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Causatif

Dans le document Changement lexical en nez-percé (Page 104-118)

2. Synthèse linguistique

2.3. Le syntagme nominal

2.4.2. Valence verbale et variations de la valence

2.4.2.1. Variations incrémentielles

2.4.2.1.2. Causatif

Selon Comrie (1989) le causatif est un procédé qui met relation un événement causateur et un événement causé. Pour Shibatani (1976), tous les causatifs ont au moins trois points en commun. Le premier est que l'agent force un autre participant à effectuer une action ou à être dans une certaine condition, le deuxième que la relation entre deux événements, à savoir le causateur et le causé est telle que le locuteur pense que l'occurrence du deuxième événement a été réalisée après le premier, le troisième est que la relation entre l'événement causateur et le causé est telle que le

233 La variation des préfixes pronominaux en fonction du marquage du pluriel par les suffixes de TAM est étudiée en amont dans la synthèse linguistique.

locuteur croit que l'occurrence de l'événement causé est dépendante de l'occurrence de l'événement causateur : l'événement causé n'aurait pas eu lieu s'il n'y avait pas d'événement causateur.

Le causatif, pour Comrie et Shibatani (2001) est soit périphrastique234 soit non

périphrastique. Dans le type périphrastique, le verbe relatif à l'action engendrée par le causateur est dans une proposition, et l'élément affecté par l'action est situé dans une deuxième proposition. Le causatif de langues salish telles que le shuswap (Kuipers 1974) ou athabaskanes comme le sarcee (Cook 1984) sont du type périphrastique235. Il existe trois types de structures causatives non

périphrastiques : lexicales, morphologiques (Comrie 1981) et/ou composées (selon Song 2013). En ce qui concerne le type morphologique, le verbe est modifié par le biais d'un affixe et pour le type lexical les deux événements sont encodés dans une seule et même unité lexicale236. Dans le type

composé, le verbe relatif à une action causée se situe près d'un autre verbe. Les langues qui exhibent le type morphologique sont par exemple les langues salish comme le kalispel (Vogt 1940) ou le squamish (Kuipers 1967), les langues sahaptiennes telles que le sahaptien (Jacobs 1931) ou le nez- percé (Deal 2010). Celles qui exhibent à la fois le type morphologique et composé sont par exemple les langues sioux comme le lakhota (Rood et Taylor 1996), et les langues athabaskanes comme le carrier (Morice 1932). Le yuchi (Wagner 1933), un isolat linguistique de l'Oklahoma est quant à lui uniquement du type composé.

Pour Dixon (2000), le causatif augmente la valence d'un verbe. Le sujet intransitif change et l'ancien sujet intransitif devient un objet direct. Les structures causatives varient pour l'auteur en fonction de neuf paramètres qui relèvent de la morphosyntaxe et de la sémantique. Ils sont tout d'abord établis en fonction du type de verbe : statif ou actif et de la transitivité ou intransitivité de ces derniers. Ils sont classés également selon le type de causé, qui a ou n'a pas le contrôle, agit volontairement ou non et est affecté complètement ou partiellement et selon le type de causateur qui agit directement ou indirectement, accidentellement ou intentionnellement, avec ou sans effort et avec ou sans implication. De plus, selon Dixon, les structures causatives issues de verbes transitifs se classent en six groupes, cela en fonction du marquage des arguments. Une même langue est classée dans un ou plusieurs groupes. Ces derniers sont présentés237 dans le tableau ci-après.

234 Également nommé « analytique » par les auteurs.

235 On développe par la suite plus longuement le causatif non périphrastique car le nez-percé a une telle construction. 236 Comme par exemple le verbe kill, en anglais (Comrie 1981).

Tableau 14: Structures causatives

classe le nouveau causateur est le sujet transitif

le causé est le sujet transitif originel objet direct originel

1 sujet transitif marquage spécifique objet direct

2 sujet transitif marqué comme sujet transitif objet direct

3 sujet transitif marqué comme objet indirect marquage de l'objet

direct spécifique

4 sujet transitif marqué comme objet indirect circonstant

5 sujet transitif circonstant objet direct

6 sujet transitif circonstant avec marquage spécifique objet direct

Le causatif en nez-percé est non périphrastique et morphologique. Il existe deux préfixes verbaux du causatif : híít- et sepéé-. La variante morphologique de sepéé- est cepéé-. Les morphèmes du causatif pluriel sont respectivement séép- et céép-. L'affixation de híít- est limitée à une classe restreinte de verbes statifs que les recherches actuelles ne permettent pas de définir nettement. Si cela est nécessaire, le préfixe híít- s'insère à la droite du préfixe sepéé-.

