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7.2.1

Minimisation avec l’algorithme Levenberg-Marquardt

Je d´ecris ici la m´ethode d’identification des param`etres du mod`ele analytique de la co- variance spatiale. Cette identification est r´ealis´ee grˆace `a un ajustement it´eratif au sens des moindres carr´es de la matrice de covariance des mesures CMeas, par la matrice de covariance

synth´etique CLearn. L’algorithme a ´et´e initialement con¸cu pour travailler sur l’ensemble des

´el´ements de la matrice de covariance des mesures, mais g´en´eralement on se concentre seulement sur les ´el´ements hors-diagonaux afin de d´esensibiliser l’identification du bruit. En partant de conditions initiales, l’algorithme doit `a chaque it´eration faire ´evoluer le vecteur de param`etres

θ pour minimiser la quantit´e suivante :

χ2(θ) = nXaso p=1 nXaso q=1 ns X m=1 ns X n=1 CpqMeas(m, n) − CpqLearn(m, n, θ) 2, (7.3)

Les param`etres `a ajuster sont nombreux. D’une part, il y a les d´eviations, soit autant de sensibilit´es relatives, de translations, d’homoth´eties et de rotations pupille qu’il y a d’ASO. L’exp´erience a montr´e que les d´eviations ne peuvent ˆetre ajust´ees simultan´ement avec l’altitude des couches sur le ciel ([Brangier, 2012]). Ainsi, avant d’identifier le profil turbulent sur le ciel, on s’assure que ces d´eviations sont bien ´etalonn´ees sur le banc `a partir d’un ´ecran de phase plac´e dans le plan pupille du simulateur de t´elescope.

Ensuite, le vecteur de s´eparation αp de chaque ASO (cf. paragraphe 6.1.2) est aussi inclu

7.2 Identification du profil turbulent 111 la covariance spatiale d´epend du produit entre les s´eparations et les altitudes des couches (cf. ´equation 6.4). Il est donc n´ecessaire de limiter le nombre de degr´es de libert´e de l’algorithme pour exclure toutes les translations et homoth´etie du probl`eme. Il faut donc fixer au moins trois valeurs de position angulaire. Depuis la phase A, les positions des ASO sont bien connues sur le ciel grˆace `a des proc´edures d’´etalonnage men´ees sur le banc.

Puis, le mod`ele analytique de la covariance que j’ai d´ecrit au chapitre 6 inclut trois coeffi- cients, Txx, Tyyet Txy (cf. ´equation 6.46), qui permettent d’´evaluer la contribution des vibrations

et des d´efauts de suivi du t´elescope.

De plus, le mod`ele offre la possibilit´e d’ajuster l’´echelle externe globale L0 de la turbulence.

Comme cette valeur est d´ej`a pr´ealablement identifi´ee sur les mesures (cf. paragraphe 7.1.3), il n’est pas n´ecessaire de l’ajuster. Cependant, le mod`ele analytique permet de d´efinir une ´echelle externe pour chaque couche turbulente qui est identifi´ee. Pour des raisons de rapidit´e d’iden- tification, la valeur de L0 ´evalu´ee sur les mesures est attribu´ee `a la couche au sol uniquement,

alors que je fixe une ´echelle externe de 100 m pour les couches en altitude. Je justifierai cette valeur avec l’´etude statistique men´ee dans le chapitre 11, mais d’apr`es [Dali Ali et al., 2010], une valeur de L0 de 100 m en altitude semble raisonnable.

Enfin, le cœur de l’identification des param`etres du mod`ele porte sur le profil turbulent, ou autrement dit, la distribution verticale de l’´energie turbulente. Pour chaque couche, l’algorithme identifie une altitude et une force donn´ee en r−5/30 . Puisque le mod`ele de la covariance spatiale

est une somme de fonction de structure de phase (cf. paragraphe 6.1.6), l’´energie d’une couche `a l’altitude hl d´epend de r0(hl)−5/3. Pour ´eviter au maximum les ajustements non-lin´eaires,

l’algorithme identifie directement le r0(hl)−5/3 plutˆot que la valeur de Cn2(hl) en m−2/3.

