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Identification et types

Dans le document Changement lexical en nez-percé (Page 170-174)

3. Lexicalisation des tropes : métonymies et métaphores

3.3. Métaphores

3.3.1. Identification et types

La métaphore est identifiée par la disjonction dans la dénotation ou la désignation qui a lieu entre deux expressions linguistiques en relation d'allotopie. Elle repose sur les transferts sémiques380

entre les expressions qui ont le trait / animé / et celles qui ont le trait / inanimé /.

Selon Le Guern (1973), l'identification de la métaphore est complexifiée par le recours à un verbe qui atténue la perception de la relation allotopique ou par le recours à un nom modificateur qui accompagne le nom : le nom modificateur atténue ce qu'il y avait de difficilement recevable dans la métaphore du nom employé seul, il indique aussi dans quel sens doit s'orienter le processus de la sélection sémique tout en introduisant entre lui et le nom un élément intermédiaire qui rend moins abrupte le changement isotopique, ou il provoque une mise entre parenthèses d'un des éléments de signification du substantif que le modificateur caractérise. En (308)381, le verbe allumer

atténue la métaphore du feu, et en (309)382, sonore en tant que modificateur de tempête atténue la

relation allotopique car sonore est compatible avec tempête et voix.

380 Explicité dans cette partie et dans l'étude des mécanismes sémantico-référentiels de la métaphore. 381 Exemple de Voltaire (dans « Zadig »), dans Le Guern (1973).

Soit :

(308) La familiarité d'Astarté, ses discours tendres, (…) allumèrent dans le cœur de Zadig un feu

dont il s'étonna.

(309) La tempête sonore de la voix du curé.

Lorsque la métaphore porte sur le verbe seul, il y a une incompatibilité sémantique entre le verbe et son sujet ou entre le verbe et son complément. Cette incompatibilité entraîne sur le plan de la communication l'amputation des éléments de signification incompatibles avec le contexte (sèmes des expressions linguistiques incompatibles avec ceux des autres expressions)383. En (310)384, le

recours au verbe abhorrer provoque l'abandon du sème / inanimé / de nature, incompatible avec le sème / animé humain / du verbe. Soit :

(310) La nature abhorre le vide.

Il existe quatre types de métaphores. Ce classement est effectué selon les transferts sémiques qu'elles génèrent (Fontanier 1821). Dans les métaphores physiques, des éléments physiques, animés ou inanimés, sont comparés entre eux, ce qui génère des transferts sémiques du type / animé / vers / inanimé /. Ce type de métaphore concerne le transport à une chose animée de ce qui est le propre d'une autre chose animée, le transport d'une chose inanimée, mais physique, à une chose inanimée (souvent morale ou abstraite) et les transports d'une chose animée à une chose inanimée. Dans les métaphores morales, un élément abstrait, métaphysique, ou d'ordre moral se trouve mis en relation avec un élément physique et affecte les sens. Cela génère des transferts du type / inanimé / vers / inanimé /. Par exemple385, la métaphore en (311) est un transfert entre le sème / humain / du nom

homme et le sème / animé non-humain / de renard. En (312), le transfert a lieu de consolateur, qui

présente le sème / animé / vers temps, qui présente / inanimé /386 et, en (313), de perles qui

manifeste / inanimé / vers rosée qui comporte également / inanimé /.

383 Explicité dans la partie qui étudie les mécanismes sémantico-référentiels de la métaphore. 384 Exemple de Pascal (dans les « Pensées »), dans Le Guern (1973).

385 De Fontanier (1821).

386 Le transfert de / animé / vers / inanimé / est également étudié chez Fontanier dans les personnifications. Dans la thèse, on ne traite pas ce type de métaphore de façon spécifique.

Soit :

(311) Cet homme est un renard.

(312) Le temps est un grand consolateur. (313) Les perles de la rosée.