Le marquage des arguments en nez-percé est spécifique. On étudie d'abord celui du sujet originel, puis celui de l'objet et enfin celui du nouveau sujet. Selon Deal (2010), le sujet originel (le causé) manifeste le cas objet tout comme l'objet du verbe (soit le type III des analyses de Dixon). Par exemple, l'ancien sujet mársi de la phrase (108) présente -na de l'objet tout comme l'objet cééki

238239 :

(108) síísel kaa mársi-na ʾenéé-sepe-twik-ce cééki-ne

cecil CONJ marcie-OBJ S1SGO3PL-CAUS-accompagner-PRS jackie-OBJ

« Je fais faire accompagner Jackie par Cécile et Marcie. »

Le marquage des arguments est également lié au caractère défini ou indéfini de l'objet. L'objet défini comporte l'affixe du cas objet, à la différence de l'objet indéfini. Par exemple, en (109) l'objet indéfini tewliikt, « arbre » ne présente pas le suffixe casuel240.

238 Crook (1999).

239 Ma glose, ainsi que pour les exemples suivants. 240 Le premier exemple est de Crook (1999).

Soit :

(109) ʾe-sepéé-qʾuyim-se tewlííkt

S1SGO3SG-CAUSA-grimper-PRS arbre

« Je le fais grimper à un arbre. »

De plus, lorsque le sujet originel est le possesseur de l'argument en position syntaxique objet, ce dernier n'est pas marqué. Le nouveau sujet manifeste ou non l'ergatif en fonction de la tripartition de l'alignement (pour rappel, selon Dixon (1994), si la proposition a un seul argument, il n'est pas marqué, et si elle a deux arguments ils sont soit marqués soit non marqués). Il existe aussi des propositions sans marquage (affixes pronominaux compris), nommées comme telles par Deal (2010) : le nouveau sujet ne manifeste donc pas l'ergatif dans ces dernières. Soit les exemples de (110) à (115) :

(110) ʾe-sepéé-kuu-six síkem-ne

S1SGO3SG-CAUS-boire-PRSPL cheval-OBJ

« On donne à boire au cheval. »

(111) ʾe-sepéé-kuu-six haacwal-na

S1SGO3SG-CAUS-boire-PRSPL garçon-OBJ

« On donne à boire au garçon. »

(112) ʾípi-nim pee-sepéé-heki-ne haacwal-na

3SG-ERG S3SGO3SG-CAUS-voir-PST garçon-OBJ

« Il a fait en sorte que le garçon le regarde. »

(113) ʾipí hi-sepéé-c̓áʾ-ka ʾípi-nim cííckan

3SG S3SGINTR-CAUS-chose.exacte-PRS 3SG-GEN robe

« Elle a suspendu sa robe. »

(114) Ø-híít-wiyááwq-ca miyáʾc

S1SGINTR-CAUS-être.blessé-PRS enfant

« Je fais en sorte que mon enfant soit blessé. » (115) ʾa-sepéé-híít-wiyááq-na

S1SGO3SG-CAUS-CAUS-être.blessé-PST « J'ai causé son accident. »

Soit de (110) à (111) le marquage de l'objet défini. Les deux noms sik̓em, « cheval » et

haacwal, « garçon » sont définis : ils manifestent ainsi le cas objet. En (112), le sujet originel haacwal est marqué comme un objet et le nouveau sujet ʾipí (3SG) se voit affixé l'ergatif. Soit de

(113) à (114) l'absence de marquage des arguments et des affixes pronominaux. La dernière phrase en (115) exemplifie le double causatif : le verbe wiyááq, « être blessé » comporte les deux préfixes

sepée- et híít-.

2.4.2.1.3. Applicatif

Les langues salish telles que le halkomelem (Gerdts et Hukari 2005) ou sahaptiennes telles que le yakima (Jansen 2010) marquent l'applicatif par un morphème affixé au verbe. Il existe des langues qui ne possèdent pas d'applicatif comme le yurok (une langue algique du Nord de la Californie étudiée par Robins 1958). Selon Polynski (2013), on distingue trois sous-types de langues en fonction du critère de transitivité : celles dont le morphème est affixé ou bien à des transitifs et des intransitifs (par exemple en karok, une langue hokan du Nord de la Californie étudiée par Bright 1957), et celles dont les morphèmes sont affixés uniquement à des transitifs (par exemple en jakaltec (une langue maya étudiée par Craig 1977) ou des intransitifs (en fijian (une langue austronésienne analysée par Dixon 1988). Les langues sont également classées en fonction du critère des rôles sémantiques encodés par l'objet. Les langues telles que le cree (une langue algonquienne analysée par Wolfart 1973) encodent uniquement un bénéficiaire comme un objet, celles comme le halkomelem (une langue salish étudiée par Gerdts 1988) un bénéficiaire, le but et le possesseur, celles comme le jakaltec (Craig 1977) encodent uniquement le comitatif mais pas le bénéficiaire.

