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Associations sémiques externes

Dans le document Changement lexical en nez-percé (Page 182-186)

3. Lexicalisation des tropes : métonymies et métaphores

3.3. Métaphores

3.3.2. Mécanismes sémantico-référentiels de la métaphore

3.3.2.3. Associations sémiques internes et externes aux métaphores

3.3.2.3.2. Associations sémiques externes

Selon Lakoff et Johnson (1980)407 il est possible de rapprocher les éléments suivants du

domaine actanciel : ceux qui concernent l'action proprement dite (ses étapes, début et fin), ceux qui concernent son cadre spatio-temporel et ceux qui concernent ses participants. Ce rapprochement repose pour les auteurs sur le principe de correspondance entre réalités existantes et imagées. Un nom relatif à un lieu abstrait est associé à un autre nom, également abstrait, relatif à des participants, cela car dans le domaine extra-linguistique, les individus évoluent dans des lieux et dans un référentiel temporel donné. Du point de vue de la catégorie408 (Kleiber 1999), les noms du domaine

actionnel appartiennent à des catégories distinctes que l'on classe eux-mêmes grâce au principe d'appariement de Lakoff et Johnson dans une même catégorie que l'on nomme ici catégorie actionnelle (la taxinomie de cette dernière est organisée en différents niveaux hiérarchiques et les sèmes du niveau 1 sont inclus dans ceux du niveau 2409). Du point de vue de la sémantique410

(Greimas 1966 et Pottier 1992), les traits relatifs à l'action sont associés aux traits relatifs au cadre spatio-temporel et aux participants. À la différence des associations sémiques entre les unités lexicales d'une même métaphore, ces associations ont lieu entre plusieurs métaphores. Lorsqu'un nom ou un verbe métaphorique qui a l'un des sèmes du domaine actanciel se voit attribuer un sème spécifique, c'est l'ensemble des sèmes associés précédemment audit nom ou audit verbe qui se voient potentiellement attribuer ce sème. Dans les métaphores de spatialisation, lorsqu'un nom ou un verbe relatif à une action comporte une indication sémique de localisation, les noms corrélés à ladite action (qui indiquent les participants ou le cadre spatio-temporel) présentent dans les métaphores corrélées un sème de spatialisation (imagée). Par exemple, si un nom de lieu métaphorique a le sème de spatialisation, alors les noms de participants ont aussi ce sème. De la même façon, les noms ou verbes relatifs à l'action qui se déroule dans ce lieu et à tous autres éléments liés au lieu l'ont également. Ainsi411, si le nom autorité en (351) a le sème / haut / alors le

nom en (352) des acteurs associés à autorité a également le sème / haut /. Le nom élite412 en (352) est corrélé à / haut / car autorité s'est vu attribuer / haut / précédemment.

407 On convoque ponctuellement les travaux cognitivistes de Lakoff et Johnson (1980).

408 La catégorisation est également analysée dans la partie de la thèse consacrée à l'étude du lexique alimentaire. 409 Explicité dans le cadre théorique.

410 Afin de ne pas sortir du cadre de la sémantique lexicale, on étudie les associations sémiques entre métaphores selon le principe d'appariement défini par Lakoff et Johnson (1980).

411 Les exemples sont de Lakoff et Johnson (1980).

412 Le nom élite est créé par une métonymie (Bonhomme 2006) dans laquelle le nom relatif à une catégorie sociale désigne les individus de cette même catégorie.

Soit :

(351) L'autorité est en haut. (352) L'élite est en haut.

En nez-percé, lorsqu'un nom de lieu imagé comporte le sème de la spatialisation, les noms de participants, d'actions (qui se déroulent dans le lieu), ou d'éléments qui lui sont associés manifestent également le sème de la spatialisation. Les éléments connotés positivement comportent le sème / chose au-dessus / tandis que les éléments connotés négativement comportent le sème / chose au-dessous /. Les métaphores crées à la suite des contacts avec les protestants fournissent des exemples multiples de spatialisations métaphoriques. Soit413 les exemples (353) à (360) 414 :

(353) ʾááqam-kin̓ikááy chose.au.dessus-un.choix.parmi.deux « paradis » (354) ʾééy̓s-niwees être.heureux-NZR.lieu « paradis » (355) ʾile-kaʾáw-is-pa feu-briller-NZR-LOC « paradis » (356) ʾááqam-kin̓ike-oo chose.au.dessus-un.choix.parmi.deux-humain « dieu » (357) ʾéénim-kin̓ike chose.au.dessous-un.choix.parmi.deux « enfer » (358) wéép-sisúy-kinwees avec.les.mains-apprendre.par.la.manière.forte-NZR.lieu « enfer »

413 La liste d'exemples est commentée après leur mention. On classe également les données sémiques dans des tableaux récapitulatifs, cela afin de faciliter la compréhension de nos commentaires

