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Formes nominalisées prototypiques

Dans le document Changement lexical en nez-percé (Page 120-123)

2. Synthèse linguistique

2.5. Nominalisation lexicale

2.5.1. Les différentes formes nominales

2.5.1.1. Formes nominalisées prototypiques

Deux types morphologiques distinguent les nominalisations prototypiques se rapportant à un argument de celles se rapportant à un verbe dynamique (activité, événement) ou statique. Pour le premier type, la structure est la suivante : le verbe manifeste les suffixes -(k)inwees et -níme du lieu (le morphème -níme, qui s'affixe en majorité à des substantifs nominaux, s'affixe plus rarement à des verbes), -eʾí de la manière (le suffixe -eʾí, spécifie par exemple la fabrication d'une chose, son utilisation ou son but), -eʾs des choses ou -ew̓éét de l'agent. Il existe des variantes morphologiques des suffixes .

Du point de vue formel, lorsque le verbe présente une consonne en finale, le suffixe -kinwees a la forme -inwees. Si le morphème est suffixé à un verbe ou à un substantif nominal qui contient un -i dans sa dernière syllabe, alors -níme a la forme -nme. La variante morphologique de -eʾs est n̓es. Les verbes de classe « s » manifestent le suffixe nominalisateur -eʾs. Les verbes de classe « c » présentent un nominalisateur -n̓es. Quand m-, n-, w-, y- ou l- précèdent -eʾs, un coup de glotte précède le suffixe. Après un verbe de classe « s » qui a en finale de sa base une voyelle, -eʾs apparaît comme -t̓es et avec une consonne en finale, il apparaît comme -l̓es. Le suffixe -ew̓éét, indique l'agent. Il existe deux variantes. Il prend la forme de -new̓éét, lorsqu'il n'y a pas de préfixe thématique entre le verbe et le suffixe. Après un verbe qui se termine par une voyelle non accentuée autre que e ou a, il apparaît sous la forme -yew̓éét.

Pour le deuxième type -ʾic, ou -ew sont suffixés au verbe. Pour rappel, le morphème -ʾic (dont la classe est floue) a été traité chez Aoki (1970), Crook (1999) ou Deal254 (2010) comme un suffixe

dérivationnel d'adjectivation. Il a été démontré en amont dans la synthèse linguistique255 que ce

suffixe dérivait des verbes en noms. La suffixation du nominalisateur à des verbes est un des procédés256 de nominalisation récurrent dans les langues d'Amérique du Nord telles que le blackoot,

par exemple en ce qui concerne le nominalisateur relatif au participant (Wiltschko 2014) ou dans des langues telles que le yakima, rattaché comme le nez-percé à la famille proto-sahaptienne257. Soit

dans Jansen (2010), les suffixes du yakima -ɬá du participant (en (143)) et -tawáás, du lieu (en (143)), (ce dernier similaire au suffixe -(k)inwees du lieu en nez-percé).

254 Comme énoncé précédemment dans la synthèse linguistique, Deal remet en question l'existence de la classe adjectivale.

255 Dans la parte de la morphologie du nom consacrée à la suffixation des noms.

256 D'autres procédés tels que la nominalisation de la forme participiale, ou la nominalisation par conversion sont étudiés dans cette partie de chapitre.

257 Le proto-sahaptien se divise en deux groupes, le groupe sahaptien et le nez-percé. Le groupe sahaptien regroupe le sahaptien du Nord et le sahaptien du Sud. Le yakima appartient à celui du Nord-Ouest.

Soit : (143) watí-ɬá raconter.une.légende-NZR.agent « conteur » (144) panáti-táwaas escalader-NZR.lieu « échelle »

Alors qu'un nombre important de langues d'Amérique du Nord comporte des suffixes nominalisateurs, une grande partie d'entre elles a toutefois recours à des préfixes nominalisateurs à la différence du nez-percé. Il s'agit par exemple du lushootseed (Hess 1993) ou du bella-coola (Nater 1984), deux langues salish258. Le nominalisateur -s dans les deux langues est un préfixe qui

encode un participant, le temps d'une action et les choses. Par exemple, les nominalisations en (145) et (146) ont un préfixe s- relatif aux choses. Les noms sont respectivement issus du lushootseed et bella-coola. Soit : (145) s-aƛa NZR.chose-faire.un.canoë « canoë » (146) s-ʾəɬəd NZR.chose-manger « nourriture »

Soit, en nez-percé, les nominalisations de (147) à (156) : (147) talapóósa-nwees

prier-NZR.lieu « église » (148) pááy-nima

venir-NZR.lieu

« ville de Big George Flat »

258 Les langues de la famille salish sont situées à proximité de celles de la famille sahaptienne, à laquelle le nez-percé appartient. Il a été choisi de donner ces informations et de les exemplifier succinctement pour mettre en relief le fait que le nez-percé nominalise par suffixation de nominalisateurs.

(149) qáámsk-aʾí manger.cru-NZR.manière « navet » (150) cuu-cakák-aʾs avec.un.objet.pointu-piquer-NZR.chose « fourchette » (151) sepe-tiwéé-n̓es CAUS-mélanger-NZR.chose « appareil qui cause le mélange » (152) mééywi-kúú-t̓es

matin-arriver-NZR.chose

« chose pour emporter le matin » (153) qeqééwi-yéw̓éét être.saoul-NZR.agent « un alcoolique » (154) c̓ííq-new̓éét parler-NZR.agent « un avocat » (155) cicyúk-ʾis être.sucré-NZR « chose sucrée » (156) héétewi-ʾew-nix préferer-NZR-INTENS « chose vraiment préférée »

De (147) à (149) les nominalisations talapóósanwaas, « église », pááynima, « ville de Big George Flat » et qáámskaʾí, « navet » présentent les nominalisateurs -nwees et -nime du lieu, et -aʾí de la manière.

Ces suffixes subissent l’harmonie vocalique259 car talapóósa, « prier », páay, « arriver » et qáámsk,

« manger cru » contiennent la voyelle dominante /a/ et que l'harmonie est ici progressive : elle entraîne un changement de la voyelle /e/ des morphèmes suffixés -nime et -eʾí en /a/.

Les noms (150) à (152) manifestent des variantes du suffixe nominalisateur -eʾs des choses. Il s'agit de -aʾs dans coockakaʾs, « fourchette », -n̓es dans sepetiwéén̓es, « appareil qui cause le mélange », et -t̓es dans mééywikúút̓es, « chose pour emporter le matin ». En (150) coockakaʾs a -aʾs pour suffixe car cakák, « piquer » est un verbe de classe « s », sepetiwéén̓es et meeywikúút̓es en (151) et

(152) ont -n̓es et -t̓es car tiwéé, « mélanger » et kúú, « arriver » sont deux verbes de classe « c ».

La nominalisation meeywikúút̓es a la variante -t̓es car une voyelle précède le suffixe. Le coup de glotte de -n̓es et -t̓es est dû au fait que n- et t- précèdent -eʾs.

En (153) et (154) les nominalisations qeqééwyéw̓éét, « un alcoolique » et c̓ííqnew̓éét, « un avocat » comportent deux variantes du suffixe -éw̓éét. En (153) qeqééwi, « être saoul » présente -yew̓éét.

Cela car le verbe se termine par une voyelle non accentuée autre que /e/ ou /a/.

En (154) le verbe c̓ííq, « parler » comporte -new̓éét.

Cela car il n'y a pas d'affixe thématique entre le verbe et le suffixe.

Les noms (155) et (156) exemplifient la dérivation de deux verbes par les suffixes -ʾis et -ʾew, de classe floue.

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