Le point d´elicat r´eside dans le nombre de couches `a ajuster. Malheureusement, il n’y a aucune information a priori qui nous permet de savoir combien de couches turbulentes l’algorithme peut identifier. On peut identifier beaucoup de couches au prix d’un temps de calcul couteux et parfois pour pas grand chose, puisque je montrerai au chapitre 11 que la turbulence est domin´ee par la couche au sol. G´en´eralement, dans le cas de Canary, on peut identifier assez clairement de trois `a cinq couches selon les nuits (cf. chapitre 11). `A d´efaut d’information a

priori, je propose dans le chapitre 8 une ´evaluation de la qualit´e de l’identification qui pourra

nous aider `a rectifier l’ajustement a posteriori.

Enfin, l’ajustement au sens des moindres carr´es est r´ealis´e grˆace `a un algorithme de Levenberg- Marquardt qui est plus performant qu’une descente de gradient ou qu’un algorithme de Gauss- Newton, et permet une identification de param`etres d’un mod`ele non-lin´eaire. `A chaque it´eration, l’algorithme va calculer un pas `a appliquer `a chacun des param`etres `a ajuster. Ce pas est ´evalu´e `a partir d’une ´equation amortie des gradients de notre mod`ele par rapport `a tous les param`etres. Sans rentrer dans le d´etail, on a grossi`erement autant de matrices de taille ns×nasopar ns×naso

que de param`etres `a ajuster, ce qui peut devenir cons´equent lorsqu’il y a beaucoup de couches turbulentes `a identifier.

7.2.2

Diff´erences entre le L&A et les profileurs externes

Je profite de ce paragraphe pour souligner les diff´erences entre l’algorithme L&A et les profileurs externes. Comme je le discutais pr´ec´edemment, le L&A ajuste les param`etres du mod`ele de la covariance spatiale (cf. chapitre 6), pour minimiser la distance entre la matrice de covariance synth´etique, la CLearn directement issue de mon mod`ele, et la matrice de covariance empirique calcul´ee `a partir des mesures en boucle ouverte.

Ce proc´ed´e est tr`es voisin des m´ethodes utilis´ees sur les instruments dit SLODAR (SLOpes Dectection And Ranging) ([Wilson, 2002],[Butterley et al., 2006]), qui travaillent sur la fonc- tion de covariance spatiales des pentes, et non sur la matrice de covariance. G´en´eralement, ces instruments observent une ´etoile binaire dont la s´eparation donne `a la fois la r´esolution tomo-

112 CHAPITRE 7. IDENTIFICATION DU PROFIL TURBULENT SUR DES DONN´EES CIEL

graphique ∆h (cf. ´Eq. 5.10) et l’altitude maximale hmax (cf. 5.11). On pourrait dire finalement

que le L&A est un SLODAR multi-bases, ce qui permet aussi d’´etalonner des param`etres g´eom´etriques `a l’instrument. La diff´erence assez notable r´eside dans les calculs suppl´ementaires op´er´es avec le L&A : on calcule la matrice de covariance totale des pentes, qui tient compte de l’inter-corr´elation des pentes en x et y.

Il existe aussi d’autres types de profileurs externes, comme le SCIDAR (SCItillation Detec- tion And Ranging) ([Rocca et al., 1974],[Osborn et al., 2010]), qui se basent sur le ph´enom`ene de scintillation. Pour les m´ethodes conventionnelles, ce type de m´ethode ne permet que d’iden- tifier les couches turbulentes en altitude. Mais, en conjuguant les ASO `a une altitude autre que le plan pupille du t´elescope, il devient possible aussi de sonder la couche au sol, c’est ce qu’on appelle une technique de SLIDAR g´en´eralis´ee ([Fuchs et al., 1998]).

Pour aller encore plus loin, je cite les travaux de J. Voyez sur la m´ethode de CO-SLIDAR qui mixte la corr´elation des pentes et de la scintillation ([Voyez et al., 2012],[Voyez et al., 2014]) mesur´ees sur un SH et sur une binaire. Ses travaux ont montr´e la fiabilit´e sur le ciel de ce type d’approche, ce qui laisse confiant pour pr´eparer l’E-ELT.

Pour une configuration Canary, la matrice de covariance des pentes sur laquelle on tra- vaille reste de taille raisonnable (quelques Mo), ce qui ne sera pas le cas pour une configu- ration Eagle ([Rousset et al., 2010]). C’est pourquoi il est aussi important de consid´erer ces techniques de profileurs externes, comme des outils prometteurs pour l’identification du profil turbulent sur l’E-ELT.