(359) weqíí-nwees délaisser.et.jeter-NZR.lieu « enfer » (360) ʾéénim-kin̓ike-koo chose.au.dessous-un.choix.parmi.deux-humain « Satan »

En (353) le nom ʾááqamkin̓ikááy, « paradis »415 a le sème / chose au dessus / du nom

ʾááqam dont l'équivalence est « chose au dessus ». La catégorie « paradis » est créé par associations

intercatégorielles : de (354) à (356) les noms ʾééy̓sniwees, ʾááqamkin̓ikoo et ʾilekaʾáwispa qui ont respectivement les sèmes / bonheur /, / participant / et / luminosité / entrent dans trois catégories distinctes (catégories que l'on nomme « luminosité », « bonheur » et « participant »). La création de la catégorie « paradis » repose sur l'association sémique des noms qui sont relatifs au domaine actionnel suivant : les unités lexicales qui nomment les actions réalisées au paradis sont liées aux unités lexicales qui nomment le cadre spatio-temporel et les participants desdites actions. Les trois noms se classent416 au niveau 2 taxinomique, subordonné à ʾááqamkin̓ikááy, « paradis », au niveau

1. Les trois noms du niveau 2 comportent le sème de la spatialisation / chose au dessus /.

De même, en (357) le nom ʾéénimkin̓ikeʾ « enfer » a le sème / chose au dessous / et est dérivé du nom ʾéénim dont l'équivalence est « chose au dessous ». La catégorie « enfer » est créé par associations intercatégorielles : de (358) à (360) les noms wéépsisúykinwees, weqíínwees et

ʾéénimkin̓ikoo qui ont respectivement les sèmes / tourment /, / abandon / et / participant / entrent

dans trois catégories distinctes (catégories que l'on nomme « tourment », « abandon » et « participants »). La création de la catégorie « enfer » repose sur l'association sémique des noms qui sont relatifs au domaine actionnel suivant : les unités lexicales qui désignent les actions réalisées en enfer sont liées aux unités lexicales qui désignent le cadre spatio-temporel, et les participants desdites actions.

On détaille les relations équipollentes (Coseriu 1964) des sèmes que l'on mentionne dans les commentaires des exemples dans les deux tableaux ci-après.

415 Les noms listés ici sont des métaphores lexicalisées. Après lexicalisation, une partie des sèmes subsistent malgré la neutralisation sémantique qui a lieu (Le Guern 1973). Le sème de spatialisation est un sème qui subsiste.

Tableau 18: Analyse sémique 3

(Tableau de traits en communs et différentiels pour les noms relatifs au paradis)

/ chose au dessus / / bonheur / / luminosité / / participant /

ʾááqamkin̓ikááy,

« paradis (litt. : « la chose au dessus parmi les deux choses ») »

+ - - -

ʾééy̓sniwees, « paradis (litt. :

« lieu de bonheur ») » - + - -

ʾilekaʾáwispa,

« paradis (litt. : (« lieu qui

brille par le feu »)»

- - + -

ʾááqamkin̓ikoo, « Dieu

(litt. : « celui au dessus parmi les deux »)»

+ - - +

Tableau 19: Analyse sémique 4

(Tableau de traits communs et différentiels pour les noms relatifs à l'enfer)

/ chose en dessous /

/ tourments / / abandon / / participant /

ʾéénimkin̓ike, « enfer (litt. :

« lieu du dessous parmi les deux lieux ») »

+ - - -

wéépsisúykinwees,

« enfer (litt. : « lieu où l'on apprend par la manière forte avec les mains »)»

- + - -

weqíínwees, « enfer (litt. :

« lieu où l'on délaisse et on jette ») »

- - + -

ʾéénimkin̓ikoo,

« Satan (litt. : « celui du dessous parmi les deux ») »

On schématise les catégories que l'on mentionne dans les commentaires des exemples de la façon suivante. Soit :

catégorie « paradis »417 :

Niveau 1418 : ʾááqamkin̓ikááy, « paradis (litt. : « la chose au dessus parmi les deux choses ») »

Niveau 2 : ʾééy̓sniwees, « paradis (litt. : « lieu de bonheur ») », ʾilekaʾáwispa, « paradis (litt. : (« lieu qui brille par le feu ») », ʾááqamkin̓ikoo, « Dieu (litt. : « celui au dessus parmi les deux ») ». catégorie « enfer »419 :

Niveau 1420 : ʾéénimkin̓ike, « enfer (litt. : « lieu du dessous parmi les deux lieux ») »

Niveau 2 : wéépsisúykinwees, « enfer (litt. : « lieu où l'on apprend par la manière forte avec les mains »)», weqíínwees, « enfer (litt. : « lieu où l'on délaisse et on jette ») »,ʾéénimkin̓ikoo, « Satan (litt. : « celui du dessous parmi les deux ») »

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