Pour Baker241 (1988) l'applicatif est le résultat de l'incorporation d'une préposition au sein

d'un verbe. Un argument marqué oblique devient objet. Selon Polynski, l'applicatif ajoute un participant à la structure événementielle du verbe242, à la différence des procédés incrémentiels tels

que l'affixation du causatif ou la transitivisation (par exemple par l'affixation d'un morphème transitivisateur), qui ajoutent respectivement un argument agent au verbe et un argument qui est le thème ou le patient.

241 L'étude est conduite en fonction du principe d'isomorphisme dit « principe en miroir ». Pour Baker (1985) la dérivation morphologique reflète les opérations syntaxiques et vice-versa.

Selon Deal (2010) le nez-percé compte quatre suffixes productifs de l'applicatif. Rude (1985) fait état de trois autres suffixes. Le morphème suʾ, « envers » est affixé à une classe de verbes restreinte à quatre membres (Aoki 1994). Selon Aoki et Deal (2010), les deux autres morphèmes traités par Rude comme des suffixes de l'applicatif (qu'il désigne comme caʾa, « jusqu'à la fin » et tiwe, « avec ») sont des verbes. Le morphème -aapii est relatif à la provenance. Lorsqu'il accompagne un verbe de mouvement, il introduit un argument à la source dudit mouvement. Lorsqu'il modifie un verbe autre qu'un verbe de mouvement il introduit un argument qui est distant de l'événement. Il existe un sous-type de verbes transitifs dont le suffixe -aapi a pour équivalence « contre ». Le morphème -aat est relatif à une action réalisée en même temps qu'une autre. Le suffixe -’ey est relatif au bénéficiaire et -uu au but. Formellement, ils sont affixés à des verbes transitifs ou intransitifs de classe s243. Selon Polynski, l'applicatif modifie rarement des intransitifs.

Les suffixes de l'applicatif sont rarement cooccurrents. En nez-percé, le morphème -ʾuu précède alors -ʾey. L'applicatif a deux rôles : soit il rend transitifs des verbes intransitifs, soit il augmente la valence verbale d'un transitif. Cette augmentation provoque un changement de préfixe pronominal. Ce dernier marque la transitivité. Pour les verbes intransitifs transitivisés par l'affixation de l'un de ces quatre morphèmes, l'objet applicatif participe dans l'accord de l'objet et indique le cas objet. En ce qui concerne les augmentations de valence verbale, lorsque le verbe transitif qui manifeste l'applicatif est accompagné d'un argument objet et d'un circonstant, celui-ci ne présente plus la marque flexionnelle en fonction de son type, mais est traité syntaxiquement comme un objet. L'argument qui était objet ne comporte aucune marque casuelle.

Par ailleurs, -ey introduit selon Deal un argument qui est affecté positivement ou négativement par l'action du verbe. Le phénomène de l'affectation implique ce morphème qui participe à la montée du possesseur en objet (montée de cas oblique à objet). Selon Givón (1984) la montée est un processus syntaxique où un verbe d'activité mentale a deux sens, l'un évoque un argument nominal, l'autre propositionnel. Dans l'argument propositionnel, un argument nominal est le topique majeur (le sujet de la phrase). Ce dernier est soutenu par la montée, et est converti d'un argument de la proposition subordonnée en un argument grammatical (aussi bien sujet qu'objet) de la phrase principale. Pour Givón et à la suite de Postal (1974), la montée en objet est intimement liée au facteur sémantique de l'affectation. L'entité encodée par l'élément en position objet est relative à une expérience décrite par le verbe et vécue par le sujet, plus précisément par le sujet patient.

243 Le classement des verbes est étudié plus haut dans la synthèse linguistique. Les verbes de classe s ont des suffixes de TAM qui ont la consonne s à l'initiale.

