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▪ I NTRODUCTION THEORIQUE

2 M ETHODOLOGIE D ' ANALYSE DES GESTES ET DU REGARD DANS LES INTERACTIONS

2.3 R OLE DU REGARD DANS LES INTERACTIONS

2.4.3 L'imitation non verbale

L'imitation non verbale a été observée de différentes manières à l'aide de différentes notions : synchronie interactionnelle, postures partagées et enfin l'effet caméléon.

▪ Synchronie interactionnelle

La synchronie interactionnelle correspond à la coïncidence temporelle du changement de comportements des partenaires de l'interaction, sans prendre en compte la similarité des comportements (Julien, Brault, Chartrand, & Begin, 2000). Ces changements de posture rendraient compte d'un rythme qui correspond aux changements survenus dans la parole (Shockley, Santana, & Fowler, 2003). Le simple fait de partager une tâche en commun, même sans se voir, augmente le taux de synchronie interactionnelle (Shockley et al., 2003).

Il a été montré que dans les interactions, les participants et les observateurs associent la synchronie avec de bons rapports entre interlocuteurs (Bernieri, 1988). Le taux de synchronie est également corrélé avec une bonne relation dans les couples mariés (Julien, Brault, Chartrand & Bégin, 2000). On peut en conclure que la synchronie interactionnelle est un facteur de cohésion entre interlocuteurs.

▪ Rôle des postures partagées et en miroir

Les notions de posture partagée et postures en miroir ne requièrent pas que les interlocuteurs changent de postures au même moment mais qu'ils adoptent la même posture au même moment (LaFrance, 1979). Le partage de postures est corrélé avec de bonnes relations et l'appréciation des autres (LaFrance, 1979; LaFrance & Broadbent, 1976).

Les études menées par LaFrance concernent des groupes d'élèves qui écoutent leur instructeur lors d'une colonie de vacances (LaFrance, 1979; LaFrance & Broadbent, 1976). Ils ont étudié le partage de postures entre les enfants et leur instructeur. Les auteurs ont noté combien d'enfants adoptent la posture convergente ou la posture miroir de la tête et des bras. Pour cela, ils ont catégorisé les postures de la tête et des bras selon 15 ou 16 positions différentes en fonction des études. Les observateurs notent la position empruntée par la personne observée toutes les 10 minutes. Chaque personne observée est notée séparément, ensuite les postures empruntées par l'instructeur et par ses élèves sont comparées. Selon le cas, il y a trois types de relations : (1) Posture en miroir : la posture empruntée des deux personnes considérées serait une image miroir, c'est-à-dire que si l'un est tourné à droite alors l'autre sera tourné à gauche. (2) Congruence de posture : les postures sont similaires, c'est-à-dire que si l'un est tourné à droite alors l'autre sera tourné à droite également. (3) Incongruence de posture : les postures ne correspondent pas l'une à l'autre.

Les élèves évaluent l'instructeur sur trois dimensions bipolaires (désintéressé - impliqué ; faible relation - forte relation; à part - ensemble). Les évaluations qui indiquent une relation positive avec les élèves sont corrélées positivement avec le nombre de postures partagées en miroir ou en congruence (LaFrance & Broadbent, 1976). Parallèlement, des corrélations négatives ont été observées entre le nombre de postures incongruentes et la relation interpersonnelle positive (LaFrance & Broadbent, 1976).

Une autre étude du même genre a été réalisée (LaFrance, 1979). Il s'agissait toujours d'enfants confrontés à un instructeur. Les positions du torse et des bras ont été observés. Le questionnaire était composé de 15 items. Cette fois, les

postures en miroir et le questionnaire ont été mesurés à deux moments différents à cinq semaines d'intervalle. Cette étude a démontré que les postures partagées et la relation sont positivement corrélées et que cette corrélation augmente avec le temps (LaFrance, 1979).

