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CHAPITRE 3 : EVALUATION DE LA REPONSE INDUITE PAR L’INJECTION

3.2 Hypothèse de la biodisponibilité nulle

La très grande efficacité de notre CD40L sur les cellules bovines lors des tests in vitro semblait peu compatible avec l’absence totale d’effet observé in vivo. Nous avons alors pensé que le GST- CD40L n’arrivait probablement pas à atteindre les cellules immunitaires cibles. Peut-être était-il détruit ou séquestré sur le site d’injection sans pouvoir rejoindre le flux lymphatique. Deux hypothèses étaient alors envisageables : la destruction par le système immunitaire ou une précipitation pure et simple du GST-CD40L devenu insoluble pour une raison inconnue.

3.2.1 Hypothèse de la destruction par le système immunitaire

L’opsonisation de toutes les protéines GST-CD40L injectées par des anticorps anti-GST paraissait peu probable car la vache ne peut logiquement pas posséder à l’état naïf une quantité d’anticorps anti-GST suffisante. Le phénomène aurait dû être marginal et silencieux lors de la première injection et même si cela s’était produit à la seconde injection, un effet du GST-CD40L aurait dû persister jusqu’au sacrifice.

3.2.2 Hypothèse de la précipitation au niveau du site d’injection

Cette hypothèse, par contre était de loin la plus plausible, surtout si l’on se souvient des problèmes de solubilité rencontrés tout au long du travail.

3.2.2.1 Fondements théoriques et précision de l’hypothèse

Une fois injecté, le GST-CD40L est théoriquement dans le compartiment extracellulaire, plus précisément le liquide interstitiel, maintenu à pH 7,4 par le tampon bicarbonate et contenant 150 mM de NaCl et 20g albumine /l. Nous savions déjà que le rendement de production du GST- CD40L était diminué de plus de 50% lorsqu’on réalisait la purification sur colonnes d’affinité pour la GST à pH 7 (figure 56 A) et que de manière globale la protéine supportait mal les diminutions de pH. Or, comme nous l’avons expliqué dans le matériel et méthodes, la protéine

169 est stockée dans un tampon Tris faiblement concentré (20 mM) à pH 8,6. Le tampon de stock étant faiblement concentré, il est probablement supplanté par le tampon du milieu interstitiel lors de l’injection et la protéine se retrouve très rapidement à pH 7,4. Il faut signaler que cela est un choix délibéré, visant à éviter de perturber l’homéostasie et le confort de la génisse lors de l’injection. La perte de 50% de la protéine ne paraît pas dramatique à priori, cependant la dynamique des fluides dans les compartiments liquidiens impliquait la prise en compte d’un facteur supplémentaire : la concentration du ligand. Nous avons émis l’hypothèse que la majorité du tampon constituant le vaccin injecté était sans doute trop vite réabsorbé par le compartiment lymphatique et sanguin. Seuls les antigènes et les protéines recombinantes, logiquement moins diffusibles, restaient alors sur place. Cela ne posait probablement pas de problème pour l’antigène HKSA qui restait disponible dans la zone d’injection, mais était beaucoup plus gênant pour le GST-CD40L qui, dépassant sa concentration maximale de solubilité, devait précipiter et devenir inefficace.

3.2.2.2 Vérification

Un échantillon du pool de GST-CD40L, de concentration 0,4 mg/ml et de pH 8,6, prêt à être incorporé au mélange vaccinal a subi les modifications expérimentales expliquées dans le matériel et méthodes afin de réaliser une modélisation de la solubilité du ligand après injection. Le résultat est donné par la figure 55. On remarque qu’à pH 8,6, aucune protéine ne précipite quelle que soit la concentration ou la présence de protéine porteuse (BSA). A pH 5,6, par contre, la totalité du GST-CD40L non dilué (0,4 mg/ml) précipite (98%). Il faut signaler que cette valeur n’est pas seulement relative, en effet absolument tout le GST-CD40L était précipité car le dosage par méthode de Bradford du surnageant de cette condition donnait exactement 0,000 mg/ml. En revanche, lorsque, tout en restant à pH 5,6, on passe aux conditions diluées ou diluées avec protéine porteuse, on constate que la précipitation diminue : 85 % de précipitation pour la condition diluée et 72 % pour celle diluée avec protéine porteuse. Mais les résultats les plus intéressants pour la vaccination sont bien sûr ceux obtenus au pH que le GST-CD40L doit normalement rencontrer sur le lieu de l’injection, c’est-à-dire 7,4. Dans ce cas, alors que le GST- CD40L non dilué précipite à près de 57%, seul 37% du GST-CD40L dilué 4 fois et surtout seulement 16% de celui dilué avec protéine porteuse précipitent. Le résultat de ce modèle semble confirmer notre intuition en apportant la preuve qu’à la concentration de travail, la protéine déjà purifiée précipite de plus de moitié lorsqu’on la place au pH physiologique. En effet, jusqu’ici nous n’avions vérifié l’effet délétère d’une diminution de pH que lors de l’étape d’élution sur les colonnes de purification. Il n’était pas certain que cet effet se retrouverait pour un GST-CD40L ayant terminé le processus de purification. Comme c’est bien le cas, cela appuie l’hypothèse faite