Soit les exemples (116) à (121) : (116) hi-ʾééy̓s-ce

S3SGINTR-être.heureuse-PRS « Elle est heureuse. »

(117) péé-ʾééy̓s-úú-ye

S3SGO3SG-être.heureuse-APPL.but-PST « Elle est sortie avec lui. »

(118) hi-ʾééy̓s-ce tamáhsat-ki

S3SGINTR-être.heureuse-PRS tamáhsat-INS

« Elle est heureuse avec Tamáhsat. »

(119) péé-ʾééy̓s-úú-ye tamáhsat-na

S3SGO3SG-être.heureuse-APPL.but-PST tamáhsat-OBJ « Elle est sortie avec Tamáhsat. »

(120) ʾe-ʾinipí-úʾ ʾitetp̓es-ne

S1SGO3SG-prendre-FUT sac-OBJ

« Je prendrai le sac. »

(121) ʾe-ʾinipí-úú-se ʾitetp̓es tamáhsat-na

S1SGO3SG-prendre-APPL.but-PRES sac tamahsat-OBJ

« Je prends le sac pour Tamáhsat. »

Les exemples (116) et (117) illustrent les variations des marques pronominales lors de la suffixation de l'applicatif à un verbe statif. En (116), le préfixe pronominal est hi- : il encode le sujet d'un instransitif. En (117), le verbe est modifié par l'applicatif -úú du but. Ce dernier transitivise le verbe statif ʾééys, « être heureux » et péé- indique la transitivité dans le même temps qu'un sujet singulier et un objet, également singulier, de troisième personne. Soit de (118) et (119) le marquage des arguments lorsque le verbe manifeste l'applicatif. Le nom tamáhsat est circonstant de verbe intransitif en (118). Lui est affixé l'instrumental ki-. L'applicatif augmente la valence verbale : le même nom tamáhsat est traité syntaxiquement en (119) comme un objet ; il manifeste le suffixe casuel -na. L'indice pronominal préfixé au verbe est péé-. Ce dernier encode un sujet et un objet singulier de troisième personne. Soit de (120) et (121) le marquage des arguments objets. En (120), l'argument ʾitetp̓es, « sac » est au cas objet. Il comporte -ne. En (121), l'applicatif est affixé au verbe

ʾinipí, « prendre » et le nom tamáhsat présente le cas objet à la différence de l'argument qui doit

2.4.2.2. Variations récessives

Cette partie est consacrée à l'étude de l'incorporation nominale, et de la passivation (passif et les médiopassifs du réfléchi et réciproque).

2.4.2.2.1. Incorporation nominale

L'incorporation nominale a été analysée jusqu'à présent selon trois critères : syntaxique (Sadock 1986 et Baker 1988), sémantique (Bittner 1994 et Geenhoven 1998) et morphologique (Rosen 1989 et Mithun 1984). On considère ici que le phénomène a pour origine la syntaxe (pour Baker il s'agit du mouvement d'un constituant syntaxique vers le nucléus) mais qu'il a des répercussions tant au niveau morphologique que sémantique. Il concerne de nombreuses langues d'Amérique du Nord telles que le washo (Bochnak et Rhomieux 2013), un isolat linguistique du Nord de la Californie, les langues wakashan telles que le kwakwala (Anderson 1992), les langues iroquoises comme le mohawk (Baker 1996) et les langues salish comme le halkomelem (Gerdts et Hukari 2008).

L'étude de l'incorporation nominale des langues polysynthétiques d'Amérique du Nord se confronte à celle de la création des prédicats complexes par affixation verbale de morphèmes relatifs à la manière, au temps ou à des éléments animés ou non animés qui spécifient la base verbale244. Ce dernier procédé est très courant et la fréquence de l'incorporation nominale (Mithun

1999), Baker 1996 et Cash-Cash 2004) dans ce type de langues est plus rare. La formation de prédicats complexes privilégie les apports morphosyntaxiques et sémantiques des morphèmes affixés au verbe et ce, avant le recours à un argument externe au verbe (pour Baker, les arguments sont ainsi moins représentés dans les prédicats complexes que lors de l'incorporation de l'argument nominal au verbe). L'incorporation nominale, qui affecte selon Gerdts (1998) cet argument, est donc plus rare.

Du point de vue formel, le nom est incorporé à gauche du verbe dans les langues salish (Gerdts et Hukari 2008) et sahaptiennes (Rude 2009). Selon Queixalós (2000) il conserve les marques dérivationnelles et perd ses marques flexionnelles. Les déterminants lexicaux (par exemple, le nom modificateur) disparaissent également. De plus, dans les langues polysynthétiques,

l'affixe pronominal, lorsqu'elles en possèdent un, est modifié à la suite de l'incorporation du nom au verbe245.