7.2.3

Pistes pour calculer les gradients

Je propose ici quelques pistes pour d´eterminer les gradients du mod`ele analytique de la covariance spatiale en fonction des diff´erents param`etres. L’impl´ementation num´erique des cal- culs suivants n’est pas n´ecessaire, mais permettrait d’acc´el´erer le temps de calcul requis pour l’identification avec l’algorithme Learn & Apply . D’apr`es les ´equations donn´ees dans le chapitre pr´ec´edent, la matrice de covariance spatiale des pentes s’exprime avec la fonction de structure de phase DφV −K(ρ) de l’´equation 6.24. Je vais me concentrer ici sur les d´eriv´ees partielles de cette fonction de structure de phase en fonction des trois param`etres dont elle d´epend, `a savoir le r0, l’´echelle externe L0 et la s´eparation |∆pqijl|.

On peut pour cela utiliser la propri´et´e int´eressante des fonctions de Bessel modifi´ee de seconde esp`ece :

∂x[x

νK

ν(mx)] = −mxνKν−1(mx) (7.4)

D´eriv´ee partielle par rapport `a r−5/30

Pour ´eviter au maximum les ajustements non-lin´eaires, l’algorithme Learn & Apply ajuste la valeur r0−5/3 plutˆot que celle de r0. En reprenant l’´equation 6.24, la d´eriv´ee partielle `a calculer

est imm´ediate :

∂DV −Kφ (∆pqijl, r0, k0)

∂r0−5/3 = r

5/3

0 DV −Kφ (∆pqijl, r0, k0) (7.5)

Par la suite, je noterai c1 = 2

1/6Γ(11/6) π8/3 h 24 5Γ(6/5) i5/6 .

D´eriv´ee partielle par rapport `a k0

Toujours en partant de l’´equation 6.24, puis en s’appuyant sur la propri´et´e donn´ee par l’´equation 7.4, on peut montrer que la d´eriv´ee partielle de la fonction de structure de phase de

7.2 Identification du profil turbulent 113 Von-Karmann par rapport `a la fr´equence k0 = 1/L0 prend la forme suivante :

∂DV −Kφ (∆pqijl, r0, k0) ∂k0 =c1r0−5/3k −5/6 0 (2π |∆pqijl|)11/6K−1/6(2πk0|∆pqijl|) − 5/3k0−1DφV −K(∆pqijl, r0, k0). (7.6)

D´eriv´ee partielle par rapport `a hl

Enfin, le vecteur de s´eparation d´epend de plusieurs param`etres comme l’altitude des couches, la s´eparation des ASO et les d´eviations g´eom´etriques. Pour d´eterminer la d´eriv´ee partielle de la fonction de structure de phase par rapport `a tous ces param`etres, je vais me concentrer sur l’altitude hl, il faut partir de l’´egalit´e suivante :

∂DV −Kφ (∆pqijl, r0, k0) ∂hl = ∂D V −K φ (∆pqijl) ∂ |∆pqijl| × ∂ |∆pqijl| ∂hl . (7.7)

Toujours en s’aidant de l’´equation 7.4, on montre alors que :

∂DV −Kφ (∆pqijl, r0, k0)

∂ |∆pqijl|

= c1r0−5/3k −5/3

0 (2πk0)11/6|∆pqijl|5/6K−1/6(2πk0|∆pqijl|). (7.8)

Les calculs que j’ai pr´esent´es ici sont des pr´eliminaires `a l’impl´ementation compl`ete de la d´etermination des gradients. Il faut aussi prendre en compte la sommation des couches, les d´eviations g´eom´etriques et les vibrations. Je laisse le soin `a mes successeurs de compl´eter ce travail et d’impl´ementer le calcul des gradients requis par l’algorithme Learn & Apply .

7.2.4

Algorithme de minimisation directe

Je rappelle que le but de la reconstruction MMSE est de d´eterminer une matrice, le recons- tructeur R, qui, `a partir des mesures hors-axes, va donner la meilleure estimation possible des pentes sur l’axe dans notre cas. Th´eoriquement, on d´emontre que ce reconstructeur d´epend de la matrice de covariance spatiale des pentes par la relation donn´ee `a l’´equation 6.49. Le but est alors d’estimer cette matrice et c’est le rˆole de l’algorithme Learn & Apply. Cependant, cer- taines approximations sont faites dans le calcul de la covariance th´eorique. De plus, l’algorithme de minimisation ne converge pas forc´ement totalement, puisqu’on impose un nombre maximal d’it´eration de 100, ainsi qu’un seuil de tol´erance sur la diff´erence relative du χ2 d’une it´eration

`a l’autre de 10−6. De plus, il peut aussi dans certains cas y avoir plusieurs solutions `a partir de

conditions initiales diff´erentes, ou plusieurs solutions selon le nombre de couches choisi.

