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3 1 Le Cénomano-Turonien nord-aquitain

3.1.11 Falaise de Port-des-Barques (fig 2-14)

La falaise de Port-des-barques prend la suite de la coupe cénomanienne de l’île Madame en présentant les sous-unités G1, G2, et la base du Turonien. D’après Moreau (1993), le « calcaire supérieur à centimétriques » (unité F) serait directement situé au-dessous de la falaise. Cette falaise se présente en deux parties séparées par une faille normale orientée N80° et plongeant à 60° vers le SW.

La coupe débute à la base du compartiment sud-est par une série de bancs riches en Rhynchostreon suborbiculatum constituant la sous-unité G 1.

(1) Le premier banc est un grès fin assez glauconieux. Sa surface inférieure est ondulée et le reste du corps sédimentaire peut présenter quelques figures de chenaux. Les huîtres sont abondantes à la base mais disparaissent progressivement sur une trentaine de centimètres. On trouve encore quelques débris de rudistes et quelques Rastellum carinatum remaniées de l‘unité F sous-jacente.

(2) Le deuxième banc est un calcaire toujours très gréseux montrant d’importants litages en mamelons caractéristiques de dépôts de tempêtes. Les huîtres se répartissent de manière homogène dans ce niveau laissant présager de sérieux doutes sur l’autochtonie des faunes.

(3) La troisième lumachelle est constituée, dans le détail, par une série de plusieurs lits coquilliers discontinus sur environ 1 mètre. Elle est du même type lithologique que les bancs précédents excepté, la raréfaction des éléments glauconieux. La stratification interne présente des ondulations de forte longueur d’onde (λ ~ 2-3 mètres) et de faible amplitude (A~10 centimètres). Les Rhynchostreon suborbiculatum y sont très concentrées et Moreau (1993) y rapporte la présence de Rastellum carinatum (?). (4) Une quatrième et dernière lumachelle monospécifique à Rhynchostreon

suborbiculatum peut être observée avant l’apparition d’un joint continu très marqué. (5) La lumachelle sus-jacente débute directement après la discontinuité. Toujours

constituée d’huîtres, elle est cette fois très diversifiée et contient un mélange de Rhynchostreon suborbiculatum et de Pycnodonte vesicularis avant d’être progressivement colonisée par de petites Rastellum carinatum.

(6) la dernière des lumachelles est dominée par les Rastellum carinatum et quelques Rhynchostreon suborbiculatum. Les Pycnodonte vesicularis ont totalement disparu. Si toutes ces lumachelles se développent en contexte globalement infralittoral inférieur, elles ne seraient avoir le même environnement biosédimentaire : elles ne présentent pas la même organisation et ne sont d’ailleurs pas composées des mêmes espèces. Une analyse plus précise de la genèse de ces environnements à huîtres sera exposée dans le chapitre 3.

La sous-unité supérieure G2 est un calcaire marneux. Elle est séparée de G1 par un niveau bioturbé non encroûté. Elle est très riche en faune d’échinides (Leymeriaster, Discoides, Orthopsis), de brachiopodes (Terrebratella), Arca, bryozoaires et présente même quelques ammonites (Metoicoceras) rares dans la région. Les huîtres sont également présentes avec quelques Rhynchostreon suborbiculatum mais surtout de très gros individus de Rastellum carinatum (épais de 5 centimètres). Cette dernière espèce présente ainsi un

morphotype « géant » unique parmi toutes les coupes cénomaniennes échantillonnées. Cet environnement de vasière distale infralittorale inférieure peut donc être considéré comme très particulier au regard de cette faune originale.

La suite de la coupe se poursuit sur le compartiment Nord-Ouest, à droite de la faille.

Il est possible de retrouver sur estran un niveau jaune marneux à térébratules semblable au G2 situé en haut de falaise sur l’autre compartiment. L’érosion de la côte souligne alors sa décarbonatation par à-coups. Elle se réalise en un minimum de trois épisodes marqués par de petites vires, pour aboutir à un faciès marneux gris plus argileux qui constitue quasiment le reste de la falaise. Ce changement de faciès rapide mais continu témoigne de l’ennoiement brutal de la plateforme.

