Si la question des techniques de gouvernement constitue à nen pas douter un des points importants du réalisme, le point de départ réside ailleurs. En effet, il suffit davoir à lesprit les uvres de Kautilya ou de Sun-tzu pour comprendre que ces préoccupations ne sont pas circonscrites au seul horizon occidental2. Dans ces classiques de la pensée politique orientale sont déjà reconnus comme fondamentaux de la politique le conflit et la hiérarchie, ce qui conduit également à relativiser limportance de Machiavel dans lapparition de telles interrogations. Comme le note Pier Paolo Portinaro, « lidée selon laquelle la politique constituerait une sphère indépendante de lactivité humaine et devrait être pensée comme une
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Dans le travail quil a consacré à linfluence de la pensée réaliste sur la politique américaine au 19ème siècle, Jean-Marie Ruiz part dun postulat semblable : « La généalogie proposée dans ce livre montre quil existe bien une version américaine du réalisme politique qui, bien quelle ait eu des visages fort différents selon les périodes et selon les contextes historiques et idéologiques, a toujours eu pour fondement une anthropologie et une philosophie politique ayant dans lensemble peu changé depuis Thucydide », J-M. Ruiz, Une tradition transatlantique : Limpact du réalisme politique sur la
fondation des États-Unis et la pensée politique américaine du 19ème siècle, Université de Savoie, 2010,
p.15.
2 Respectivement indien et chinois, leurs pensées appartiennent au 4ème
34 lutte ayant le pouvoir comme finalité et la force pour moyen est, en réalité, commune à des époques et sociétés différentes1 ». Il précise également que le réalisme politique occidental tire en fait ses prémisses dun rapport à lhistoire : « la spécificité du réalisme occidental réside dans sa conception de lhistoire telle quelle est apparue avec le monde grec2 ». Fils de la démarche historienne, le réalisme politique tire ses bases dune observation globale et désenchantée des activités humaines. Cest à lintellectualisme grec que revient lintroduction de cet éloignement dans le phénomène observé, de cette distance déshumanisée nécessaire à la distinction de la réalité des apparences.
A/ Thucydide précurseur du réalisme
Genèses du réalisme et de lhistoire sont intrinsèquement liées. Pensée des origines, savoir archéologique, recherche des causes profondes, le réalisme naît de lhistoire telle que la pratiquent les grecs. Avec Thucydide, mais aussi avec son aîné Hérodote, la description historique vient en effet progressivement se déplacer de la narration des causes subjectives à la recherche des causes structurelles des conflits3. À rebours des narrations moralistes, promptes à célébrer la vertu et les actions héroïques, lhistoriographie de ces auteurs sattache à mettre en lumière les causes du développement du fait historique, à identifier les mécanismes du pouvoir qui sont à la base des troubles, à découvrir les motivations secrètes des acteurs. Le premier terrain investi par cette pensée du refus des apparences est donc celui de la guerre et du conflit. Mais une place de choix doit ici être accordée à luvre de Thucydide, qui a ceci de plus quelle ne se résume pas à la création dune science de lhistoire : véritable anthropologie, elle se distingue par la profondeur avec laquelle elle sonde les dessous de la nature humaine. Lauteur de lHistoire de la guerre du Péloponèse4 est le
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« Lassunto che la politica costituisca un ambito autonomo dellattività umana e debba venir concepita come lotta che ha per fine il potere e per mezzo la forza è, infatti, comune a epoche e società diverse », P. P. Portinaro, Il realismo politico, Editori Laterza, 1999, p.67.
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« La peculiarità del realismo occidentale è nella sua concezione della storia, quale è emersa fin dal mondo greco » Ibid., p.67.
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Hérodote est considéré comme le père de lhistoire. La tradition veut que son récit des guerres médiques (490-480) ait à ce point ému Thucydide quil en détermina sa vocation. En réalité, une grande place est encore accordée dans son historiographie aux oracles et à linfluence du religieux.
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LHistoire de la guerre du Péloponnèse a été rédigée entre 431 et 411 avant notre ère. Nous nous référerons à la traduction de Jacqueline de Romilly, publiée en 1990 chez Robert Laffont.
35 premier à analyser le rapport problématique entre ce que les hommes font et ce quils disent, veulent ou devraient faire. La leçon de Thucydide est celle dune dissonance, dune non- réconciliation, dune fissure entre actions et discours. A ce dualisme entre réalité de laction et apparence des discours se joignent des constantes anthropologiques, telles que la peur ou lhonneur. Ces éléments constitueront le paradigme du réalisme chez Thucydide.
