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3 1 Le Cénomano-Turonien nord-aquitain

3.1.9 Ile Madame (fig 2-12)

L’Ile Madame est l’une des coupes les plus complètes et les plus riches du Cénomanien charentais. Elle s’étend du milieu du Cénomanien inférieur (sous-unité B3) jusqu’au milieu du Cénomanien supérieur (unité F).

La coupe débute sur l’estran au sud de l’île avec les premières barres calcaires du B3 orientées NW-SE. Contrairement à ce qu’ont pu décrire Neumann (1963) et Moreau (1993), B3 n’est composée que d’une série de cinq « plateformes » carbonatées interrompues par des niveaux argilo-glauconieux et non d’une série de sept. Les intercalaires argileux sont fréquemment constituées de lumachelles de Rhynchostreon suborbiculatum. Les barres contiennent quant à elle de nombreux Ichthyosarcolites triangularis, des Neithea, et des échinides. Ces derniers indiquent cependant que l’environnement de dépôt de ces différents niveaux n’est pas le même. Les niveaux les plus récents sont les plus profonds au vu de l’apparition successive de Periaster elatus au sommet de « C » et de Micraster cf. distinctus dans « D ». Ces barres carbonatées sont également très riches en oolithes, caractérisant l’environnement de dépôt très agité qui régnait alors sur ces « plateformes ». Une seule barre

contient réellement une lumachelle d’huîtres (Rhynchostreon suborbiculatum), les autres ne contiennent que quelques individus plus épars. Chacune de ces barres s’achève par un important arrêt de sédimentation. Il est marqué par l’implantation d’un rudiste (Sphaerulites foliaceus) significatif de conditions environnementales plus calme et surtout moins turbides.

Une lentille argilo-marneuse ocre vient interrompre cette série. On y observe de très nombreuses Rastellum carinatum et Rhynchostreon suborbiculatum, de nombreux articles de pentacrines, des échinides (Hyposalenia acanthoides) des brachiopodes et le rudiste Ichthyosarcolites triangularis. Toutes ces faunes aux affinités paléoécologiques diverses témoignent que ce banc est marqué par un important remaniement. Cette lentille est en discontinuité majeure (tant sur la lithologie que sur la faune qui la compose) avec la série qui la précède. Elle marque ainsi le début du Cénomanien moyen bien qu’aucun marqueur stratigraphique n’y a été trouvé. En effet la présence de pentacrine témoigne d’un important approfondissement corrélable avec celui visible sur la coupe de Rioux (Charentes-Maritime, non étudiée dans cette thèse). Cette dernière présente alors une importante faune d’ammonite (Acanthoceras pseudorenevieri et Acanthoceras sp. juv.) indicatrice de l’extrême base du Cénomanien moyen (Moreau, 1993). Sur la coupe de l’Ile Madame, ce n’est que dans la série de barres calcaires sus-jacente du C1 qu’apparaissent progressivement les Praealveolina gr. cretacea, indicatrices de la limite biostratigraphique.

La transition entre C1 et C2 est marquée par le développement d’huîtres très diversifiées et de rudistes pionnier Ichthyosarcolites triangularis et Sphaerulites foliaceus. Ils sont associés à une riche faune d’échinides (Periaster elatus, Mecaster grossouvrei) et de térébratules caractéristiques d’un environnement de vasière carbonatée très calme et probablement assez profonde dans l’étage infralittoral. Il paraît cependant difficile de définir où se positionne cet environnement sur le profil de dépôt. Est–il suffisamment profond pour ne pas être affecté par la houle du large (minimum offshore supérieur) ou est-il abrité derrière une barrière carbonatée ?

La sous-unité C2 est un calcaire micritique gris à stratification amygdalaire. Bien que les organismes soient abondants (rudistes, échinides brachiopodes…). La faune d’huîtres est présente en base de coupe. Elle est principalement représentée par des Pycnodonte vesicularis var. hippopodium encroûtant par dizaines des Ichthyosarcolites triangularis. La partie supérieure de cette sous-unité est surtout composée de faunes remaniées par cette sous-unité présentant d’importants clinoformes.

La sous-unité C3 est marquée par un environnement péri-récifal dominé par les rudistes (Caprina adversa, Polyconites operculatus), les stromatopores (Actinostromaria stelata), les gastéropodes (Nerinea, Harpagodes, Pterodonta), mais quasiment aucune huître n’est présente au sein de cette formation. Elles arrivent postérieurement de manière massive (Rastellum diluvianum) dans l’unité lithologique, par encroûtements successifs à chaque arrêt de sédimentation. Ces arrêts de sédimentation sont induits par la grande régression qui s’opère entre le Cénomanien moyen et le Cénomanien supérieur. La faune de vertébrés (Vullo, 2002) et les débris articulaires de Frenelopsis témoignent de la remise en eau progressive de la sous- unité C4. L’environnement sédimentaire confirme également cette idée avec l’apparition de conditions environnementales de plus en plus calmes : il est possible d’observer le remplacement progressif de banc sableux ocres à la base de cette sous-unité par de petites alternances argilo-silteuses à son sommet.

L’unité D est un calcaire marneux à stratification rythmée diffuse très pauvre en huître (hormis quelques juvéniles encroûtant des nautiles). La macrofaune contient essentiellement quelques échinides (Goniopygus, Mecaster, Pygaulus,) et des nautiles témoignant de l’ouverture du milieu de dépôt de cet environnement vraisemblablement infralittoral inférieur.

L’unité E est composée de sable et de grès glauconieux. C’est un ensemble remarquable où sont développées deux bio-constructions métriques de Pycnodonte biauriculata terminées par des niveaux à Rhynchostreon suborbiculatum. L’analyse environnementale de cet ensemble est présentée en détail dans le chapitre 3. Le chapitre 5 reprend également en partie l’interprétation de cette unité puisque c’est dans la première lumachelle qu’a été prélevée l’une des pycnodontes traitées dans l’analyse des isotopes stables.

L’avant-dernière unité présente à l’île Madame, F, est le « calcaire supérieur à Ichthyosarcolites » (sensu Moreau, 1993). C’est un calcaire bioclastique grossier composé de quatre bancs principaux. Il correspond à un environnement infralittoral inférieur de haute énergie. Seul le deuxième banc peut être considéré comme riche en huîtres avec de nombreuses Rhynchostreon suborbiculatum, des Rastellum carinatum et des Rastellum diluvianum. Associé à ces derniers, il est également possible de rencontrer de nombreux rudistes, (Ichthyosarcolites triangularis et Praeradiolites sp.), des nérinés et quelques échinides infralittoraux (Nucleopygus, Archiacia, Mecaster) qui complètent l’assemblage. Localement, ce faciès est recouvert par un calcaire marneux blanc plus massif à huîtres (Rhynchostreon suborbiculatum). Ce nouveau faciès pourrait alors correspondre à l’apparition de la sous-unité G1.

3.1.10 Carrière de St Estèphe et ancienne carrière de Roulet (fig. 2-