Les marqueurs stratigraphiques y sont pauvres (ainsi que la faune en général) si bien qu’un doute subsiste quant à la position de la limite cénomano-turonienne. Ce faciès très argileux témoigne d’un environnement circalittoral (supérieur ?) et marque ainsi la fin de la grande transgression du second ordre qui s’opère à cette époque (Hardenbol et al., 1997). Deux niveaux à huîtres sont repérables sans qu’ils constituent pour autant de véritables lumachelles. L’un se situe en base de falaise, avec la présence de très petite Pycnodonte vesicularis et Rhynchostreon suborbiculatum (anoxie ?), et l’autre au sommet, riche en Rhynchostreon suborbiculatum de très grande taille (jusqu’à 90 mm).

3.1.12 La Vallée (fig. 2-15)

La coupe de « La Vallée » est un petit affleurement visible en talus le long d’un champ. Les conditions d’affleurements sont très hétérogènes suivant l’année et surtout très médiocres comparées aux diverses coupes présentées jusqu’ici. Il est néanmoins possible d’observer de manière continue la sous-unité G2 cénomanienne et la base du Turonien. L’absence de marqueurs stratigraphiques rapprochés nuît toujours à la définition d’une limite cénomano- turonienne précise.

Le premier niveau est un ensemble marneux jaune riche en faune et présentant de petits bryozoaires, des térébratules, des Neithea et quelques Rastellum carinatum. Il correspond à l’unité G2 clairement identifiée sur la coupe de Port-des-Barques. La faune relativement semblable traduit le même type d’environnement infralittoral inférieur bien que les Rastellum carinatum rencontrées ne soit pas aussi développées.

Le niveau suivant est une marne légèrement plus argileuse de couleur grise. Seul quelques Rhynchostreon suborbiculatum de grande taille ont pu être observés. Ce niveau à grandes huîtres constitue une nouveauté car il n’est pas présent sur la coupe de Port-des- Barques.

Les marnes suivantes sont de plus en plus argileuses et présentent un débit en petites plaquettes. On y trouve de nombreuses Pycnodonte vesicularis de petite taille malheureusement fracturées par la diagenèse ainsi que de nombreux échinides présentant également des formes naines. Une question se pose alors : cette faune naine est–elle induite par un évènement anoxique global (« organic anoxic event » OAE) caractéristique de cette transition cénomano-turonienne (Arthur et al, 1997)? Une étude plus approfondie du sédiment encaissant mériterait cependant d’être entreprise afin de vérifier cette hypothèse.

Une longue série marneuse de près de sept mètres est très pauvre en huître mise à part un banc de Rhynchostreon suborbiculatum de grande taille. Il s’agit dans un premier temps de marnes grises (5 mètres) en plaquettes semblables aux bancs à petites pycnodontes. Elles contiennent également de nombreuses poupées carbonatées dans leur partie inférieure. La stratification disparaît progressivement pour passer à des marnes vertes. Ces marnes pauvres en faune continuent de traduire un environnement de vasière carbonatée très profond en domaine circalittoral supérieur.

Le dernier banc observable est un ensemble de calcaires crayeux assez massif de trois mètres d’épaisseur minimum (le toit n’est pas observable). Il contient quelques Rhynchostreon suborbiculatum de grande taille identique à celles qui sont observables en base de coupe ou au sommet de la falaise de Port-des-Barques. Ce niveau est connu dans la région puisque lors des labours, ces huîtres sont remontées dans les champs en compagnie d’ammonites (Mammites nodosoides) et de nombreux échinides (Periaster, Micraster). Le retour de ces faunes témoigne d’un environnement plus clément bien oxygéné (au vu de l’important développement des Rhynchostreon suborbiculatum), probablement situé à l’interface infralittoral/circalittoral.