253; F.-X.

TRAIN, Les contrats liés devant l’arbitre du commerce international, Paris, L.G.D.J., 2003.

5 La question, faut-il le souligner, concerne les hypothèses de cession de contrats ou de créances, ou de subrogation.

1.- Le droit applicable à la transmission de la convention d’arbitrage