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Distribution et organisation séquentielle des faciès à ostréidés

2 Analyse séquentielle des terrains étudiés

2.4 Géométrie des assemblages et définition des surfaces stratigraphiques remarquables

2.4.1 Principe

L’organisation géométrique des assemblages d’ostréidés peut également être révélateur des variations séquentielles du niveau eustatique.

L’abondance des coquilles dans un niveau et donc la morphologie globale de l’assemblage résulte du bilan de deux facteurs que sont le taux de sédimentation et l’apport de coquilles (production in situ ou apport extérieur). Cette relation est donc complexe puisque chacun de ces deux facteurs peut varier indépendamment et est fonction de paramètres multiples et variés.

Si les mécanismes régissant l’apport des coquilles sont abondamment discutés dans le reste de cette étude (remobilisation des coquilles par des agents biotiques ou abiotiques, environnements préférentiels de développement des espèces, prolificité de ces dernières…), il s’agit ici de considérer les variations du taux de sédimentation et leurs incidences sur la géométrie et l’organisation des assemblages.

Suivant les fluctuations de ces taux de sédimentation et dans l’hypothèse d’un taux d’apport coquillier constant, Kidwell (1986, 1991) a pu établir une classification des concentrations coquillières). Il serait ainsi possible de distinguer quatre grands types de géométrie d’assemblages (fig. 4-6) :

- les assemblages de type I : ces assemblages résultent d’une diminution progressive du taux de sédimentation ; les coquilles se retrouvent alors progressivement concentrées et forment des assemblages 3D de plus en plus condensés et denses ; ce

taux de sédimentation évolue jusqu’à un apport nul de sédiment, créant alors une surface particulière, siège de l’implantation d’un assemblage de type 2D (ex : encroûtement de hard ground) :

- les assemblages de type II : ces assemblages ont la même origine que les assemblages de type I (à savoir une diminution progressive du taux de sédimentation) mais s’achèvent par une surface d’érosion ; ces assemblages sont donc uniquement à considérer comme des assemblages 3D ; aucun assemblage de type 2D ne peut s’implanter en surface sans rapidement être dégradé puis décapé ;

- les assemblages de type III et IV : ces assemblages sont respectivement le résultat d’une dynamique inverse des types I et II ; le taux de sédimentation est alors en constante augmentation ; ces assemblages constituent progressivement des assemblages en 3D et reposent respectivement sur une surface de non-dépôt ou une surface d’érosion.

Ces surfaces sont donc toutes, en théorie, caractérisées par une forte concentration coquillière. Les huîtres, en tant que principales représentantes de ces assemblages, devraient pouvoir caractériser à elles seules ces différents cas de figure. De plus, puisque ces surfaces

d’érosion et de non-dépôt sont classiquement utilisées en stratigraphie séquentielle pour découper le remplissage sédimentaire, il paraît alors important d’observer la morphologie de ces assemblages pour caractériser ces différentes unités. Plusieurs exemples sont ainsi clairement identifiables dans les séries cénomaniennes des Charentes (fig. 4-7).

- Exemples d’assemblages de type I : deux assemblages sont identifiables dans la sous- unité B1 sur la coupe de Piédemont. Il est clairement possible de voir une concentration progressive des organismes dans les assemblages 3D jusqu’à l’avènement de l’assemblage 2D ; ces assemblages correspondent respectivement à une surface d’inondation maximale du troisième ordre et une surface d’inondation d’une paraséquence.

- Exemples d’assemblages de type II : les intercalaires argileux de la plateforme carbonatée B3 peuvent être assimilés à de tels assemblages. Comme définis, ces intercalaires se chargent progressivement en faune (et particulièrement en Rhynchostreon suorbiculatum) avant d’être interrompus par l’arrivée de barres carbonatées oolithiques. Ces dernières, témoignant d’un environnement fortement agité, ravinent les assemblages argileux tendres sous-jacents. Ces surfaces peuvent être interprétées comme des surfaces de transgression créées lors de la remontée du niveau eustatique.

- Exemples d’assemblages de type III : l’unité F montre la mise en place d’une lumachelle dominée par Rhynchostreon suborbiculatum. Celle-ci s’implante après un arrêt net de sédimentation qui pourrait être attribuable à la surface d’inondation de la paraséquence située dans cette unité F.