▪ Effet caméléon

Ainsi, la synchronie interactionnelle fait référence à la dynamique dans l'interaction tandis que les postures partagées font référence à la similitude dans les postures. Le choix des indicateurs dépend de la méthode de recueil de données utilisées. Mais certaines études prennent en compte à la fois la notion de similarité non verbale et la dynamique dans l'interaction, on parle alors de l'effet "caméléon". Cela réfère à la tendance automatique d'adopter les postures, gestes et mimiques du partenaire avec qui l'on communique (Chartrand & Bargh, 1999; Lakin, Jefferis, Cheng, & Chartrand, 2003). L'effet caméléon s'explique par le lien perception – action, c'est-à-dire que la simple perception d'une action effectuée par un autre, nous amène à l'imiter, c'est le comportement d'imitation (Chartrand & Bargh, 1999). Chatrand, Cheng, & Jefferis (2002) ont montré que les gens qui imitent sont plus appréciés par les autres. Les études empiriques suggèrent qu'il existe une relation bi-directionnelle entre d'une part, l'imitation et d'autre part, l'appréciation, les relations et l'affiliation (Lakin et al., 2003). De plus, l'effet caméléon contribuerait à l'efficacité de la coordination des comportements des membres d'un groupe (Chartrand & Bargh, 1999). Dans les groupes, l'imitation des mimiques faciales, des postures, des manières et autres comportements augmente la cohésion et l'appréciation des autres membres (Chartrand & Bargh, 1999). Ce phénomène d'affiliation s'effectue de manière non consciente (Chartrand, Maddux, & Lakin, 2005). L'effet caméléon est bénéfique dans les groupes récemment formés dans lesquels les relations sont fragiles ou inexistantes (Chartrand & Bargh, 1999). Cet effet caméléon se retrouve également lors d'interaction avec des Agents Conversationnels Animés (ACAs). Une étude a montré que lorsque l'ACA imite les mouvements de tête des participants, cela augmente l'efficacité d'un message persuasif, la présence sociale et l'affect positif (Bailenson & Yee, 2005).

Mais pour Chartrand & Bargh (1999), les études antérieures sur l'imitation ont de grosses limites méthodologiques. Tout d'abord aucune condition contrôle n'a pu être comparée avec l'imitation observée. Sans cela, on ne peut pas dire que l'imitation mesurée apparaît plus souvent que le hasard. Ensuite, les études corrélationnelles n'ont pas pour vocation de manipuler les postures et les comportements de l'un ou l'autre des interactants. En conséquence, ces recherches

manquent de contrôle expérimental. De plus on ne sait pas combien de temps les participants sont engagés dans l'imitation. Dans ce même article (cf. Chartrand & Bargh, 1999), les auteurs étudient l'imitation de participants qui interagissent avec des compères. Ils observent combien de fois ils se touchent le visage et tapent du pied en imitant le compère. Comme condition contrôle, ils observent le participant quelques minutes seul avant l'interaction.

L'effet caméléon semble un indicateur d'imitation plus intéressant que la synchronie interactionnelle et les postures partagées ou en miroir, car il prend en compte à la fois la dynamique des interactions, et le partage de posture. Néanmoins, l'imitation observée n'est jamais comparée à une condition contrôle. Chartrand & Bargh (1999) ont comparé le nombre de comportements produits lors d'interaction, avec le nombre produits lorsque les participants sont seuls. Cela ne démontre pas que la différence entre ces deux conditions soit due à l'imitation seule.

2.4.4 Conclusion

Ainsi, quelles que soient les notions et donc les méthodes utilisées pour étudier l'imitation : synchronie interactionnelle, postures partagées ou effet caméléon, les études montrent que l'imitation est un phénomène implicite qui atteste de la mise en place et du maintien de la relation interpersonnelle. Elle servirait de "glue sociale" (Lakin et al., 2003). Ce phénomène permettrait de réguler les interactions. Généralement ce processus est réalisé de manière automatique de la part des interlocuteurs (Chartrand & Bargh, 1999; Chartrand, Cheng, & Jefferis, 2002). Ainsi, l'imitation servirait à renforcer la relation interpersonnelle (Bavelas, Black, Lemery, & Mullett, 1986). Il y aurait un effet boule de neige entre l'imitation et l'affiliation, c'est-à-dire que l'imitation augmente l'affiliation et inversement l'affiliation augmente l'imitation. Néanmoins, on voit bien qu'il y a de fortes limites méthodologiques à la mise en évidence de l'imitation. Tout d'abord, il n'a pas encore été démontré que l'imitation observée, est significativement supérieure à la simple coïncidence de comportements produits simultanément. Chartrand & Bargh (1999) ont observé les participants avant l'interaction pour compter l'occurrence des comportements cibles. Mais on ne produit pas la même quantité de comportements et pas les mêmes, seul ou lors d'interactions sociales. De plus, on ne sait pas toujours précisément quels types de comportements sont imités. En effet, les descriptions des comportements sont sommaires et ne permettent pas de savoir

précisément quels types de comportements sont imités. Dans la plupart des études, il est fournit un seul indicateur d'imitation global.

2.5 C

ONCLUSION

Les catégories d'Argentin (1984), Ekman et Friesen (1969) et McNeill (1992), serviront pour constituer l'ensemble des indicateurs non verbaux étudiés dans cette thèse (cf. Problématique, page 75). Etant donné que ces catégories permettent d'étudier les interactions, nous pensons qu'elles seront utiles pour l'étude des interactions médiatisées. De plus, ces catégories sont pertinentes pour étudier la narration (cf. McNeill, 1992) et bénéficient d'une fidélité inter codeurs (cf. Argentin, 1984). Le prochain chapitre est consacré aux études et théories sur les communications médiatisées.