1. Une anthropologie naturaliste et pessimiste
Contrairement au genre mythologique ou autres épopées, dans lesquelles les dieux apparaissent comme les maîtres du sort, le récit de Thucydide est séculaire et terrestre. Il y écarte les explications supranaturelles et accorde une faible importance aux actions héroïques :
« Thucydide part du désordre des faits bruts, ou plus exactement puisquil est difficile de faire intervenir une notion objective aussi suspecte du désordre qui peut se manifester quand parviennent à lhistorien des relations diverses, toutes incomplètes et établissant des points de vue divers ; sur ce désordre on dirait quil pose une grille ; cette grille dissimule tout ce qui à ses yeux est adventice pour ne laisser transparaître que des éléments liés entre eux par un rapport interne : à ce moment-là, comme un message sexprime par une série de lettres quand on cache celles qui ne comptent pas, lensemble devient lisible, prend un sens1 ».
Thucydide met donc en place un système de causalité interne aux évènements quil relate : « Lhistoire de Thucydide est résolument humaine et tous les enchaînements quil présente le sont également2 », nous offrant ainsi « un univers réaliste, où saffrontent les égoïsmes et les violences3 ». Lhistoire quil pratique est donc sécularisée et résulte dun entrecroisement de plusieurs éléments humains. En premier lieu desquels la nécessité4 : nécessaire devient la guerre lorsque sur une aire géométrique commune se répartissent deux puissances. La guerre engendre la nécessité dune domination armée et violente, qui laisse lhomme dépourvu de maîtrise du cours historique. La guerre a ses lois inexorables et en
1 J. de Romilly, La construction de la vérité chez Thucydide, cité par J-M. Ruiz, Ibid., p.23.
2 J. de Romilly, introduction à Histoire de la guerre du Péloponèse, Éditions Robert Laffont, 1990,
Paris, p.149.
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Ibid., p.149.
4 Pour une analyse de la fonction de la nécessité dans la pensée de Thucydide, nous renvoyons à Peter
R. Pouncey, The necessities of war. A study of Thucydides pessimism, Columbia University Press, New York, 1980.
36 même temps elle confronte lhomme au hasard du cours historique. Le conflit met en lumière des sentiments et des comportements extrêmes qui, en temps de paix, demeurent à létat latent. Il engendre une forme dhybris, de violence démesurée et non retenue. Mais il possède en même temps une dynamique qui peut être lobjet de considérations rationnelles : de lui émergent crainte, utilité et honneur, qui constituent pour les hommes des motifs de lagir stratégique. Lhistoire de Thucydide, si elle obéit à une loi de nécessité, est donc également motivée par linfluence de facteurs humains. Mais Thucydide reste cependant clair quant à ce qui gouverne réellement lhistoire : « Brochant sur le tout, le désir et lespérance, lun ouvrant la route et lautre le suivant, lun imaginant laffaire tandis que lautre promet tout bas la faveur du sort, causent les plus grands dommages et, dans leur action cachée, sont plus forts que les dangers visibles1 ». La politique est donc un mélange dans lequel, plus que la raison et le calcul, importent les émotions et les passions. Une des premières leçons du réalisme est donc la suivante : sil existe des constantes dans laction humaine du développement historique, ces constantes, pour irrationnelles quelles soient, demeurent en grande partie impondérables.
Le récit de Thucydide prend appui sur une analyse du genre humain. Il impute la responsabilité de la guerre à des causes anthropologiques : sans un sentiment dappréhension ressentie par les puissances extérieures, lexpansion athénienne naurait pas nécessairement mené au conflit. Lhistorien place donc au centre de son analyse une constance du genre humain :
« À laudition, labsence de merveilleux dans les propos rapportés paraîtra sans doute en diminuer le charme ; mais si lon veut voir clair dans les évènements passés et dans ceux qui, à lavenir, en vertu du caractère humain qui est le leur, présenteront des similitudes ou des analogies, qualors, on les juge utiles, et cela suffira : ils constituent un trésor pour toujours plutôt quune production dapparat pour un auditoire du moment2 ».
Thucydide nenvisage pas le temps comme une simple répétition, encore moins comme un éternel retour. Il ne pense pas que les évènements puissent se répéter éternellement : il considère quils illustrent un ensemble de vertus et de faiblesses humaines,
1 Thucydide, Livre III, chap. 45, p.327. 2
Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponèse, Éditions Robert Laffont, 1990, Paris, Livre I, chap. 22, p.183.
37 de passions et de désirs que lon retrouvera en des temps ultérieurs. La guerre telle que la dépeint Thucydide est en quelque sorte loccasion dune expérience-limite1 où la nature humaine montre sa vraie face. Commentant les guerres civiles accompagnant laffrontement des deux puissances, Thucydide fait valoir sa conception pessimiste du genre humain :
« À la faveur des troubles, on vit sabattre sur les cités bien des maux, comme il sen produit et sen produira toujours tant que la nature humaine restera la même, mais qui saccroissent ou sapaisent et changent de forme selon chaque variation qui intervient dans les conjonctures. En temps de paix et de prospérité, les cités et les particuliers ont un esprit meilleur parce quils ne se heurtent pas à des nécessités contraignantes ; la guerre, qui retranche les facilités de la vie quotidienne, est un maître aux façons violentes, et elle modèle sur la situation les passions de la majorité2 ».