- Exemples d’assemblages de type IV : les huîtres de la base de la sous-unité B1 d’Archingeay (dominée encore une fois par Rhynchostreon suborbiculatum) reposent clairement sur une discontinuité sédimentaire érosive. La partie basale de cet assemblage est fortement concentrée en huîtres avec de plus de 100 individus par Kg de sédiment. Cette concentration diminue alors progressivement pour atteindre une moyenne de quelques dizaines d’individus seulement par Kg de sédiment au sommet de ce même banc. Ce dernier niveau, fortement marin et très ouvert, marque alors le maximum d’approfondissement à l’échelle d’une paraséquence.

- Enfin, de nombreux assemblages remarquables restent indéfinis. Plusieurs niveaux présentent une forte concentration d’organismes sans qu’il soit possible d’y observer distinctement une évolution quelconque (augmentation ou diminution) de densité en faune. La faible vitesse de sédimentation (estimable en moyenne de 10 à 15 m/Ma) pourrait expliquer ce phénomène. L’enregistrement sédimentaire étant très concentré, les variations graduelles du taux de sédimentation y seraient d’autant plus difficiles à lire. Il est cependant possible de remarquer que plusieurs exemples de ce type sont ainsi visibles sur la figure 4-7.

De nombreux exemples mériteraient également d’être étudiés dans les séries campaniennes. La remarquable rythmicité des dépôts tend à démontrer la présence de multiples paraséquences de type Milankovitch. Chacun des emboîtements de quatre bancs sur la coupe de la falaise du Pilou est cependant marqué par l’apparition d’un pic d’abondance en ostréidés à leur sommet ou à leur base (correspondant ainsi respectivement à des assemblages de type I et III). Les études séquentielles actuelles manquent cependant d’argument pour confirmer cette hypothèse, quantifier la fréquence de leur signal et définir la polarité de ces changements eustatiques.

2.4.2 Limite de validité

Il est cependant possible d’émettre plusieurs réserves sur l’utilisation de ces assemblages dans le découpage séquentiel :

- si ces assemblages permettent de mettre en évidence l’existence de surfaces remarquables, ils ne permettent cependant pas de les identifier ; elles peuvent correspondre indifféremment à une surface d’inondation maximale, une surface de non-conformité et surface d’inondation ;

- la réponse des ostréidés est inégale et empêche a priori toute hiérarchisation des limites de séquence de dépôts ; l’abondance des ostréidés dans une limite de séquence de 3ème ordre est hétérogène (fig. 4-7) ; les assemblages localisés dans la sous-unité cénomanienne B3 de l’Ile Madame, répondant à des variations eustatiques de plus haute fréquence, peuvent avoir localement des densités de population supérieures ; - toutes les surfaces stratigraphiques remarquables ne sont pas surlignées par de tels

types d’assemblages ; de tels exemples sont observables dans les sous-unités cénomaniennes C2/C3 et D ;

- les assemblages présentant des morphologies analogues aux différents types définis par Kidwell (1986, 1991) ne sont pas tous interprétables en terme de variation du taux de sédimentation ; l’augmentation progressive en densité coquillière des lumachelles de l’unité E du Cénomanien supérieur ne reflète en fait qu’un changement d’espèce dans la composition de l’assemblage (remplacement progressif de Pycnodonte biauriculata par Rhynchostreon suborbiculatum).

Une raison majeure semble à l’origine de ces différents problèmes. Chaque espèce possède une aptitude propre à occuper l’espace qui lui est offert dans un environnement bio- sédimentaire donné. Il faudrait donc, en théorie, toujours se référer à la même espèce dans des environnements semblables. Heureusement, la majorité des assemblages est fréquemment dominée par une espèce ubiquiste et très prolifique. Cette observation est vraie pour Rhynchostreon suborbiculatum au Cénomanien, Pycnodonte vesicularis et Ceratostreon pliciferum au Campanien supérieur et Ostrea lamellosa et Neopycnodonte navicularis/cochlear au Néogène terminal. Cette « uniformisation » des assemblages d’ostréidés permet donc, à une certaine échelle, de les considérer comme de puissants marqueurs de surfaces stratigraphiques remarquables.

Il est cependant nécessaire de coupler ces observations avec une analyse des milieux environnant pour confirmer ou infirmer les soupçons sur la présence d’une limite remarquable. Cette analyse peut se réaliser grâce à la compréhension des modalités de distribution autécologique et synécologique des espèces d’ostréidés.