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Effets discursifs de la métonymie et de son sous-type la synecdoque

Dans le document Changement lexical en nez-percé (Page 166-170)

3. Lexicalisation des tropes : métonymies et métaphores

3.1. Définitions de la métonymie, de son sous-type la synecdoque et de la métaphore

3.2.4. Effets discursifs de la métonymie et de son sous-type la synecdoque

Les effets discursifs engendrés par les métonymies sortent quelque peu du cadre de recherche. En effet, l'unité lexicale est ponctuellement étudiée dans le discours. À notre sens, l'intention primordiale du recours aux tropes en tant que figures vives est de créer un effet discursif (Ricoeur 1975), c'est pourquoi on ne peut faire l'impasse de cette étude. L'analyse de la lexicalisation des tropes doit prendre en compte que la figure qui se lexicalise est issue d'une figure liée au discours. Les tropes, après leurs lexicalisations sont ou ne sont plus perçus comme tels. La figure est décontextualisée369370 (Le Guern 1973). Le recours à la lexicalisation d'un trope n'est pas

primordialement lié à la volonté de créer un effet discursif. Afin de conserver l'homogénéité du traitement des données du corpus et de ne pas dévier du cadre de la sémantique lexicale, il a été choisi de présenter uniquement les principaux effets discursifs et ce, de façon condensée.

La métonymie produit cinq effets discursifs. Ils sont l'individualisation ou la dévalorisation d'une notion, la déstructuration d'une description, la concrétisation ou la densification d'un processus. Les effets les plus récurrents du corpus sont les effets diégétiques (Bonhomme 2006)

368 La condition de prêtre est elle même désignée de manière métonymique (métonymie accessoire/individu). 369 L'étude de ces modifications sort de l'étude de la lexicalisation des tropes.

(comme la condensation, la concrétisation ou la dramatisation diégétique). Il s'agit du développement d'un processus ou d'une séquence actantielle. Ces effets ont pour support la codépendance des connexions actantielles.La condensation diégétique donne lieu à la dynamisation de la source ou à la dynamisation de l'efférence371 par le biais des transferts qui unifient les

différents pôles de la diégèse : source, instrument, procès, efférence, cause et but. Dans le trope instrument/agent, l'expression relative à l'instrument de l'agent indique l'agent. La source (l'agent) est absorbée par l'instrument de l'action, elle devient son moyen. Le trope procès/source animée, quant à lui, accroît la pertinence de l'action. Dans celui-ci, le nom d'action remplace le nom d'agent, ce qui engendre des effets d'animation et de caractérisation. Dans le trope produit/procès, l'action est condensée sur son efférence : l'expression relative au développement d'un processus indique un produit ou un élément qui est produit (Bonhomme 2006). Par exemple372, le nom recherche en (297)

désigne le doctorat (en tant que chose) dans le trope produit/procès. La condensation entre l'acte intellectuel et la chose donne lieu à la dynamisation de l'efférence. Soit :

(297) une recherche

La concrétisation de l'efférence ou du procès a lieu dans les tropes source/effet, action/effet ou action/source. L'effet repose sur l'emploi d'expressions linguistiques qui ont le trait sémantique / concret / pour indiquer des éléments qui ne le sont pas ou qui le sont peu. Dans les métonymies sources organique/effets psychiques, l'expression relative à un organe indique ce à quoi l'organe sert. Dans les métonymies du domaine comportemental, l'expression relative à l'action engendrée par un sentiment indique le sentiment. Par exemple373 , se frotter les mains en (298) est relatif à une

action qui est elle-même relative au fait d'être content dans le trope action/source. Soit :

(298) Les soviétiques se frottent les mains : leurs réserves gazières vont leur procurer des devises

à foison.

371 Réalisation ou résultat du processus actantiel. 372 L'exemple est de Bonhomme (2006).

La dramatisation diégétique est rétrospective (lorsqu'elle met les antécédents en relief (La métonymie effet/source dans laquelle l'expression relative à la source est employée à la place de l'expression relative à l'effet met en relief la source)) ou prospective (lorsqu'elle met le résultat en relief374). Par exemple375, suer l'angoisse en (299) est relatif à la source de la sudation et désigne

l'effet de cette dernière, tandis que vendre la peur en (300) est relatif à l'effet de la vente et désigne sa source. Soit :

(299) Les pauvres paysans suaient l'angoisse devant les miliciens qui les menaçaient. (300) Vendre la peur est un nouveau filon exploité par l'édition.

