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ORIGINE DU NÉANT

48 Ibid., p 59 49 Idem.

Ainsi, l'homme est-il néant puisque l'être par qui le néant arrive doit l'être ontologiquement pour être en mesure ne serait-ce que de concevoir le néant, tâche impossible pour tout être plein. La liberté de l’homme ne fait qu’un avec sa condition ontologique et c’est par elle, et le néant qu’elle fait de lui, qu’il s’arrache à l’être vers la conscience.

Grâce à cette mise en situation nous comprendrons mieux ce que nous sommes sur le point d'aborder, c'est-à-dire ce que Sartre nous dit plus particulièrement de la liberté, puisque la question suivante : « Que doit être la liberté humaine si le néant doit venir par elle au monde?»50, se présente comme l’enchaînement naturel de notre approche.

Toutefois, avant de chercher réponse à cette question, il nous faut auparavant décrire le mode d’existence du pour-soi. Nous avions reconnu la nécessité de ce mode d’existence dès les premiers instants sans toute fois pouvoir l’expliquer. C’est ce que nous allons faire maintenant que nos recherches nous ont fournies suffisamment d’éléments.

LE POUR-SOI

Le pour-soi se constitue par rapport à l’en-soi, comme le néant par rapport à l’être, le pour-soi est ce rapport, en même temps qu’il le suppose et qu’il se tient à sa limite.

En lui, le soi est véritable. Dans l'en-soi, le soi n'avait rien d'un rapport à soi, le soi de l'en-soi avait plus l'aspect du principe d'identité, l'en-soi est soi dans l'indifférence comme A est A. Dans le pour-soi, le soi est rapport, se retourne sur lui-même : « La loi d'être du pour-soi, comme fondement ontologique de la conscience, c'est d'être lui-même sous forme de présence à soi »51.

Le pour-soi s’assimile à la conscience, il contemple toujours à distance et cette distance ne peut être franchie. Si le pour-soi se veut le lieu du recul conscientisant par rapport à l'en-soi, que nous exigeons comme condition de la conscience, il ne peut donc jamais s’y laisser prendre. Si le pour-soi coïncidait « tout à fait » avec lui-même, il serait

sans recul et la prise de conscience serait impossible :

« La présence à soi suppose qu'une fissure impalpable s'est glissée dans l'être S'il est presence à soi, c'est qu'il n'est pas tout à fait soi La présence est une dégradation immédiate de la coïncidence, car elle suppose la séparation »52

S’il ne demeure jamais l'en-soi qu’il nie, qu’il se doit de nier être dans sa prise de conscience. Le pour-soi en dépend tout de même dans la mesure où cet en-soi soutient à l'être le néant qu'est le pour-soi et la conscience qui est prise de quelque chose. Primo esse C'est sur lui, sur son être d'en-soi, que se découpe le néant du pour-soi, c'est lui qui soutient la conscience, peu importe la manière dont cette dernière voudra le réaliser. En cela, nous retrouvons l'antécédence logique de l'être sur le néant.

Toutefois, cette dépendance ne pétrifie pas le pour-soi dans la masse de l'en-soi: il lui échappe, il s'en arrache perpétuellement.

Le pour-soi est évanescent et insaisissable, dès qu’il semble être surpris, il glisse entre les doigts, déjà un peu plus loin, il contemple l’être qu’il réalise en se réalisant lui-même comme présence, comme conscience Une conscience éloignement et arrachement perpétuel par rapport à elle-même, une conscience qui s’observe comme reflet entre deux glaces. C’est pourquoi l’on peut dire que le pour-soi est ce rapport entre l’être et la conscience, en même temps qu’il est le rapport de la conscience avec elle-même. De même que l’on peut dire qu’il est dans la limite de ce rapport et qu’il le suppose :

« [ ]la conscience est reflet, mais justement en tant que reflet elle est le réfléchissant et, si nous tentons de la saisir comme réfléchissant, elle s’évanouit et nous retombons sur le reflet »53

Ce perpétuel mouvement qui le caractérise, cette liaison intime et nécessaire avec l'en- soi, auquel il doit tout aussi nécessairement échapper, voilà autant d'indications que le pour-soi fait partie de cette synthèse indivisible, de cette dynamique, de la conscience que nous cherchions à comprendre dans sa totalité, comme le recommandait Descartes. Le pour-soi est un moment de cette dynamique Son existence en tant que présence à,

52 Idem..

jamais en-soi : «Le pour-soi est l'être qui se détermine lui-même en tant qu'il ne peut coïncider avec lui-même. »54 Le pour-soi est constamment coupé de l’être auquel il est présence par une épaisseur de néant qui le laisse percevoir cet en-soi qui est sien et qui en même temps l'en isole parfaitement. Par ce néant, il est à la fois le moins éloigné possible de son être, d'une épaisseur de néant, tout en étant dans !'impossibilité totale de franchir cette distance.