Une situation conflictuelle semble donc accroître les penchants de la nature humaine aux attitudes irrationnelles. Sous la pression des nécessités, ce sont la peur et la colère qui, par une sorte dimmuabilité de la nature humaine, prennent le pas sur la raison : « Bref, il est impossible et bien naïf qui se limagine que la nature humaine, quand elle tend ardemment vers une action, en soit détournée par la force des lois ou quelque autre menace3 ». Valeurs et raison se plient donc sous linertie du genre humain.
2. Primat du conflit et de la puissance
Corollaire de son anthropologie du genre humain, la conception de la politique est chez Thucydide fondée sur la puissance et la crainte. Ce quil désigne comme « la cause la plus vraie » du déclenchement de la guerre entre Sparte et Athènes lillustre parfaitement : « En fait, la cause la plus vraie est aussi la moins avouée : cest à mon sens que les Athéniens, en saccroissant, donnèrent de lappréhension aux Lacédémoniens, les contraignant ainsi à la guerre4 ». Cet extrait, souvent cité comme illustration de la vision des relations interétatiques de son auteur, est une clé de la pensée réaliste. Présentée dans le Livre I, cette affirmation constitue le point de départ de son analyse historique. Affirmer comme il le fait que la vraie
1 Nous empruntons ce terme à Jacqueline de Romilly (J. de Romilly, introduction à Histoire de la
guerre du Péloponèse, Éditions Robert Laffont, 1990, Paris, p.160).
2 Thucydide, Ibid., p.344. 3
Ibid., Livre III, chap. 45.
38 cause de la guerre réside dans laccroissement de la puissance athénienne ne procède pas dune méthode inductive. Sil nous informe de cela dès le début de son histoire, cest quil en fait un de ses présupposés de la compréhension des évènements politiques quil a sous les yeux. Mais il précise également que le déclenchement de cette guerre ne fut nullement recherché par les générations dathéniens qui, senrichissant et construisant des forts, navaient cherché quà se protéger des barbares. Ce faisant, lappréhension des puissances extérieures crût devant ce quelles considéraient être une menace. Thucydide énonce ici un dilemme fondamental, clé de la pensée réaliste et anticipateur de létat de guerre hobbesien : en recherchant sa sécurité, un État on pourrait élargir à lhomme crée de linsécurité chez lautre.
Les réflexions de Thucydide sur le rôle du tiers dans la bataille sont également pénétrantes et initiatrices de développements ultérieurs au sein de la tradition réaliste. La logique polarisante qui est à la base du conflit entraîne chez lui toute une réflexion sur la place des alliances ou lévaluation des forces adverses. Dans le dialogue entre Méliens et Athéniens, il fait dire aux premiers :
« Pour ce qui est du sort, nous comptons que la divinité ne nous laissera pas le désavantage, car nous nous dressons en hommes pieux contre un parti sans justice, et, pour ce qui est de linsuffisance de nos forces, nous comptons sur lalliance lacédémonienne, qui devra nécessairement nous porter secours, quand ce ne serait quà cause de notre parenté et au nom de lhonneur. Notre assurance nest donc pas tout à fait irrationnelle que cela1 ».
Le sort renvoie ici à laide divine, qui symbolise un tiers transcendant. Le rejet du surnaturel, dont nous avions dit quil caractérisait luvre de Thucydide, est donc ici à nuancer. En revanche, et cest ce quil nous faut retenir, Thucydide pose ce qui deviendra par la suite un topos récurrent du réalisme : dans un rapport conflictuel polaire, le comportement dun tiers ne peut être ni neutre ni bénévole.
Conséquence de cette mécanique de la puissance et du conflit, la question de léthique joue un rôle central. Dans le dialogue entre athéniens et lacédémoniens du Livre I, faisant allusion au changement de politique de ces derniers, il fait dire à lorateur athénien : « et cétait votre avis, jusquà aujourdhui, où, calculant votre intérêt, vous invoquez des raisons
39 de justice, qui jamais, devant une occasion dacquérir quelque chose par la force, nont prévalu pour empêcher quelquun de sagrandir1 ». Si Thucydide semble ici ne laisser quune place marginale aux considérations éthiques, il nest pas pour autant un thuriféraire aveugle dune politique de puissance livrée à elle-même. Il loue ainsi la figure de Périclès, figure de prévoyance et de prévision. Cest pour lui faire preuve de mérite que dexposer publiquement les conséquences de ses choix politiques2. Entrer en guerre implique de la part du chef une prise de responsabilité, anticipant là une idée wébérienne. Thucydide accorde donc une importance à léthique dans la politique, mais celle-ci est avant tout et essentiellement celle de la responsabilité.