La synecdoque, en tant que sous-type de la métonymie engendre des effets discursifs similaires à ceux des métonymies. Toutefois, le fait qu'elle repose sur une relation entre un holonyme et un méronyme distingue ses effets discursifs de ceux des métonymies376. La synecdoque

particularisante donne lieu à deux effets focalisants : l'exemplarisation et la décomposition. La synecdoque généralisante crée un effet amplifiant d'une entité.

La synecdoque produit deux types d'effets : la conversion de la totalité en unité (ou exemplarisation (Dans le procédé de l'exemplarisation, la synecdoque particularisante convertit une classe en éléments ou bien elle réfère à un ensemble par le biais de l'une de ses unités. Ce processus crée une forte charge référentielle sur l'unité qui assume la dénotation de l'ensemble, de même qu'un resserrement dénotatif maximal de l'ensemble, perçu à travers une unité-type (Bonhomme 2006))) et la conversion de l'unité en partie (ou décomposition377). Par exemple378, le recours en (301) au

méronyme vache dans la synecdoque particularisante de type membre/collection crée l'effet d'exemplarisation tandis que le recours en (302) au méronyme oreilles de la seconde synecdoque de type composant/entité engendre la décomposition. Soit :

(301) « Les vaches tournèrent la tête vers l'entrée du vallon. (…) Tout y était harmonieux à voir :

et la vache au poil luisant et les fragiles fleurs aquatiques. »

374 L'expression relative à l'effet indique la source.

375 Le premier exemple est extrait du journal Le Point du 14.11.2000 et le deuxième du journal Libération du 07-05- 2004 dans Bonhomme (2006).

376 Pour Bonhomme (2006) la particularisation synecdochique est un procédé dans lequel le méronyme est privilégié à l'holonyme dans la relation entre le méronyme et l'holonyme.

377 Dans la décomposition, la synecdoque particularisante affecte une unité qu'elle décompose en parties qui réfèrent à leur tour à l'entité en question (Bonhomme 2006)..

378 Le premier exemple est extrait de « La peau de chagrin » de Balzac (1831) dans Bonhomme (2006). Le deuxième exemple est issu du journal Le Point du 15.06.2002 dans Bonhomme (2006).

(302) Les « oreilles » occidentales ont été incapables d'anticiper la montée du terrorisme

islamiste.

La généralisation synecdochique est un procédé dans lequel l'holonyme est privilégié au méronyme dans la relation méronyme/holonyme, ce qui engendre les effets d'amplification. La synecdoque généralisante instaure un régime pragmatique de dilution référentielle. Par exemple379,

le recours en (303) au nom Suisse relatif à un pays pour désigner les individus qui y vivent pendant la crise économique amplifie le nombre de personnes touchées par la crise. Soit :

(303) Malgré la crise économique, la Suisse continue à investir en bourse.

Soit les exemples en nez-percé, de (304) à (307) : (304) Ø-waya-ʾiqáá-keyk-sa S1SGINTR-rapidement-être.allongé.sur.son.dos-tomber-PRS « Je suis surpris. » (305) púútim ʾelwéht dix printemps « dix ans » (306) ʾimáá-capáhmak-x háámtiʾc REFL-se.préparer-PST chose.rapide

« Habille-toi (litt. : « prépare-toi rapidement ! »)! »

(307) hípt Ø-haníí-se

repas S1SGINTR-faire-PRS

« Je fais bouillir (le camas) (litt. : « Je fais le repas »). »

L'exemple (304) illustre la concrétisation diégétique. Le verbe wayaʾiqáákeyksa, « tomber rapidement sur son dos » est relatif à l'effet physique engendré par le fait d'être surpris. Il ajoute le trait / concret /. L'exemple (305) étaye les effets de décomposition engendrés par les synecdoques particularisantes. Le recours au méronyme ʾelwéht, « printemps » engendre des effets de décomposition dans le trope période temporelle restreinte/période temporelle plus large. Les exemples en (306) et (307) sont des synecdoques généralisantes. Les holonymes sont tous deux

relatifs à des actions globales et indiquent des actions particulières, ce qui engendre une dilution référentielle. En (306), le verbe ʾimáácapáhmakse, « s'habiller » est relatif au fait de se préparer de façon générale (se coiffer, mettre ses vêtements) et désigne une action spécifique associée au fait de se préparer. En (307), le verbe hípt hááni, « faire bouillir » est relatif à la préparation d'un repas, préparation qui comprends des phases telles que la cuisson ou le fait de découper et laver les aliments. Il désigne une partie spécifique à l'action générale du repas, à savoir le fait de faire bouillir la nourriture.

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