La question qu’on se pose est alors la suivante : peut-on atteindre la meilleure performance tomographique, `a partir du mod`ele analytique de la covariance, des identifications des pa- ram`etres globaux sur les mesures, et des contraintes impos´ees `a l’algorithme de minimisation ? En d’autres termes, on cherche `a v´erifier que le reconstructeur permet effectivement de mi- nimiser la quantit´e donn´ee en ´equation 5.1. Pour le v´erifier, j’ai mis en œuvre un algorithme calqu´e sur le L&A, que je baptise AMD pour Algorithme de Minimisation Directe. Contraire- ment au L&A, cet algorithme minimise directement la distance entre les mesures du TS et la reconstruction tomographique. Le χ2 `a minimiser prend alors la forme suivante :

χ2(θ) = ns X m=1 |Sβ(m) − (R(θ)Sα)(m)|2. (7.9) `

A chaque it´eration, l’AMD calcule la matrice de covariance synth´etique `a partir du jeu de param`etres θ, y ajoute la matrice de covariance du bruit, puis d´etermine le reconstructeur selon

114 CHAPITRE 7. IDENTIFICATION DU PROFIL TURBULENT SUR DES DONN´EES CIEL

l’´equation 6.49. Ce reconstructeur est ensuite appliqu´e aux mesures hors-axes, puis l’estimation des pentes sur l’axe qui en r´esulte est elle compar´ee aux mesures du TS. J’ai synth´etis´e le principe de fonctionnement de cet algorithme en figure 7.2.

L-M fitting of covarianceModel

Optimal parameters On-axis Measurements MMSE Reconstructor R mmse Off-axis Measurements Estimated on-axis measurements Noise estimation

Calibrations Optimal algorithm

Figure 7.2: Sch´ematisation du fonctionnement de l’algorithme de minimisation directe.

Contrairement au Learn&Apply, l’AMD travaille sur toute la matrice de covariance, y com- pris la diagonale. Ainsi, l’algorithme a pour but de trouver le meilleur compromis entre la reconstruction des pentes sur l’axe et le filtrage du bruit des ASO hors-axes. L’identification du profil turbulent sera donc ici sensible `a l’estimation de la covariance du bruit. Ensuite, il faut, `a chaque it´eration, filtrer les valeurs singuli`eres les plus faibles de CLearn

αα + CααNoise pour atteindre

un conditionnement donn´e. En particulier, la pente moyenne des ASO LGS doit ˆetre filtr´ee (cf. paragraphe 6.2.1.5).

Il apparaˆıt deux b´emols. Premi`erement, le temps de calcul est excessivement long comparati- vement au Learn & Apply , en particulier `a cause du calcul du reconstructeur `a chaque it´eration. En effet, pour chaque param`etre, l’algorithme doit calculer les gradients du mod`ele analytique par rapport `a ce param`etre, ce qui n´ecessite le calcul d’un reconstructeur par gradient. Ce- pendant, avec des librairies optimis´ees pour l’inversion de matrice (http://www.netlib.org/ lapack/), on peut r´eduire consid´erablement le temps de calcul et le rendre du mˆeme ordre de grandeur que celui requis pour le Learn & Apply.

Deuxi`emement, cet algorithme requiert les mesures du TS. Il n’est donc pas pr´evu pour ˆetre utilis´e sur le ciel, puisqu’il n’est pas repr´esentatif de notre capacit´e `a reconstruire les pentes sur l’axe `a partir des mesures hors-axes uniquement. Le but ici est de d´emontrer que les deux algorithmes sont ´equivalents sur la plupart des cas, et de tirer parti des meilleurs performances de l’AMD sur certains cas pour comprendre ce qui a p´ech´e avec le L&A. Je propose dans la section 7.4, une comparaison entre les diff´erentes m´ethodes d’identification.