La démarche intellectuelle de Thucydide, en phase avec lesprit humaniste et rationnel se déployant alors sur Athènes, pose les bases du réalisme politique. La muse du réalisme est donc grecque et historique, même sil évoluera jusquà sen détourner par la suite. Mais nous pouvons malgré tout relever ce qui au fur et à mesure saffirmera de plus en plus comme un paradoxe et que toute histoire du réalisme politique se devrait de soulever : né dune volonté de mettre en lumière un événement historique, le réalisme ne tardera pas à se transformer en une étude du pouvoir vouée à mettre en évidence, par le biais de la comparaison, luniformité plutôt que la singularité, minimisant ainsi les différences historiques au profit des constantes anthropologiques et de limmuabilité du pouvoir. Le réalisme cherche ainsi à cueillir luniversel dans le particulier. Thucydide a semble-t-il touché un tel universel que cette tendance à uniformiser les singularités historiques se retrouvera chez tous les auteurs ultérieurs qui se réclameront du réalisme.
B/ Philosophie, christianisme et réalisme
Entre les deux grands noms du réalisme que sont Thucydide et Machiavel, il semblerait que la problématique du réalisme ait connu une période de vide. Il nest en effet pas réellement dauteurs appartenant ou ayant directement contribué au développement du réalisme politique. Les questions relatives à la réalité sont en revanche largement débattues
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Ibid., Livre I, chap. 76, p.113.
40 dans le cadre de la querelle des universaux, débat qui prend ses sources dans les philosophies de Platon et dAristote et qui a traversé le Moyen-âge. Cette querelle, pour importante quelle soit, ne nous intéresse pas directement dans létude du réalisme politique. Ce qui mérite en revanche notre attention, cest la manière dont la philosophie, née dans la foulée du réalisme, a pu tenter de le contrecarrer et dapporter une alternative aux désillusions et à la vision désenchantée du monde, véhiculées par le réalisme. Cette jonction nous donnera également lopportunité de questionner les rapports entre le christianisme naissant et le réalisme qui, sils nont a priori rien en commun, offrent en réalité certaines similitudes. Bien que rarement abordée, cette jonction offre un point de vue différent et éclairant sur le réalisme.
1. La philosophie contre le réalisme ?
La naissance du réalisme politique précède de peu celle de la philosophie classique hellénique. Le programme de cette philosophie classique naissante peut, par certains aspects, être considéré comme une réaction à ce que produit linvestigation désenchantée de la réalité : « Si Thucydide définit le paradigme du réalisme politique, Platon élabore le modèle de lalternative philosophique ou de la réponse philosophique au réalisme1 ». Au réalisme désenchanteur de lentreprise de Thucydide, va répondre le projet platonicien, normatif, de la création de la Cité. Le modèle de la Cité idéale que dessine Platon dans la République peut être considéré comme lacte fondateur de lidéalisme politique, même si les diagnostiques dont il part pour élaborer sa cité utopique sont de lordre du réalisme : désordre des passions, corruption des gouvernants et des élites. Le projet platonicien est en réalité à la fois négation et conservation du réalisme politique : utopique comme cité modelée sur le devoir-être mais réaliste quant au constat du mal-être et son fonctionnement. Dans le dialogue entre Socrate et Thrasymaque du premier livre de la République2 apparaît également cette opposition, cette fois relative à la question du commandement. Alors que pour le premier le commandement na pour objectif que de répondre à lintérêt des plus faibles, Thrasymaque considère lui que la justice nobéit quà lintérêt du plus fort, que la politique nest que lart de contourner la faiblesse et la vilité des masses.
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« Se Tucidide definisce il paradigma del realismo politico, Platone elabora il modello dellalternativa filosofica, o della risposta filosofica, al realismo », P. P. Portinaro, Ibid., p.33.
41 Dans le programme utopique de Platon sont par conséquent déjà contenues les raisons des tensions durables entre philosophie et politique qui, si lon suit Hannah Arendt, ont marqué de leur sceau toute la tradition occidentale1. De même, dans le dialogue quil reconstruit sur le modèle de lAlcibiade de Platon, son contemporain Bertrand de Jouvenel mettra lui aussi en évidence cette opposition2 : le philosophe craint le mal que peut engendrer laction politique, tandis que le politique redoute les conséquences de linaction et de lindécision ; Platon enjoint Alcibiade à réfléchir à lidée de bien, le second raille lidée de