Selon Bochnak et Rhomieux (2013), l'incorporation nominale engendre un changement dans la structure argumentale par la réduction de la valence verbale. Pour Anderson (1997) le nom et le verbe forment un seul élément, dans lequel le nom représente un argument du verbe. Les noms prototypiques incorporés sont en position syntaxique d'objet direct d'un verbe transitif, d'objet ou de sujet d'un verbe inaccusatif, de sujet d'un verbe inergatif ou de circonstants instrumentaux ou locatifs.

Pour Baker (1996), les verbes qui ont un nom incorporé sont transitifs dans la mesure où le nom incorporé est en position syntaxique objet. Selon lui, un nom n'accède pas au statut d'objet car cette place a conservé la trace du nom incorporé : il est marqué par un cas oblique. Par exemple, en washo (Bochniak et Rhomieux), cette modification se fait par le doublement du nom incorporé dans le même temps que par son placement en position d'argument externe, argument qui manifeste l'instrumental. Par ailleurs, sur le plan discursif, le nom incorporé à la langue polysynthétique introduit selon Mathieu (2009) un référent qui est par la suite repris anaphoriquement par le support de l'affixe pronominal du verbe qui se situe à la suite. Pour Bochnak et Rhomieux, ce référent devient le sujet de la nouvelle proposition, c'est pourquoi le préfixe pronominal est modifié en fonction dudit nouveau sujet. Par ailleurs, selon Geenhoven (1998) le nom incorporé au verbe n'est pas anaphorique.

Les noms qui s'incorporent sont pour Massam (2009) prototypiquement non-agentifs et/ou inanimés lorsqu'ils sont en position syntaxique sujet. Les noms qui occupent la place d'objet sont quant à eux génériques. Toutefois, il existe des sous-types nominaux plus rares, comme par exemple les noms d'individus en Inuit (Johns 2007).

Le nez-percé est une langue polysynthétique qui recourt à la formation de prédicats complexes par le biais de l'affixation verbale. L'incorporation nominale est rare et le nombre d'occurrences dans le corpus246 est très faible. Ce nombre ne permet pas d'étudier en détail

l'incorporation nominale. Toutefois, les données s'analysent de la façon suivante : l'incorporation est de type direct. Les sujets et objets s'incorporent (il n'existe pas d'incorporation de circonstants). Du point de vue morphosyntaxique, le nom s'insère à la gauche du verbe et provoque une diminution de

245 Ce préfixe varie selon l'alignement des langues. Par exemple, en washo (Bochnak et Rhomieux 2013), une langue bipartite, le préfixe pronominal encode l'objet. En nez-percé, la construction nécessite un préfixe qui encode l'intransitivité. Cela est étudié à la suite.

246 Le corpus se situe dans les annexes. Il est également constitué des données d'Aoki (1994). Se reporter à la présentation des données de première et seconde main dans l'introduction à la thèse.

la valence de ce dernier. Aucune incorporation nominale n'a lieu si le verbe d'origine comporte un affixe thématique. Les verbes incorporateurs sont intransitifs ou transitifs. Du point de vue de la sémantique les noms sujets à l'incorporation sont les inanimés et les humains. Soit les exemples de (122) à (124) :

(122) ʾe-nekí-se tiwélqe

S1SGO3SG-considérer-PRS ennemi

« Je le considère comme un ennemi » (123) Ø-tiwélqe-nekí-se

S1SGINTR-ennemi-considérer-PRS « Je le considère comme un ennemi » (124) ha-háátya-ʾiléése-ca

S3SGINTR-vent-souffler-PRS « Le vent souffle. »

En (122), le nom tiwélqe, « ennemi », un animé humain générique est en position objet du verbe transitif nekí, « considérer ». Le préfixe pronominal encode un sujet et un objet singulier. En (123), le même nom est incorporé au verbe. tiwélqe est dépourvu de toute marque flexionnelle lors de son absorption par le prédicat verbal. La valence de ce dernier est diminuée : le verbe est un intransitif, avec un affixe personnel zéro qui encode un sujet intransitif. Soit en (124) l'incorporation du nom inanimé non-humain háátya, « vent » en position syntaxique sujet du verbe intransitif ʾiléése, « souffler ». L'affixe personnel du verbe encode un sujet intransitif.

2.4.2.2.2. Passivation

2.4.2.2.2.1. Passifs

Les langues d'Amérique du Nord constituent deux groupes : celles qui ont ou n'ont pas

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