• Aucun résultat trouvé

3.1.1.1.1

Définition et propriétés (fig. 3-6)

Ce type d’assemblage correspond à tous les corps sédimentaires en 3 dimensions qui contiennent une faune d’ostréidés considérée comme « census » (sensu Hallam, 1972). Ces assemblages ne sont affectés d’aucun remaniement et donc d’aucun amalgame temporel. La condensation affectant ces bancs est généralement réduite mais n’est pas nécessairement nulle. Cependant, plus cette condensation est importante, plus les informations paléoenvironnementales seront difficiles à « extraire ». Il sera en effet important de ne pas introduire d’amalgame temporel dans l’échantillonnage des différentes lignes-temps composant cette unité.

Ces assemblages ne sont en effet pas nécessairement homogènes. Cette particularité propre à ce type d’assemblage est très intéressante puisqu’elle permet ainsi d’assimiler la hauteur du banc comme un axe du temps. Chacun des plans situés sur cet axe représente un environnement particulier à un instant « t » (« snapshot » sensu Kidwell, 1997). Il est ainsi possible de suivre l’évolution des conditions paléoenvironnementales, paléobiocénose après paléobiocénose. Ces assemblages peuvent donc être considérés comme les indicateurs paléoécologiques les plus complets, puisqu’ils permettent de suivre la dynamique et les relais d’espèces et des populations.

L’enregistrement continu de ces environnements est cependant souvent très réduit. La majorité des assemblages rencontrés ne sont d’ailleurs que de simples assemblages homogènes significatifs d’un simple environnement. Ils ne représentent alors qu’un laps de temps très court de l’ordre de la journée à une dizaine d’année (Kidwell, 1997 ; Kidwell et Bosence 1991).

Ce type d’assemblage n’est cependant pas rare chez les ostréidés. Leur caractère opportuniste et leur prolificité sont des avantages pour la création de tels assemblages : l’enfouissement rapide souvent nécessaire à la bonne préservation de « census assemblage » est assuré par la superposition des cohortes d’ostréidés lors de l’édification de bioconstructions particulières, les crassats.

3.1.1.1.2

Exemple 1 : les lumachelles à Pycnodonte du Cénomanien

supérieur

Le premier exemple étudié se localise sur l’Ile Madame dans le niveau « E » du Cénomanien supérieur (fig. 3-7) correspondant au début de la zone à Naviculare (Néraudeau et al., 1997). A cette époque se développent d’importants niveaux à Pycnodonte biauriculata dans les Charentes, sur le pourtour ouest du Bassin Parisien, en Espagne, au Portugal, en Crimée, dans le Caucase et l’Ouzbékistan (Dhondt, 1984). L’abondance et l’organisation de ces ostréidés rappellent les bioconstructions (« patch reef ») évoquées par Zenkevitch (1963) et Caspers (1950). Il s’agit donc sans ambiguïté de véritables assemblages « census » en 3D tels qu’ils ont été définis précédemment. L’histoire de cette bioconstruction peut donc être analysée en continue.

Comme toutes les Pycnodonte, cette espèce affectionne les zones les plus distales de la plate-forme, mais nécessite pour l’édification de telles bioconstructions d’importants apports en nutriments par le biais de courants côtiers (cf. chapitre 5). L’épaisseur importante de la

coquille chez cette espèce et le développement chez un grand nombre d’individus d’expansions alaires soulignent la puissance des courants persistants (Dumanois, 1982).

Cet assemblage quasi monospécifique de Pycnodonte biauriculata (mais composé également de quelque Ceratostreon flabellatum et Rastellum carinatum) en sa base voit apparaître progressivement (fig. 3-7) une faune de Rhynchostreon suborbiculatum constituée d’individus ailés et normaux (Jourdy, 1924). Cette autre huître, opportuniste et légère, souligne une baisse significative des courants et donc de l’apport en nutriments (figure 3-7). Ce relais progressif d’espèces au sein de la bioconstruction montre l’absence de remaniement et donc témoigne du faible amalgame temporel affectant ce type d’assemblage.

Des études sclérochronologiques permettent d’estimer le temps que représente cette bioconstruction ainsi que la vitesse du relais faunique. Les modalités précises ainsi que les résultats de ces études sont présentés dans le chapitre 5. Le principe peut cependant être résumé ainsi : si l’on réalise des coupes transversales sur les coquilles de ces Pycnodonte, il est possible d’observer l’architecture interne constituée d’une alternance de couches calcitiques prismatiques et de couches calcitiques foliées. Ces couches s’organisent en faisceaux qui représentent l’équivalent d’une année de croissance. Le comptage du nombre de ces faisceaux permet d’obtenir une estimation de l’âge de chacun de ces organismes et il est alors possible d’estimer un temps d’accumulation nécessaire à l’édification d’un tel assemblage. Si l’on considère que l’âge moyen de ces organismes à cette époque (et pour cet environnement donné) était de l’ordre d’une quinzaine d’années, ce récif d’une trentaine de génération représenterai alors une tranche de temps d’environ quatre siècles. Le relais spécifique s’est quant à lui réalisé dans les deux à trois dernières générations, ce qui sous- entend des changements environnementaux rapides d’un durée inférieure à la cinquantaine d’année.