En Amérique du Nord, le recours aux métaphores (en tant que figures vives et en tant que figures lexicalisées) est courant dans les langues wakashanes telles que le kwakwala parlé en Colombie- Britannique (Boas 1947387), dans les langues tsimshianiques (une langue de Colombie-Britannique)

comme le nisgha (Tarpent 1987388), dans les langues hokanes comme le karok (une langue du Nord

de la Californie étudiée par Bright 1957389) et dans les langues sahaptiennes comme le yakima

(Jansen 2010). En (314)390, la métaphore vive repose sur un transfert entre les sèmes / animé non-

humain / et / animé humain /. Le nom waxpúúya « serpent à sonnette » est employé avec le verbe

lalíwa, « se sentir seul », relatif à des sentiments humains. Soit :

(314) i-lalíwa-sha-na waxpúúya

3Sg.S-be.lonely-IMPV-PST serpent.à.sonnettes

« Waxpúuya (Rattlesnake) was lonely. »

Soit les exemples en nez-percé (315) à (324)391 :

(315) Ø-cíq̓amqal-wíí-sa

S1SGINTR-chien-VZR-PRS

« Je me comporte comme un chien (litt. : « Je suis un chien »). »

(316) qepsíʾs-wéé-nm súqt

mal-être.CONV-GEN racine

« racine du mal »

387 Cette partie étudie plus particulièrement les métaphores spatiales et lexicalisations de métaphores spatiales. Boas (1947) a analysé de telles métaphores (par exemple, dans la spatialisation relatives aux parties du corps).

388 Plus particulièrement les spatialisations relatives à environnement (comme les collines ou les rivières).

389 Plus particulièrement les spatialisations relatives à environnement (comme les collines ou les rivières), les surfaces des objets et le corps humain.

390 Exemple et glose de Jansen (2010).

391 Les métaphores sont vives ou lexicalisées dans la mesure où le classement en types de transferts s'applique aux premières et aux secondes.

(317) liméq-ʾis-tímt

être.profond-NZR-relatif.au.langage

« langage archaïque (litt. : « langage profond ») »

(318) c̓ééwc̓ew-nim ʾískit

fantôme-GEN chemin

« voix lactée »

(319) hiyúúm-ník tuy̓é

ours-INTENS coq.de.bruyère.bleu

« très grand coq de bruyère bleu (litt. : « coq de bruyère bleu très ours ») »

(320) hinimíí-nim ʾipelííkt

bruit.d'un.animal.CONV-GEN nuage

« cumulo-nimbus (litt. : « nuage du bruit d'un animal ») »

(321) c̓áyn titóóqan

excrément personne

« personne qui ne se rend pas utile »

(322) ʾe-sepéé-hekí-ne ʾíínim tim̓íne ʾipí-ne

S1SGO3SG-CAUS-voir-PST POSS1 cœur POSS3-OBJ

« Je lui ai parlé de moi (litt. : « Je lui ai fait voir mon cœur »). »

(323) ci-cíkaw̓is ha-hááma-níx hipe-téwyek-uʾ

PL-brilliant PL-homme-INTENS S3PL-sentir-FUT

« Ils se sentiront brillants et braves (litt. : « Ils se sentiront très hommes brillants »). »

(324) misemí latíí-t-ʾáál

mentir.CONV fleurirACTPT-moment.de

« saison autours du mois de mars (litt. : « le moment de fleurir menteur ») »

À la suite des transferts allotopiques (transfert qui a leu entre deux cotopies), le nom

cíq̓amqal, « chien » en (315) a / animé non-humain / et désigne un humain. Le transfert en (316)392 a

lieu de súqt, « racine », un / inanimé /, à qepsíʾswéét, « mal », un nom qui présente / inanimé /, comme en (317) entre liméq̓is, « chose profonde » et liméqʾistímt, « langage archaïque », et en (318) entre c̓ééwc̓ew, « fantôme » et ʾískit, « chemin ». L'exemple (319) illustre le transfert sémique entre deux noms qui manifestent / animé non-humain /, à savoir hiyúúm, « ours » et tuy̓é, « coq de bruyère bleu ». L'exemple (320) étaye le transfert du sème / animé non-humain / de hinimíí,

392 Il s'agit d'une métaphore lexicalisée. Les métaphores (318), (320), (321) et (324) sont également lexicalisées. Nos propos pour ces métaphores concernent le transfert sémique qui a lieu avant leur lexicalisation.

« ours », à ʾipelííkt, nuage, un inanimé. Les exemples (321) à (324) concernent le transfert de / inanimé / par c̓áyn, « excrément » vers titóóqan, « personne », de tim̓íne, « coeur » vers ʾe-, « S1SG » , et de cíkaw̓is, « chose brillante » vers hááma, « homme », des animés humains. Le (324) illustre le transfert de / animé humain / de miséémt, « menteur » vers latíítʾáál, « mars », un inanimé.

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