170 plus haut selon laquelle si la concentration de GST-CD40L augmentait au site d’injection suite à la réabsorption rapide du tampon injecté, il précipiterait d’autant plus. En effet, si la solubilité est augmentée par la dilution, alors la diminution de la solubilité par concentration semble à priori logique. L’efficacité nulle constatée pourrait donc s’expliquer par le fait que nous n’ayons alors pas obtenu 43 % (i.e. 100-57) de GST-CD40L non précipité et actif au site d’injection, mais une quantité proche de 0, à cause de la concentration par résorption du tampon.

Les preuves fournies par cette expérience combinées aux informations déduites de la tentative d’immunisation des génisses du groupe B nous ont orientés vers l’amélioration majeure à apporter à la formulation du vaccin. La nouvelle formule devait diminuer au maximum la précipitation de la protéine induite par la diminution du pH et par l’augmentation de la concentration au-delà du seuil d’insolubilité. Pour cela, elle devait être stabilisée par une protéine porteuse telle que la BSA et être diluée dans un grand volume afin de rester peu concentrée même après réabsorption du tampon injecté par les tissus. Plus longtemps la protéine resterait diluée, plus longtemps elle serait soluble et active et en mesure de se déplacer et de stimuler les cellules immunitaires.

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Fig 55: Pourcentage de précipitation du GST-CD40L en fonction du pH, de la concentration et de la présence de protéines porteuses. De gauche à droite, les protéines sont concentrées à 0,4mg/ml, 0,1mg/ml ou 0,1mg/ml avec 1% de BSA. Ces 3 conditions sont testées (toujours de gauche à droite) pour un pH de 8,6, puis pour un pH de 7,4 puis enfin 5,6. Les ** représentent une différence significative (p=0,001 dans le test de Student). Les données présentées sont les valeurs moyennes  SD de 2 dosages indépendants de chaque condition analysée en triplicat et sont représentatives de 2 expériences indépendantes.

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4 Modification de la formule et du protocole vaccinal

Les conclusions du point précédent ont permis la préparation de la seconde formule vaccinale détaillée dans le matériel et méthodes. Celle-ci contient ainsi 1% de BSA et seulement 7 mg de GST-CD40L dans un volume de 70 ml au lieu de 25 mg dans 62 ml. Comme la concentration en ligand a été volontairement divisée par 4 mais que nous voulions injecter une quantité totale proche, nous avons dû multiplier les injections : au final, nous avons injecté le vaccin pendant 3 jours consécutifs lors des 2 périodes d’immunisation des génisses du groupe C.

5 Preuve de l’efficacité in vivo de l’adjuvant GST-CD40L produit

Comme expliqué précédement, nous avons finalement injecté à gauche le GST-CD40L+ HKSA et à droite le contrôle GST+ HKSA pour les 3 génisses du groupe C. Dès le 3e jour du protocole, un effet du GST-CD40L semblait déjà apparaître : le nœud lymphatique GST-CD40L gauche semblait doublé de volume alors que le contrôle GST droit restait inchangé. Cette constatation encourageante, même si peu précise, s’est répétée invariablement pour les 3 génisses. On a également remarqué que l’adénomégalie persistait pendant 8 jours puis disparaissait jusqu’à l’injection suivante.

5.1 Réponse humorale

Le but de l’évaluation de la réponse humorale spécifique de HKSA tout au long du protocole des génisses du groupe C n’était pas de mettre en évidence un effet du CD40L par rapport au contrôle GST puisque chaque génisse avait reçu les 2 traitements simultanément. Il s’agissait simplement de vérifier que l’immunisation avait engendré une réponse, tel un contrôle positif général de l’expérience. La figure 56 montre l’augmentation des taux sériques d’IgG (figure A) et d’IgG2 (figure B) par rapport au taux basal mesuré avant le début du protocole pour 2 dates particulières de l’expérience. De manière générale, les taux sériques ont été multipliés par 2, tout comme l’avaient été ceux des génisses du groupe B. Une immunisation a donc bien eu lieu suite aux injections réalisées.

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