3.1.1.1.3

Exemple 2 : les lumachelles de la falaise de Suzac

Les six lumachelles de la falaise de Suzac présentent toutes une organisation caractéristique d’assemblage 3D « census ». Ces lumachelles sont à leur base composées d’une faune quasiment exclusivement composé de Pycnodonte vesicularis et Ceratostreon pliciferum d’affinité plutôt infralittoral inférieur. Il est ensuite possible d’observer une augmentation graduelle de la densité des faune conjointement à l’apparition progressive de nouvelles espèces (Rastellum carinatum, Rastellum carinatum et Agerostrea ungulata).

L’apparition de ces dernières semble caractériser une baisse du niveau marin jusqu’à un environnement infralittoral supérieur, probablement accompagnée d’une baisse significative de la turbidité.

La transition entre ces deux grands pôles environnementaux (infralittoral inférieur/ infralittoral supérieur) se déroule donc en continue au vue du changement graduel de la faune. Il n’y a pas de remaniement important entre les différentes paléo-communautés composant ces assemblages.

Un doute subsiste cependant sur l’écoulement du temps qu cours de l’édification de cet assemblage. L’augmentation progressive de la densité des organismes au sein de ces bancs est-elle due à des conditions d’implantation de plus en plus favorable aux faune ou plutôt à une baisse significative du taux de sédimentation ? Si aucune réponse claire ne peu à l’heure actuelle être fournie, ce type d’assemblage à tout de même le mérite de pouvoir mettre ne évidence de tels problèmes.

3.1.1.1.4

Exemple 3 : les lumachelles à Crassostrea du Messinien

andalou

Les assemblages étudiés dans le Néogène des bassins de Sorbas et Vera sont remarquables par leur qualité de préservations et les cas d’études de type « census assemblage » ne manquent pas.

L’un des niveaux les plus exceptionnels concerne le crassat de la base de la coupe de Cerro de Los Lobos. Ce banc d’une cinquantaine de centimètres est un assemblage mono- spécifique de Crassotrea gryphoides, qui témoigne d’une certaine stabilité des conditions environnementales. Les individus sont très concentrés, au point de pousser les uns sur les autres et de former de véritables crassats tels qu’il est possible d’en observer dans les assemblages actuels. Ces crassats sont très bien préservés avec, pour la plupart des huîtres, la présence des deux valves en connexion. La mise en place de ces crassats ressemble fortement à celle décrite par Hocquet (1995) (fig. 3-8). Les processus à l’origine de ces bioconstructions sont soumis à une chronologie et des conditions paléoenvironnementales très précises.

Ainsi, une première vague d’individus est d’abord venue s’implanter sur un substrat meuble (car toujours non induré actuellement), arénitique fin et très micacé, correspondant à un environnement estuarien très proximal. Dans un second temps, ces individus ont servi de support à la croissance d’une deuxième génération positionnée cette fois ci de manière verticale. Cette construction a grandi ainsi progressivement sur plusieurs années, de proche en proche, et dans toutes les directions. D’après Hocquet (1995), la structure s’est faite simultanément ensevelir par le sédiment du fait du piégeage des particules entre les espaces vides. La taille finale du crassat a été ainsi contrôlée par trois facteurs environnementaux principaux :

- l’hydrodynamisme du milieu : s’il est trop agité (de manière permanente ou même de manière ponctuelle) cela est défavorable à l’édification d’une telle structure ; la granulométrie très fine du sédiment encaissant et l’absence de structures sédimentaires associées indiquent que cet environnement fut calme, identique aux exemples actuels (crassats de La Vallière, Charente-Maritime); - le niveau de la mer ; les Crassostrea peuvent endurer une émersion tant que

très fragile hors de l’eau principalement à cause de son poids ; il semble donc que la limite maximale de développement corresponde approximativement au niveau de basse mer en période de mortes eaux ;

- le taux de sédimentation ; un apport de sédiments trop important (avant ou une fois cet équilibre atteint) signifie la mort de la colonie par envasement.

La taille des crassats observés sont quant à eux d’une trentaine à une cinquantaine de centimètres maximum. La rareté des débris coquilliers malgré l’abondance de ces petites bioconstructions et surtout le faible développement de ce banc semblent indiquer que la croissance de ces crassats a du être interrompue par apport massif de sédiment. Les colonies ont donc été enterrées très rapidement, ce qui a pu les préserver de tout remaniement.

Une fois de plus, le temps que représente ce type d’assemblage peut être estimé : chacune de ces colonies ne rassemblant pas plus de trois à quatre générations, cet environnement n’est resté stable que quelques dizaines d’années au maximum.

3.1.1.2 3D Within habitat time averaged assemblage (assemblage 3D